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Nonante ou quatre-vingt-dix ?

Aux origines de la numération vigésimale en Eurasie dans la grande profondeur de l’histoire des langues

de Christian Perrein (Éditeur de volume)
©2018 Monographies 174 Pages

Résumé

L’Homme a su dénombrer et compter avant de savoir écrire. En Eurasie, notre première numération s’est incarnée dans le langage à une date antérieure à celle de l’invention de l’écriture en Mésopotamie où naissent les premières sociétés agropastorales.
Dans l’espace francophone, le système de numération est profondément décimal, basé sur « 10 ». Pourtant, les traces d’un système vigésimal fondé sur « 20 » sont conservées en français standard, avec quatre-vingts et quatre-vingt-dix, au lieu d’octante / huitante et nonante. Outre des difficultés pour l’apprentissage du nombre, ces irrégularités de la numération, partagées notamment par le breton ou le gallois (langues celtiques), mais aussi par le danois (langue germanique) et le basque, demeurent le casse-tête des linguistes et des historiens.
La résolution tout à fait inédite de cette énigme apporte surtout du « grain à moudre » à la controverse scientifique qui fait rage aujourd’hui sur l’âge des langues indo-européennes et l’époque de formation de ses familles.
Cette minutieuse enquête à l’échelle continentale dans les recoins les plus actuels des sciences – linguistique historique, aréale et typologique, dialectologie, philologie, archéologie préhistorique, anthropologie sociale, psychologie cognitive, arithmétique, etc. – nous fait entrevoir le chemin parcouru par l’humanité pour concevoir, depuis les sociétés de chasseurs-cueilleurs, la pluralité et l’idée de nombre.

Table des matières

  • Couverture
  • Titre
  • Copyright
  • Sur l’auteur
  • À propos du livre
  • Pour référencer cet eBook
  • Table des matières
  • Remerciements
  • Introduction
  • 1re partie: Une brève histoire des nombres cardinaux du français
  • La « manière ordinaire de compter »
  • L’Atlas linguistique de la France
  • La numération vigésimale dans les parlers d’oc
  • La numération décimale dans les parlers francoprovençaux et d’oïl
  • Une aire de numération vigésimale relictuelle dans les parlers francoprovençaux
  • La coexistence de deux systèmes de numération
  • Romanisation et christianisation
  • Les hypothèses explicatives
  • Les noms de nombres gaulois et l’hypothèse celtique
  • L’hypothèse germanique et normande
  • L’hypothèse pré-indo-européenne
  • 2e partie: La numération vigésimale en Eurasie
  • La notion de base de numération
  • L’écozone paléarctique
  • Le système de numération vigésimal
  • L’inventaire de la vigésimalité en Eurasie
  • Afro-asiatique
  • Aïnou
  • Altaïque
  • Austro-asiatique
  • Basque (euskara)
  • Bourouchaski
  • Caucasique
  • Coréen
  • Dravidien
  • Eskimo-aléoute
  • Hmong-mjen (miao-yao)
  • Iénisséien
  • Indo-européen
  • Japonais
  • Kartvélien
  • Nivkh
  • Ouralique
  • Sino-tibétain
  • Taï-kadaï
  • Tchouktche-kamtchadale
  • Youkaghir
  • Aires linguistiques et vigésimalité
  • Les aires linguistiques et les langues-noyaux vigésimales
  • L’aréalité de la numération vigésimale
  • La vigésimalité dans le subcontinent indo-pakistanais
  • La géographie de la vigésimalité
  • Famille austro-asiatique
  • Famille sino-tibétaine
  • Famille dravidienne
  • Famille indo-européenne
  • Les hypothèses de classement des macrofamilles de langues
  • Les hypothèses « nostratique » et « eurasiatique »
  • L’hypothèse « déné-caucasienne »
  • Macrofamilles et langues-noyaux vigésimales
  • La vigésimalité ouest-paléarctique
  • La vigésimalité du tachelhit
  • Une similitude aréale avec des numéraux ordinaux
  • Un système de numération fossile subatlantique
  • 3e partie: Une numération « archaïque » d’origine mésolithique ?
  • Le paradigme de la continuité paléolithique
  • La « thèse paléolithique » de l’origine des langues indo-européennes
  • L’ethnogenèse des Celtes et le mégalithisme atlantique
  • Le concept d’iconymie et la baleine
  • La géographie historique du basque
  • Les hydronymes « vieil européen »
  • Les études hémotypologiques et génétiques
  • Archéologie du comptage et de la numération
  • Les systèmes de comptage
  • Philologie et morphologie des premiers numéraux
  • Le nombre grammatical, la dualité et la pluralité
  • Les numéraux dans les langues des chasseurs-cueilleurs
  • Une tradition orale néolithique à l’origine des mathématiques ?
  • La numération vigésimale est-elle d’origine mésolithique en Eurasie ?
  • Le principe du conservatisme des zones périphériques
  • La vigésimalité : un relatif « archaïsme »
  • La conquête du nombre par étapes
  • Conclusion. L’hypothèse mésolithique
  • Références
  • Annexe
  • Index des langues et des familles de langues citées
  • Index des auteur(e)s

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Remerciements

Le présent essai sur les noms de nombres vigésimaux dans l’écozone paléarctique doit énormément aux récentes et multiples facilités de recherche documentaire offertes par le réseau public mondial utilisant le protocole de communication IP (Internet Protocole), notamment le World Wide Web. En premier lieu et plus particulièrement pour son sujet, cet ouvrage n’existerait pas s’il n’y avait eu la base de données des Numeral Systems of the World’s Languages, animée et documentée par Eugene S.L. Chan, « a collaborative project » supporté par le département de linguistique du Max-Planck Institute de Leipzig (Allemagne), sous la supervision du professeur Bernard Comrie entre juin 2006 et mai 2015. C’est aussi, pour les nomenclatures, classifications et cartographies de plusieurs centaines de langues, notamment en Asie du Sud, le rôle décisif joué par Ethnologue : Languages of the World, un ouvrage dont la 17e édition mise en ligne en 2013 dresse le catalogue complet de toutes les langues vivantes connues, grâce à l’implication de centaines de linguistes depuis 1951, sous l’égide du SIL International (Summer Institute of Linguistics) à Dallas (Texas). C’est encore toutes les bibliothèques numériques – notamment celle de la Bibliothèque nationale de France – qui ont permis de consulter une quantité d’ouvrages auxquels il serait bien difficile d’accéder matériellement, tels les innombrables dictionnaires et anciennes grammaires auxquels ce travail est redevable. Enfin, dois-je avouer avoir contracté une profonde dette de reconnaissance envers les traducteurs automatiques en ligne… car, bien que nourrissant une grande et déraisonnable passion pour les sciences et les mots, je n’en ai pas moins, hélas ! des compétences linguistiques très limitées !

Sur un plan moins technologique, de manière plus physique et incarnée, ma reconnaissance va aux innombrables personnes exerçant le métier de bibliothécaire ou de libraire qui ont contribué à cette recherche, me permettant aussi bien d’acquérir ou d’emprunter et de lire n’importe quel ouvrage, rare, épuisé ou publié dans une cité lointaine. Bien sûr, mes remerciements s’adressent tout d’abord au personnel des bibliothèques et librairies nantaises, et en tout premier lieu, à celui des bibliothèques ← 11 | 12 → de l’Université de Nantes (France) où, comme lecteur autorisé, j’ai accumulé une dette de reconnaissance des plus considérables. Mes plus vifs et sincères remerciements vont à Laure Teulade, responsable de la Bibliothèque universitaire de Lettres et Sciences humaines et sociales, ainsi qu’à Lynda Carlut et Fabienne Rocher, responsables du service du prêt entre bibliothèques, dont le parfait professionnalisme a souvent été mis à l’épreuve. Dans une activité de recherche isolée et recluse depuis plusieurs années, la Bibliothèque universitaire a été plus qu’un lieu de travail partagé et c’est l’occasion d’y remercier également Jean-François Savang pour nos chaleureux échanges sur les œuvres de Joseph Vendryes (1875-1960), Émile Benveniste (1902-1976) ou Henri Meschonnic (1932-2009).

Un premier manuscrit en français, sous le titre « La numération vigésimale dans l’écozone paléarctique est-elle d’origine mésolithique ? / Does vigesimal counting systems in the Palearctic ecozone have Mesolithic roots ? », envoyé le 3 mai 2015 à Current Anthropology (ms. 309329) a bénéficié sur quelques points de détail d’utiles remarques de deux reviewers parmi les meilleurs linguistes ayant travaillé sur les numéraux des langues du Monde. De manière plus générale, l’un d’entre eux a pu déclarer : « What I find unacceptable, however, is the use made of material from other disciplines, where the author appears to select randomly from a wide range of different approaches in order to bolster his claims from outside linguistics. Unfortunately, if one takes such a “shotgun” approach, it is almost inevitable that one will find “evidence” in favor of a particular linguistic position – and, equally, “evidence” against it ». Bien que ce reproche me soit apparu en l’occurrence tout à fait illégitime et que cette soumission ait donc abouti six mois et demi plus tard sur un refus de publication du rédacteur en chef de la revue, déclarant : « I acknowledge that the reviews are quite mixed », cet échec a représenté un formidable encouragement à persévérer dans cette direction de recherche transdisciplinaire.

Au plan académique, il m’est surtout particulièrement agréable de remercier les deux tout premiers lecteurs et correcteurs du manuscrit du présent ouvrage. Il s’agit de Jack Feuillet, professeur émérite des universités à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Paris), grammairien et linguiste spécialiste de grammaire comparée et de typologie linguistique (langues slaves, balkaniques et germaniques), et de Jacques Gapaillard, ancien élève de l’École normale supérieure de Saint-Cloud (France), professeur émérite de l’Université de Nantes où il a enseigné les mathématiques et l’histoire des sciences. Enfin, que les ← 12 | 13 → différentes personnes du monde de la recherche ayant répondu à mes sollicitations pour ce projet éditorial reçoivent ici de nouveau l’expression de mes remerciements les plus sincères : Évelyne Barbin, Stella Baruk, André Langaney, Jean-Loïc Le Quellec, Jean-Marc Lévy-Leblond, Valérie Lécrivain et Geoffroy de Saulieu.

Que tous mes amis, notamment à l’Atlas entomologique régional (Nantes), ainsi que mes proches parents, en France et au Maroc, trouvent ici l’expression de mes remerciements les plus amicaux ou affectueux.

Enfin, je ne peux pas manquer d’exprimer toute ma parfaite gratitude à la maison d’édition Peter Lang – en particulier les personnes attachées à son bureau de Bruxelles, notamment Amélie Dumont, Sandra Kuzniak, Laurence Pagacz (directrice), Morgane Raveyts, Alice Rasson et Thierry Waser (éditeur) – et de remercier très sincèrement les trois experts sollicités pour répondre au processus de soumission et d’évaluation du manuscrit. Je suis également très profondément touché par l’aide à la publication que Peter Lang a également rencontrée auprès de l’University Committee for Research in the Humanities and Social Sciences (UCRHSS) de l’Université de Princeton (New Jersey). ← 13 | 14 →

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Introduction

L’expression « employer des mots à quatre-vingt-quinze » est usitée en français de Belgique pour signifier l’emploi d’un vocabulaire recherché, prétentieux, tant il paraît plus normal de dire nonante-cinq comme tout le monde (Rey & Morvan 2005 : 2283). Pour le personnage farouchement régionaliste de ce romancier suisse du canton de Vaud, « Prononcer “quatre-vingts”, et pire encore, “soixante-dix” ou “quatre-vingt-dix”, c’était à ses yeux faire preuve d’un snobisme inqualifiable, c’était insulter le pays »1. N’allons pas croire que septante ou nonante soient seulement des belgicismes ou des helvétismes car, même si le fait est ignoré d’une majorité de Français, ces deux numéraux sont encore parlés et compris par beaucoup de Lorrains, Francs-Comtois, Jurassiens, Bressans, Lyonnais, Dauphinois, Provençaux, Languedociens, Catalans et Béarnais. En outre, pour être plus complet, il ne faudrait pas oublier quelques Luxembourgeois, Italiens de la Vallée d’Aoste, Canadiens de la Nouvelle-Écosse et surtout des millions d’habitants francophones de la République démocratique du Congo (ex-Zaïre), du Burundi et du Rwanda !

Résumé des informations

Pages
174
Année
2018
ISBN (PDF)
9782807609242
ISBN (ePUB)
9782807609259
ISBN (MOBI)
9782807609266
ISBN (Broché)
9782807609235
DOI
10.3726/b14829
Langue
français
Date de parution
2018 (Septembre)
Mots clés
Europe géographie linguistique langue numération
Published
Bruxelles, Berlin, Bern, New York, Oxford, Wien, 2018, 174 p.

Notes biographiques

Christian Perrein (Éditeur de volume)

Docteur en histoire des sciences et des techniques (Paris, ÉHESS), Christian Perrein a publié notamment sur l’archéologie des bocages, l’histoire de l’écologie scientifique et les notions de technotope et de biopatrimoine. Il est l’auteur d’une monumentale Biohistoire des Papillons qui a reçu la plus haute distinction de la Société entomologique de France (prix Réaumur 2012).

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