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Les sociologues chinois de la première moitié du XXème siècle

Traduit par Sun Xuefen

de Peilin Li (Auteur) Jingdong Qu (Auteur) Yabin Yang (Auteur)
©2020 Monographies XII, 326 Pages

Résumé

La Chine de la première moitié du 20ème siècle a connu de nombreux bouleversements dont la fin des dynasties, les mouvements pour la république, les Seigneurs de guerre, de multiples invasions … Elle a aussi vu son milieu culturel et académique s’épanouir. Pendant cette période, la sociologie chinoise contemporaine a pris forme, s’est développée, et a exercé une influence non négligeable dans le monde intellectuel. La variété des approches et la qualité des recherches en sociologie ont atteint un niveau remarquable. Les travaux réalisés durant cette période constituent un héritage précieux et une base solide et incontournable pour les recherches contemporaines en la matière. Après l’arrêt de toute recherche sociologique pendant presque 30 ans (les années 50–80), il est important et intéressant de faire connaître les chercheurs qui ont bâti la sociologie chinoise d’aujourd’hui, ainsi que leurs travaux, aux étudiants et chercheurs de nos jours.

Table des matières

  • Couverture
  • Titre
  • Copyright
  • À propos de l’auteur
  • À propos du livre
  • Pour référencer cet eBook
  • Table des matières
  • Introduction
  • 1 La sociologie basée sur la conception matérialiste de l’histoire
  • I. LI Dazhao et la sociologie basée sur la conception matérialiste de l’histoire
  • 1. Vie et ouvrages
  • 2. LI Dazhao et la sociologie basée sur la conception matérialiste de l’histoire
  • 3. LI Dazhao et la diffusion du marxisme en Chine
  • II. QU Qiubai et la sociologie basée sur la conception matérialiste de l’histoire
  • 1. Vie et ouvrages
  • 2. QU Qiubai et la sociologie basée sur la conception matérialiste de l’histoire
  • 3. QU Qiubai, MAO Zedong et LU Xun
  • III. LI Da et Les grandes idées de la sociologie
  • 1. Parcours académique et ouvrages de LI Da
  • 2. Les grandes idées de la sociologie
  • 3. Différence entre « la nouvelle sociologie » de LI Da et la sociologie traditionnelle
  • IV. WANG Yanan et les études sur la politique bureaucratique
  • 1. Vie et ouvrages
  • 2. WANG Yanan et la traduction du livre Le Capital
  • 3. WANG Yanan et les études sur la politique bureaucratique
  • V. CHEN Hansheng et les enquêtes socio-économiques
  • 1. Vie et ouvrages
  • 2. CHEN Hansheng et les enquêtes socio-économiques
  • VI. XUE Muqiao et la polémique sur la nature de la société rurale chinoise
  • 1. Vie et ouvrages
  • 2. XUE Muqiao et la polémique sur la nature de la société rurale chinoise
  • 3. Un des fondateurs de la théorie de l’économie socialiste de marché
  • VII. FENG Hefa et les études socio-économiques des zones rurales
  • 1. Vie et ouvrages
  • 2. FENG Hefa et les études sociologiques des zones rurales
  • VIII. MA Yinchu et la nouvelle théorie de la population
  • 1. Vie et ouvrages
  • 2. MA Yinchu et la nouvelle théorie de la population
  • 3. MA Yinchu et la science économique à l’époque de la République de Chine
  • 2 La reconstruction rurale et le mouvement pour l’enquête sociale
  • IX. Théorie et pratique de la reconstruction rurale de LIANG Shumin
  • 1. La vie de LIANG Shumin
  • 2. Les principaux objets d’étude de LIANG Shumin
  • 3. La pratique de la reconstruction rurale de LIANG Shumin
  • 4. La théorie de la reconstruction rurale de LIANG Shumin
  • X. TAO Menghe et l’enquête sociale en Chine
  • 1. Vie et ouvrages
  • 2. TAO Menghe et l’introduction de l’enquête sociale en Chine (Les données de la présente partie proviennent de TAO Menhge signé BAI Guoying)
  • 3. TAO Menghe et son Analyse du coût de la vie à Pékin (Source de références pour ce point : L’enquête sur la pauvreté urbaine au début de la Chine moderne, YAN Ming, http://social-policy.info/831.htm.)
  • XI. YAN Yangchu et l’éducation des masses
  • 1. Vie et ouvrages
  • 2. YAN Yangchu et l’éducation des masses
  • 3. YAN Yangchu et la réforme rurale dans le comté de Ding
  • XII. LI Jinghan et l’enquête dans le comté de Ding
  • 1. Vie et ouvrages
  • 2. LI Jinghan et L’enquête sociale dans le comté de Ding
  • 3. « Le dingxianisme » et « l’école de l’autonomie villageoise »
  • XIII. WU Jingchao et la théorie du sauvetage des campagnes par les villes
  • 1. Vie et ouvrages
  • 2. « La quatrième catégorie de pays » de WU Jingchao
  • XIV. LI Shuqing et La société chinoise en métamorphose
  • 1. Vie et ouvrages
  • 2. La société chinoise en métamorphose de LI Shuqing
  • XV. CHEN Xujing et L’issue de la culture chinoise
  • 1. Vie et ouvrages
  • 2. CHEN Xujing et les polémiques
  • 3. CHEN Xujing et l’Université Lingnan
  • 4. L’issue de la culture chinoise de CHEN Xujing
  • 3 L’école chinoise de sociologie
  • XVI. WU Wenzao et la « sinisation » de la sociologie
  • 1. Vie et ouvrages
  • 2. WU Wenzao et la « sinisation » de la sociologie
  • XVII. FEI Xiaotong et la voie de la sociologie
  • 1. Vie et ouvrages
  • 3. Études sur les industries rurales des années 1930–1940 par FEI Xiaotong
  • 4. Les recherches rurales de FEI Xiaotong dans les années 1980
  • XVIII. LIN Yaohua et son livre La maison des ailes d’or
  • 1. Vie et ouvrages
  • 2. La maison des ailes d’or
  • XIX. Martin C. Martin C. YANG et les études rurales
  • 1. Vie et ouvrages
  • 2. Martin C. YANG et l’enquête dans le village Taitou dans le Shandong
  • XX. YANG Qingkun et les religions de la société chinoise
  • 1. Vie et ouvrages
  • 2. C. K. YANG et les recherches anthropologiques sur les sociétés Han
  • 3. C. K. YANG et les religions dans la société chinoise
  • XXI. XU Langguang et la psycho-anthropologie
  • 1. Vie et ouvrages
  • 2. XU Langguang et son livre représentatif Under the Ancestors Shadow
  • 3. XU Langguang et son livre Iemoto : The Heart of Japan
  • XXII. ZHANG Zhiyi et les études de l’industrie rurale
  • 1. Vie et ouvrages
  • 2. ZHANG Zhiyi et l’enquête sur l’artisanat au village de Yi
  • 3. ZHANG Zhiyi et l’enquête sur l’agriculture et le commerce du village de Yu
  • XXIII. TIAN Rukang et les études des populations frontalières
  • 1. Vie et ouvrages
  • 2. TIAN Rukang et son étude sur le rituel religieux Bai du peuple Dai
  • 3. TIAN Rukang et les recherches transdisciplinaires
  • XXIV. SHI Guoheng et les premières enquêtes d’entreprises en Chine
  • 1. Vie et ouvrages
  • 2. SHI Guoheng et l’enquête sur les travailleurs de l’usine Kun
  • XXV. ZHAO Chengxin et l’enquête communautaire
  • 1. Vie et ouvrages
  • 2. ZHAO Chengxin et la méthode d’étude communautaire
  • 3. ZHAO Chengxin et les mémoires des étudiants du département de sociologie de l’Université Yenching
  • 4 « L’école académique » de la sociologie chinoise
  • XXVI. SUN Benwen et les principes de la sociologie
  • 1. Vie et ouvrages
  • 2. Principes de la sociologie de SUN Benwen
  • 3. La psychologie sociale de SUN Benwen
  • XXVII. WU Zelin et Le système de restriction sociale
  • 1. Vie et ouvrages
  • 2. Le système de restriction sociale de WU Zelin
  • XXVIII. XU Shilian et les Grandes lignes du principe de population
  • 1. Vie et ouvrages
  • 2. Les Grandes lignes du principe de population de XU Shilian
  • XXIX. CHEN Da et les études sur le travail et les recherches démographiques en Chine
  • 1. Vie et ouvrages
  • 2. Les études sur le travail, la population et les Chinois d’outre-mer
  • 3. Les études sur les travailleurs chinois de CHEN Da
  • 4. L’étude sur la problématique de la population de CHEN Da
  • XXX. YAN Xinzhe et les études de la population rurale et des entreprises sociales
  • 1. Vie et ouvrages
  • 2. YAN Xinzhe et les études sur la population rurale
  • 3. YAN Xinzhe et les études des entreprises sociales
  • XXXI. KE Xiangfeng et l’étude de la pauvreté
  • 1. Vie et ouvrages
  • 2. KE Xiangfeng et le département de sociologie de l’Université Jinling
  • 3. KE Xiangfeng et l’étude de la pauvreté
  • XXXII. YAN Jingyao et la question de la criminalité
  • 1. Vie et ouvrages
  • 2. L’étude de la criminologie de YAN Jingyao
  • 3. Des liens entre la criminalité et le changement social en Chine de YAN Jingyao
  • XXXIII. YANG Kaidao : études de la société rurale et mise en pratique
  • 1. Vie et ouvrages
  • 2. Une sociologie rurale pour servir la réalité
  • 3. YANG Kaidao et Le système de convention communale en Chine
  • XXXIV. PAN Guangdan et l’eugénisme
  • 1. Vie et ouvrages
  • 2. Les études eugéniques de Quentin PAN
  • 3. Quentin PAN et l’étude de la problématique de la famille en Chine
  • 4. L’étude des acteurs chinois par Quentin PAN
  • XXXV. YANG Kun et les études ethnologiques et mytholgiques
  • 1. Vie et ouvrages
  • 2. YANG Kun et l’étude mythologique
  • 3. YANG Kun et l’étude ethnologique
  • 5 Recherches en histoire sociale
  • XXXVI. LI Anzhai et l’étude des rites et des cérémonies
  • 1. Vie et ouvrages
  • 2. L’étude du Tibet de LI Anzhai
  • 3. LI Anzhai et l’étude des rites et cérémonies
  • XXXVII. QU Tongzu, la société et le droit chinois
  • 1. Vie et ouvrages
  • 2. QU Tongzu, la société et le droit chinois
  • 3. La réorientation vers l’histoire socio-juridique
  • XXXVIII. LEI Haizong et l’étude de la culture chinoise
  • 1. Vie et ouvrages
  • 2. LEI Haizong, La culture et le soldat chinois
  • XXXIX. LIN Tongji et l’histoire morphologique
  • 1. Vie et ouvrages
  • 2. LIN Tongji et l’École Zhanguoce
  • 3. L’histoire morphologique de LIN Tongji et LEI Haizong
  • XL. XIE Guozhen et les recherches en histoire des cercles politiques
  • 1. Vie et ouvrages
  • 2. XIE Guozhen et les recherches sur l’histoire des Ming et des Qing
  • 3. XIE Guozhen et les recherches sur les cercles politiques
  • XLI. LUO Xianglin et les recherches sur les Hakkas
  • 1. Vie et ouvrages
  • 2. Introduction à la recherche sur les Hakkas de LUO Xianglin
  • XLII. FU Zhenlun et les recherches en histoire des chroniques locales
  • 1. Vie et ouvrages
  • 2. FU Zhenlun et les recherches sur les chroniques locales
  • 3. L’étude générale des chroniques locales en Chine de FU Zhenlun
  • XLIII. CHEN Dongyuan et les recherches en histoire de la vie des femmes
  • 1. Vie et ouvrages
  • 2. CHEN Dongyuan et les recherches en histoire des femmes
  • XLIV. QUAN Hansheng et les recherches sur le système des guildes
  • 1. Vie et ouvrages
  • 2. Les recherches en histoire socio-économique
  • 3. QUAN Hansheng et les recherches sur le système des guildes en Chine
  • XLV. FU Yiling et Les études sur l’histoire économique des métayers du Fujian
  • 1. Vie et ouvrages
  • 2. Les études sur l’histoire économique des métayers du Fujian
  • XLVI. YAN Zhongping et Le développement de l’industrie chinoise du textile en coton
  • 1. Vie et ouvrages
  • 2. Le développement de l’industrie chinoise du textile en coton

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Introduction

Les cinq courants de la sociologie chinoise de la première moitié du XXème siècle

LI Peilin

La sociologie chinoise, et plus particulièrement celle de la première moitié du XXème siècle, reste relativement inconnue du milieu sociologique international. En effet, abandonnées dès les années 1950 jusqu’à la fin des années 1970 car « capitalistes », les recherches sociologiques n’ont été reprises en Chine qu’à partir des années 1980 ayant ainsi laissé un vide de presque trente ans. Par conséquent, l’histoire de la sociologie chinoise de la première moitié du siècle dernier, ainsi que les sociologues ayant exercé une influence importante à cette époque, sont toujours méconnus par les étudiants en sociologie d’aujourd’hui.

Dans La Sociologie chinoise avant la révolution, publiée en 2016 par l’Edition de la maison des sciences de l’homme, en France, nous avons décrit le développement des pensées académiques de la sociologie chinoise durant cette période. Dans Les Sociologues chinois de la première moitié du XXème siècle, qui peut d’ailleurs être considéré comme ouvrage jumeau du précédent, nous allons présenter les quarante-six sociologues chinois connus de cette même période, ainsi que leur vie et recherches académiques. Il est à noter que certains parmi eux ont été en même temps historiens, philosophes et économistes.

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Selon leurs théories et orientations académiques, nous pourrions classer ces quarante-six sociologues dans cinq courants idéologiques : sociologie basée sur la conception matérialiste de l’histoire, mouvement de reconstruction rurale et pour l’enquête sociale, école chinoise de sociologie, école académique de sociologie, et recherches en histoire sociale.

La sociologie basée sur la conception matérialiste de l’histoire compte huit représentants dont LI Dazhao, QU Qiubai et LI Da. Historiquement, cette sociologie était étroitement liée au courant socialiste et à la naissance du Parti Communiste Chinois (PCC). LI Dazhao, professeur à l’Université de Pékin, fut un des pionniers du marxisme et du bolchevisme russe en Chine, et aussi un des fondateurs du PCC. QU Qiubai fut, quant à lui, un des principaux dirigeants du PCC. L’introduction en Chine de la conception matérialiste de l’histoire a permis, grâce aux documents disponibles, de trouver une explication cohérente et de combiner l’histoire et la logique pour créer un nouveau langage dans les études ; transformant ainsi le système traditionnel qui jusqu’alors consistait essentiellement à interpréter les œuvres classiques. En Chine, cette jeune sociologie avait pour contenu principal la conception matérialiste marxiste de l’histoire et le socialisme scientifique ; ses intellectuels appelaient leurs pensées sociologiques « la sociologie basée sur la conception matérialiste de l’histoire » ou « la sociologie moderne ». Ils considéraient en effet la sociologie d’avant comme traditionnelle, ancienne et bourgeoise.

Le mouvement de reconstruction rurale et le mouvement pour l’enquête sociale étaient des mouvements réformistes d’intellectuels chinois, qui avaient pour objectif de reconstruire les campagnes. Ces mouvements avaient sept représentants dont LIANG Shumin, TAO Menghe et YAN Yangchu. Certains d’entre eux, dans le but de sauver la patrie et d’y apporter des Lumières, ont réalisé que la Chine était dans son ensemble une société rurale et que, par conséquent, la réforme et l’auto-sauvetage de la nation devaient commencer par la reconstruction rurale. Certains intellectuels de ce courant d’idéologie pensaient que la reconstruction rurale constituait, dans l’histoire de la Chine contemporaine, le sixième mouvement « d’auto sauvetage » de la patrie (après la Révolution des Taiping,1 la Réforme des Cent Jours,2 la Révolution Xinhai de ←2 | 3→ 1911,3 le Mouvement du 4 mai,4 et l’Expédition du Nord5). Tandis que le mouvement pour l’enquête sociale, de la même époque, était un courant d’idéologie plus complexe. Il s’opposait non seulement au respect de l’orthodoxie confucéenne et à l’imitation des anciens, mais aussi à la fascination pour l’étranger et à l’introduction inconditionnelle d’ismes et de systèmes étrangers. Ni conservateur ni radical, ce mouvement combattait aussi bien le passéisme que le réformisme. Les intellectuels partisans de l’enquête sociale croyaient aux préceptes suivants : se rapprocher des campagnes et du peuple, adopter des méthodes scientifiques et s’efforcer de mieux comprendre la situation réelle du pays.

L’école chinoise de sociologie compte parmi ses dix représentants les plus importants WU Wenzao, FEI Xiaotong, LIN Yaohua. Des cinq courants idéologiques de la sociologie chinoise, cette école est la plus connue sur le plan international. Nombreux sont leurs ouvrages qui furent traduits en anglais. Même si nous n’avons pas pu trouver la source exacte du terme d’ « école chinoise », ce nom aurait été donné par des chercheurs étrangers. En théorie et en méthodologie, l’école chinoise de sociologie combina l’Écologie humaine du sociologue américain R. Park et le Structuro-fonctionnalisme de l’anthropologue anglais B. Malinowski. Elle proposa les études de communautés (milieux, micro-sociétés) comme problématique principale de la sinisation de la sociologie, et prôna l’amélioration de la société chinoise par ces mêmes études qui consistèrent essentiellement en recherches de typologie rurale par village. L’école chinoise de sociologie apporta beaucoup d’idées intéressantes, notamment dans les recherches sur les industries rurales et les organisations sociales, ainsi que sur les clans et les religions. Or, dans le contexte social d’alors, où sauver la nation de la perte avait une importance nettement plus grande que d’apporter des Lumières au peuple, les recherches sur les clans et les religions furent progressivement marginalisées. Dans un certain sens, ce fut le principal courant de la sociologie chinoise de l’époque et M. WU Wenzao, son représentant incontournable, fut doyen du département ←3 | 4→ de sociologie de l’Université Yenching.6 Quant à son autre poids lourd, M. FEI Xiaotong, lui, a joué un rôle fondateur dans la reconstruction de la sociologie chinoise dans les années 1980.

L’école académique de sociologie, également appelée « l’école de la synthèse culturelle », compte dix représentants (dont SUN Benwen, WU Zelin et XU Shilian) qui eurent, presque tous, un doctorat en sociologie d’une des universités les plus renommées des États-Unis. SUN Benwen avait étudié aux universités de New York et de Chicago, YANG Kaidao avait étudié à l’Institut de l’Agriculture et de l’Ingénierie de l’Iowa et à l’Université de l’Agriculture du Michigan, Pan Guangdan avait étudié à l’Université Colombia, WU Jingchao à l’Université de Chicago, WU Zelin à l’Université de l’Ohio, CHEN Da à l’Université Colombia, XU Shilian à l’Université de l’Iowa, etc. Les chercheurs de cette école jouèrent un rôle de dirigeants dans la Société chinoise d’études sociologiques, association nationale et dans la publication de son journal nommé La revue de la sociologie. SUN Benwen fut président de la Société et l’éditeur en chef de ladite publication. Au lieu d’être une école idéologique, ce fut plutôt un style académique, qui intégra des théories occidentales (et plus particulièrement celles appliquées aux États-Unis), les associa à la situation chinoise, afin d’obtenir une théorie sinisée. Ses chercheurs apportèrent des contributions considérables dans la construction académique de la sociologie en Chine, ainsi que dans l’élaboration des manuels.

La recherche en histoire sociale compte onze représentants dont LI Anzhai, QU Tongzu et LEI Haizong. L’histoire occupa une place essentielle dans les études académiques traditionnelles. Aussi, l’évolution de ses méthodes de recherche eut des conséquences considérables non seulement sur l’histoire, mais aussi sur toutes les sciences humaines et sociales, la sociologie comprise. En Chine durant la première moitié du siècle dernier, l’émergence de la Nouvelle histoire marqua les recherches en histoire traditionnelle et fut très influente dans le monde académique, toutes disciplines confondues. Au lieu de se référer à la succession des dynasties comme le voulait la tradition, la Nouvelle histoire focalisa sur les aspects matériels, sociaux, économiques, religieux, et culturels. Dans ce contexte révolutionnaire de recherches, les études en histoire sociale et les recherches sociologiques se développèrent de manière interactive, au point que les premières devinrent une partie incontournable des deuxièmes, influençant considérablement le développement de la sociologie en Chine. Des sociologues présentèrent l’évolution de ←4 | 5→ la macro-histoire sous l’angle de l’histoire sociale (comme par exemple à travers l’histoire des guildes, des clans familiaux, des rites et des coutumes, des conventions communales, des conditions des femmes), ainsi qu’à travers les chroniques locales. Dans la reconstruction de la sociologie en Chine depuis la politique de la Réforme et de l’Ouverture, ces recherches académiques, en tant que recherches en histoire sociale, sont pour la plupart classées dans les études en histoire. Nous pensons pourtant que ces études en histoire sociale ont grandement contribué à la construction du système théorique de sociologie chinoise, et devraient être classées en tant que telles.

Le présent ouvrage s’attache à montrer l’histoire de la sociologie en Chine à travers des sociologues chinois. Les quarante-six sociologues présentés ici nous permettent d’observer l’histoire et l’évolution académique de la sociologie en Chine dans la première moitié du XXème siècle.


1 1851–1868, un important mouvement des paysans contre la dynastie des Qing et les invasions des pays étrangers. Il échoua écrasé par les forces unies du gouvernement Qing et des armées étrangères. (Note du traducteur)

2 Mouvement capitaliste et réformiste d’intellectuels chinois (juin-septembre 1898), souhaitant suivre l’exemple des pays occidentaux et préconisant des réformes dans tous les domaines sociaux. Il ne dura que cent jours et échoua sous l’oppression de l’impératrice Ci Xi. (Note du traducteur).

3 La Révolution de SUN Yat-sen qui mit fin à la dynastie des Qing et établit le tout premier gouvernement républicain de l’histoire de Chine. (Note du traducteur).

4 Mouvement patriotique massif contre le Traité de Versailles en 1919. (Note du traducteur).

5 En 1926, le gouvernement du Parti nationaliste (Kuomintang) envoya ses armées, dirigées par le Général Tchang Kaï-chek, au nord, faire la guerre contre le gouvernement militaire de Beiyang. Son principal objectif était d’unifier la Chine sous son contrôle, en mettant fin au gouvernement de Beiyang ainsi qu’au pouvoir des seigneurs de guerre locaux. Cette guerre a conduit à la réunification chinoise de 1928. (Note du traducteur)

6 Une université missionnaire créée à Pékin au début du XXème siècle, disparue suite à la réorganisation des universités en 1952.

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1
 
La sociologie basée sur la conception matérialiste de l’histoire

I. LI Dazhao et la sociologie basée sur la conception matérialiste de l’histoire

1. Vie et ouvrages

LI Dazhao (1889–1927), dont le deuxième prénom était Shouchang, est né à Leting dans la province du Hebei. Pionnier du mouvement communiste chinois, révolutionnaire et théoricien du marxisme, il fut aussi un professeur renommé.

LI Dazhao commença ses études à l’âge de sept ans à l’école primaire de son village et entra au Collège Yong Ping Fu en 1905, avant d’être admis à l’École Beiyang du Droit et de la Politique.1 Témoin dans sa jeunesse de la Chine noire et corrompue, humiliée par l’invasion des pays impérialistes, LI Dazhao se donna ←7 | 8→ pour vocation de trouver une solution pour la patrie en souffrance. En 1913, il partit étudier la politique au sein de l’Université Waseda de Tokyo, où il fut en contact avec la pensée socialiste pour la première fois. Après que le Japon ait fait les Vingt et Une Demandes2 au Gouvernement Yuan Shikai, il publia un télégramme intitulé « Avertissement à tous mes compatriotes », par lequel il appela à la résistance avec « la détermination du désespoir et la volonté de lutter jusqu’à la mort ».

Rentré en Chine en 1916, LI devint un élément actif du Mouvement de la nouvelle culture, critiquant les codes moraux confucéens. Dans son article « La jeunesse », il appela les jeunes « à briser les entraves de l’histoire, à laver les vices accumulés, à donner une nouvelle vie à la nation et à lui rendre sa jeunesse ». À la victoire de la Révolution socialiste russe en 1917, LI adopta le marxisme, et devint le premier marxiste communiste de Chine. Il publia une série d’articles et de discours, dont les textes suivants : « Point de vue comparé des Révolutions française et russe », « Victoire du peuple » et « Victoire du bolchevisme ». Il déclara : « Imaginons le monde de demain, il sera sans aucun doute semé de drapeaux rouges ». Il écrivit et publia, entre autres, « La nouvelle ère », « Mon opinion du marxisme », « Reparlons de faits et d’idéologies », dans lesquels il présenta avec enthousiasme la Révolution russe et le marxisme. Il engagea aussi la polémique sur les faits sociaux et les idéologies contre le réformiste HU Shi, polémique qui fut suivie de près par le monde intellectuel de l’époque. En 1918, LI fut nommé directeur de la bibliothèque de l’Université de Pékin, assuma aussi le poste de professeur en économie, se joignit à l’édition de la revue La Jeunesse, créa avec CHEN Duxiu les Commentaires hebdomadaires, et fut nommé également éditeur en chef du supplément du Journal du matin (Chenbao). Parallèlement à toutes ces activités, il aida les étudiants de l’Université de Pékin à créer les revues Les Citoyens et La Nouvelle Vague.

En mars 1920, il discuta de la création du parti communiste chinois (PCC) avec Voitinsky et Mamaev (envoyés à Pékin par le Bureau de l’Extrême Orient de l’Internationale Communiste), créa par la suite la Société du marxisme et le Groupe communiste de Pékin, puis la Ligue de la jeunesse communiste. LI fut un des principaux fondateurs du PCC et, en 1921 il assuma la direction de la division ←8 | 9→ du nord de la Chine au nom de son Comité central. Il dirigea les mouvements ouvriers dans les sections des chemins de fer Beijing-Shenyang, Beijing-Hankou et Beijing-Haizhou. Il fut élu membre du Comité Central lors des deuxième, troisième et quatrième congrès du PCC. Il alla à Shanghai en 1922 et discuta avec Sun Yat-sen de la collaboration entre le PCC et le Kuomintang (le Parti nationaliste). Il fit partie de la direction du premier congrès du Kuomintang en 1922 à Guangzhou et joua un rôle prépondérant dans la création du Front révolutionnaire unifié et dans la réalisation de la première collaboration entre le Kuomintang et le PCC. Le 28 mars 1926, le peuple de Beijing manifesta sur la place Tian An Men contre la requête, posée par le Japon et d’autres pays étrangers, de désarmer le Port Dagu à Tianjin. Les manifestants allèrent ensuite présenter leurs revendications devant le consulat du Seigneur de guerre de l’Anhui, Duan Qirui, qui les massacra sans-façon. L’armée du Seigneur de guerre de Shenyang, Zhang Zuolin, entra par la suite dans Pékin et sema la terreur. Le 6 avril 1927, soutenu par les pays impérialistes, Zhang Zuolin fit arrêter plus de quatre-vingts personnes dont LI Dazhao. Malgré les tortures répétées, LI resta fidèle à ses idées et défendit sa conviction communiste avec détermination, en prison comme lors de son procès. Malgré l’opinion publique, les Seigneurs de guerre exécutèrent plus de vingt révolutionnaires dont LI Dazhai, Tan Zuyao, Deng Wenhui (membres du PCC ou du Kuomintang) dans la maison de détention située à Xi Jiao Min Xiang, à Pékin. LI Dazhao fut le premier à aller à la potence, sacrifia sa vie à l’âge de trente-huit ans.

Avant 1949, sa famille réunit certains de ses ouvrages préfacés par LU Xun, sans pouvoir les publier. En 1959, l’Edition du Peuple réédita et publia les Ouvrages sélectionnés de LI Dazhao ; en 1984, les Poèmes et articles de LI Dazhao furent à leur tour publiés.

Les pensées sociologiques de LI Dazhao se trouvent essentiellement dans les articles tels que « Reparlons de faits et d’idéologies » (1919), « Mon opinion du Marxisme » (1919), « Valeur de la conception matérialiste de l’histoire dans la sociologie moderne » (1920).

2. LI Dazhao et la sociologie basée sur la conception matérialiste de l’histoire

Résumé des informations

Pages
XII, 326
Année
2020
ISBN (PDF)
9781433170928
ISBN (ePUB)
9781433170935
ISBN (MOBI)
9781433170942
ISBN (Relié)
9781433168796
DOI
10.3726/b15790
Langue
français
Date de parution
2020 (Octobre)
Published
New York, Bern, Berlin, Bruxelles, Oxford, Wien, 2020. XII, 326 p.

Notes biographiques

Peilin Li (Auteur) Jingdong Qu (Auteur) Yabin Yang (Auteur)

LI Peilin, Directeur de l'Institut de sociologie de l'Académie chinoise des sciences sociales. Il a publié de nombreux ouvrages. QU Jingdong, Directeur, chercheur et maître de conférences à l'Institut de développement social de l'Académie chinoise des sciences sociales. YANG Yabin, Chercheur et professeur à l'Institut de sociologie de l'Académie chinoise des sciences sociales, vice-président de la Société des sciences sociales de Beijing.

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