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Eléments de sémantique du coréen

Textes recueillis, révisés et annotés par Jean-Claude Anscombre (CNRS-LT2D Cergy-Pontoise)

de Seung-Un Choi (Auteur)
©2020 Monographies 232 Pages
Série: Sciences pour la communication, Volume 129

Résumé

C’est le premier ouvrage d’une sémantique du coréen qui s’inscrit dans le cadre des théories modernes de l’énonciation. L’auteur a en particulier recours aux notions de marqueur discursif, de polyphonie, de stéréotype, de généricité, et les applique à différents problèmes du coréen contemporain avec une grande rigueur. Cet ouvrage recense l’essentiel des articles qu’il a publiés et des conférences qu’il a données.

Table des matières

  • Couverture
  • Titre
  • Copyright
  • À propos de l’auteur
  • À propos du livre
  • Pour référencer cet eBook
  • Table des matières
  • AVANT-PROPOS
  • La Corée, les coréens et le coréen : un bref aperçu
  • 1. La Corée et les coréens
  • 2. La langue coréenne (한국말 ‘hangukmal’, ou encore 조선말 ‘josŏnmal’)2
  • Annexe : les différents systèmes de transcription
  • Textes
  • Présentation
  • La langue coréenne
  • Structures et particularités de la langue coréenne
  • 1. Introduction
  • 2. Le coréen, langue agglutinante
  • 2.1. Suffixes nominaux : particules casuelles et marque de pluriel
  • 2.1.1. Fonctions syntaxiques et ordre des mots de la phrase
  • 2.1.2. Phrase sans sujet
  • 2.1.3. Double sujet
  • 2.1.4. Absence d’article
  • 2.1.5. Marque de pluriel
  • 2.2. Suffixes verbaux19
  • 2.2.1. Suffixes verbaux préterminaux
  • 2.2.1.1. Système temporel du verbe coréen
  • 2.2.1.2. Système honorifique
  • 2.2.2. Suffixes verbaux conclusifs
  • 2.2.3. Suffixes verbaux jonctifs (ou conjonctifs)
  • 2.3. Suffixes ou particules pragmatiques25
  • 2.3.1. Type de combinaisons des suffixes spéciaux ou pragmatiques
  • 2.3.2. Fonction des suffixes spéciaux ou pragmatiques
  • 2.3.3. Thème et sujet
  • 3. Harmonie vocalique
  • 3.1. Idéophones
  • 3.2. Vocabulaire des couleurs
  • 4 Conclusion
  • Les particules pragmatiques du coréen
  • Les conditions d’une lecture argumentative du morphème -(i)na31
  • 1. Introduction
  • 2. Analyses antérieures
  • 2.1. Emplois de -(i)na traditionnellement repérés
  • 2.1.1. Choix à contrecœur
  • 2.1.2. Alternative
  • 2.1.3. Quantification universelle
  • 2.1.4. Le haut degré associé à l’expression d’une quantité
  • 2.1.5. Evaluation approximative
  • 2.2.1. Tournures figées
  • 2.2. Résumé de la situation
  • 3. Lecture argumentative des énoncés à -(i)na
  • 3.1. -(i)na et son environnement immédiat
  • 3.2. Deux types d’énoncés : un espace discursif
  • 3.2.1. Les énoncés où il est question d’une propriété pouvant justifier une opinion critique
  • 3.2.2. Les énoncés qui mettent en cause de diverses façons une propriété qui pourrait justifier une opinion favorable (non-X+-(i)na) :
  • 3.2.2.1 Les énoncés où cette propriété est évoquée d’une façon hypothétique.
  • 3.2.2.2. Les énoncés où la réalisation ou l’avènement de cette propriété est seulement souhaitée.
  • 3.2.2.3. Les énoncés impératifs par lesquels on ordonne ou on conseille la réalisation de cette propriété.
  • 3.2.2.4. Les énoncés où cette propriété est interrogée
  • 3.2.2.4. Le locuteur qui a une opinion globalement critique sur la situation à juger n’admet même pas la possibilité d’une petite exception à la règle en la personne de Xi.
  • 3.2.2.5. Les énoncés où cette propriété est niée
  • 3.2.2.6. Les énoncés où cette propriété est mise en doute
  • 3.2.2.7. Résumé de la situation
  • 1.2.3. Le cas des énoncés déclaratifs
  • 3.2.3.1. Enoncés interprétables
  • 3.2.3.2. Enoncés ambigus
  • 3.2.4. -(i)na et stratégie discursive : un espace discursif négatif
  • 4. Bilan provisoire et conditions d’une hypothèse interne
  • 4.1. -(i)na et sa stratégie discursive : un espace discursif négatif
  • 4.2. -(i)na connecteur ?
  • 4.3. -(i)na et son principe argumentatif à deux faces
  • 4.4. -(i)na et polyphonie
  • 4.5. -(i)na et énonciation
  • 4.6. -(i)na et enchaînement d’énoncés
  • Le morphème -nŭnde et le cadre discursif54
  • 1. Introduction
  • 2. Problématique de -nŭnde et raisonnement
  • 1.1. -nŭnde et sa problématique
  • 1.2. Cadre d’un raisonnement
  • 1.2.1. -nŭnde : un connecteur d’opposition ?
  • 1.2.2. -nŭnde : un connecteur de justification ?
  • 1.2.2.1. -nŭnde n’est pas un connecteur de déduction
  • 1.2.2.2. -nŭnde : un connecteur d’hypothèse ?
  • 2. Lecture argumentative de -nŭnde
  • 1.1. Stéréotypes et raisonnement en langue
  • 2.2. -nŭnde et le cadre discursif
  • 2.3. Évolution de l’élément -de
  • 2.3.1. -de, lieu concret
  • 2.3.2. -de, lieu abstrait
  • 2.3.3. -de, lieu énonciatif
  • Conclusion
  • Le puzzle argumentatif du carré -(i)na/-(ǔ)na et -man/-jiman en coréen62
  • 1. Introduction
  • 2. -(i)na et -man
  • 2.1. -(i)na
  • 2.2. -man
  • 2.2.1. Valeurs principales : restriction, exclusion et présupposé d’existence
  • 2.2.2. Valeurs dérivées : aspect duratif, fonctions minorante et haut degré
  • 2.2.3. Pour une réinterprétation argumentative de -man comme particule pragmatique suprasegmentale
  • 2.3. Bilan et nouvelles perspectives
  • 3. -(ǔ)na et -jiman
  • 3.1. Approche argumentative
  • 3.1.1. Opposition argumentative et poids argumentatif
  • 3.1.2. Emplois particuliers
  • 3.2. Bilan et perspectives
  • 4. Proximité morphologique
  • 4.1. Analyse morphologique de -(i)na/-(ŭ)na
  • 4.2. Analyse morphologique de -man/-jiman
  • 4.2.1. Dérivation : de -man à -jiman
  • 4.2.2. Evolution de -man
  • Conclusion
  • La particule pragmatique -(i)rado et les phrases génériques71
  • 1. Introduction
  • 2. Significations reconnues à -(i)rado
  • 2.1. Choix négatif
  • 2.2. Valeurs limites
  • 2.3. Quantification universelle
  • 2.4. Emplois figés
  • 2.5. Bilan provisoire
  • 3. Lecture argumentative des énoncés à -(i)rado
  • 3.1. Enchaînement entre les énoncés P (X -(i)rado) et Q
  • 3.1.1. Inversion de l’orientation argumentative : du négatif au positif
  • 3.1.2. Inversion de l’orientation argumentative : du positif au négatif
  • 3.1.3. Inversion du poids argumentatif
  • 3.2. Enchaînement qui se fait sur une hypothèse
  • 3.2.1. Orientation argumentative
  • 3.2.2. Caractère exceptionnel de l’énonciation
  • 3.3. Bilan provisoire
  • 4. Structures sémantiques de -(i)rado
  • 4.1. Phrases génériques
  • 4.1.1. Enoncé dit exceptif et qui constitue une exception à une phrase générique
  • 4.1.2. Enoncé qui fait référence à une phrase générique
  • 4.2. Portée
  • 4.3. Morphosémantique de -(i)rado
  • 4.4. Propriétés et critères
  • 4.4.1. Thème/propos
  • 4.4.2. -(n)ǔnde
  • 4.4.3. Adverbes d’énoncé et d’énonciation
  • 5. -(i)rado, -(i)na et -do
  • 5.1. -(i)rado et -(i)na
  • 5.2. -(i)rado et -do
  • 6. Conclusion
  • Problèmes de généricité
  • Phrases génériques, syntagmes génériques et argumentation
  • 0. Introduction
  • 1. Phrases génériques
  • 1.1. Phrases génériques et conditions de vérité
  • 1.2. Phrases génériques et critères de reconnaissance
  • 1.2.1. Le raisonnement par défaut
  • 1.2.2. Généricité et typicalité
  • 1.2.3. Manifestation de la typicalité
  • 2. Domaine du coréen
  • 1.1. Phrases génériques et -(n)ǔn, -i/ga et -dŭl
  • 2.1.1. -(n)ŭn et -i/ga : sujet, thème et présupposition
  • 2.1.2. -dŭl : singulier, pluriel et quantification
  • 2.2. Phrases génériques, particules modales et argumentation
  • 2.2.1. -(i)na98
  • 2.2.2. -man :
  • 2.2.3. -do :
  • Bilan provisoire
  • Pour une définition des proverbes coréens
  • 1. Introduction
  • 1.1. Les énoncés étudiés : énoncés à caractère sentencieux
  • 1.2. Hypothèses
  • 1.3. Propriétés, critères et tests
  • 2. Les propriétés sémantiques des énoncés sentencieux
  • 2.1. « Savoir » universel et cadre du discours
  • 2.1.1. Généricité et V/Adj + 네 ! ; V/Adj + 군 !
  • 2.1.2. Cadre du discours et adverbe d’énonciation
  • 2.2. « Dire » universel
  • 1.1.1. Polyphonie
  • 2.3. Enoncés sentencieux non-génératifs
  • 2.4. Enoncés sentencieux prescriptifs
  • 3. Conclusion
  • Un peu de littérature coréenne…
  • Analyse thématique de L’averse de Hwang Sun-Won110
  • Introduction
  • 1. Organisation fondamentale : nature et civilisation, vie et mort
  • 1.1. Nature et vie
  • 1.2. Civilisation et mort
  • 2. Organisation de la surface, entités discursives et contraintes narratives : terre, intimité et plénitude
  • 3. Récit : amour et nature
  • 3.1. Polysémie
  • 3.2. Découverte, initiation et sacrifice
  • 3.3. Description et métaphore
  • Bibliographie récapitulative
  • Bibliographie des principaux travaux de M. CHOI Seung-Un
  • Liste des abréviations par ordre alphabétique
  • Titres de la collection

AVANT-PROPOS

Il est des enseignants heureux, qui ont la chance de découvrir qu’est apparu dans leur séminaire un étudiant d’une qualité rare. J’ai eu cette chance avec CHOI Seung-Un, lorsqu’il s’est présenté à l’EHESS en une fin d’après-midi d’octobre 2002 pour y suivre le séminaire qui m’avait été confié, et où nous y débattions de problèmes de sémantique. S’il était toujours très discret, il ne s’en détachait pas moins sur la plupart des étudiants. Après de brillantes études à l’Université Nationale de Séoul, il s’était installé à Paris, où l’obtention d’une thèse de 3ème cycle lui avait permis d’être nommé à l’Université de Paris VII pour l’enseignement du coréen. Maîtrisant un français impeccable, connaissant sa Grevisse sur le bout des doigts, il s’est très vite intégré au séminaire, la pertinence et la précision de ses interventions permettant un véritable dialogue en lieu et place des monologues habituels. Des liens se sont très vite noués entre nous : je lui dois ma première initiation au coréen (et aussi à la cuisine coréenne), il me parlait de ses projets linguistiques. Puis un jour, il m’a apporté une étude linguistique de sa main, sollicitant mon avis. J’ai eu le plaisir de découvrir à la lueur de ce texte un linguiste confirmé, ayant totalement assimilé l’enseignement du séminaire, et que j’ai dû contempler avec l’œil ému du père qui s’aperçoit que son fils est devenu adulte. L’apport de CHOI Seung-Un à la linguistique coréenne est inappréciable. Il existait déjà, certes, des études sur le coréen, essentiellement sur la syntaxe et le lexique, et majoritairement sous l’angle générativiste ou de l’enseignement du coréen langue étrangère. M. CHOI Seung-Un est le premier, à ma connaissance, à s’être proposé l’application à la langue coréenne des théories sémantiques qui ont cours en Europe, à savoir des sémantiques de l’énonciation, et en particulier dans le champ des particules et marqueurs discursifs. D’une extrême rigueur et d’une grande profondeur, ces articles – dont on trouvera une partie réunie ici – ouvrent un champ jusqu’alors totalement inexploré.

Cette publication se veut un hommage à un grand universitaire trop tôt disparu.

Jean-Claude ANSCOMBRE (CNRS-LT2D)

La Corée, les coréens et le coréen : un bref aperçu

1. La Corée et les coréens

Longtemps ignorée de l’Occident qui ne connaissait de la Corée que ses deux puissants voisins la Chine et le Japon, la Corée a fait irruption dans la vie occidentale vers la fin des années quatre-vingt. C’est en particulier au travers de la qualité de ses produits manufacturés (dont l’électronique), qui lui a ouvert les marchés européens et américains, que la culture coréenne a pu acquérir droit de cité en Europe et ailleurs. Les titres de gloire de la Corée ne sont pas uniquement technologiques et commerciaux : les cinéphiles connaissent bien les productions coréennes, qui sont passées en moins de cinquante ans d’un cinéma localiste et traditionnalisant à une peinture de la société coréenne et de ses problèmes, mais également à certaines formes de cinéma fantastique voire même érotiques et/ou violentes. Depuis le début des années 2000, la K-pop et les séries télévisées coréennes (ou dramas) conquièrent un public de plus en plus jeune en quête de nouveautés. Quant à la cuisine coréenne dont les plats les plus populaires sont sans doute le bibimpap (préparation à base de riz et de légumes variés), le bulgogi (autrement appelé Korean barbecue) et le kimchi (chou chinois fermenté et pimenté), elle fait désormais partie de l’alimentation des jeunes générations occidentales.

Géographiquement parlant, la péninsule coréenne est située en Asie de l’Est, et occupe une surface de 223 348 kilomètres carrés pour une population totale estimée en 2018 à un peu plus de 75 millions d’habitants (environ 1/3 pour le Nord et 2/3 pour le Sud) – à titre de comparaison, la France métropolitaine occupe environ 570 000 kilomètres carrés pour environ 67 millions d’habitants en 2018. La péninsule coréenne est insérée entre trois puissants voisins, la Russie (dont elle est séparée par le fleuve coréen Tuman qui marque la frontière), la Chine Populaire (dont le fleuve Yalou marque la frontière), et enfin le Japon, dont la péninsule coréenne est séparée dans sa partie méridionale par le Détroit de Corée. Composée à plus de 70 % de zones montagneuses (surtout au centre et à l’est), la Corée voit ses zones de culture principalement concentrées à l’ouest et au sud. Le climat varie progressivement de subtropical avec moussons au sud à continental au nord. Signalons enfin des côtes très découpées agrémentées principalement au sud-ouest d’une profusion d’îles et d’îlots.

Surnommée Le pays du Matin Calme (litt. : Le pays du Matin Frais : Han-guk (한국, 韓國) ou Joseon (ou Chosǒn) (조선, 朝鮮), la Corée n’en est pas ←15 | 16→moins le lieu de relations tendues entre la République populaire démocratique de Corée occupant au Nord environ 55 % du territoire, et gouvernée par un régime totalitaire d’obédience marxiste ; et la République de Corée, démocratie à orientation capitaliste, qui occupe au sud les 45 % restants. La ligne de partage se situe approximativement au niveau du 38ème parallèle1. Les tensions sont telles qu’un conflit a éclaté entre 1950 et 1953, pour aboutir à un armistice en 1953, suivi depuis d’un statu quo.

L’histoire de la Corée remonte aussi loin que le second millénaire avant l’ère chrétienne, à en croire certaines légendes et récits, dont ceux de Tangun (-2033 av. J.C., considéré comme le fondateur de la Corée). La présence chinoise s’y est manifestée très tôt, et a profondément marqué l’histoire et la culture coréennes dès les débuts de l’ère chrétienne. L’histoire de la Corée se résume d’ailleurs pratiquement à une lutte incessante pour éviter l’asservissement des puissances étrangères, principalement la Chine au Nord et le Japon au Sud : sept grandes campagnes d’invasions mongoles entre 1231 et 1259, deux invasions japonaises connues sous le nom de guerre d’Imjin (1592 et 1597), défaite et asservissement à la Chine mandchoue (1637), protectorat japonais (1905) suivi d’une annexion par le Japon (1910), libération de la Corée en 1945, division en deux Etats indépendants (1948) résultant d’une décolonisation mal gérée, le Nord étant alors soumis à l’Union Soviétique et le Sud se trouvant sous influence américaine, puis guerre de Corée (1950–1953) fratricide avant tout.

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2. La langue coréenne (한국말 ‘hangukmal’, ou encore 조선말 ‘josŏnmal’)2

Le coréen est essentiellement parlé en Corée du Nord et du Sud, ainsi que dans certaines communautés hors de la Corée : Chine, Etats-Unis et Japon pour l’essentiel. En Corée, on distingue plusieurs zones dialectales coïncidant étroitement avec des frontières naturelles. Par ailleurs, les coréens du Nord et du Sud divergent sur un certain nombre de points, essentiellement la prononciation et le lexique. Les nombreux contacts de la Corée du Sud avec l’Occident et le Japon ont abouti à l’importation et/ou l’adaptation d’une terminologie propre aux nouvelles technologies, phénomène beaucoup plus restreint en coréen du Nord, qui est resté beaucoup plus proche du coréen d’avant la seconde guerre mondiale.

Les nombreuses tentatives de classement du coréen n’ont jusqu’à présent pas abouti à une solution définitive, même si de fortes analogies avec le japonais d’une part, et avec certaines langues du groupe ouralo-altaïque d’autre part – turc, mongol, toungouze – font à peu près l’unanimité3. La culture coréenne partage ainsi certaines caractéristiques avec le toungouze, comme le chamanisme et l’art de la céramique peignée. Quant au coréen, il s’agit, comme les langues altaïques, d’une langue agglutinante4, régie autrefois par une harmonie vocalique5 aujourd’hui en forte régression. Un certain nombre de phénomènes ←18 | 19→morphologiques et syntaxiques sont également communs aux langues altaïques et au coréen : ni nombre ni genre pour le nom commun, absence de pronoms relatifs, etc. Signalons enfin de fortes analogies entre le verbe coréen et le verbe japonais, ainsi que, par exemple, l’existence d’un morphème causatif.

La langue coréenne ne possédait pas d’écriture propre, et a adopté l’écriture chinoise en même temps qu’elle adoptait le bouddhisme, approximativement vers le 6ème siècle de notre ère. C’est d’ailleurs une bonne partie de la culture chinoise qui a été ainsi importée, et qui a durablement marqué la vie mais aussi la langue coréenne : un nombre important de mots chinois sans équivalents en coréen ont ainsi été empruntés. On estime entre 60 et 70 % la part des mots d’origine chinoise dans le lexique (sino-)coréen. Il a fallu attendre le milieu du 15ème siècle pour que le coréen soit doté d’un véritable alphabet inspiré selon certains de l’alphabet sanskrit. Créé en 1443 sur l’initiative du bien nommé roi Sejong le Grand, l’alphabet coréen a été officiellement promulgué en 1446, par décret impérial. Interdit en 1504, il sera en particulier réhabilité durant les réformes administratives dites Gabo en 1894, visant à lutter contre l’influence chinoise sur le territoire coréen. C’est le linguiste coréen Ju Si-gyeong qui, en 1912, aurait baptisé l’écriture coréenne hangeul ou hangŭl (selon la transcription phonétique) : han signifiant ‘grand’ ou ‘unique’ et geul désignant l’écriture. La diffusion de l’écriture coréenne se poursuivra tout au long du 20ème siècle pour remplacer progressivement les caractères chinois, parfois encore en usage dans la presse écrite de tendance conservatrice ou dans certains ouvrages académiques notamment.

L’alphabet coréen peut s’écrire selon des lignes horizontales et de gauche à droite comme les langues occidentales, ou verticalement, à l’instar de l’écriture classique chinoise. Les deux modes correspondent grosso modo à l’écriture moderne et à l’écriture traditionnelle, la première tendant à s’imposer à tout le moins dans les ouvrages contemporains. Enfin, et contrairement à des langues comme le chinois et le japonais, mais comme les langues occidentales, l’écriture coréenne utilise des espaces entre les mots, ainsi que le système occidental de ponctuation.

L’alphabet coréen comporte 14 signes consonantiques et 10 signes vocaliques de base, dont les combinaisons suffisent à représenter tous les mots du coréen, et ce de façon tellement logique et économique que quelques heures suffisent à en ←19 | 20→maîtriser le fonctionnement, du moins pour l’essentiel. Ce qui suppose pour sa création une analyse phonologique de la langue remarquable pour l’époque, et à notre connaissance unique en son genre. D’un point de vue sémiotique, et bien qu’il s’agisse réellement d’un alphabet, l’écriture correspond à un regroupement syllabique de type CVC : les lettres constituant une telle syllabe apparaissent de façon obligatoire dans un certain ordre et à l’intérieur d’un carré imaginaire, ce qui donne à l’écriture coréenne cet aspect très épuré et géométrique. En voici un exemple6, où le carré a été matérialisé :

et qui se lit ‘han-gug-ŏ’, c’est-à-dire langue coréenne.

On trouvera ci-dessous les 24 signes de l’alphabet coréen accompagnés de leur équivalent phonétique dans une transcription simplifiée visant à permettre l’accès le plus immédiat possible à la lecture du coréen7.

1. Les lettres simples du coréen comportent :

a) 14 consonnes :

b) 10 voyelles :

←20 | 21→

2. Les lettres simples se combinent pour former :

c) 5 consonnes doubles :

c) 11 consonnes complexes (en position finale de syllabe) :

d) 11 voyelles complexes :

Ce qui correspond aux valeurs phonétiques suivantes pour les voyelles simples :

Et pour les consonnes simples et semi-consonnes :

←21 |
 22→

Le système consonantique coréen comporte des nasales ᄆ [m];, ᄂ [n], ᄅ [l/r] et ᄋ [-ng] en finale, une aspiréeᄒ [h] et se caractérise par trois séries d’occlusives, fricatives et affriquées, à savoir :

Du point de vue de la prononciation, le coréen n’est pas une langue à tons ni à accent tonique. Notons cependant qu’il existe des paires de mots se distinguant par la longueur vocalique, survivance d’un ancien système de tons8. Par exemple, nun ‘œil’ et nu :n’ neige’ ou encore mal ‘cheval’ et ma :l ‘parole’.

Résumé des informations

Pages
232
Année
2020
ISBN (PDF)
9783034341110
ISBN (ePUB)
9783034341127
ISBN (MOBI)
9783034341134
ISBN (Broché)
9783034339865
DOI
10.3726/b17402
Langue
français
Date de parution
2020 (Juillet)
Published
Bern, Berlin, Bruxelles, New York, Oxford, Warszawa, Wien, 2020. 232 p., 2 ill. n/b, 2 tabl.

Notes biographiques

Seung-Un Choi (Auteur)

CHOI Seung-Un, maître de conférences à l’Université Paris VII-Diderot, est né à Séoul le 13 mars 1945 et mort à Paris le 13 octobre 2013. Il a commencé ses études à l’Université de Séoul, et les a poursuivies à l’Université de Toulouse-Le Mirail. Il est revenu enseigner à l’Université de Séoul, pour ensuite s’établir en France. Très attaché aux théories sémantiques contemporaines, il a consacré la majeure partie de ses travaux à les appliquer à la langue coréenne.

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