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Femme de pinceaux

Sofonisba Anguissola, une artiste maniériste (XVIe-XVIIe siècles)

de Florence Chantoury-Lacombe (Auteur)
©2021 Monographies 174 Pages

Résumé

Sofonisba Anguissola est une artiste maniériste qui a reçu une formation de peintre au même titre que les artistes masculins de la Renaissance. Comparée à Titien, admirée par Michel Ange, Giorgio Vasari et Van Dyck, elle est célèbre en Europe dans la seconde moitié du XVIe siècle. Sofonisba Anguissola est l’une des premières femmes à exercer une activité professionnelle au sein d’une cour royale. En 1559, elle devient en effet peintre de la famille royale d’Espagne et développe une pratique artistique singulière. Son exceptionnelle production d’autoportraits lui permet d’évaluer son statut de femme artiste tout en confortant sa reputation auprès de la noblesse. Dans Femme de pinceaux, Florence Chantoury-Lacombe développe la thèse d’une artiste s’inscrivant dans le maniérisme de cour par des jeux artistiques estimés par la scène culturelle.

Table des matières

  • Couverture
  • Titre
  • Copyright
  • À propos de l’auteur
  • À propos du livre
  • Pour référencer cet eBook
  • Table des matières
  • Introduction
  • Le pouvoir des femmes à la Renaissance
  • Les femmes artistes aux XVIe et XVIIe siècles
  • Une géopolitique culturelle : L’Italie espagnole
  • L’héritage de diverses formes d’influence
  • Une éducation privilégiée
  • La famille Anguissola
  • L’allégeance à l’Espagne
  • La maniera de Sofonisba
  • Chapitre 1. Une artiste au nom improbable, une famille aux prénoms légendaires
  • La reine berbère Sofonisba, une héroïne carthaginoise
  • Un sujet politique de l’Italie Espagnole
  • L’exercice d’un faire-face
  • La chasteté comme norme pour l’artiste féminine
  • La mesure de la performance
  • Chapitre 2. Le contexte culturel de Crémone et la noblesse locale
  • Les attitudes des élites
  • Le réseau d’Amilcare
  • La cour Gonzague à Mantoue
  • La rencontre avec Michel Ange
  • Les portraits de cour
  • La cour de Milan
  • Chapitre 3. Des jeux de pinceaux ou la volonté d’une identité artistique
  • La figure du double : une expérience esthétique de Sofonisba
  • L’autoportrait de Sienne
  • Le scénario de production à la deuxième personne
  • Un autoportrait par effraction
  • Je suis Saint Luc, Apelle et Bernardino Gatti
  • Le miroir retourné de Sofonisba
  • Mille-feuille psychologique
  • Chapitre 4. Les images portatives des visages
  • Circulation et communication par l’image
  • Le déplacement physique des images
  • Le goût pour les objets d’art de petite taille
  • La rencontre avec Giulio Clovio
  • Les images d’allégeance
  • L’autoportrait miniature de Giulio Clovio
  • La circulation des images de visages
  • Chapitre 5. Du rire aux pleurs : l’invention d’un nouveau genre
  • La production des effets
  • La fortune picturale d’un motif animalier
  • La scène de genre aux émotions : La partie d’échecs
  • Sofonisba, une peintre de la couleur
  • Chapitre 6. La diligenza à la cour d’Espagne
  • Alliance fraternelle pour une galerie de portraits
  • Un zibellino comme marqueur social
  • Promotion sociale et immigration
  • Un transfert de compétences
  • La cour d’Espagne
  • Chapitre 7. La seconde vie de Sofonisba Anguissola
  • Départ pour la Sicile
  • Une iconographie du déplacement
  • La liberté de choisir
  • Un milieu culturel riche à Gênes
  • Chapitre 8. Ce que mes yeux ont vu
  • Aristote et le maniérisme
  • Mémoire d’aveugles
  • Conclusion
  • La recherche du regard
  • Une stratégie de communication efficace
  • La fortune critique de Sofonisba Anguissola
  • La pittrice miracolosa
  • Bibliographie
  • Liste des illustrations

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Introduction

Dans son Libro de sogni de 1564, Paolo Lomazzo, peintre et théoricien de l’art maniériste, imagine une conversation anachronique entre Léonard de Vinci et Phidias, célèbre peintre de l’Antiquité. Les paroles de Léonard de Vinci sont les suivantes :

J'attire votre attention sur les miracles d'une femme de Crémone appelée Sofonisba, qui a étonné chaque prince et chaque homme sage de toute l'Europe par le biais de ses peintures, qui sont toutes des portraits, si semblables à la vie qu'elles semblent se conformer à la nature elle-même. De nombreux professionnels vaillants l'ont jugée avoir un pinceau enlevé de la main du divin Titien lui-même ; et maintenant elle est profondément appréciée par le roi Philippe II d’Espagne et par son épouse, qui lui accordent les plus grands honneurs1.

Lomazzo, à travers ce dialogue imaginaire, condense trois critères d’appréciation qui seront utilisés à maintes reprises pour définir l’art de Sofonisba Anguissola : le caractère ressemblant de ses portraits, la qualité de sa pratique artistique jugée par ses pairs et la renommée européenne de sa production2. Sofonisba est l’une des premières femmes artistes à obtenir une activité professionnelle auprès d’une cour royale. Elle est née dans une famille noble de Lombardie vers 1532. À travers une éducation humaniste, les parents de Sofonisba, Amilcare Anguissola et Bianca Ponzoni, encouragent leurs enfants à développer leurs talents artistiques. Ils font étudier l’aînée, Sofonisba, auprès de Bernardino Campi, un peintre actif à Crémone et à Milan et issu du maniérisme élégant et sophistiqué du Parmesan. C’est pendant son apprentissage que Sofonisba affirme son attrait pour le portrait et l’autoportrait. Plusieurs spécialistes affirment que, dans les années 1550, elle fréquente des ateliers de peintres à Mantoue, Ferrare, Rome, lieu où elle aurait rencontré Michel Ange qui suivra sa production artistique3. À Parme, elle côtoie Giulio Clovio, le « Michel-Ange de ←9 | 10→la miniature » avec qui elle apprendra cette technique. En 1559, elle est invitée à la cour d’Espagne où elle exercera une activité de peintre de cour pour la reine Isabelle de Valois. Sofonisba Anguissola va, pendant quatorze ans être la peintre officielle de la reine, elle prend sa charge lors du mariage de Philippe II avec Isabelle de Valois, cette dernière est la fille de Catherine de Médicis. Devenue dame d’honneur et peintre de la reine, elle lui apprendra le dessin. Sofonisba Anguissola réalisera un nombre important de portraits des différents membres de la famille royale et de la noblesse espagnole. Dans sa production artistique et tout au long de sa vie, elle saura s’affirmer en tant qu’artiste maniériste, un maniérisme de cour loin de la recherche de l’excentricité, approprié aux codes exigeants du portrait de la cour espagnole dans une appréciation pour l’élégance et la complexité. Un maniérisme également manifeste dans la mise en scène du jeu et de la surprise par l’intermédiaire d’inventions de dispositifs savants, combinés avec subtilité à la tradition de Crémone dans laquelle elle a été formée. Sofonisba Anguissola sera louée de son vivant comme une grande artiste par les peintres de son époque pour l’invention de la scène de genre animée. Elle associe à ses scènes de la vie quotidienne des portraits psychologiques qui feront d’elles la précurseure d’un genre inédit. En effet, son succès d’artiste sera dû à l’invention précoce de la représentation des sentiments : le rire et la douleur en art. Elle sera justement remarquée par Michel Ange pour cette représentation de la scène psychologique. L’autre pratique très importante de Sofonisba Anguissola est son investissement dans l’autoportrait. C’est un genre privilégié par Sofonisba, nous comptons pas moins de quinze autoportraits de cette femme artiste. La réflexion qu’elle porta toute sa vie à travers ce genre pictural nous permet d’observer sa propre analyse du statut particulier qu’elle occupe, de femme peintre admirée à la Renaissance.

Le pouvoir des femmes à la Renaissance

Certaines femmes ont exercé le pouvoir suprême par un, passage de droits héréditaires, telle Mary Tudor, Isabelle de Castille, Marie Stuart ou encore Elizabeth 1ere d’Angleterre. D’autres, par intérim en exerçant une régence pendant l’absence d’un souverain ou après sa mort, pendant la minorité de l’héritier mâle du trône. Parfois, l’exercice féminin du pouvoir s’est établi par désignation, comme dans le cas des femmes gouverneures des Pays-Bas. La tante de Charles Quint, Marguerite d’Autriche, ←10 | 11→sa sœur, Marie de Hongrie et sa fille naturelle Marguerite de Parme ont toutes occupé cette charge dans le cadre du système familial de la famille Habsbourg. Les portraits de ces femmes de pouvoir associent généralement des qualités féminines à des valeurs masculines, il s’agit ainsi de rendre plus légitime l’exercice du pouvoir. En parallèle de ce pouvoir formel attribué à certaines femmes par leur naissance ou encore par leur statut social, un autre type de pouvoir existe pour elles, davantage attaché à des formes de sociabilité politique. Provenant d’appuis donnés par une autorité qui exerce une grande influence, cette possibilité de puissance est aussi liée au clientélisme4. Pour le cas de Sofonisba Anguissola, l’étude des réseaux culturels et politiques du milieu crémonais au contexte de la cour d’Espagne est très importante. Le rayonnement de sa pratique artistique a varié en fonction du type de cours auquel elle a appartenu, des circonstances dans lesquelles elle a été placée, des relations personnelles qu’elle et sa famille ont été capables de nouer. La considération de l’autorité familiale avec le pouvoir politique de l’époque est un autre élément à mettre en avant ici, notamment par la branche maternelle, les Ponzoni. Les possibilités d’exercer un pouvoir varient en fonction de la famille, qui est le point fort du pouvoir politique à la Renaissance. En 1546, le duché de Milan est passé entre les mains de Philippe II, roi d’Espagne et futur héritier du titre impérial. De la famille Anguissola, nous verrons que Sofonisba va trouver une place de choix auprès de la dynastie des Habsbourg.

Les femmes artistes aux XVIe et XVIIe siècles

Un lieu commun réducteur voudrait qu’il n’y ait pas eu de femmes artistes à la Renaissance. Une complaisance historique se plaît à confiner le statut des femmes uniquement dans le domaine domestique en limitant ainsi leurs activités5. Pourtant, Giorgio Vasari, en 1568, dans son ouvrage les vies des plus excellents peintres, sculpteurs et architectes, avoue volontiers que les femmes « n’ont pas hésité, comme si elles voulaient nous retirer toute supériorité, à se servir de leurs douces et blanches mains en des travaux manuels, attaquant les rugosités du marbre et l’âpreté du fer, pour suivre leur vocation et y gagner la gloire »6. Vasari donne ici un trait d’indépendance aux femmes puisqu’elles n’hésitent pas à suivre leur vocation. ←11 | 12→Il était familier de la réputation de Sofonisba à travers les cercles culturels romains. Dans les pages consacrées à Properzia de Rossi, une sculptrice de Bologne, Vasari aborde plusieurs cas de femmes artistes autonomes. Il souligne la position privilégiée de Sofonisba Anguissola auprès de la reine d’Espagne, Isabelle de Valois. Pour le poète l’Arioste, « Les femmes sont parvenues à l’excellence dans chaque art dont elles se sont occupées »7. Par cette investigation autour de la pratique artistique de Sofonisba Anguissola, nous aurons à aborder le travail de Lavinia Fontana, peintre maniériste de Bologne qui travailla pour deux papes, Catarina Van Hemessen, peintre de cour de Marie de Hongrie, la sœur de Charles Quint, Marina Robusti, la fille de Tintoret et Levina Teerlinc, miniaturiste flamande qui restera à la cour d’Angleterre sous quatre monarques britanniques : Henri VIII, Edward VI, Marie 1ere et Elisabeth 1ere d’Angleterre8.

Résumé des informations

Pages
174
Année
2021
ISBN (PDF)
9782875744364
ISBN (ePUB)
9782875744371
ISBN (Broché)
9782875744357
DOI
10.3726/b18825
Langue
français
Date de parution
2021 (Novembre)
Published
Bruxelles, Berlin, Bern, New York, Oxford, Warszawa, Wien, 2021. 174 p., 62 ill. en couleurs, 1 ill. n/b.

Notes biographiques

Florence Chantoury-Lacombe (Auteur)

Florence Chantoury-Lacombe est historienne de l’art, critique d’art et chercheure indépendante. Elle est l’auteure de Peindre les maux. Arts visuels et pathologie XIVe–XVIIe siècle (2010).

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