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Le Grain de la voix dans le monde anglophone et francophone

by Michaël Abecassis (Volume editor) Marcelline Block (Volume editor) Gudrun Ledegen (Volume editor) Maribel Peñalver Vicea (Volume editor)
©2019 Edited Collection XII, 332 Pages
Series: Modern French Identities, Volume 130

Summary

Comme l’a noté le philosophe Jacques Derrida, l’enregistrement des voix a été l’un des évènements marquants du siècle passé. Le sociolinguiste William Labov s’est intéressé aux motivations sociales des variations phonologiques, mais non pas à la voix en tant que telle. Les recherches effectuées sur la texture et la qualité de la voix ou la relation entre la voix et l’affect sont beaucoup plus rares. Le sujet est mentionné dans les discussions sur la musique, le doublage, le théâtre et la traduction, sans toutefois être analysé en profondeur. Les articles sur la voix correspondent en outre à un développement relativement récent dans les domaines de la psycholinguistique et de la psychoacoustique, lié à un regain d’intérêt pour les études sur l’émotion de manière générale. Le présent recueil d’articles offre une perspective pluridisciplinaire au carrefour entre la sociolinguistique, la phonologie et les études cinématographiques.

Table Of Contents

  • Couverture
  • Titre
  • Copyright
  • À propos des directeurs de la publication
  • À propos du livre
  • Pour référencer cet eBook
  • Table des matières
  • Illustrations
  • Tableaux
  • Introduction
  • I Les voix dans le cinéma muet et le cinéma parlant
  • 1 Failure and experiments in Multi-Language Version Films, 1929–1933 (Anna Dimitrova)
  • 2 “Écoute, reste un moment sans parler”: Sound, realism and simulacrum in Jacques Feyder’s Le Grand Jeu (1934) (Barry Nevin)
  • II Le parlé-chanté : musique et langue dans le cinéma parlant
  • 3 Les voix/voies de la publicité entre cinéma muet et cinéma parlant (Laura Santone)
  • 4 Star dialogue: Henri Jeanson, Louis Jouvet and the mise en scène and mise en corps of film dialogue (Sarah Leahy)
  • 5 Ernst Lubitsch’s The man that I killed: Between gravity and poetry (Michaël Abecassis)
  • III Variation régionale et diachronique dans le cinéma francophone
  • 6 Parler urbain, parler rural … des frontières qui s’invitent au cinéma français (Souheila Hedid)
  • 7 Les sacres à travers deux films québécois : Bon Cop, Bad Cop et De père en flic (Amélie Hien)
  • IV Analyse de corpus anciens et contemporains
  • 8 Une voix au bord du bruitage dans L’Impasse des deux palais de Naguib Mahfouz (Asma Chamly-Halwani)
  • 9 La semence de la voix et ses fantômes chez Safaa Fathy (Maribel Peñalver Vicea)
  • V Analyse de discours médiatisés
  • 10 Bonsoir. Je vais mal : la difficile expression de l’empathie dans un chat de prévention du suicide (Gudrun Ledegen)
  • 11 “But you are absolutely right, Mr Prime Minister”: Terms of address and televised political debates between the ballots (1974–2012) (Françoise Sullet-Nylander / Malin Roitman)
  • Appendice The voices project
  • Abd al Malik (by David Spieser-Landes)
  • Arletty (by Sylvie Blum-Reid)
  • Antonin Artaud (by Jonathan Marshall)
  • Charles Aznavour (by Marcelline Block)
  • Gaston Bachelard (by Michaël Abecassis)
  • Robert Barrat (by Rachel M. Johnston-White)
  • Jean-Louis Barrault (by Michaël Abecassis)
  • Roland Barthes (by Aimée Boutin)
  • Harry Baur (by Keith Reader)
  • Guy Bedos (by Sandra Rousseau)
  • Jean-Paul Belmondo (by Jade Patterson)
  • Pierre Bellemare (by Michaël Abecassis)
  • Sarah Bernhardt (by Michaël Abecassis)
  • Jean-Louis Bory (by Marcelline Block)
  • Ferdinand Brunot (by Aimée Boutin)
  • Aimé Césaire (by William Pimlott)
  • Sorj Chalandon (by Karine Deslandes)
  • Hélène Cixous (by Marcelline Block)
  • Sidonie-Gabrielle Colette (by Michaël Abecassis)
  • Charles Cros (by Aimée Boutin)
  • Jamel Debbouze (by Sandra Rousseau)
  • Charles de Gaulle (by Anna Dimitrova)
  • Gilles Deleuze (by Virginie Trachsler)
  • Jacques Derrida (by Marcelline Block)
  • Jean d’Ormesson (by Michaël Abecassis)
  • Minou Drouet (by Marcelline Block)
  • George Eddy (by Keith Rathbone)
  • Paul Éluard (by Theano Petrou)
  • Fréhel (by Keith Reader)
  • Brigitte Fontaine (by Michaël Abecassis)
  • Jean Gabin (by Sylvie Blum-Reid)
  • Serge Gainsbourg (by Jonathan Marshall)
  • André Gide (by Martin Guiney)
  • Jean-Luc Godard (by Jade Patterson)
  • Sacha Guitry (by Michaël Abecassis)
  • Claude Hagège (by Virginie Trachsler)
  • Johnny Hallyday (by Martin Guiney)
  • Michel Houellebecq (by William Pimlott)
  • Vladimir Jankélévitch (by William Pimlott)
  • Serge July (by Karine Deslandes)
  • Élie Kakou (by Sandra Rousseau)
  • Julia Kristeva (by William Pimlott)
  • Jacques Lacan (by Theano Petrou)
  • Bernadette Lafont (by Keith Reader)
  • Francis Lai (by Marcelline Block)
  • Claude Lanzmann (by William Pimlott)
  • Denis Lavant (by Jonathan Marshall)
  • Linda Lê (by Alexandra Kurmann and Tess Do)
  • Jean-Pierre Léaud (by Keith Reader)
  • Lisa LeBlanc (by Elizabeth Robinson)
  • Kim Lefèvre (by Alexandra Kurmann and Tess Do)
  • Sylvère Lotringer (by Jenny Batlay)
  • Gherasim Luca (by Michaël Abecasis)
  • Maria Malibran (by Aimée Boutin)
  • Clara Malraux (by Marcelline Block)
  • René Maran (by Susan Allen)
  • François Mauriac (by Anna Dimitrova)
  • Jean-Pierre Marielle (by Marcelline Block)
  • MC Solaar (by Jonathan Marshall)
  • Eddy Mitchell (by Martin Guiney)
  • Mistinguett (by Keith Reader)
  • Patrick Modiano (by Marcelline Block)
  • Anna Moï (by Alexandra Kurmann and Tess Do)
  • Henri Mondor (by Marcelline Block)
  • Yves Montand (by Michaël Abecassis and Marcelline Block)
  • Christine Ockrent (by Maggie Allison)
  • Georges Perec (by Marcelline Block)
  • André Philip (by Rachel M. Johnston-White)
  • Francis Ponge (by Marcelline Block)
  • Jean Quittard (by Evan Spritzer)
  • Michael Riffaterre (by Marcelline Block)
  • Thierry Roland (by Keith Rathbone)
  • Ségolène Royal (by Maggie Allison)
  • Edouard-Léon Scott de Martinville (by Aimée Boutin)
  • Eugène Saccomano (by Keith Rathbone)
  • Françoise Sagan (by Martin Guiney)
  • Henri Salvador (by Marcelline Block)
  • Jean-Paul Sartre (by William Pimlott)
  • Michel Simon (by Keith Reader)
  • Philippe Sollers (by William Pimlott)
  • Omar Sy (by Jade Patterson)
  • Audrey Tautou (by Michaël Abecassis)
  • Tzvetan Todorov (by Anna Dimitrova)
  • Bachir Touré (by Sylvie Kandé)
  • Boris Vian (by Martin Guiney)
  • Marthe Villalonga (by Sandra Rousseau)
  • Jean Wahl (by Marcelline Block)
  • André Weckmann (by David Spieser-Landes)
  • Léon Zitrone (by Marcelline Block)
  • Notes sur les auteurs
  • Index
  • Titres de la collection

Illustrations

Figure 2.1 : Le Grand Jeu (1934). Images Courtesy of Eureka Entertainment DVD (2010)

Figure 3.1 : Les laveuses (1) (Louis and Auguste Lumière, 1897)

Figure 3.2 : Les laveuses (2) (Louis and Auguste Lumière, 1897)

Figure 3.3 : Ripolin, peinture laquée (poster by Eugène Charles Paul Vavasseur, 1898)

Figure 3.4 : Liqueur Cointreau (poster by Francisco Tamagno, 1890)

Figure 3.5 : Logo Carosello Rai (1957)

Figure 3.6 : Amnesty International : violence conjugale (Olivier Dahan, 2008)

Figure 3.7 : « Stoooop » Amnesty International : violence conjugale (Olivier Dahan, 2008)

Figure 3.8 : Virgin Megastore (1991) (1)

Figure 3.9 : Virgin Megastore (1991) (2)

Figure 3.10 : Vérolax-Constipée (Film Master, 1992)

Figure 3.11 : Cherry Blossom : Charlie (Agence Lintas, 1990)

Figure 4.1 : Professor Lambertin and his class. Louis Jouvet “playing himself”, Odette Joyeux and Claude Dauphin in Entrée des artistes (Allégret, 1938). [DVD René Château Vidéo, 2008]

Figure 4.2 : Spectacular dialogue: the mise en scène and mise en corps of words. Madeleine Geoffroy, Louis Jouvet, and André Brunot in Entrée des artistes (Allégret, 1938). [DVD René Chateau Vidéo, 2008]←ix | x→

Figure 4.3 : Jouvet as Flow as Durin, with Fernand Gravey as Antonin Rose in Mister Flow (Siodmak, 1936). [<http://www.cinetom.fr/archives/2015/03/22/31749605.html>. Accessed 19 September 2017]

Figure 4.4 : Jouvet “campe” Isamora and Dupon: “Trente mille francs par mois, logé, nourri, blanchi pour travail de remplacement facile et agréable”. Copie conforme (Dréville, 1947). [DVD L. C. J. Editions & Productions, 2013]

Figure 4.5 : Acousmêtre déjà-vu. Hôtel du Nord (Carné, 1938). [DVD Soda Pictures, 2006]

Figure 5.1 : Haunted by the gazes of guilt and repentance. Lubitsch, The man that I killed (1932)

Figure 5.2 : Redemption through music. Lubitsch, The man that I killed (1932)

Figure 7.1 : Questionnement sur la nature, les usages et les significations des sacres

Figure 10.1 : Répartition horaire des conversations

Figure 10.2 : Âge estimé des appelants

Figure 10.3 : AFC pour les créneaux horaires

Figure 11.1 : Delocutive TAs and allocutive TAs

Figure 11.2 : TAs 1974 & TAs 1981

Figure 11.3 : TAs 1988 & TAs 1995

Figure 11.4 : TAs 2007 & TAs 2012

Figure A.1 : Jenny Batlay and Francis Ponge at Cerisy in 1975 (courtesy of Jenny Batlay)←x | xi→

Introduction

Comme l’a montré avec pertinence le musicologue Michel Chion,1 les acteurs du cinéma muet sont des voix (au pluriel), imaginées et rêvées. Il prend l’exemple des multiples voix de Garbo que s’imaginent individuellement les spectateurs de films muets. Avec le cinéma parlant, plus de place à l’imagination, ces voix deviennent la réalité unique et singulière de leur locuteur, même si le propre de l’acteur est d’altérer son timbre de voix, de lui donner des tonalités et des accents différents par le chant notamment. Le cinéma avant d’être parlant fut muet bien sûr mais avant tout chanté, comme si la chanson avait permis la transition du muet au parlant. Encore mal à l’aise à la sortie du muet, les réalisateurs multiplient les morceaux musicaux et les intervalles chantés qui alternent avec des passages qui restent muets. Le Chanteur de Jazz (1927), considéré par beaucoup comme le premier film parlant, réserve davantage de place au chanté qu’au parlé. Le héros s’exprime pour la première fois après quarante minutes pour laisser place à un genre transitoire et hybride entre la parole et la chanson : le parlé-chanté. Les acteurs français qui assurent le passage entre le muet et le parlant sont souvent des chansonniers mis en scène pour leur gestuelle bien sûr et leurs expressions faciales, mais aussi leur qualité vocale et leurs prestations musicales.

Comme l’a noté le philosophe Jacques Derrida, l’enregistrement des voix a été l’un des évènements marquants du siècle passé.2 Le sociolinguiste William Labov s’est intéressé aux motivations sociales des variations phonologiques, mais non pas à la voix en tant que telle. Les recherches effectuées sur la texture et la qualité de la voix ou la relation entre la voix←1 | 2→ et l’affect sont beaucoup plus rares.3 Le sujet est mentionné dans les discussions sur la musique, le doublage, le théâtre et la traduction, sans toutefois être analysé en profondeur. Les articles sur la voix correspondent en outre à un développement relativement récent dans les domaines de la psycholinguistique et de la psychoacoustique, lié à un regain d’intérêt pour les études sur l’émotion de manière générale. Une simple recherche des vocables “voice quality” [la qualité de la voix] dans la banque de données de The Lingustics and Language Behaviour Abstract Database (LLBA) référencie 243 occurrences sur la période entre les années 2000 et 2017, avec une nette progression ces dernières années, suite aux développements de techniques et d’outils beaucoup plus précis, comme la reconnaissance vocale et la traduction automatique.

Le présent recueil d’articles offre une perspective pluridisciplinaire au carrefour entre la sociolinguistique, la phonologie et les études cinématographiques. Dans le premier chapitre, les auteurs s’intéressent à la description de la voix dans le cinéma muet et dans le cinéma parlant. L’apparition du son a provoqué des bouleversements imprévisibles dans le monde du cinéma. Les premiers films sonores, nommés Films de Versions Multiples (FVM), ont été filmés simultanément en plusieurs langues. L’article d’Anna Dimitrova explore la complexité des obstacles (politiques, économiques et culturels) que les créateurs de FVM ont affrontés au cours de leur production. Barry Nevin commente pour sa part l’évolution du muet au parlant en suivant la trajectoire du cinéaste Jacques Feyder dont le premier film parlant Le Grand Jeu fut l’un des plus notables de cette époque.

Le deuxième chapitre est consacré plus particulièrement à l’association entre la musique, la musicalité de la voix et la langue aux débuts du parlant. L’article de Laura Santone se propose de retracer les voies par lesquelles la publicité a puisé dans le cinéma muet d’abord, et dans le cinéma parlant par la suite. La floraison des spots réalisés de la fin du XIXème siècle jusqu’aux années 20 montre clairement que le cinéma, bien que « muet », contribue de façon éloquente au discours de la persuasion en raffinant davantage les←2 | 3→ stratégies de séduction censées orienter l’acte d’achat. L’article de Sarah Leahy se penche ensuite sur la question des stars, et plus précisément celle de la voix de la star comme vecteur de la relation entre l’auteur des dialogues, l’acteur et le public. Partant de la relation professionnelle et amicale entre Henri Jeanson, l’un des dialoguistes les plus féconds du cinéma français classique, et Louis Jouvet, monstre sacré de la scène et de l’écran, l’article analyse la mise en scène et la mise en corps du dialogue cinématographique et la « coïncidence parfaite » entre l’écriture de Jeanson et la voix de Jouvet en adoptant l’optique barthésienne du grain de la voix. Nous plongeons cette fois-ci dans le cinéma américain, avec l’article de Michaël Abecassis consacré au film d’Ernst Lubitsch L’homme que j’ai tué (The Man That I Killed), adapté d’une nouvelle de Maurice Rostand. Il montre comment au début du parlant, le film est une pluralité de voix au sens propre comme au figuré, et si l’on s’immisce dans l’intertextualité des dialogues et dans l’intériorité des personnages, c’est la quintessence même de la voix, à la frontière entre la musique et l’écriture, qui se fait entendre.

Dans le troisième volet de cet opus, les auteurs s’intéressent aux variations régionales et diachroniques dans le cinéma francophone. Le corpus de Souheila Hedid est constitué de films français ayant comme thème principal un déplacement de la campagne vers la ville et inversement. Il s’agit dans ce travail de mettre l’accent sur les frontières épilinguistiques forgées dans les productions cinématographiques françaises. Dans les deux comédies policières québécoises Bon Cop, Bad Cop et De père en flic qu’Amélie Hien analyse, on assiste à un va-et-vient entre le français international et le français populaire québécois aussi appelé joual. Dans cet article, l’auteure accorde une attention particulière aux variétés régionales, aux anglicismes ainsi qu’aux jurons empruntés au domaine religieux qui font la singularité de ces films, afin de mettre en évidence des traits sociolinguistiques.

L’avant-dernier chapitre s’intéresse à l’étude spécifique de corpora, anciens ou contemporains. Asma Chamly-Halwani étudie le roman Impasses des deux palais de Neguib Mahfouz en montrant comment dans la tradition littéraire la voix au bord du bruitage est considérée comme une entité subordonnée à un langage herméneutique. Dans la contribution de Maribel Peñalver Vicea, il s’agit d’analyser la voix dans Nom à la mer de Safaa Fathy, un poème mis en images, lu par le philosophe Jacques Derrida, co-réalisateur←3 | 4→ du film. Nom à la mer est un hommage à la petite sœur de l’auteure, morte dans sa plus tendre enfance. On comprendra que la voix dans ce film devient les voix qui nous habitent constamment et qu’il faut libérer en soi, le cinéma ne cessant d’inscrire en nous les traces de nos fantômes.

Enfin le dernier volet élargit la discussion et ouvre une réflexion sur la voix dans d’autres contextes, ceux des médias et des nouvelles technologies, dont le développement a beaucoup changé notre relation à l’interaction et plus particulièrement à la voix. Chaque jour des millions de messages circulent sur les réseaux sociaux. En plus de son abondance et de son accessibilité, le chat, comme tout échange électronique en ligne semble pour sa part offrir un accès direct et authentique, aux habitudes linguistiques des usagers, où s’entremêlent les caractéristiques de l’oral et de l’écrit.  C’est dans ce langage interstitiel que se fait entendre une autre voix/d’autres voix, celles de la communication électronique. L’article de Gudrun Ledegen en préambule à ce chapitre sur les discours médiatisés se concentre sur la difficile tâche d’une association de prévention du suicide, qui, après avoir été longtemps téléphonique, est passé depuis quelques années aussi à l’écrit via « l’interface chat ». Ce nouveau mode d’accueil est fortement marqué par l’absence de la voix de l’interlocuteur, et de sa prosodie, ce qui rend l’empathie bien plus difficile à communiquer. De nos jours, les supports de communication modernes permettent de sauvegarder la quantité d’archives existantes et de la rendre accessible à un plus vaste  public. La mémoire du son n’est pas seulement celles des acteurs, mais celles des auditeurs ou des écrivains. Toute trace écrite est une tessiture de sons et de voix comme celles qui se développent par le biais de l’électronique. Parmi les rares documents sonores qui subsistent du début du XXème siècle et désormais disponibles en ligne, outre la voix d’hommes de lettres tels que Guillaume Appolinaire, Gustave Eiffel ou Gaston Bachelard, des personnalités du monde du théâtre à l’instar de Sarah Bernhardt, ce sont les paroles des grandes figures de la politique qui frappent par leur singularité. On peut signaler par exemple la voix de Maurice Barrès, lors de son intervention à la tribune de la Chambre des députés ou encore celle de Léon Blum présentant son gouvernement du Front populaire. Un volume sur le grain de voix ne serait pas complet sans une étude de la parole des personnalités du monde de la politique d’aujourd’hui qui domine l’espace médiatique. Pour clore ce chapitre sur←4 | 5→ l’étude de corpus, l’article de Françoise Sullet-Nylander et Malin Roitman se focalise sur la voix des hommes politiques français, qui, à travers l’étude des formes d’adresse dans les débats télévisés pour les élections présidentielles, déploient des stratégies et des voix/voies politiques contrastées.

Peut-on vraiment définir ce qu’est le grain de la voix, selon les termes employés par Barthes ? Il s’agit souvent pour les comédiens de jouer un rôle et de styliser un accent, au point où cet accent se dérobe au corps qui l’utilise en devenant un objet étranger et singulier, voire une sorte de symbole, représentatif d’une classe sociale ou d’une région. L’accent d’Arletty est beaucoup plus neutre lorsqu’elle s’exprime dans des entretiens que lorsqu’elle joue ou surjoue le « français populaire » de Paris. Chaque individu n’est donc pas une voix mais une pluralité de voix. Dans la dernière partie de cet ouvrage, sous forme d’appendice, Michaël Abecassis et Marcelline Block rassemblent une liste des voix les plus marquantes du monde de la radio, de la télévision ou du théâtre. La sélection est loin d’être exhaustive, et a une valeur pédagogique en nous plongeant dans notre patrimoine audiovisuel, mais aussi celui de nos parents et grands-parents. Elle s’inspire de la librairie sonore des éditions Frémeaux et associés et notamment de leur Anthologie du XXème siècle disponible sous support CD. Les auteurs s’attachent à regrouper par ordre alphabétique un échantillon de voix que les universitaires qui ont travaillé sur ce projet ont choisi dans leurs souvenirs personnels et qu’ils considèrent comme particulièrement singuliers et significatifs d’une époque.

Details

Pages
XII, 332
Year
2019
ISBN (PDF)
9781788741088
ISBN (ePUB)
9781788741095
ISBN (MOBI)
9781788741101
ISBN (Softcover)
9781788741071
DOI
10.3726/b12738
Language
English
Publication date
2019 (April)
Keywords
Grain de la voix cinéma français et anglophone linguistique et sociolinguistique accents corpus
Published
Oxford, Bern, Berlin, Bruxelles, New York, Wien, 2019. XII, 332 pp., 28 fig. b/w, 6 tables

Biographical notes

Michaël Abecassis (Volume editor) Marcelline Block (Volume editor) Gudrun Ledegen (Volume editor) Maribel Peñalver Vicea (Volume editor)

Michaël Abecassis est Maître de Conférences à l’Université d’Oxford (Christ Church, University et Wadham). Ses champs de recherche sont la linguistique appliquée, la sociolinguistique, la grammaire, la chanson francophone et le cinéma. Il est l’auteur de The Representation of Parisian Speech in the Cinema of the 1930s (2005) et l’éditeur avec Marcelline Block de French Cinema in Close-up: La vie d’un acteur pour moi (2015) et An Anthology of French and Francophone Singers from A to Z: Singin’ in French (2018). Marcelline Block est diplômée de Harvard et de Princeton, spécialiste de cinéma. Parmi ses publications sont World Film Locations: Boston, Paris, Prague, Las Vegas and Marseille; Fan Phenomena: Marilyn Monroe (2015); la traduction en anglais de Propaganda Documentaries in France, 1940–1944 (2016) par Jean-Pierre Bertin-Maghit; et avec Michaël Abecassis, French Cinema in Close-up: La vie d’un acteur pour moi (2015) et An Anthology of French Singers from A to Z: Singin’ in French (2018). Gudrun Ledegen est Professeure des Universités en Sciences du Langage à l’Université de Rennes 2 et auparavant à l’Université de La Réunion. Ses recherches portent sur la sociolinguistique, la syntaxe du français ordinaire et les langues en contact (français–créole réunionnais), entre autres dans les parlers jeunes, ou encore l'écrit-sms. Elle s'intéresse par ailleurs à la circulation interlinguistique dans les échanges en contexte de surdité. Maribel Peñalver Vicea est Professeure titulaire (MC, HDR) en linguistique française à l’Université d’Alicante (Espagne). Elle est membre associée au CREFEG/LF, Sorbonne nouvelle-Paris 3 (Champ d’étude en études féminines et de genres/Littératures francophones), appartient au SYLED-CLESTHIA, ainsi qu’à « Genre, sexualités, langages », à l’Université de la Sorbonne Nouvelle-Paris 3, où elle est Professeure invitée.

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