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Francographies africaines contemporaines

Identités et globalisation

de Roger Fopa Kuete (Éditeur de volume) Bernard Bienvenu Nankeu (Éditeur de volume)
©2017 Collections 188 Pages

Résumé

La notion de Francographie est essentiellement contestataire, polémique. Elle affirme une autonomie idéologique et une certaine distance critique vis-à-vis de ce que l’on nomme alors « littérature (s) francophone (s) » d’Afrique ou d’ailleurs. Elle ne se réclame ni du centre ni de la périphérie, mais laisse en avant-garde l’idée d’une diversité dépouillée de toute connotation politiste et hégémoniste. L’on peut y voir une littérature « d’un monde » parmi « des mondes», qui ne se mesure ni ne s’épanouit qu’au gré des tensions autour et sur le sens. Les francographies africaines actuelles sont donc des lieux où se mettent en place les schèmes révélateurs d’une reconfiguration non seulement des systèmes de relation au monde et au sein de l’espace francophone, mais surtout des reconstructions identitaires. Au-delà des problèmes d’ordre épistémologique, ces francographies soulèvent de grandes préoccupations au plan de l’esthétique ; signe de la prégnance de motifs d’une multi-culturalité bientôt rebelle et dissidente au détriment d’une perspective interculturelle.

Table des matières

  • Couverture
  • Titre
  • Copyright
  • Sur l’auteur
  • À propos du livre
  • Pour référencer cet eBook
  • Remerciements
  • Table des matières
  • Introduction (Roger Fopa Kuete)
  • Postures identitaires chez les francographes africains contemporains
  • Les facteurs de la praxis intermédiale en francographie (François Guiyoba)
  • Désastre à Fodong de Gilbert Doho (Roger Fopa Kuete)
  • De l’intersémioticité à la posture identitaire chez Gaston-Paul Effa (Bernard Bienvenu Nankeu)
  • Francographies de développement (Jean Désiré Banga Amvéné)
  • L’écriture de l’entre-deux identitaire et les langues
  • Vivre l’ici dans l’ailleurs : entre les eaux des personnages migrants (Alda Flora Amabiamina)
  • Écrire dans la langue de l’Autre, le choix de l’exilée Fatou Diome (Aliou Seck)
  • De l’identité-source à l’identité-projet (Alain Poaire Kamki)
  • Identités féminines et globalisation dans l’écriture de soi et de l’autre chez Assia Djebar (Alain Cyr Pangop Kameni, Nicole Zébazé, née Nana Nguegong)
  • Perspective empirique
  • Identité d’Africaines reconstruite entre tradition et modernité (Henri Rodrigue Njengoué Ngamaleu)
  • Bibliographie
  • Comité scientifique
  • Titres de la collection

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Introduction

Roger FOPA KUETE

La notion de Francographie est essentiellement contestataire, polémique. Elle affirme une autonomie idéologique et une certaine distance critique à l’égard de ce que l’on nomme « littérature(s) francophone(s) » d’Afrique ou d’ailleurs. Elle ne se réclame ni du centre ni de la périphérie, mais laisse en avant-garde l’idée d’une diversité dépouillée de toute connotation politiste et hégémoniste. L’on peut y voir une littérature « d’un monde » parmi « des mondes », qui ne se mesure ni ne s’épanouit qu’au gré des tensions autour et sur le sens. De nombreux auteurs signalent le caractère suspect des « littératures francophones », notamment Nimrod, qui y voit une expression à « bannir » et Mabanckou, qui les considère comme une institution perpétuant une « ségrégation », « un ghetto ». Les francographies africaines contemporaines, plus qu’avant, disent dans la langue française la vie des langues autres que le français et avec elles les cultures qu’elles véhiculent, mettant ainsi en déroute les logiques immanentistes d’obédience structuraliste. Le nœud du problème demeure sans conteste le conflit sur « l’univers du discours »1. Paul Zang Zang et Pierre Essengue montrent bien que le français d’Afrique, plus qu’une pâle copie du français de France du temps des colonies, est devenu un français autonome de par ses « tendances phonétiques […], morphologiques […] et lexicales »2. Ainsi, loin d’enrichir la langue et la culture françaises pour faire du français « la langue de culture de la Civilisation de l’Universe »3 selon les vœux de Senghor, les francographies africaines contemporaines mettent en débat non seulement l’avenir de la littérature française et, partant, de la culture française, mais aussi celui des littératures d’expression française et les cultures d’ailleurs. ← 11 | 12 →

Au-delà des problèmes d’ordre épistémologique, les francographies africaines contemporaines soulèvent également de grandes questions sur le plan de l’esthétique, signe de la prégnance de motifs d’une multi-culturalité bientôt rebelle et dissidente au détriment d’une perspective interculturelle que l’un des questionnements de Chamoiseau avait alors remise au goût du jour, à savoir : « comment écrire quand ce que [l’on est] végète en dehors des élans qui déterminent [sa] vie ? »4 Ces francographies sont donc des lieux où se mettent en place les schèmes révélateurs d’une reconfiguration non seulement des systèmes de relation au monde et au sein de l’espace francophone, mais surtout des reconstructions identitaires qui donnent un sens à ce que Dominique Wolton appelle « la francosphère »5.

Les différents essais qui composent cet ouvrage analysent principalement ces nouveaux schèmes identitaires dans la perspective de saisir comment ils sont construits, questionnés et narrés chez les écrivains francographes contemporains. Ils se proposent aussi d’évaluer les relations que ces écrivains entretiennent avec le nouveau monde dit global, nomade et « sans frontières »6, aux identités fluides, composites et rhizomiques.

Deux axes thématiques structurent le présent ouvrage : « Postures identitaires chez les francographes africains contemporains » et « L’écriture de l’entre-deux identitaire et les langues ».

Quatre essais composent le premier axe thématique. Ainsi, François Guiyoba établit un lien entre les francographies africaines contem­poraines et la théorie intermédiale. En observant que du fait de la mondialisation, de la diversité culturelle et linguistique des littératures de l’espace francophone où le français est diversement parlé et écrit, il en résulte des textes francographiques médiagéniques, il considère que la francophonie favorise les pratiques intermédiales. L’hybridité des cultures et des langues, le cosmopolitisme des auteurs ainsi que l’enracinement culturel apparaissent selon lui comme autant de facteurs d’interaction médiatique. À travers le triptyque temps/tradition/sacralité, le couple identité/culture et la déconstruction de Jacques Derrida, Roger Fopa Kuete analyse Désastre à Fodong de Gilbert Doho. Il apparaît que le personnage principal de cette œuvre, reflet infratextuel du sujet africain, semble réinventer les valeurs traditionnelles dans la perspective d’une ← 12 | 13 → adaptation à l’air du temps. Les interdits et le sacré sont désormais repensés, soumis à une flexibilité, sans pour autant être désacralisés. Si l’homme africain est plus que jamais en quête d’une identité ou d’une légitimation qui facilite sa relation à l’altérité, celle de l’écrivain Gaston-Paul Effa est indissociable de son lieu d’écriture. Écrivant depuis la France, le romancier livre des textes qui se réfèrent certes à l’Afrique Noire francophone, mais qui intègrent dans leurs structures narratives des supports culturels exclusifs au monde européen ou occidental. Cette interaction médiatique occidentalisée, ce dynamisme médiagénique euro-centré trahit la préférence culturelle, les influences intellectuelles de l’écrivain. Bernard Bienvenu Nankeu voit dans trois de ses romans, à savoir Cheval-roi, Voici le dernier jour du monde et À la vitesse d’un baiser sur la peau une plate-forme transmédiatique qui « cache mal l’amour [de Gaston-Paul Effa] pour la culture et les valeurs occidentales ». Effa se construit donc une identité qui s’enracine dans le contexte européen. Jean Désiré Banga pense que certaines « francographies africaines dites de la rupture sont déterminées par des discours occidentaux défavorables à la mise en valeur de l’Afrique ». Prenant appui sur En attendant le vote de bêtes sauvages d’Ahmadou Kourouma, l’auteur rattache ce roman de l’écrivain à un type de littérature (re)commandé par l’édition européenne, qui en réalité donne, sans raison, de l’Afrique une vision apocalyptique. Ce qui contribue à pérenniser l’idéologie des inégalités entre les races.

La seconde articulation portant sur « L’écriture de l’entre-deux identitaire et les langues » s’attache à questionner l’ambivalence identitaire de certains auteurs et le rapport entre l’ici et l’ailleurs. Dans cette perspective, Flora Amabiamina voit dans le roman africain de la migration une peinture des migrants tiraillés entre le pays d’origine et le pays d’accueil. À en croire l’auteure, les personnages des « écritures migrantes » sont le plus souvent déchirés, saisis par un sentiment d’incomplétude. En comparant Le paradis du nord de Jean-Roger Essomba, Riwan ou le chemin de sable de Ken Bugul, Le ventre l’Atlantique de Fatou Diome, L’homme qui m’offrait le ciel de Calixthe Beyala, Je vois du soleil dans tes yeux de Nathalie Etoké et Nous enfants de la tradition de Gaston-Paul Effa, Amabiamina aboutit à la conclusion selon laquelle le sentiment d’étrangeté conduit les personnages migrants à se renfermer ou à trouver, tant bien que mal, des voies et des moyens pour se réaliser dans un contexte étranger. Des six romans sur lesquels s’appuie la réflexion de Flora Amabianmina, Le ventre de l’Atlantique de Fatou Diome constitue la matière d’œuvre à partir de laquelle Seck Aliou explore le rapport de l’écrivain(e) à la langue car les écrivains de l’espace francophone embrassent la langue française avec leur ← 13 | 14 → environnement, leur identité, leur imaginaire, leur rêve. Dès lors, écrire se traduit en un acte de récupération du français parisien pour le mettre au service d’un dire qui souligne le soi-même différent de l’autre. L’écriture de Fatou Diome, selon les mots de Seck Aliou, est « biculturelle ». Elle s’inspire d’un « hypotexte africain constitué, pour l’essentiel, par le conte, le proverbe et les jeux sur la langue ». La pratique de la langue française chez la romancière sénégalaise prend des distances par rapport à la norme parisienne. Elle se fond dans les réalités (culturelles) africaines et fait de l’écrivaine une passeuse de culture, une traductrice au sens goethéen du terme.

Alain Poaire Kamki quant à lui se sert des éléments anthropologiques (rites, coutumes, pratiques, etc.) et des outils théoriques tels que la déconstruction, « l’identité essentialiste », « l’identité constructiviste », « l’identité-projet » pour mettre en lumière le travail identitaire qui traverse les oeuvres autobiographiques de Claude Njiké-Bergeret. La réflexion de l’auteur aboutit au constat selon lequel cette écrivaine « est une intermédiaire entre les valeurs européennes et africaines. Elle est l’incarnation de la symbiose, du syncrétisme culturel en osmose ». La romancière se construit entre plusieurs valeurs, différentes cultures et diverses traditions. Enfin, Alain Cyr Pangop Kameni et Nicole Zébazé s’intéressent à cinq romans d’Assia Djebar pour questionner le regard qu’elle pose sur les rapports identitaires hommes/femmes, non seulement dans sa culture d’appartenance mais également ailleurs. Car la substance de son écriture n’est rien d’autre que la réflexion sur le statut de la femme musulmane et les différentes identités auxquelles cette dernière fait face. Il apparaît que les récits d’Assia Djeba mettent en scène des femmes qui se cherchent dans la modernité et la globalisation. Des femmes se cherchent, l’Afrique aussi. Cet effort entrepris par le berceau de l’humanité pour se développer n’est malheureusement pas encouragé ou applaudi par ses fils écrivains.

Pour sortir, c’est-à-dire pour ne pas trop rester dans les livres, les nuages ou l’abstraction comme le reprochait Anatole France aux poètes, Rodrigue Ngamaleu propose une étude de cas. Cette étude ne porte certes pas sur un francographe africain contemporain, mais a le mérite de composer avec la nature, les réalités, les faits, le social, bref l’identité africaine réellement en construction chez certaines femmes africaines en contexte de globalisation. La contribution de Rodrigue Ngamaleu est ainsi une élaboration du réel, une intervention dans ce réel pour « procéder, suivant une approche quantitative, à l’évaluation attitudinale des valeurs, relevant de la tradition et de la modernité, et qui structurent l’identité ← 14 | 15 → reconstruite de femmes africaines actuelles ». Ces femmes se construisent « identitairement », pour la plupart, entre tradition et modernité, avec le soutien de la gent masculine, à la condition qu’elles ne manquent pas de continuer à jouer leur rôle de femme au foyer, de mère et d’épouse. ← 15 | 16 →


1 Guy Éveraert (1992), « L’univers du discours et la cohésion textuelle », in Lerot Jacques/Thijs Christian (dir.), Texte, Communication et Cognition, Université Catholique de Louvain, Faculté de Philosophie et Lettres, Institut de Didactique (Documents du DIFR, Cahiers FLT, n° 2), pp. 15-32.

2 Paul Zang Zang et Pierre Essengue (2015), « Le français d’Afrique : une langue française de culture africaine », in Dynamique des Français africains : entre le culturel et le linguistique, Frankfurt, Peter Lang, pp. 43-45.

Résumé des informations

Pages
188
Année
2017
ISBN (PDF)
9782807603035
ISBN (ePUB)
9782807603042
ISBN (MOBI)
9782807603059
ISBN (Broché)
9782807603028
DOI
10.3726/b11073
Langue
français
Date de parution
2017 (Mars)
Mots clés
identités francographies Afrique littérature africaine
Published
Bruxelles, Bern, Berlin, Frankfurt am Main, New York, Oxford, Wien, 2017. 188 p.

Notes biographiques

Roger Fopa Kuete (Éditeur de volume) Bernard Bienvenu Nankeu (Éditeur de volume)

Titulaire d’un Ph.D en Littérature Française, Roger Fopa Kuete enseigne les littératures d’expression française ainsi que les théories postcoloniales au Département de Français de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines à l’Université de Maroua au Cameroun. Ses champs d’intérêt sont : la littérature française du XIXe siècle, la littérature contemporaine, les questions de culture, d’identité et d’intermédialité. Bernard Bienvenu Nankeu est Chargé de cours au Département de Français de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de l’Université de Maroua, au Cameroun. Il y enseigne l’institution littéraire, les littératures francophones, la littérature française et comparée. Domaines dans lesquels sont publiés et en cours de publication le présent ouvrage et la douzaine d’articles à son actif. À la lumière des théories postcoloniales, des outils du comparatisme tel que l’intermédialité, de l’érotisme et de la sociocritique, lesdits articles développent des réflexions sur l’amour, la sexualité, l’identité, la culture et les mentalités dans les romans français et francophones.

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