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Jean-Bernard Raimond, un diplomate en politique

Préface d'Hubert VÉDRINE et conclusion d'Édouard BALLADUR

de Christine Manigand (Éditeur de volume) Olivier Sibre (Éditeur de volume)
©2020 Collections 140 Pages
Série: Georges Pompidou – Études, Volume 11

Résumé

Jean-Bernard Raimond fait partie d’une génération de diplomates et de politiques dont la formation s’appuyait très souvent, à l’instar des élites de la IIIe République, sur une solide culture littéraire. Il fut d’abord un brillant khâgneux à Louis-le-Grand, comme Georges Pompidou –– normalien cultivé et russophone, sans politisation particulière, puis bascule vers la haute fonction publique, en intégrant l’ENA en 1954.
Deux ans plus tard, il rejoint la Carrière, chargé de la politique soviétique au Proche et Moyen-Orient. Convaincu de la nécessité d’un "gouvernement par les littéraires", Georges Pompidou l’appelle comme chargé de mission puis conseiller diplomatique, après l’avoir vu évoluer auprès de son ministre des Affaires étrangères, Maurice Couve de Murville dès 1967, puis comme conseiller technique de son gouvernement.
Des lettres à la diplomatie, Jean-Bernard Raimond déploie une action technique assise sur une maturation globale des enjeux, et une compréhension subtile des réalités géopolitiques qu’il appréhende. C’est ainsi qu’il évolue facilement des questions globales de la géopolitique de guerre froide — ambassadeur en Pologne puis en Union soviétique — au poste singulier de la Villa Bonaparte (Saint-Siège). Reconnu également pour son engagement et son intelligence politique, il est nommé ministre des Affaires étrangères de la première cohabitation, et élu député de la quatorzième circonscription des Bouches-du-Rhône, à Aix-en-Provence.
Des lettres à la politique, en passant par la diplomatie, c’est ce parcours riche, marqué par la figure de Georges Pompidou, que cet ouvrage tente de restituer.

Table des matières

  • Couverture
  • Titre
  • Copyright
  • À propos de l’auteur
  • À propos du livre
  • Pour référencer cet eBook
  • Table des matières
  • Hubert Védrine: Préface
  • Christine Manigand: Introduction
  • Des lettres à la diplomatie
  • Maëlle Gélin: Le temps des apprentissages
  • Gilles Le Béguec: Notre Maître de conférence à Sciences Po
  • Jean-Louis Lucet: Témoignage
  • La Carrière
  • Valérie Stiegler: Jean-Bernard Raimond et les relations avec le Maghreb
  • Émilia Robin: Jean-Bernard Raimond et l’Europe de l’Est
  • Philippe Levillain: Les relations avec le Vatican : Jean-Bernard Raimond, ambassadeur près le Saint-Siège
  • L’engagement politique
  • Sabrina Tricaud: Jean-Bernard Raimond au service de Maurice Couve de Murville et de Georges Pompidou
  • Cédric Francille et Christine Manigand: Être ministre des Affaires étrangères dans un gouvernement de cohabitation : les relations avec François Mitterrand
  • Frédéric Brun: Témoignage
  • Jean-David Levitte: Témoignage
  • Édouard Balladur: Conclusion

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Préface

Hubert Védrine

Je commencerai par un souvenir personnel. Devant faire ma « mobilité » d’énarque après mes premières années au ministère de la Culture, j’avais été convaincu, en 1979, par mon camarade de promotion Michel Suchod, de lui succéder au Quai d’Orsay. Il y occupait un double poste à la DGRC (comme elle s’appelait à l’époque : Direction Générale des Relations Culturelles, à quoi avait été ajoutés un S et un T, Scientifiques et Techniques) : coordinateur pour le Proche et le Moyen-Orient (cette vaste administration avait bien besoin de coordinateurs en son sein !) et responsable de la coopération pour l’éducation, le droit, la santé et les sciences humaines.

D’emblée, le directeur général, Jean-Bernard Raimond, qui aurait pu ignorer cet administrateur civil en mobilité, me fit bon accueil. Très vite, il m’invita à venir le voir pour que nous fassions connaissance, puis à déjeuner avec deux jeunes diplomates fraîchement émoulus et aussi affectés au sein de sa direction, au restaurant La Pérouse (la DGRC était installée rue La Pérouse). L’hôtel La Pérouse était prestigieux car il était celui où descendait le Général de Gaulle quand il venait à Paris, pendant sa traversée du désert. Jean-Bernard Raimond nous mit à l’aise. Il se montrait très cordial et attentionné avec ses nouveaux jeunes collaborateurs. Sa conversation – art trop oublié – était celle d’un normalien très cultivé mais sans aucune prétention ni lourdeur. Il était fin, un peu détaché. Il nous faisait parler, aimait l’humour, riait volontiers. Nous lui étions reconnaissants pour sa gentillesse et l’intérêt qu’il nous portait, à nous débutants, et impressionnés par son passage au cabinet de « Couve » puis à l’Élysée, comme conseiller diplomatique de Georges Pompidou (jamais je n’aurais pu imaginer à l’époque que j’occuperais un jour ces fonctions et d’autres). Ce parcours prestigieux expliquait, je pense, qu’il ne prenne rien au premier degré. Il me recevait volontiers. Nous parlions du Maroc où il avait été ambassadeur et que je connaissais bien du fait du rôle de mon père avant l’indépendance. Pour nous c’était un directeur idéal.

Dès le lendemain du 10 mai 1981, un coup de baguette magique me transporta dans « l’enceinte présidentielle » puis à l’Élysée auprès de François ←9 | 10→Mitterrand. Pendant la transition, le directeur de cabinet du ministre Jean-François Poncet, Jacques Viot, m’aida beaucoup dès le 11 mai, sans hésitation.

Par la suite, depuis l’Élysée, je m’affligeais de voir qu’un courant de gauche au Quai, un peu sectaire et revanchard, obtenait la marginalisation de Jean-Bernard Raimond. Ce n’était pas l’intention de Claude Cheysson ni de son directeur de cabinet François Scheer, mais ils ne purent pas proposer Jean-Bernard Raimond pour une ambassade importante avant une année. Je les appuyais alors fortement, usant de l’influence que je commençais à avoir comme jeune conseiller diplomatique. Aux yeux de François Mitterrand, avoir travaillé avec Georges Pompidou comme diplomate ne devait en aucun cas être un handicap ! Ce fut la Pologne. Et cela nous mit dès lors en contact régulier. Jean-Bernard Raimond s’y montra un analyste très clairvoyant dans cette période – de 1982 à 1984 – qui voyait déjà se multiplier dans le pays les signes de ce qui allait conduire, fin 1991, à la décomposition de l’URSS. Le Quai et moi fûmes ensuite d’accord pour proposer au Président qu’il soit nommé à Moscou en 1985, au moment de l’arrivée de Gorbatchev ! J’ai écrit dans Les Mondes de François Mitterrand : « Très peu nombreux sont ceux qui voient clair dès le début. Comme chez nous, l’ambassadeur Raimond. » En revanche, devenu ministre des Affaires étrangères lors de la première cohabitation, dans le gouvernement de Jacques Chirac, entre 1986 et 1988, il se montra plus inquiet que le Président Mitterrand sur les conséquences des projets de désarmement et des conversations Reagan/Gorbatchev sur la sécurité occidentale. Et son collègue à la Défense, André Giraud, l’était plus que lui ! Pendant cette première cohabitation, conflictuelle, il fut constamment un élément d’apaisement et de compromis et de modération. Après sa réélection en 1988, François Mitterrand le nomma près le Saint-Siège, sous le pontificat de Jean-Paul II, poste qui l’intéressa énormément.

Je dois rappeler aussi que Jean-Bernard Raimond eut le courage (à mes yeux) d’écrire en 1989 dans Le Quai d’Orsay à l’épreuve de la cohabitation que lors de l’échange fameux et tendu pendant le débat Mitterrand/Chirac de la campagne présidentielle de 1988 sur le déroulement exact de « l’affaire Gordji », « c’est Mitterrand qui avait raison ».

Nous avons ensuite gardé contact. Je l’ai croisé régulièrement pendant les années où il fut député à Aix-en-Provence et après. Pour moi, Jean-Bernard Raimond restera la figure attachante de l’honnête homme, au meilleur sens classique du terme. Très cultivé, sans prétention ni arrogance. Fin, attentif aux autres. Capable de détachement et d’humour. Et un « grand diplomate », façonné par un temps révolu et un monde qui a disparu, ce qui nous laisse face à une immense interrogation.

Résumé des informations

Pages
140
Année
2020
ISBN (PDF)
9782807613287
ISBN (ePUB)
9782807613294
ISBN (MOBI)
9782807613300
ISBN (Broché)
9782807613270
DOI
10.3726/b16273
Langue
français
Date de parution
2020 (Février)
Published
Berlin, Bern, Bruxelles, New York, Oxford, Warszawa, Wien, 2020. 140 p., 8 ill. en couleurs, 12 ill. n/b, 1 tabl.

Notes biographiques

Christine Manigand (Éditeur de volume) Olivier Sibre (Éditeur de volume)

Professeur d’histoire contemporaine à l’université Paris III Sorbonne Nouvelle, Christine Manigand est présidente du conseil scientifique de l’Institut Georges Pompidou, et membre de plusieurs autres conseils scientifiques. Elle a publié plusieurs articles et ouvrages sur la politique étrangère de Georges Pompidou. Directeur des études et de la recherche à l’Institut Georges Pompidou, Olivier Sibre est agrégé et docteur en histoire contemporaine de Sorbonne Université, spécialiste des relations internationales. Il a contribué à l’ouvrage Dans l’intimité du pouvoir, la présidence de Georges Pompidou, et publié en 2012Le Saint-Siège et l’Extrême-Orient (Chine, Corée, Japon) de Léon XIII à Pie XII, prix Jean Sainteny de l’Académie des sciences morales et politiques.

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