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Aux frontières du football et du politique

Supportérismes et engagement militant dans l’espace public

de Thomas Busset (Éditeur de volume) William Gasparini (Éditeur de volume)
Comptes-rendus de conférences VIII, 166 Pages

Résumé

Fruit d’un colloque international qui s’est tenu en septembre 2015 à l’Université de Neuchâtel, cet ouvrage analyse le supportérisme comme pratique militante. Les contributions portent notamment sur le Brésil, l’Egypte, la France, la Russie, la Turquie et l’Ukraine. Mais au-delà de l’aire géographique ou culturelle, il s’agit de comprendre les ressorts de l’extension du supportérisme dans l’espace public et les liens que les supporters entretiennent avec d’autres formes de mobilisations ou d’actions collectives. L’interrogation dépasse le cadre restreint du stade en cherchant à comprendre comment des individus et des groupes qui consacrent une part importante de leur temps au soutien d’une équipe de football en viennent à défendre des causes politiques. Cet ouvrage constitue ainsi une nouvelle étape dans la construction d’une sociologie des pratiques européennes et transnationales du supportérisme.

Table des matières

  • Couverture
  • Titre
  • Copyright
  • À propos des directeurs de la publication
  • À propos du livre
  • Pour référencer cet eBook
  • Table des matières
  • Avant-propos
  • Supportérisme et militantisme.Vers un double comparatisme réflexif en sociologie du sport
  • Le supportérisme comme politique: quelques réflexions programmatiques
  • Soutenir et contester: les thèmes supportéristes comme vecteurs de politisation en Russie contemporaine
  • Du stade à la place Tahrir: libération et utilisation de l’espace public par les groupes de supporters en Egypte révolutionnaire et postrévolutionnaire
  • Le stade de football en Turquie au miroir des expressions et mobilisations politiques
  • Istanbul United? Le supportérisme comme lutte culturelle et résistance au pouvoir politique en Turquie
  • Le mouvement des fans de football en Ukraine et son rôle dans la vie politique du pays
  • «Liberté pour les ultras»: analyse sociologique des réseaux de compétences des supporters de football en France
  • Le supportérisme militant au Brésil: affrontements, revendications et négociations
  • Titres de la collection

Avant-propos

Le présent ouvrage est le fruit d’un colloque international intitulé «Supportérismes et engagement militant dans l’espace public en Europe. Identités, actions collectives et réseaux», qui s’est tenu à l’Université de Neuchâtel les 10 et 11 septembre 2015. Cette rencontre a été coorganisée par le Centre international d’étude du sport (CIES), de l’Université de Neuchâtel, et le laboratoire «Sport et sciences sociales» (E3S, EA 1342) de l’Université de Strasbourg. Coordonné par Thomas Busset (CIES) et William Gasparini (Université de Strasbourg), ce livre est le résultat de collaborations déjà anciennes qui ont été tissées depuis une dizaine d’années entre des chercheurs de ces deux institutions. Il constitue ainsi une nouvelle étape dans la construction d’une sociologie européenne du sport mais également d’une sociologie des pratiques européennes et transnationales du supportérisme.

Le colloque de Neuchâtel s’est inscrit dans le cadre d’un séminaire interdisciplinaire, international et itinérant portant sur «l’européanisation des pratiques et des politiques sportives»1. De janvier 2014 à septembre 2015, au cours de quatre journées d’étude à Strasbourg, à Bruxelles et à Neuchâtel, des doctorants et des chercheurs confirmés en sociologie, en sciences du sport, en histoire et en science politique ont présenté leurs travaux et réflexions sur le sport et l’Europe, discuté des catégories utilisées pour désigner les différents acteurs du sport (pratiquant, supporters, dirigeants, élus) et, enfin, échangé pour se détacher du sens commun à propos du «sport européen» et pour construire une problématique commune en sciences sociales. Initié par William Gasparini, en collaboration avec Jean-Michel De Waele, de l’Université Libre de Bruxelles, ce séminaire entendait recenser des recherches innovantes sur le sport et l’Europe, mettre en réseau jeunes chercheurs et chercheurs experts et favoriser l’émergence de nouveaux questionnements.

Les éditeurs remercient vivement toutes les personnes qui ont permis l’organisation du colloque et la réalisation des actes. ← 1 | 2 → ← 2 | 3 →


1     Financé par le CIES, le colloque de Neuchâtel a bénéficié d’un soutien de l’Université de Strasbourg et du Programme d’Investissement d’Avenir University of Strasbourg (Project of Excellence: Strasbourg School of European Studies. Voir http://projexeurope.misha.fr/).

Supportérisme et militantisme.Vers un double comparatisme réflexif en sociologie du sport

Thomas BUSSET et William GASPARINI

Le supportérisme est un phénomène que les sociologues du sport étudient depuis près d’un demi-siècle, d’abord sous sa forme radicale (hooligans ou ultras) dans une conjoncture de transformation du football européen, mais également de crise sociale qui touche les classes populaires, au sein desquelles se recrutent nombre de supporters de football. A partir des années 1970, le football professionnel se généralise, s’internationalise (avec de nouvelles rivalités entre supporters de pays différents dans un contexte de chauvinisme), se médiatise (les retransmissions télévisuelles de plus en plus régulières permettent de suivre les matchs à distance) et les clubs se bureaucratisent (avec une distanciation croissante entre dirigeants et publics). Dès les années 1980 et, surtout, après le tournant du siècle, ces processus s’accélèrent et s’amplifient, en Angleterre d’abord, puis sur le continent, avec des décalages plus ou moins importants selon les pays. Le renforcement des dispositifs de sécurité (les tribunes sont sous l’œil des caméras qui filment de plus en plus les publics), la sectorisation des spectateurs (avec la juvénilisation des kops et autres virages), l’apparition des arènes multifonctionnelles dotées de loges VIP (le prototype, l’Amsterdam Arena, est inauguré en 1996), l’explosion des revenus issus des retransmissions télévisuelles ou encore la hausse vertigineuses des montants versés sur le marché des transferts en sont quelques expressions. Cette mutation a des répercussions profondes sur les publics et en particulier sur leur frange militante, les supporters. Jugés indésirables, se sentant menacés, ces derniers, ou du moins une partie d’entre eux, commencent à déployer des actions en vue de défendre leur cause, par exemple en protestant contre la suppression des places debout, la hausse du prix des billets, l’étalement des matchs sur plusieurs plages horaires et plusieurs jours de la semaine, mais aussi contre les contrôles accrus par les services de sécurité et contre le durcissement des lois et des règlements sur le maintien de l’ordre public. Par rapport aux luttes anciennes menées ← 3 | 4 → pour le contrôle physique ou symbolique d’espaces dans et autour des stades, cette extension de l’action collective marque un tournant dans la mesure où les supporters formulent maintenant des revendications dont le destinataire est, directement ou indirectement, l’Etat. Cette politisation récente – à distinguer des tentatives de groupes extrémistes de contrôler les gradins – appelle un changement de paradigme dans les études sur le supportérisme (Busset 2014), une sociologie politique du supportérisme (Basson et Lestrelin 2014).

L’intérêt d’une telle approche est d’autant plus grand que, ces dernières années, des supporters ont été mêlés à des événements qui ont ébranlé plusieurs Etats, conduisant, dans deux cas, au renversement du gouvernement en place: démission de Hosni Moubarak en Egypte en 2011, fuite et destitution du président Viktor Ianoukovytch en Ukraine en février 2014. En Turquie, où le mouvement protestataire a eu son centre de gravité à Istanbul, et non dans la capitale, les manifestants sont parvenus à faire surseoir, au printemps 2013, un projet urbanistique soutenu par le gouvernement. Dans la presse internationale, la participation des supporters aux actions séditieuses et notamment leur rôle dans la défense de l’espace urbain occupé par les manifestants ont été relevés plus d’une fois.

Les études en sciences sociales reflètent cette évolution grossièrement tracée. A partir des années 1980, suite notamment aux drames du Heysel1 et aux violences des hooligans dans certains stades européens, les chercheurs ont porté leur attention surtout sur les formes violentes du supportérisme, répondant en cela généralement à des commandes institutionnelles. Par la suite, des recherches ont émergé pour déconstruire l’idée selon laquelle les supporters seraient «naturellement» violents et pour analyser le supportérisme comme une dimension de la culture populaire et un élément d’une nouvelle forme d’action collective.

De nouvelles questions surgissent alors: comment peut-on être ou devient-on supporter? Existe-t-il des carrières type en Europe et dans le monde? Le stade est-il un lieu de socialisation politique? Comment les ← 4 | 5 → supporters défendent-ils leur cause en dépit des rivalités qui les animent? Comment expliquer que des supporters participent à des mouvements protestataires de portée générale? Quels liens existent entre ces actions? Existe-t-il une culture européenne du supportérisme, voire une internationale des supporters? Etc.

Répondre à ces question suppose de comparer les pratiques du supportérisme, mais également d’aborder la pluralité de ses formes: en club ou association, de manière isolée et ponctuelle, devant son poste de télévision, seul ou en groupe d’amis, de manière durable ou sous la forme d’un engagement éphémère, de façon pacifique ou plus violente…

Pour un comparatisme réflexif2 des pratiques du supportérisme

L’objectif est d’analyser ici le supportérisme comme pratique militante en Europe, mais également de le comparer avec des pratiques similaires dans des pays extérieurs à l’espace européen. Au-delà de l’aire géographique ou culturelle, il s’agit de comprendre les ressorts de l’extension du supportérisme dans l’espace public et ses liens avec d’autres formes de mobilisation ou d’actions collectives. Comme Durkheim aimait à l’expliquer (Durkheim 1937, voir de même Przeworski et Teune 1970), la comparaison reste la méthode privilégiée de la sociologie, tout comme le rappelait d’ailleurs Marc Bloch (1928) pour l’histoire. La comparaison en sciences sociales vise ainsi la compréhension des phénomènes étudiés en tenant compte des contextes qui contribuent à les produire et à les structurer. En ce sens, elle permet de rendre étrange l’évident par la confrontation avec des manières de penser et d’agir qui constituent l’ordinaire des uns et paraissent décalés aux autres.

Dans la lignée des pères fondateurs de la sociologie (Weber, Mauss, Durkheim,…) qui en faisaient un usage aussi bien diachronique que synchronique, la comparaison semble actuellement acquise dans l’étude des phénomènes sportifs à la fois comme mode de raisonnement et comme outil méthodologique de confrontation de temporalités et spatialités dis ← 5 | 6 → parates (Gasparini et Koebel 2015). En sociologie du sport, la comparaison consiste à rendre comparables des «unités» d’analyse profondément ancrées dans des histoires, catégories et langues nationales ou régionales singulières. Elle encourage le chercheur à relativiser ses résultats par les contrastes mis au jour et à prendre davantage de distance par rapport à ses propres a priori culturels (Amselle 2001).

Scientifiquement menée, la comparaison internationale des pratiques du supportérisme peut contribuer à mieux comprendre les effets respectifs du contexte politico-institutionnel (local, national ou européen) et des cultures des groupes sociaux sur le fait social étudié. Lorsque nous étudions les pratiques du soutien d’équipes de football, nous avons également des modèles académiques nationaux de penser ce fait social: pour certains, les supporters sont tous des «idiots culturels»; pour d’autres, ils sont violents par essence; d’autres encore y voient des spectateurs passionnés, une expression de la culture populaire, notamment masculine… La liberté à l’égard des catégories nationales de pensée ne peut finalement venir que d’un effort pour penser et rendre explicites ces catégories (Bourdieu 2002). D’où l’intérêt des échanges internationaux sur ce sujet afin de confronter les points de vue et les ancrages théoriques dans l’analyse d’un même fait, voire d’un même objet. Comparer, c’est ainsi prendre au sérieux l’effet de prisme déformant qu’exercent, tant sur la production que sur la réception, les champs intellectuels nationaux, les traditions académiques des différentes sciences sociales et les catégories de perception et de pensée impensées qu’ils imposent et inculquent.

Résumé des informations

Pages
VIII, 166
ISBN (PDF)
9783034324892
ISBN (ePUB)
9783034324908
ISBN (MOBI)
9783034324915
ISBN (Broché)
9783034324762
DOI
10.3726/978-3-0343-2489-2
Langue
français
Date de parution
2016 (Septembre)
Published
Bern, Berlin, Bruxelles, Frankfurt am Main, New York, Oxford, Wien, 2016. VIII, 166 p., 5 ill. n/b, 1 tabl. n/b

Notes biographiques

Thomas Busset (Éditeur de volume) William Gasparini (Éditeur de volume)

Thomas Busset, historien, est collaborateur scientifique au centre international d’étude du sport de l’Université de Neuchâtel. William Gasparini, sociologue, est professeur des universités en STAPS à la Faculté des sciences du sport de Strasbourg. Chercheur au Laboratoire « Sport et Sciences sociales », il est actuellement titulaire d’une chaire européenne Jean-Monnet en sciences sociales du sport.

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