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Lexicologie(s) : approches croisées en sémantique lexicale

de Xavier Blanco (Éditeur de volume) Inès Sfar (Éditeur de volume)
©2018 Collections 460 Pages
Série: Linguistic Insights, Volume 242

Résumé

Le présent volume comporte un ensemble de contributions qui montrent à quel point la discipline de la lexicologie est à la croisée de toutes les autres disciplines de la linguistique. Cet ouvrage collectif réunit seize articles en lexicologie française et comparée de contributeurs appartenant à quatorze universités européennes, américaines et africaines. Il se donne pour ambition d’orienter la réflexion vers de nouvelles pistes de recherche qui tiennent compte, d’une part, des développements récents en description du lexique, notamment en sémantique lexicale dans l’espace francophone et, d’autre part, de l’intégration progressive d’une variété de domaines et sous-domaines, comme la lexicographie, la terminologie, la néologie, la phraséologie (en incluant la parémiologie), les études diachroniques et diatopiques, la linguistique informatique, la linguistique contrastive, l’enseignement-apprentissage des langues, l’analyse du texte littéraire, la syntaxe lexicale, la traductologie et la créativité lexicale, voire les jeux de langage.

Table des matières

  • Couverture
  • Titre
  • Copyright
  • Sur l’auteur
  • À propos du livre
  • Pour référencer cet eBook
  • Table des matières
  • Présentation (Xavier Blanco / Inès Sfar)
  • L’unité lexicale au carrefour du sens. La troisième articulation du langage (Salah Mejri)
  • L’onomatopée, ou le « sémantisme tout nu », dans Le Dictionnaire de la langue française d’Émile Littré (Danguolė Melnikienė)
  • Quelques moyens d’intensification « non-standard » et leurs usages en français contemporain : une recherche sur corpus (Małgorzata Izert / Ewa Pilecka)
  • Le proverbe : dénomination d’un concept préconstruit ou vérité générale ? (Inès Sfar)
  • Les fondements linguistiques du jeu de mots (Thouraya Ben Amor Ben Hamida)
  • Les noms de métier : diversité, non fixité et invariance (Pierre-André Buvet)
  • Les locutions verbales du champ sémantique communication en espagnol et en français. Identification des composantes sémantiques (Àngels Catena)
  • Les adjectifs dits « de relation » ou la montée en puissance d’un lexique adjectival particulier (Jan Goes)
  • Sémantique cognitive : du rôle de l’adjectif dans l’émergence de catégories (Christine Portelance)
  • Les métaphores de la lumière à la lumière de la métaphore (français-arabe) (Antonio Pamies / Yara El Ghalayini)
  • Similitudes / différences dans les formations diatopiques des expressions figées en espagnol et en français (Pedro Mogorrón Huerta)
  • La variation lexicale dans le portugais brésilien (Josane Moreira de Oliveira / Marcela Moura Torres Paim)
  • Sémantique lexicale et combinatoire : le combat singulier dans le Roman de Thèbes (Xavier Blanco)
  • De l’analyse sémantique à l’analyse littéraire : les anomalies linguistiques dans les textes poétiques (Yauheniya Yakubovich)
  • Locutions : du défigement à la flexibilité formelle, il n’y a qu’un pas… (Marie-Sophie Pausé)
  • Techniques, stratégies et suggestions utiles en phraséodidactique (Monika Sułkowska)
  • Notes sur les contributeurs
  • Index des termes
  • Index des auteurs
  • Titres de la collection

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XAVIER BLANCO & INÈS SFAR

Présentation

Le présent volume comporte un ensemble de contributions qui montrent à quel point la discipline de la lexicologie est à la croisée de toutes les autres disciplines de la linguistique. S’étant imposée grâce au lexique, comme objet d’étude qui lui est propre, elle implique toutes les dimensions susceptibles d’intervenir dans l’étude de l’ensemble des unités lexicales : la forme, le sens, la syntaxe, le discours, etc.

Tous ces aspects concourent à construire une structure complexe dont on peut ramener les principales problématiques aux points suivants :

les propriétés formelles,

les relations sémantiques,

l’enchaînement syntagmatique,

l’organisation paradigmatique,

l’insertion dans le discours,

les spécificités culturelles, etc.

Cet ouvrage collectif, qui réunit seize articles en lexicologie française et comparée de contributeurs appartenant à quatorze universités européennes, américaines et africaines, se donne pour ambition de reprendre de telles problématiques de manière à orienter la réflexion vers de nouvelles pistes de recherche qui tiennent compte, d’une part, des développements récents en description du lexique, notamment en sémantique lexicale dans l’espace francophone et, d’autre part, de l’intégration progressive de ces méthodologies de la part d’une variété de domaines et sous-domaines, comme la lexicographie, la terminologie, la néologie, la phraséologie (en incluant la parémiologie), les études diachroniques et diatopiques, la linguistique informatique, la linguistique contrastive, l’enseignement-apprentissage des langues, l’analyse ← 7 | 8 → du texte littéraire, la syntaxe lexicale, la traductologie, la créativité lexicale, voire les jeux de langage.

Trois axes structurent ce recueil d’articles :

il s’agit tout d’abord de montrer que le sens se trouve au croisement de tous les autres niveaux d’analyse linguistique et que son étude doit tenir compte de la nature de l’unité linguistique qui lui sert de support. L’objectif principal est de décrire la fonction dénominative des unités lexicales quelle qu’en soit la forme : morphémique ou polymorphémique (les onomatopées, les morphèmes d’intensification et les syntagmes quantifieurs, les proverbes et les jeux de mots) ;

dans la deuxième partie, on insistera sur la relation entre sens et forme pour montrer que le sens prend forme dans des cadres discursifs différents qui vont de la phrase au texte et que son étude doit rendre compte des contraintes imposées par ces cadres d’analyse (combinatoire, métaphorique, pragmatique, diachronique, diatopique, etc.).

la troisième partie propose une approche de la sémantique lexicale appliquée à l’informatique et à la didactique afin de compléter le panorama théorique.

Le lexique, qu’il soit abordé par le biais de la partie du discours ou considéré comme point de rencontre des différents niveaux de description linguistique, se trouve au centre de toutes les contributions et, en particulier, celle de Salah Mejri, qui représente les prolégomènes du présent ouvrage de par son double objectif de synthèse et d’innovation. Tout d’abord, S. Mejri commence par passer en revue les grandes tendances de l’étude du sens, depuis les travaux privilégiant la nature de l’unité d’analyse (morphème, mot ou unité polylexicale) à ceux se centrant sur la valeur de vérité des énoncés en passant par ceux focalisant sur le cadre dans lequel le sens prend forme (phrase, cotexte ou contexte). Il se penche, ensuite, sur le traitement du sens par la grammaire et par la lexicographie en montrant comment celle-ci a privilégié le sens lexical. Pour le volet innovateur, l’auteur postule l’existence d’une troisième articulation du langage dont l’unité linguistique correspondrait à l’unité lexicale. Ladite troisième articulation, lieu d’interaction entre l’infra- et ← 8 | 9 → le supra-lexical, viendrait combler l’hiatus existant entre le morphème et l’énoncé complet. L’unité lexicale constitue, par ailleurs, le lieu des trois fonctions primaires du langage : celle du prédicat, de l’argument et du modalisateur et représente, en même temps, le point de rencontre de trois opérations : la référentiation, la dénomination et les relations sémantiques primitives (dans la mesure où l’unité lexicale renferme une prédication complexe, car elle porte en elle-même une proposition analytique qui conditionne son insertion dans l’énoncé).

L’article de Danguolė Melnikienė vient illustrer parfaitement la question du statut de l’unité linguistique. En effet, en présentant les différents points de vue à propos de la description lexicographique des onomatopées, elle soulève des interrogations, pour le moins actuelles, autour du statut lexical de l’onomatopée et de la légitimité de son traitement lexicographique. En analysant les particularités du recensement et de la description des onomatopées dans le dictionnaire de Littré, elle montre comment ce dictionnaire représente un tournant dans le domaine du traitement lexicographique de l’onomatopée, dans la mesure où il prend en considération cette partie du discours non seulement comme procédé de formation de mots, mais aussi comme « mot imitatif ». Littré rend compte dans sa nomenclature d’entrées comme miaou, frou-frou ou patati-patata en leur accordant le statut grammatical d’« onomatopée », sans renoncer bien entendu à présenter les éventuels emplois substantifs de ces formes. Même si le célèbre érudit ne décrit pas toujours de façon uniforme toutes les onomatopées, il demeure néanmoins le premier lexicographe français à avoir montré un intérêt marqué pour ces unités lexicales et à en avoir proposé une description qui a été héritée par les dictionnaires contemporains.

C’est avec l’article d’Ewa Pilecka et Malgorzata Izert que la problématique de la nature de l’unité linguistique comme support du sens prend tout…son sens. En adoptant une approche onomasiologique dans l’étude de l’intensification, elles confirment l’idée que le lexique n’est autre qu’une superposition de couches ou réseaux sémantiques et que son étude nécessite de passer entre les mailles de ce « filet sémantique » pour déterminer avec précision les formes lexicales impliquées dans l’expression du sens. Les auteurs étudient quatre moyens d’intensification : les préfixes méga, giga- et hypra-, les quantifieurs nominaux une forêt de N et une marée de N, les verbes intensifieurs Vcouleur de ← 9 | 10 → Naffect (par exemple, rougir de colère) et les collocations de type Adj/N à faire V de Naffect SNparangon (par exemple, un amour à faire pâlir de jalousie Roméo et Juliette). Ces moyens, qui appartiennent au vocabulaire courant du français actuel, élargissent considérablement le choix des marqueurs d’intensité et connaissent une large diffusion. Elles montrent comment l’exploration de corpus sur le Web permet de découvrir une très grande quantité d’information qui est absente des descriptions lexicographiques disponibles.

Les contributions d’Inès Sfar et de Thouraya Ben Amor Ben Hamida viennent corroborer la réflexion sur le statut linguistique des unités polylexicales (les énoncés proverbiaux pour la première et les jeux de mots linguistiques pour la seconde) dans l’étude du lexique, celle-ci ne pouvant pas se contenter de la catégorisation grammaticale des parties du discours. Selon I. Sfar, si la sémantique morphémique a pris pour support d’analyse les mots, les unités monolexicales (simples ou construites) et les unités polylexicales (des plus figées au moins figées), on est en droit de se demander quelle sémantique peut-on impliquer dans l’analyse des énoncés, sentencieux ou non sentencieux, mais qui du point de vue sémantique représentent une cohérence et une globalité suffisantes pour en faire des énoncés syntaxiquement autonomes. En attribuant le statut d’unité de troisième articulation au proverbe, elle confronte sa fonction essentielle de dénomination à sa valeur de vérité générale. Selon l’auteur, en tant que « signe-phrase », le proverbe constitue à la fois une unité intégrante en langue, compte tenu des items lexicaux qui le composent, et une unité intégrée, dès lors qu’il s’insère dans le discours. Sa valeur de vérité ne ressort pas à une vérité absolue et universelle qui transcende les cultures et les croyances, mais à une réalité linguistique, imposée par son statut dénominatif. T. Ben Amor Ben Hamida, pour sa part, montre que le jeu de mots participe tout à fait des domaines de la lexicologie et de la sémantique lexicale, dans la mesure où il participe de toute une série d’oppositions fondamentales en linguistique, à savoir : la paire motivation / immotivation (qui appelle la remotivation), la complémentarité de l’axe syntagmatique et de l’axe paradigmatique, le principe dual de l’analogie, l’autonymie (qui implique un emploi en mention face à un emploi en usage), la polysémie et l’inférence. De façon plus spécifique, le jeu de mots en ← 10 | 11 → français exploite les idiosyncrasies morphosyntaxiques de cette langue, comme l’ambiguïté de la structure N de N ou l’existence de noms épicènes.

Réduire le sens à la nature de l’unité linguistique (morphémique vs poly-morphémique) c’est amputer l’étude lexicale d’une des approches les plus innovantes du XXe siècle, celle qui considère en effet que c’est dans la combinatoire que naît le sens des unités lexicales et que l’étude sémantique des unités lexicales ne doit pas se faire en dehors du contexte (droit et/ou gauche) de celles-ci. C’est ce qu’a tenté de montrer Pierre-André Buvet à travers l’étude des noms de métier. En présentant une typologie sémantique des noms humains, il constate, d’une part, que la dénomination est fondamentale pour la catégorisation et, d’autre part, que les propriétés morphosyntaxiques et sémantiques des noms de métier expliquent leurs particularités dénominatives. Il fait appel à la notion de « moule phraséologique » au sein duquel il est possible de décrire les très nombreuses variantes observées (directeur des opérations > directeur opérationnel ; directeur associé des finances > directeur des finances associé). Le dictionnaire électronique dont rend compte cet article recense et décrit plus de 80 000 noms de métier. Leur nombre et leur variété s’expliquent par trois capacités mises à l’œuvre au sein des moules phraseólogiques : la capacité lexicale (stockage des mots), la capacité structurelle (organisation des niveaux morphologique, syntaxique et sémantique et imbrication de ces niveaux) et la capacité combinatoire.

Àngels Catena, quant à elle, inscrit son étude le cadre de la lexicologie explicative et combinatoire. Elle aborde l’analyse sémantique des locutions. Son but est d’identifier la composante centrale du sens des locutions, ce qui lui permet, d’une part, de tester et d’enrichir le système d’étiquettes sémantiques employées comme genre prochain des définitions lexicographiques et, d’autre part, de contribuer à préciser et à normaliser ces définitions. Dans une optique contrastive espagnol-français, l’article se centre sur les locutions verbales appartenant au champ sémantique « communication langagière » et précise les conditions d’attribution des différentes étiquettes sémantiques appliquées aux locutions qui comportent le sémantème ‘dire’ dans une composante non périphérique de leur définition. ← 11 | 12 →

Avec les articles de Jan Goes et Christine Portelance, qui choisissent comme support d’analyse l’unité adjectivale, la notion d’emploi acquiert toute sa légitimité. En effet, si le premier auteur défend l’hypothèse que l’adjectif de relation n’est pas en rapport d’homonymie avec l’adjectif qualificatif homographe (hypothèse dite « unitaire »), mais qu’il s’agit bel et bien de deux emplois d’un seul adjectif, la deuxième montre comment le composé nominal peut relever de deux modèles de sens différents pour un adjectif : l’un qui serait descriptif (par exemple, doux signifiant ‘contient du sucre’ : vin doux/vin sec) et l’autre qui serait instructionnel (doux comme atténuateur : drogue douce/drogue dure, gymnastique douce, etc.). En fournissant une étude détaillée des adjectifs dits « de relation », relevant d’une productivité de plus en plus large aussi bien en langue générale qu’en langues de spécialité, Goes tente de montrer qu’il y aurait des adjectifs statistiquement relationnels (présidentiel) et des adjectifs statistiquement qualificatifs (gracieux). Selon lui, l’interprétation d’une occurrence d’un adjectif donné dépendrait, en dernière instance, du substantif porteur, quitte à trouver quelques syntagmes ambigus, comme une chanson populaire. Le fait que l’emploi relationnel des adjectifs dénominaux devienne de plus en plus courant pourrait s’expliquer, entre autres facteurs, par le fait que les adjectifs relationnels sont des termes classificatoires par excellence, ce qui les fait particulièrement appropriés pour la dénomination dans les langues de spécialité. L’auteur montre bien que l’emploi relationnel est possible avec tout type sémantique d’adjectif dénominal et qu’à côté de la construction relationnelle standard (l’héritage césarien) on trouve un emploi « argument » (la conquête césarienne).

En tenant compte de la cognition, qui « crée » le monde moyennant un va-et-vient entre contraintes extérieures et activité intérieure, Portelance affirme que la catégorisation est au cœur du langage mais que les catégories ne sont pas universelles. Elle prend bien soin de signaler qu’au sein de syntagmes terminologiques, tout adjectif se comporte comme un adjectif relationnel, ce qui l’amène à parler d’adjectifs descriptifs terminogènes. Dans ces derniers exemples, doux se comporte comme un adjectif relationnel (il n’admet pas de construction attributive ni de modification adverbiale). Une autre fonction adjectivale serait représentée par l’adjectif de changement de domaine (comme, ← 12 | 13 → par exemple, dans navigation aérienne). Cet adjectif altère la définition de sa base nominale, dans la mesure où le trait sémantique [+eau] n’est plus pertinent. Cela facilite les analogies ultérieures (navigation sur Internet, navigation sociale, etc.).

En intégrant également le point de vue cognitiviste, Antonio Pamies et Yara El Ghalayini tentent de montrer que le sens prend forme également au niveau du cotexte et que l’analyse isotopique est en mesure d’attribuer des valeurs sémantiques à des unités lexicales. Et ce en prenant l’exemple du concept de lumière, et en élargissant l’étude à d’autres langues, comme l’arabe. Après avoir passé en revue les nombreuses extensions métonymiques du culturème lumière (et sa contrepartie, l’ombre) dans les deux langues, ils aboutissent au constat que la lumière est associée à la connaissance (mettre qqch. en lumière, faire la lumière sur qqch.), à l’intelligence (être une lumière, avoir une idée brillante), à la vérité (parler clair, être transparent), à l’honneur (naissance illustre, coup d’éclat), à la vie (donner le jour, voir le jour), à l’espoir (rayon d’espérance, lueur d’espoir), à la joie (regard rayonnant, visage radieux). Le blanc et le jour hériteraient des valeurs métaphoriques positives de la lumière (blancheur virginale, aube d’espoir), alors que le noir et la nuit incarneraient les valeurs opposées (liste noire, la nuit éternelle). Les auteurs insistent sur le fait qu’il existe, en diachronie, une expansion radiale du sens d’après un ordre logique motivé, alors qu’en synchronie, l’ordre des expansions ne serait pas pertinent ; le locuteur connaît l’existence des associations sans avoir pourtant besoin d’en connaître l’orientation.

Les trois contributions de Pedro Mogorrón Huerta, Josane Moreira de Oliveira et Marcela Moura Torres Paim et Xavier Blanco viennent illustrer la réflexion au sujet des contraintes variationnistes impliquées par les différents contextes d’emploi du lexique (diatopique, diastratique, diachronique) en étudiant respectivement les similitudes et différences dans les formations diatopiques des expressions figées en espagnol et en français, la variation lexicale diastratique dans le portugais brésilien et l’ensemble des moyens lexicaux diachroniques employés pour rendre compte du motif du combat singulier dans le Roman de Thèbes. ← 13 | 14 →

Pour le faire, Mogorrón Huerta adopte le point de vue diatopique pour faire ressortir l’extrême variété phraséologique apportée par la dimension mondiale de l’espagnol et du français. En effet, pour véhiculer un même sens il n’est pas rare de trouver des solutions fort divergentes selon les zones géographiques prises en considération. Pour l’espagnol, l’auteur présente des données de l’espagnol péninsulaire et américain (Argentine, Bolivie, Chili, Colombie, Costa Rica, Cuba, Équateur, Salvador, Guatemala, Honduras, Mexique, Nicaragua, Panama, Paraguay, Pérou, Porto Rico, République dominicaine et Venezuela) ; pour le français, l’échantillonnage se limite au français hexagonal et à celui de la Côte d’Ivoire. L’article met l’accent sur la présence, au sein des unités phraséologiques, d’éléments lexicaux appartenant à des langues locales (par exemple, le quéchua pour le Pérou et la Bolivie ou le fanti pour la Côte d’Ivoire) ou à des langues internationales (anglais, arabe, espagnol, portugais).

Josane Moreira de Oliveira et Marcela Moura Torres Paim rendent compte des variations lexicales documentées dans l’Atlas linguistique du Brésil à partir des cartes sémantico-lexicales (aussi bien générales que régionales) concernant la faune. Les auteurs montrent qu’il existe une grande diversité lexicale pour les désignations d’animaux qui ont été analysées, que cette diversité concerne surtout les noms composés et qu’il est possible de mettre en évidence des corrélations fortes entre des mouvements d’occupation/peuplement de certaines zones géographiques et la distribution spatiale des variantes lexicales. L’Atlas linguistique du Brésil (ALiB) permet ainsi de coupler la dimension sémantico-lexicale avec la dimension diatopique, mais aussi diastratique (variations de type social).

Xavier Blanco, quant à lui, analyse le motif du combat singulier dans le Roman de Thèbes du point de vue de la structuration textuelle dudit motif, de la sémantique lexicale et de la combinatoire lexicale. Sont identifiés, d’abord, les différents combats singuliers présents dans le roman, ainsi que les moments ou éléments composant le motif. Ensuite, les moyens lexicaux de l’ancien français employés pour rendre compte de ces éléments sont décrits à l’aide, entre autres, des concepts d’« opérateur approprié » et de « grammaire locale ». L’auteur passe en revue successivement le lexique associé aux armes offensives ← 14 | 15 → et défensives, à l’action de se déplacer pour attaquer, aux coups portés sur l’adversaire ou sur son équipement, ainsi qu’à la chute et à la mort des combattants. L’article comporte de très nombreux exemples et des observations par rapport à la traduction de ce lexique en français moderne et en espagnol.

La contribution de Yauheniya Yakubovich montre l’impact de l’insertion dans les textes des jeux de mots linguistiques. Elle propose une typologie d’« anomalies linguistiques » récurrentes dans la langue poétique. Elle met en relief le rôle de l’analyse linguistique comme outil particulièrement puissant pour l’étude du texte littéraire qui, à son tour, constitue un terrain d’exception pour l’observation de certains phénomènes linguistiques. Moyennant des exemples en français, espagnol, catalan, russe, biélorusse et polonais, Yakubovich présente des cas de ruptures de restrictions sémantiques, de manipulations lexicales, de manipulations morphologiques, de défigements concernant des collocations et des locutions, ainsi que des cas de métaphores (aussi bien in absentia qu’in præsentia) dont les termes ne présentent pas, ou à peine, de sème commun qui puisse donner la clé interprétative du trope en question.

Pour conclure ce joli panorama de textes, nous rappellerons que théorie et applications sont les deux facettes de toute problématisation linguistique. Les deux contributions qui concluent cet ouvrage en sont la preuve. Nous avons privilégié deux domaines d’application : l’informatique et la didactique. Nous considérons que la traduction, qui aurait pu être à notre avis le troisième domaine d’application, est présente à travers la dimension contrastive qui finalement jalonne l’ensemble des contributions.

Grâce à son approche de modélisation, Marie-Sophie Pausé présente un modèle de description des variantes formelles des locutions dans le cadre de la Lexicologie Explicative et Combinatoire. Les locutions décrites au sein du Réseau lexical du Français (RL-fr) (ressource développée au laboratoire ATILF de l’Université de Lorraine) se voient attribuer une structure lexico-syntaxique qui permet d’identifier les unités lexicales constitutives de chaque locution, ainsi que les liens de dépendance syntaxique existant entre elles. L’accès aux définitions contenues dans le RL-fr permet de considérer une correspondance ← 15 | 16 → entre les unités lexicales présentes dans la locution et les sémantèmes de leurs définitions. Cette mise en correspondance est appelée « projection structurale ». La projection structurale permettrait de prédire une grande partie des variations formelles des locutions (passivation, clivage, relativation…). L’article illustre cette capacité prédictive en prenant l’exemple de l’ajout d’un actant supplémentaire attaché, en tant que complément du nom, à une locution verbale du type Verbe + Article + Nom Commun (par exemple : allonger la sauce de l’intrigue ou lever le pied de ses recherches).

Monika Sułkowska, quant à elle présente toute une série de procédés qui peuvent être exploités en didactique de la phraséologie, aussi bien en ce qui concerne l’enseignement-apprentissage des locutions que celui des collocations et des parémies. Tout en faisant remarquer que la phraséodidactique constitue un domaine d’études encore relativement peu exploité, Sułkowska présente les principales propositions de traitement didactique avancées par différents auteurs comme la constitution d’un dictionnaire personnalisé, la comparaison contrastive, l’analogie, les démarches sémasiologiques et onomasiologiques, la consultation des locuteurs natifs, ainsi qu’un large éventail d’exercices de recomposition, substitution, modification, mobilisation, contextualisation, complétion, traduction, visualisation, etc.

Finalement, il serait à remarquer l’intérêt général pour la structuration sémantique du lexique et, en particulier, pour les systèmes d’étiquetage lexico-sémantique. Ce volume a vu le jour grâce à l’appui financier du projet de recherche et développement R&D FFI2013-44185-P Jerarquía de etiquetas semánticas español-francés para los géneros próximos de la definición lexicográfica (Hiérarchie d’étiquettes sémantiques espagnol-français pour les genres prochains de la définition lexicographique), Ministerio de Economía y Competitividad espagnol. Les contributions de Blanco, Catena et Yakubovich sont directement issues de ce projet de recherche. D’autres contributions (Buvet, Mogorron Huerta, Pausé) se situent dans les mêmes cadres théoriques qui sous-tendent le projet (Lexique-Grammaire étendu et théorie Sens-Texte) ; d’autres encore participent d’une méthodologie de description linguistique qui, tout en transcendant ces approches, les intègrent (Ben Amor, Mejri, Sfar, Pilecka et Izert). Et encore d’autres contributeurs ← 16 | 17 → abordent, de différents points de vue et en envisageant des applications diverses, la question de la catégorisation et la classification sémantique (Goes, Portelance, Pamies et Ghalayini, Melnikiené, Moreira de Oliveira et Moura Torres Paim, Sułkowska).

Résumé des informations

Pages
460
Année
2018
ISBN (PDF)
9783034330572
ISBN (ePUB)
9783034330596
ISBN (MOBI)
9783034330602
ISBN (Relié)
9783034330565
DOI
10.3726/b13243
Langue
français
Date de parution
2018 (Juin)
Mots clés
lexicologie sémantique lexicographie linguistique comparée
Published
Bern, Berlin, Bruxelles, New York, Oxford, Warszawa, Wien, 2018. 442 pp. 13 ill., 4 tabl.

Notes biographiques

Xavier Blanco (Éditeur de volume) Inès Sfar (Éditeur de volume)

Xavier Blanco est professeur de philologie française à l’Université Autonome de Barcelone où il enseigne la lexicologie, la sémantique et l’histoire de la langue. Il est l’auteur de nombreuses publications en lexicologie française et comparée, en lexicographie et en traduction. Il dirige le groupe de recherche Phonétique, Lexicologie et Sémantique (UAB-SGR 442). Inès Sfar est maître de conférences à l’UFR de Langue Française de l’Université Paris Sorbonne et membre de l’équipe Sens, Texte, Informatique, Histoire (EA 4509). Elle a publié plusieurs articles et dirigé plusieurs ouvrages sur les langues de spécialité, la phraséologie, l’humour, la traduction, l’enseignement-apprentissage de la grammaire française et les études contrastives (français-arabe).

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