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La mise en récit dans les discours spécialisés

de Catherine Resche (Éditeur de volume)
©2016 Collections XX, 264 Pages

Résumé

Si l’on a coutume d’associer récit et littérature, il est sans doute moins courant d’envisager les liens entre récit et discours spécialisés, à l’exception, peut-être, du discours de vulgarisation. Pourtant, les scientifiques, théoriciens, professionnels, et autres acteurs des milieux spécialisés s’apparentent, eux aussi, à l’homo narrans, et ont bien recours à la mise en récit pour partager le fruit de leur recherche, mobiliser autour de valeurs communes, renforcer la culture du milieu ou d’un groupe, justifier leurs choix, expliquer leurs idées ou convaincre.
Les treize co-auteurs de cet ouvrage se sont intéressés à des domaines de spécialité aussi variés que la marine, le journalisme, l’entreprise, l’environnement, les sciences ou le droit pour analyser la place et la fonction de ces moments narratifs mis en scène par les spécialistes et pour déterminer en quoi cet angle d’approche des discours spécialisés peut nous aider à mieux comprendre les milieux qui les produisent.

Table des matières

  • Couverture
  • Titre
  • Copyright
  • À propos de l’auteur
  • À propos du livre
  • Pour référencer cet eBook
  • Table des matières
  • Avant-propos
  • Mythe, praxéologie, croyances : traits du récit historique au sein de l’US Navy
  • « The reporters that brought down Nixon »: l’affaire du Watergate comme récit constitutif de l’identité professionnelle des journalistes aux États-Unis
  • Métaphores et mise en récit dans la modélisation des découvertes scientifiques : stratégies de la narration dans l’œuvre de François Jacob
  • Métaphores et mise en récit : le cas de la biologie synthétique aux États-Unis
  • La vraie histoire de la recherche expérimentale ? Comparaison entre la narration de la recherche dans les cahiers de laboratoire et dans les articles de recherche
  • La mise en récit dans les sciences dures : de l’élaboration théorique à la démonstration mathématique
  • Formes et fonctions de la narration dans les articles de vulgarisation scientifique en anglais
  • « How technology has changed our lives » : la mise en récit du discours de l’entreprise dans America’s Farmers
  • La mise en récit dans les discours de l’entreprise. Le cas de Wal-Mart
  • Récits sur et par les Maoris dans le droit de l’environnement en Nouvelle-Zélande
  • Mise en récit dans les discours juridictionnels de common law anglaise
  • Présentation des auteurs (par ordre de parution des articles)
  • Index des notions
  • Index des noms propres
  • Titres de la collection

← viii | ix →CATHERINE RESCHE

Avant-propos

Avant toute chose, il convient de rappeler que les discours spécialisés ne naissent pas ex nihilo : ils sont produits par des communautés disciplinaires ou professionnelles qui sont elles-mêmes contraintes par des règles, normes et conventions, par leur histoire, leur culture et les défis qu’elles doivent relever. Le chercheur linguiste doit donc replacer les discours qu’il analyse dans leur contexte situationnel, institutionnel, historique, culturel et social pour mieux en comprendre les buts et ressorts. Les discours spécialisés ont déjà fait l’objet d’approches diverses, que ce soit sur l’axe synchronique ou dans une perspective diachronique : analyse de corpus, étude des termes in situ, de la phraséologie, de la néologie, essais de caractérisation de ce qui constitue le « spécialisé » du discours, approche syntaxique, analyse stylistique, étude des genres discursifs, des procédés de « hedging », du recours aux métaphores, etc.

Il est toutefois un aspect des discours spécialisés qui n’a pas encore suscité tout l’intérêt qu’il mérite,1 à savoir la mise en récit. Si, comme le souligne Roland Barthes (1966 : 1), le récit est omniprésent, et universel, s’« il n’y a pas, [s’]il n’y a jamais eu nulle part aucun peuple sans récit », et s’il est vrai que « toutes les classes, tous les groupes humains ont leurs récits », il est tout aussi important de noter que le récit « se moque de la bonne et de la mauvaise littérature : international, transhistorique, transculturel, le récit est là, comme la vie ». Assurément, pour chacun de nous, depuis l’enfance, le récit est omniprésent sous diverses formes : contes, histoires, récits d’aventures, histoires extraordinaires et, au quotidien, relations d’événements, annonces de découvertes et progrès technique, faits divers ; à chaque fois, le récit prend une coloration différente en fonction des circonstances, du message que l’on veut faire passer et du public concerné.

Même si, de tout temps, l’intérêt pour le récit s’est porté sur la littérature, la poésie, le genre dramatique, il n’est donc en rien exclu d’autres ← ix | x →domaines, d’où notre quête dans le présent ouvrage. De nombreux domaines spécialisés (politique, journalisme, biologie, physique, économie, gestion, droit, médecine, environnement, etc.) incorporent d’ailleurs la mise en récit à leurs discours. Que les récits en question soient réels ou fictionnels, qu’ils prennent des formes diverses, il ne faut pas négliger ces moments narratifs qui relèvent de la stratégie de discours. C’est d’ailleurs pour permettre aux chercheurs qui s’intéressent à la caractérisation des discours spécialisés de réfléchir ensemble à la place, la structure, la fonction et la visée de ces récits que des journées d’étude ont été organisées en Sorbonne les 2 et 3 avril 2015. Les articles tirés des communications faites à l’occasion de ces journées ont fait l’objet d’une sélection et ceux qui ont été retenus constituent la plus grande partie de cet ouvrage.

Étant entendu que notre objet d’étude se distingue des textes littéraires, nous ne pouvons toutefois ignorer les nombreux écrits et études qui font référence pour le récit classique (Barthes 1966; Benveniste 1966; Genette 1969; Eco 1985; Ricoeur 1986; Adam 2011; sans oublier Aristote 2002 et Platon 2002). Ils nous aident non seulement à prendre la mesure de la spécificité des éléments narratifs dans les domaines spécialisés qui nous intéressent, mais ils nous offrent également la possibilité d’appliquer des analyses narratives à des récits non littéraires. Un bref rappel de l’approche traditionnelle du récit s’avère nécessaire si l’on veut ensuite envisager dans quelle mesure la mise en récit dans les discours spécialisés se rapproche ou s’écarte des critères canoniques.

Selon Patrick Charaudeau et Dominique Maingueneau (2002 : 484), pour qu’il y ait récit, il faut qu’il y ait « une succession temporelle d’actions », un changement plus ou moins important au niveau des « propriétés initiales des actants », et « une mise en intrigue qui donne sens à la succession d’actions ou d’événements dans le temps ». Cette dernière dimension devrait contribuer à « distinguer les moments narratifs d’un discours de ses moments explicatifs ou descriptifs ». Les séquences narratives classiques ont une unité d’action, commencent par un élément ou événement perturbateur qui crée un problème auquel les personnages sont confrontés (c’est le nœud de l’intrigue) ; l’histoire se termine quand la solution au problème a été trouvée et cela correspond au dénouement. Le point de vue narratif peut être interne, externe ou omniscient, et la narration peut alterner style direct (avec des moments dialogiques) et style indirect (parole rapportée) ; il convient également de garder à l’esprit la complexité des positions énonciatives possibles.

← x | xi →En ce qui concerne les discours spécialisés, s’il est parfois possible d’y trouver des exemples de récits qui correspondent à cette caractérisation traditionnelle du récit, il faut aussi envisager d’autres formes qui ne correspondent pas point pour point à la description canonique établie à partir des genres littéraires. Notre hypothèse de départ, selon laquelle il serait sans doute vain de chercher à définir un genre narratif particulier aux domaines spécialisés s’est vite trouvée confirmée par la multiplicité des supports étudiés par les contributeurs à ce volume. Certes, il est possible de considérer que le genre « autobiographie » ou « biographie » sera propice à la mise en récit, mais il n’est pas envisageable de se limiter à cet exemple. En réalité, il faut prendre en compte une gamme plus large de supports présentant des segments narratifs plus ou moins longs, tenter de les identifier, d’en comprendre la raison d’être et la stratégie discursive particulière qui les sous-tend.

Il est temps maintenant d’attirer l’attention du lecteur sur la formulation du titre de cet ouvrage, car le choix de « mise en récit » plutôt que « récit » est délibéré. En effet, « mise en récit » pointe de manière évidente la présence du narrateur et son intervention dans la présentation de ce qui est narré. Mettre en récit un événement, un projet ou une expérience nécessite un travail conscient et volontaire d’élaboration qui consiste à prendre des faits et à les articuler de façon logique plutôt que chronologique. Contrairement à l’idéal mimétique d’histoire sans narration évoqué par Aristote ou Émile Benveniste (1966 : 241), ou encore à la quête du « récit à l’état pur » de Gérard Genette (1969 : 63), nous sommes d’avis, en suivant R. Barthes (1966 : 18) qu’il « ne peut y avoir de récit sans narrateur et sans auditeur (ou lecteur) ». Il s’avère nécessaire de considérer que le narrateur a en tête le public auquel il s’adresse (Todorov 1981) et que son choix de mettre en récit ce qu’il a à dire découle d’un désir de faire passer un message, d’illustrer un propos, d’aider le destinataire du récit à comprendre le sens du message en utilisant des moyens divers (analogie, métaphore, anecdotes, illustrations, etc.). Si l’histoire racontée est intéressante pour son contenu, elle l’est également pour le monde qu’elle présente et construit ; c’est à partir de ce qui est dit et aussi de ce qui est présupposé que l’univers diégétique sera interprété et co-construit par le lecteur ou l’auditeur. En effet, comme le souligne Umberto Eco ([1972]1985 : 29) dans Lector in Fabula, tout texte est « une machine paresseuse qui exige du lecteur un travail coopératif acharné pour remplir les espaces de non-dit ou de déjà-dit restés en blanc ». Dans la perspective ← xi | xii →de la mise en récit, le rôle du narrateur consiste précisément à faire émerger le sens. Selon les circonstances et les buts poursuivis, la mise en récit peut s’envisager comme une mise en scène, une mise en intrigue ou une « configuration ». Certains faits peuvent être minimisés, passés sous silence, ou au contraire magnifiés ; le récit peut tenter de séduire, faire appel aussi bien à la raison qu’à l’émotion, mais il faut faire la part des choses entre « scénarisation », configuration et défiguration ou dénaturation de la réalité allant jusqu’à la tromperie.

Si, indéniablement, la mise en récit est une affaire de communication entre le narrateur et le destinataire, il convient toutefois de s’entendre sur les enjeux de cette communication, et c’est pour éviter toute confusion que le titre de cet ouvrage a soigneusement écarté l’emprunt à l’anglais « storytelling ». Ce vocable est, en effet, de plus en plus souvent associé au monde du marketing, ce qui fausse la perspective et tend à réduire les récits ainsi élaborés à une technique de communication visant à manipuler l’opinion. Dans son ouvrage de 2007 au titre évocateur, (Storytelling : la machine à fabriquer les images et à formater les esprits), Christian Salmon dénonce les dérives possibles et pose la question de savoir, « comment l’idée de Barthes selon laquelle le récit est l’une des grandes catégories de la connaissance que nous utilisons pour comprendre et ordonner le monde a […] pu s’imposer ainsi dans la sous-culture politique, les méthodes de management ou la publicité ». Il dénonce également « des engrenages narratifs, suivant lesquels les individus sont conduits à s’identifier à des modèles et à se conformer à des protocoles » (Salmon 2007 : 16–17). Cette vision assez pessimiste suggère que le lecteur ou le public pourrait se retrouver prisonnier des stratégies des gourous du storytelling.

Dans le cadre des discours spécialisés, où chaque discipline, chaque corps, chaque milieu ou profession, décline la mise en récit à sa manière en fonction des enjeux et des buts poursuivis, nous souhaiterions envisager une approche moins pessimiste des récits, même si tous les récits n’échappent pas au travers dénoncé. Dans ce dernier cas, le rôle du linguiste n’est-il pas de débusquer l’imposture en soulignant les ressorts de la manipulation pour mettre en garde le public et stimuler son esprit critique ? Les histoires ne sont pas nécessairement mensongères. Certes, elles peuvent séduire, émouvoir, renforcer l’adhésion du public à des idées, faire rêver et entrevoir un monde meilleur, contribuer à faire accepter le changement, mais elles stimulent aussi la réflexion, éclairent et nourrissent le ← xii | xiii →débat, invitent à la créativité, à l’échange, et peuvent ouvrir de nouvelles perspectives. Elles permettent d’ailleurs de faire passer des messages parfois complexes, d’offrir le témoignage d’une expérience donnée et elles poussent à l’action. Par exemple, elles constituent un outil supplémentaire pour les scientifiques et chercheurs qui souhaitent expliquer leurs travaux. Au-delà des aspects narratifs du compte rendu scientifique, la mise en récit des méthodes scientifiques peut aider le public à comprendre le monde qui l’entoure et servir de support à la vulgarisation de la science. La mise en récit peut aussi aider à vaincre des a priori négatifs. Elle peut permettre à des médecins d’interagir avec leurs patients sous une forme moins traumatisante qu’un questionnaire type et un bilan froid. Pour l’entreprise, elle n’est pas nécessairement un moyen de manipulation ou de formatage des esprits. Elle peut aider à mettre au point un projet dont l’objectif « devient une quête, le contexte un paysage, les participants des personnages, les incertitudes et les obstacles à sa réalisation un suspens et les échéances à respecter des épisodes » (Bar 2000). En mettant en scène l’histoire d’une l’entreprise, ses héros, ses exploits, ses valeurs, sa vision, le récit permet de souder les groupes, de créer une culture commune, de partager un savoir. En dehors du monde de l’entreprise, en s’inscrivant dans le temps, les récits officiels et institutionnels tissent un réseau et contribuent à la création de méga-récits dans lesquels les communautés peuvent se reconnaître. Ces méga-récits peuvent d’ailleurs s’apparenter à des mythes.

Les auteurs des contributions à cet ouvrage se sont donc attachés à analyser les manifestations de la mise en récit dans les discours spécialisés afin de souligner la nécessité de ne négliger aucun des aspects de ces discours et de faire ressortir les enseignements qu’une telle analyse peut apporter. En fonction des domaines et genres discursifs pris en compte, il était également important de comprendre les ressorts de cette mise en récit, ne serait-ce que pour mieux permettre aux lecteurs, auditeurs, destinataires de ces récits d’en apprécier la fonction symbolique.

Les domaines abordés au fil des articles sont assez variés : la marine, les sciences (biologie, physique, mathématique, médecine), le journalisme, le monde des entreprises, l’environnement et le droit. Tout en traitant de domaines différents, les deux premiers articles ont un dénominateur commun, à savoir la perspective historique : en effet, à travers son étude « Mythe, praxéologie, croyances : traits du récit historique au sein de l’US Navy », Anthony SABER s’intéresse aux différents types de ← xiii | xiv →récits historiques observables au sein de la Marine de guerre américaine (anecdotes, notices généalogiques des bâtiments de combat, vignettes hagiographiques), en fondant son analyse sur l’étude d’un corpus de cinq ouvrages d’histoire navale rédigés par des historiens de l’US Navy. Il tente de définir le positionnement épistémologique de ces textes à double finalité (praxéologique et épidictique) qui contribuent à nourrir la mémoire collective de ce corps. En célébrant des hauts faits et des personnages de légende, en sélectionnant certains faits jugés significatifs, les historiens présentent dans leur récit une marine idéale et mettent en scène la doctrine de la marine américaine. L’analyse de ce type de mise en récit est donc riche d’enseignement pour le linguiste et permet de mieux comprendre le fonctionnement et les valeurs propres à ce milieu spécialisé.

De son côté, dans son analyse « The reporter that brought down Nixon : l’affaire du Watergate comme récit constitutif de l’identité professionnelle des journalistes aux États-Unis », Caroline PEYNAUD décline la perspective historique sous un autre angle : elle s’efforce de comprendre comment le récit du Watergate, qui, en son temps, dans les années 70, n’était pas une description objective des faits mais en présentait déjà une sélection et une reconfiguration, est aujourd’hui à nouveau revisité. L’intérêt de cette contribution est de mettre en regard la façon dont le récit est remodelé par les journalistes d’aujourd’hui et les changements profonds qui ont modifié la conception du métier de journaliste. À travers l’analyse du nouveau récit de l’affaire, elle cherche à déterminer les valeurs que les journalistes souhaitent mettre en avant pour leur propre profession et aux yeux du public. Elle illustre ainsi l’idée que le récit constitue bien un angle d’approche des discours et milieux spécialisés qui ne saurait être négligé.

Le domaine scientifique a inspiré cinq des auteurs qui, depuis des années, s’intéressent aux discours spécialisés. Leurs angles d’approche, les genres étudiés, et les points de vue sont assez différents, mais chacun, à sa manière, contribue à démontrer que, contrairement aux idées reçues selon lesquelles la science est associée à une certaine objectivité, les techniques narratives ne sont pas absentes des discours scientifiques. Les contributions soulignent combien il serait regrettable d’ignorer les moments narratifs et la façon dont ces discours spécialisés ont recours à la mise en récit, qu’il s’agisse de discours scientifique théorique, de vulgarisation ou de recherche expérimentale. C’est ainsi que les auteurs nous livrent, tour à tour, leur analyse des métaphores, des modes rhétoriques, ← xiv | xv →des caractéristiques grammaticales, des images utilisées comme support ou vecteurs des moments narratifs.

Ainsi, dans son étude « Métaphores et mise en récit dans la modélisation des découvertes scientifiques : stratégies de la narration dans l’œuvre de François Jacob », Micaela ROSSI s’est attachée à rappeler que les grandes découvertes scientifiques sont bien souvent partagées avec le public par le biais de techniques narratives comme l’anecdote, le recours à l’éthos discursif et aux métaphores. S’appuyant sur un corpus de textes rédigés par le Prix Nobel de médecine François Jacob, elle fait ressortir le rôle complexe que peut jouer la métaphore, non seulement dans l’élaboration de la pensée scientifique, en favorisant l’interaction conceptuelle, mais également dans la transmission aux pairs, puis au public, des résultats de la recherche et des découvertes. La mise en récit permet de partager des connaissances, d’expliquer, de faire accepter et comprendre ce qui est nouveau, de légitimer la démarche adoptée, de négocier un tournant théorique et de faire adhérer le public à un changement de paradigme.

C’est également par le biais de la métaphore que Marie-Hélène FRIES aborde la mise en récit dans son article « Métaphores et mise en récit : le cas de la biologie synthétique aux États-Unis ». Son étude se fonde sur un corpus de textes issus de la Commission présidentielle de bioéthique et elle s’intéresse plus particulièrement à la façon dont les métaphores jouent un rôle essentiel dans la mise en récit de cette nouvelle technologie qui suscite, selon les points de vue, craintes ou espoirs, en contribuant à ouvrir le dialogue entre experts, témoins et membres de la Commission. À mi-chemin entre simple description des faits et prescription d’un certain nombre de valeurs, le récit occupe une place intermédiaire entre action et éthique. Les métaphores et les analogies sous-jacentes jouent un rôle pédagogique, mais elles sont également utilisées à des fins rhétoriques. L’étude montre bien que le récit n’est pas absent de la sphère scientifique et qu’il a une utilité dans le dialogue entre experts et société.

Avec l’étude menée par Elizabeth ROWLEY-JOLIVET et Shirley CARTER-THOMAS sur le récit en recherche expérimentale, nous abordons un autre aspect de la mise en récit dans les discours spécialisés : en effet, à travers leur question initiale (« La vraie histoire de la recherche expérimentale ? Comparaison entre la narration de la recherche dans les cahiers de laboratoire et dans les articles de recherche »), les auteurs nous invitent à réfléchir sur un aspect que nous avons peu l’habitude d’envisager : que se passe-t-il dans le laboratoire, dans le quotidien du chercheur qui tente de vérifier des ← xv | xvi →hypothèses en menant ses expériences, est confronté à des échecs et doit imaginer d’autres pistes pour arriver à un résultat ? L’originalité du sujet est d’abord d’explorer un genre très peu étudié, et de permettre au lecteur d’être en quelque sorte spectateur des tribulations de la recherche en ayant pour « guide » le chercheur lui-même qui note au jour le jour, dans son cahier de laboratoire, ses expériences, résultats, hypothèses, doutes, contrariétés, espoirs, etc. C’est une analyse fine de la structure de cette narration à la première personne qui nous est offerte, suivie d’une analyse linguistique détaillée, qui fait ressortir, entre autres aspects, la dimension évaluative et émotionnelle du récit offert par le chercheur.

Gwen LE COR, de son côté, s’attache à battre en brèche l’idée reçue selon laquelle science et narration sont mutuellement exclusives, a fortiori en ce qui concerne les sciences dures. À travers son étude « La mise en récit dans les sciences dures : de l’élaboration théorique à la démonstration mathématique », elle apporte la preuve que les scientifiques s’appuient bien sur des formes diverses de mise en récit, non seulement au niveau de l’élaboration des idées nouvelles, et de la réflexion, à travers la pensée spéculative, mais aussi au niveau de la modélisation. La mise en récit se conçoit aussi bien au niveau du discours, qu’à travers les images que l’on fait « parler », comme les diagrammes qui peuvent aider à « narrativiser des équations complexes ». La narration mathématique qui accompagne le cheminement discursif des démonstrations est également envisagée. Selon l’auteur, il convient donc d’aborder expériences de pensée et images comme des supports de la mise en récit.

Résumé des informations

Pages
XX, 264
Année
2016
ISBN (PDF)
9783035109184
ISBN (ePUB)
9783035196900
ISBN (MOBI)
9783035196894
ISBN (Broché)
9783034320689
DOI
10.3726/978-3-0351-0918-4
Langue
français
Date de parution
2016 (Mars)
Mots clés
discours spécialisés discours de vulgarisation terminologie linguistique métaphores
Published
Bern, Berlin, Bruxelles, Frankfurt am Main, New York, Oxford, Wien, 2016. XX, 264 p.

Notes biographiques

Catherine Resche (Éditeur de volume)

Catherine Resche, agrégée d’anglais, est Professeur des Universités (Paris 2 – Panthéon-Assas), directrice de recherche au Centre de linguistique en Sorbonne (CeLiSo, Paris 4 Sorbonne) et directrice de collection (Peter Lang). Ses recherches portent sur l’anglais de l’économie (terminologie, néologie, métaphores, analyse de discours, de genre). Elle a publié un ouvrage en 2013 (Peter Lang, Coll. Linguistic Insights) « Economic Terms and Beyond: Capitalising on the Wealth of Notions ».

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