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Judaïsme et christianisme dans les commentaires patristiques des Psaumes

de Marie-Anne Vannier (Éditeur de volume)
©2016 Collections 207 Pages
Série: Christianismes anciens, Volume 3

Résumé

Cet ouvrage renouvelle les études relatives aux commentaires patristiques des Psaumes, en prenant en compte l’apport du Judaïsme que les Pères connaissaient et qui marque leur interprétation du texte biblique, ne serait-ce que par le texte de la Septante qui sert de référence aux Pères grecs. Alors que l’on parle souvent de l’antijudaïsme des Pères de l’Église, les commentaires de l’Écriture qu’ils ont proposés, et en particulier ceux des Psaumes, montrent, au contraire, à quel point les Pères étaient marqués par le Judaïsme, dans leurs méthodes d’exégèse. Sans doute les Psaumes sont-ils davantage encore l’héritage commun du Judaïsme et du christianisme, comme l’a compris Augustin, qui entend, dans les Psaumes d’Asaph, la voix de la synagogue. Il n’en demeure pas moins que cet héritage commun permet une synergie entre les deux communautés, comme en témoigne, de manière éloquente, Maxime le Confesseur dans son Commentaire du Psaume 136, en dépit des différences d’interprétation qui existent.

Table des matières

  • Couverture
  • Titre
  • Copyright
  • À propos du directeur de la publication
  • À propos du livre
  • Pour référencer cet eBook
  • Table des matières
  • Judaïsme et christianisme dans les commentaires patristiques des Psaumes
  • Midrashim dans le Nouveau Testament Deux notes sur la « judaïté » dans la Lettre aux Hébreux et l’Apocalypse
  • Le Psaume 2 est-il messianique ? La réponse de Midrash Tehillim
  • Le Psaume 58,12, figure des juifs ou des païens ? La position de saint Augustin
  • Augustin et les Psaumes d’Asaph
  • Une relecture du drame de la déportation de Babylone selon le Psaume 136 chez Jean Chrysostome et Augustin
  • Le Commentaire du Psaume 59 par Maxime le Confesseur, témoin d’influences réciproques entre les exégèses juive et patristique ?
  • Les Psaumes dans le De fide catholica contra Iudaeos d’Isidore de Séville : analyse de quelques passages
  • Le recours à l’argument prophétique contre les Juifs chez Jean Chrysostome
  • Index
  • Titres de la collection

← 6 | 7 →MARIE-ANNE VANNIER

Université de Lorraine, Centre Écritures (EA 3943), MSH Lorraine, IUF

Judaïsme et christianisme dans les commentaires patristiques des Psaumes

Nous reprenons, dans cet ouvrage, des recherches du projet Judaïsme et christianisme chez les Pères (JECP), mené dans le cadre de l’Axe 1 de la Maison des Sciences de l’Homme Lorraine (USR 3261). Ce projet, issu de l’équipe interdisciplinaire de patristique assez nombreuse dans le Centre Écritures (EA 3943) de l’Université de Lorraine, avait pour but de voir quelles sont les frontières qui ont existé entre les Pères et le Judaïsme : frontières souvent implicites1. Pour essayer de mieux les cerner, sans entrer dans la polémique antijuive des premiers siècles2, nous avons défini des corpus majeurs, commentés par les deux communautés et qui permettent de voir quel dialogue a été mené : la Genèse dont les résultats ont déjà été publiés3, puis les Psaumes que nous envisageons maintenant.

En effet, même s’ils ne le mentionnent pas, les Pères ont été largement marqués par l’exégèse juive, tant par les règles de Hillel que par les sens de l’Écriture qu’ils ont thématisés, non sans lien, semble-t-il, avec le Pardès Rimonim. Mettre en évidence cette influence demanderait plusieurs volumes et une étude systématique de tous les commentaires patristiques des Psaumes. Nous ne pouvons la réaliser dans le cadre de cet ouvrage. Nous avons simplement choisi quelques auteurs significatifs et avons recherché s’ils sont influencés ou non par le Judaïsme dans leur commentaire de l’Écriture. Plus que d’une influence, nous avons affaire à une interaction, ← 7 | 8 →à une sorte de tissage des exégèses dans les commentaires des Psaumes, tant chez les Juifs que chez les chrétiens.

En ouverture, Daniel Boyarin, qui a activement participé au projet, et qui contribue au renouveau des études relatives aux rapports entre judaïsme et christianisme dans les premiers siècles4, propose « deux notes sur la ‘judaïté’ dans la Lettre aux Hébreux et dans l’Apocalypse ».

Puis, José Costa fait ressortir l’interprétation non eschatologique du Psaume 2 dans le Midrash Tehillim à l’encontre apparemment du christianisme. Alban Massie s’attache au Psaume 58, 12 pour préciser l’attitude d’Augustin par rapport aux Juifs, alors qu’Isabelle Bochet explique qu’Augustin entend, dans les Psaumes d’Asaph, la voix de la synagogue. D’autre part, en relisant le Commentaire du Psaume 136, Gérard Rémy souligne qu’Augustin donne une interprétation allégorique de l’exil à Babylone.

Avec Maxime le Confesseur, comme le montre Marie-Lucie Charpin-Ploix, à propos du Commentaire du Psaume 59, on se trouve dans une situation unique où à la fois Maxime bénéficie de l’apport du judaïsme pour commenter ce psaume et le Midrash correspondant témoigne d’influences chrétiennes.

Quant à Isidore de Séville, il nous renseigne davantage sur le texte latin du Psautier dont il disposait.

Les commentaires des Psaumes sont peut-être l’un des lieux privilégiés du rapport entre judaïsme et christianisme. Les commentaires des prophètes apportent également beaucoup, comme le précise Gérard Rémy. Cette fois, c’est aussi toute une réflexion sur la ruah Yahvé dans l’Ancienne et dans la Nouvelle Alliance qui est impliquée.


1Cf. S.C. MIMOUNI, B. POUDERON, La croisée des chemins revisitée. Quand l’Église et la synagogue se sont-elles distinguées ? », Paris, Cerf, coll. « Patrimoines », 2012 ; A.H. BECKER, A.Y. REED, The ways that never parted. Jews and christians in Late Antiquity and the early Middle Ages, Tübingen, Mohr, 2003.

2Elle a été traitée par S. MORLET, O. MUNNICH, B. POUDERON, Les Dialogues Adversus Judaeos. Permanences et mutations d’une tradition polémique, Paris, IEA, 2013.

3M.-A. VANNIER (éd.), Judaïsme et christianisme dans les commentaires patristiques de la Genèse, Bern, Peter Lang, 2014.

4Cf. D. BOYARIN, La partition entre judaïsme et christianisme, Paris, Cerf, 2011 ; Le Christ juif, paris, Cerf, 2013 ; FLÜSSER, G. PETITDEMANGE, V. LASRY, Les sources juives du christianisme : une introduction, Paris, Éd. de l’Éclat, 2003 ; M. GOODMAN, Jews and christians in the first centuries, Oxford, 2008 ; D. JAFFÉ, Le judaïsme et l’avènement du christianisme. Orthodoxie et hétérodoxie dans la littérature talmudique du I-II° siècles, Paris, Cerf, 2005 ; Studies in rabbinic Judaism and Early Christianity : Text and context, Leiden, Brill, 2010 ; S. C. MIMOUNI, Les chrétiens d’origine juive dans l’Antiquité, Paris, ALBIN Michel, 2004 ; « Pour une histoire de la séparation entre les communautés “chrétiennes” et les communautés “pharisiennes” (ca. 70-135 de notre ère) », dans Henoch 26 (2004), p. 145-171.G. STROUMSA, « The hidden closeness : on the Church Fathers and Judaism », Mehkarei Yersushalaim be-Mashevet Ysrael 2 (1982), p. 170-175.

← 8 | 9 →DANIEL BOYARIN

University of California at Berkeley

Midrashim dans le Nouveau Testament

Deux notes sur la « judaïté » dans la Lettre aux Hébreux et l’Apocalypse1

I. La Lettre aux Hébreux

Je suis loin d’être un spécialiste de la Lettre aux Hébreux et mon propos dans ce bref essai est d’offrir une lecture naïve – peut-être trop naïve pour certains – de certains aspects du texte dans la perspective d’un simple outsider, un chercheur hébreu, sinon un chercheur sur la Lettre aux Hébreux ! Je ne cherche pas à prendre la place des experts du Nouveau Testament mais à compléter leurs interprétations en « augmentant le volume » et, plus précisément, en me centrant davantage sur la nature midrashique d’un passage crucial de l’Épitre. Ma modeste suggestion est que la Lettre aux Hébreux résonne dans un paysage sonore bien plus « juif » qu’on ne l’affirme habituellement. À la première lecture de l’Épître, mon impression, immédiate et forte, fut qu’il s’agissait d’un midrash, midrash dans le style, et midrashique dans la structuration même de son contenu. J’aimerais ici, dans ce bref article, mettre un peu de chair sur les os de cette impression.

L’homélie sur le Psaume 95 en He 3-4 est un midrash. Beaucoup de chercheurs sur le Nouveau Testament l’ont reconnu. En tant que spécialiste du midrash, j’espère exploiter ici cette constatation de façon un petit peu plus riche que les experts du Nouveau Testament n’ont été capables de le faire.

J’aimerais d’abord me centrer sur la nature midrashique du mot aujourd’hui dans ce midrash. Commençons par citer les versets en question :

← 9 | 10 →7 C’est pourquoi, comme le dit l’Esprit Saint : « Aujourd’hui, si vous entendez sa voix,8 n’endurcissez pas vos cœurs comme cela s’est produit dans la Querelle, au jour de la tentation dans le désert,9 où vos Pères me tentèrent, me mettant à l’épreuve, alors qu’ils avaient vu mes œuvres10 pendant quarante ans. C’est pourquoi j’ai été irrité contre cette génération et j’ai dit : “Toujours leur cœur se fourvoie, ils n’ont pas connu mes voies”;11 aussi ai-je juré dans ma colère : “Non, ils n’entreront pas dans mon repos”. »12 Prenez garde, frères [et sœurs], qu’il n’y ait peut-être en quelqu’un d’entre vous un cœur mauvais, assez non-croyant pour se détacher du Dieu vivant.13 Mais encouragez-vous mutuellement chaque jour, tant que vaut cet aujourd’hui [aussi longtemps qu’il est appelé aujourd’hui], afin qu’aucun de vous ne s’endurcisse par la séduction du péché.14 Car nous sommes devenus partenaires du Christ, si toutefois nous retenons inébranlablement jusqu’à la fin, dans toute sa solidité, notre confiance initiale.15 Dans cette parole : « Aujourd’hui, si vous entendez sa voix, n’endurcissez pas vos cœurs comme cela s’est produit dans la Querelle »,16 quels sont donc ceux qui, après avoir entendu, ont querellé ? Mais n’étaient-ce pas tous ceux qui sont sortis d’Égypte grâce à Moïse ?17 Et contre qui s’irrita-t-il pendant quarante ans ? N’est-ce pas contre ceux qui avaient péché et dont les cadavres tombèrent dans le désert ?18 Et à qui jura-t-il qu’ils n’entreraient pas dans son repos, sinon à ceux qui avaient désobéi ?19 Et nous voyons qu’ils ne purent entrer à cause de leur non-croyance (He 3,7-19, BJ, sauf encadrés).

Les commentaires classiques donnent des interprétations plutôt neutres du verset 13. Ainsi Bruce écrit : « Tant que ce temps dure, chaque jour qui survient étant un nouvel aujourd’hui dans lequel ils peuvent suivre l’avertissement du psalmiste à entendre la voix de Dieu2 », ce qui donne peu de poids à « aussi longtemps qu’il est appelé aujourd’hui ». Le commentaire d’Attridge se rapproche davantage de la force de l’aujourd’hui dans ce midrash : « Ce commentaire continue à faire écho aux mots du psaume, indiquant que cette exhortation doit avoir lieu chaque jour, c’est-à-dire, pendant que l’aujourd’hui de l’Écriture est évoqué comme une réalité présente3. » Lane, quant à lui, affine davantage la question, mettant l’accent sur la nature qualitative de cet aujourd’hui : « Le danger de l’apostasie et du péché persiste aussi longtemps que le moment d’exigence et d’occasion favorable, qui est appelé aujourd’hui, est valide4. » La lecture de Lane peut être fortement défendue en faisant appel à l’usage midrashique et à ← 10 | 11 →un parallèle. En bonne manière midrashique, « aussi longtemps qu’il est appelé aujourd’hui » est une version abrégée du verset dans son ensemble. Aujourd’hui devient une référence codée pour obéir à la parole de Dieu comme une sorte de synecdoque du verset, ce qui donne le sens suivant : mais exhortez-vous les uns les autres chaque jour, aussi longtemps qu’il est appelé aujourd’hui (c’est-à-dire un jour dans lequel vous écoutez la voix du Seigneur) de façon à ce qu’aucun d’entre vous ne soit endurci (comme à Qadesh) par le caractère mensonger du péché (la suite de ce verset). Un jour dans lequel les fidèles sont en vérité fidèles est le jour connu sous le nom de aujourd’hui. Ces Israélites qui furent infidèles à Qadesh n’ont pas été capables d’entrer dans le repos, mais ceux qui en firent un « aujourd’hui où vous écoutez ma parole » entreront dans mon repos. Selon moi, cette lecture de style midrashique du verset fait de celui-ci un moment beaucoup plus fort et beaucoup plus frappant de l’homélie dans son ensemble.

Il se trouve qu’il existe un délicieux parallèle à cette lecture du verset dans un texte rabbinique considérablement plus tardif. Dans ce texte remarquable, c’est – selon le Talmud de Babylone – le Messie lui-même qui a fait cette lecture midrashique de l’aujourd’hui en faisant une allusion à l’ensemble de ce verset. Voilà le texte (dans ma propre traduction) :

Rabbi Joshua ben Levi rencontra le prophète Élie debout à la tombe de Rabbi Shimon Bar Yohai. Il lui demanda : « Entrerai-je dans le monde à venir ? » Il lui répondit : « Si ce Maître [R. Shimon] le désire ». Il lui demanda : « les deux [d’entre nous], je les ai vus ; la voix du troisième [R. Shimon], je ne l’ai pas entendue [ce qui signifie : je n’ai pas reçu la réponse à ma question]. » Il demanda [à Élie] : « Quand le Messie viendra-t-il ?» [Élie] lui répondit :

– Va le lui demander toi-même !

– Mais où se tient-il ?

– À la porte de Rome.

Résumé des informations

Pages
207
Année
2016
ISBN (ePUB)
9783035193312
ISBN (PDF)
9783035203264
ISBN (MOBI)
9783035193305
ISBN (Broché)
9783034316750
DOI
10.3726/978-3-0352-0326-4
Langue
français
Date de parution
2015 (Octobre)
Mots clés
Pères grecs Psaumes Augustin Asaph Psaume 136
Published
Bern, Berlin, Bruxelles, Frankfurt am Main, New York, Oxford, Wien, 2015. 207 p.

Notes biographiques

Marie-Anne Vannier (Éditeur de volume)

Marie-Anne Vannier est Professeur de Théologie à l’Université de Lorraine et membre de l’IUF. Elle a une double formation en philosophie et en théologie, elle est également rédactrice en chef de la Revue Connaissance des Pères de l’Eglise. Elle a publié de nombreux ouvrages sur la patristique dont Judaïsme et christianisme dans les commentaires patristiques de la Genèse, Peter Lang, 2014.

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