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Les médias immersifs informatisés

Raisons cognitives de la ré-analogisation

de Marcin Sobieszczanski (Auteur)
©2015 Monographies XVIII, 300 Pages

Résumé

Cette étude alliant l’épistémologie du vieux continent à la pragmatique américaine présente une vaste synthèse des recherches et des solutions industrielles dans l’ensemble des médias informatisés. Elle se base sur une hypothèse immersive qui postule le parallélisme entre l’évolution des médias et celle des périphériques d’ordinateurs. Ce livre réactualise l’épistémo-praxéologie cybernétique à l’aune de la neurophysiologie. Les médias sont une externalisation de l’auto-coévolution bio-culturelle où le sujet coévolue avec l’environnement issu de sa propre création. Leur progrès actuel n’est pas le perfectionnement des dispositifs mais l’élaboration de l’ergonomie sensorielle apte à produire des effets cérébraux de l’adhésion aux figures narratives et fictionnelles. Cette tendance technologique culmine dans le phénomène de ré-analogisation.

Table des matières

  • Couverture
  • Titre
  • Copyright
  • À propos de l’auteur
  • À propos du livre
  • Pour référencer cet eBook
  • Table des matières
  • Résumé
  • Avant-propos
  • Introduction
  • Partie 1 – Communication et industrie de l’immersion sensorielle
  • I. Communication et cognition
  • 1. Sémiose – entre l’écologie physique et l’écologie informationnelle
  • 2. Langage et médias
  • 3. Platon médiologue ? Le premier traité de l’immersion sensorielle (minérale)
  • 4. L’herméneutique cognitive du texte
  • a) Topologie de l’environnement
  • b) Praxie – ergonomie cognitive
  • c) Caractéristiques des médias (topologie de l’espace > < cognition = caractéristiques du medium)
  • d) Conclusion
  • II. Sciences cognitives – leur contexte épistémologique et leur irruption dans l’industrie de la communication
  • III. Progrès industriel : de l’échec de Babbage aux limites de la « loi » de Moore
  • 1. Usinage
  • 2. Productivité industrielle
  • 3. Design fonctionnel
  • 4. Usages
  • IV. Une autre intelligibilité des facteurs du progrès industriel
  • 1. Substrat neuronal des changements des aptitudes humaines
  • a) Niveau élémentaire
  • b) Niveau global
  • 2. Moteur de croissance de l’industrie des systèmes cognitifs artificiels
  • a) Vecteur transgénérationnel chez l’humain
  • b) Vecteur « génétique » dans l’industrie informatique
  • V. Intelligibilité du progrès industriel – le cas de l’industrie des données hylémorphiques
  • 1. Hylémorphisme dans les industries influencées par les sciences cognitives
  • 2. Relations générales entre les sciences cognitives et les industries informatisées de l’image
  • 3. Ontologie de contact et cartes rétinotopiques
  • 4. Schéma de la vision et des fonctionnalités associées
  • a) Voir
  • b) Etre vu / ne pas être vu
  • 5. Parallélisme entre les secteurs fonctionnels du système de la vision et les enjeux industriels
  • 6. Principe de la dynamique de l’industrie informatisée de la communication et de la culture
  • VI. Cognitique sensorielle : « analogisation » / « environnementalisation » des Machines Informatiques
  • 1. Numérisation de l’analogique
  • 2. Emergence du multimédia dans le numérique
  • 3. Ré-« analogisation » du numérique
  • 4. Exemplarité des CMOS et de leurs dispositifs complémentaires
  • 5. Sens de l’« analogisation » des périphériques sensoriels de la Machine Informatique
  • 6. Principe d’anticipation : l’initiative dans la rétroaction agent / environnement
  • 7. Note subsidiaire à propos de l’ouvrage de Bronisław Ferdynand Trentowski
  • 8. Automatisation / autonomisation / individuation
  • VII. Industrie de l’hylémorphisme immersif
  • 1. Evolution des périphériques
  • 2. « Analogisation » ou « naturalisation » des EIC
  • 3. Double synthèse dans les EIC
  • 4. Bipolarité des EIC
  • Partie 2 – Approche anthropologique : immersion naturelle / immersion anthropienne
  • I. Acceptions usuelles du mot « immersion »
  • 1. Immersion dans le milieu naturel
  • 2. Immersion dans le milieu anthropien
  • 3. Praxis animale et praxis humaine
  • 4. Ratio de phénoménalité vs rapport de saturation
  • 5. Deux principales stratégies sensorielles
  • 6. Propension à l’immersion
  • Partie 3 – Hallucinations, conscience, mémoire
  • I. Syndromes hallucinatoires / immersion dans l’image 3D participative et communicante
  • 1. Facteur « psychédélique » des installations immersives
  • 2. Visions induites physiologiquement
  • 3. Illusions
  • 4. Rêves
  • 5. Drogues
  • 6. Etats altérés de conscience
  • 7. Maladies hallucinatoires
  • 8. Henri Ey et la constitution de la métaphore hallucinatoire
  • II. Fonction hallucinogène vs créations culturelles et artistiques
  • III. Conscience
  • IV. Memoriæ – mémoire pétrifiée vs mémoire évolutive
  • V. Biofeedback dans l’art contemporain
  • Partie 4 – Jonction du cinéma et des environnements immersifs
  • I. Réalisme cognitif dans les études cinématographiques
  • 1. Réalisme cognitif
  • 2. Consubstantialité de la cognition environnementale et du comportement créatif dans le film
  • 3. Modélisation cinématographique du mouvement et de l’espace
  • 4. Cinéma à prise de vue centrale et à projection monoécranique
  • 5. Apogée du cinéma monoécranique dans les années
  • 6. Du splitscreen au multiscreen
  • 7. Activités cognitives dans les dispositifs de projection / visionnement de type split- et multi-screen
  • 8. Cinéma en relief et la 3D, un aboutissement ou une étape ?
  • 9. Dispositifs auxiliaires de la culture à sensorialité artefactuelle immersive
  • 10. Informatisation « cognitive » de la technique vidéo-filmique – la 3D immersive
  • 11. « Dis-solution » immersive du dispositif cinématographique
  • Partie 5 – Hypothèse immersive : médias en tant qu’externalisation du cerveau
  • I. Sémiotique de l’immersion ou sémiotique immersive ?
  • 1. Entre les médias langagiers et les médias modaux
  • a) Versant « gnosique » du signe ou « motivation » du signe
  • b) Versant « créatif » du signe ou « arbitraire » du signe
  • c) Versant « environnemental » du signe – l’orchestration de la réception sémique
  • II. Etude environnementale de l’effet de média
  • 1. Dispositif vs effet
  • 2. Culture : perception immédiate / attitude tierce / narration et discours
  • 3. Conséquences théoriques de l’hypothèse immersive pour le cinéma
  • III. Externalisation multimodale du cerveau
  • 1. Intermodalité visuo-centrée
  • 2. Médias en tant qu’externalisation des conjectures cérébrales
  • 3. Multimodalité en tant que base de l’effet de média
  • 4. « Naturalisation » des médias et son pendant antinomique « étrangeté »
  • 5. Modélisation de la dialectique ante-modal / modal- unimodal / multimodal, le principe soustractif
  • IV. Multimodalité dans les médias informatisés mis en réseau
  • 1. Multimédias vs multimodal display
  • 2. De la souris à bille au WEB
  • V. Deux clés de l’histoire des EIC : mixité des réalités et psychologie de la perception
  • Partie 6 – Recherches empiriques : Télé-immersion collaborative – vecteur du WEB et paradigme de la sémantisation
  • I. Résumé
  • II. Méthode variationnelle
  • III. Méthode de sémantisation des données sensorielles
  • IV. Schéma de complétion
  • V. Spatialité du terminal individuel et spatialité du réseau d’information
  • VI. Les perspectives des recherches coaxiales interface / réseau
  • 1. Modèles navigationnels
  • 2. Epistémologie de la connectique de terminaux et de l’interface sensorielle
  • 3. Epistémologie de l’approche sémantique – le paradigme multisensoriel de la sémantisation du WEB
  • VII. « Consciences » de la télé-immersion – principaux concepts et état des recherches
  • VIII. Nouveaux prototypes dans les années
  • IX. Objectifs technologiques établis par Calit
  • X. Note subsidiaire : critique de la robotique androïde modulaire et EIC
  • Partie 7 – Recherches postulatives : de quoi sera fait l’« Etre » Informatique immersif et communicant ?
  • I. Modèle de l’« Etre » environnemental
  • 1. Schéma « à 9 étages »
  • 2. Schéma « à 5 étages »
  • 3. Schéma « à 3 étages »
  • II. Ebauche postulative des EIC : entre les stations immersives et le « Web immersif et collaboratif »
  • 1. Percepts : modélisation énactive du réel – l’immersion virtuelle (aquatique) d’un agent humain réel
  • 2. Communicabilité des percepts : de la RV à la RA
  • a) Etagement des percepts dans la RV communicante
  • b) Chevauchement des percepts dans la RA communicante
  • c) Ré-travail collectif des percepts – la pérennité, le protocole et la qualité des télé-interactions
  • Conclusion – Homo Faber vs Homo Creator / Creabilis
  • 1. Perception : représentation / énaction / médialité
  • 2. Schéma des pratiques créatives à partir des pratiques perceptives
  • 3. Postulat : « what you see is what you get » ou « la vérité si je mens »
  • 4. Coda : Philosophie des senseurs
  • Bibliographie
  • Index nominum

← x | xi → Résumé

L’intention de l’auteur, dans cet ouvrage, est de mettre en parallèle l’évolution des médias informatisés (traditionnels ou exclusivement informatiques) et l’évolution des périphériques d’ordinateurs. Le matériel informatique utilisé afin d’assurer la communication entre l’homme, la machine et l’environnement, marque depuis quelques temps une tendance à la multisensorialité immersive. Alors que dans le milieu naturel la notion d’« immersion » signifie la prédominance d’un seul facteur sur les autres cofacteurs environnementaux, dans le milieu anthropien, cette notion renvoie plutôt à une reconstruction artificielle de la complexité des affordances sensorielles offertes aux agents cognitifs qui peuplent ce milieu.

De cette reconstruction, assumée aujourd’hui principalement par les médias informatisés, émerge récemment un phénomène – que l’auteur appelle le phénomène de « ré-analogisation » –, consistant à recourir à des solutions informatiques inspirées de la biologie, plus rapides que les algorithmes binaires, et auto-adaptables face aux changements imprévisibles des conditions dans lesquelles l’homme travaille. La ré-analogisation est cristallisée par la prolifération actuelle des environnements immersifs communicants que l’on discute à l’aune des concepts de naturalisation et d’environnementalisation. Ainsi la fonction principale des médias est-elle de produire des séquences multisensorielles, lors de l’émission ou de la réception, capables de déclencher des « effets » cérébraux spécifiques. C’est grâce à ces effets que les artefacts de communication (les contenus des actes de communication) peuvent efficacement se référer aux contenus mentaux de chaque protagoniste de communication. Ainsi, les outils informatiques de communication, partiellement ré-analogisés, deviennent de plus en plus de véritables agents communicants, aussi bien dans la prise d’informations, notamment par le biais sensoriel, que dans le traitement d’informations.

L’immersion n’est donc pas une simple tendance qualitative des multimédias qui chercheraient à s’enrichir. Elle acquiert aux yeux de l’auteur une dimension philosophique singulière aboutissant à une vision originale de l’autonomisation de la sphère médiale. La culture créée dans le cadre de ces technologies dissoutes dans l’environnement humain accomplit une nouvelle étape de l’évolution humaine marquée par la rétroaction immersive.← xi | xii →

← xii | xiii → Avant-propos

Le lecteur de ce texte remarquera facilement que notre argumentation à aucun moment ne débute par l’avènement d’une technologie qui aurait pu induire chez les usagers des moyens de communication une nouvelle attitude. Cette recherche essaie de régler sa facture, à notre sens trop lourde épistémologiquement, au dispositif technique en tant que machine concrète. Nous nous attachons plutôt aux tendances anthropotechniques qui dans le domaine des médias informatisés s’incarnent dans d’innombrables appareils, prototypes, systèmes ou réseaux, en constituant ainsi un « être » qui met en résonnance différents mécanismes cognitifs du sujet humain, provoquant certains « effets » cérébraux. La somme de ces effets culmine actuellement dans une tendance généralisée que plusieurs auteurs caractérisent par le terme d’« immersion ». Il s’agit de l’immersion sensorielle qui est le but affiché d’une grande partie de l’industrie des médias et de la culture. Le pendant antinomique de l’immersion est constitué par l’inclination à l’épurement de la substance sensorielle de la communication. Cette tendance subsiste symétriquement à la première et le cerveau humain oscille librement entre les deux versants. Ce qui nous mobilise auprès de l’immersion, c’est le fait qu’en dehors d’une certaine velléité techniciste de fabriquer le monde artificiel avec plus de véracité et de complétude, les médias immersifs témoignent d’une prise de conscience particulièrement aiguë du rôle rétroactif que les médias en général jouent dans le domaine des rapports entre le sujet humain et son environnement.

Rappelons la formulation provenant du célèbre § n°9 « Cultural Cognition » de l’ouvrage d’Edwin Hutchins :

« The environments of human thinking are not “natural” environments. They are artificial through and through. Humans create their cognitive powers by creating the environments in which they exercize those powers. At present, so few of us have taken the time to study these environments serioulsy as organizers of cognitive activity that we have little sense of their role in the construction of thought. »1

← xiii | xiv → Les aspects techniques des environnements immersifs informatisés font l’objet d’une abondante littérature depuis le début des années 1990. Vers le milieu des années 1990 voit le jour également la théorie dominante de ces dispositifs, bâtie par Paul Milgram et ses collaborateurs d’Ergonomics in Teleoperation and Control Laboratory2 à Toronto. Cette théorie peut se résumer par ce simple schéma devenu classique :

Image

A partir de ce continuum organisé et orienté par l’informatique de simulation sensorielle on peut définir la plupart des dispositifs composant avec l’agent humain, ou une communauté d’agents humains, et le réel. Ce dernier peut encore se décliner en sa version « brute », immédiatement perceptible par les sens naturels, et sa version « médiée » où l’information sur le réel est prélevée par l’intermédiaire des médias qui y font référence.

Image

Les prototypes de Réalité Virtuelle et de Réalité Augmentée, ainsi que les équipements produits industriellement sont bien connus du large public et leurs usages particuliers ou parfois détournés sont scrupuleusement repérés et agréés par un public averti, notamment par le lectorat du journal de référence publié depuis 1995 par Springer « Virtual Reality ». Les domaines d’application sollicitent également leurs nombreux publics spécialisés ← xiv | xv → qui couvrent un large éventail de champs : entreprise, commerce et publicité, armée, éducation et apprentissage professionnel, spectacle, jeux, mode, sport, médecine, télécommunication, visualisation de données…

Le lecteur francophone bénéficie, dans ce domaine, d’un ouvrage monumental en 5 volumes « Le traité de la réalité virtuelle » publié à l’initiative du Professeur Philippe Fuchs par les Presses des Mines – Transvalor3.

Notre démarche diffère des stratégies heuristiques adoptées dans cette abondante littérature puisqu’au centre de notre visée ne se trouve pas la dialectique réel / virtuel mais la question de la sphère sensorielle des médias où la tendance à l’immersion figure parmi les courants forts de l’industrie actuelle de la communication et de la culture.

Effectuant une veille technologique sur le terrain de l’image, depuis les années 1990, nous n’avons pas manqué de nous intéresser aux installations de la RV4. Quiconque s’intéresse à la RV à partir de l’image tombe nécessairement sur le concept de l’immersion qui s’immisce dans la littérature savante et journalistique sans occasionner trop de considérations.

Pour établir le lien entre la RV et l’immersion il fallait tout de même procéder à une théorisation, et celle-ci ne pouvait plus relever du schématisme pratiqué par Milgram… Ce dernier dit en substance qu’il y a un réel et qu’il y a les moyens de le représenter, et que depuis l’informatisation de ces moyens, une des formes de représentation, celle qui apparaît dans les dispositifs appelés Environnements Immersifs, aboutit à une véritable substitution du réel et du virtuel, avec quasiment le même niveau de satisfaction sensorielle et le même sentiment de réalité dans les deux cas.

Or, premièrement, il fallait récuser cette vision pour constater que les médias analogiques présentaient le même phénomène d’adhésion doxique ← xv | xvi → des sujets. Ceci nous met sur la trace d’une théorie de l’effet de média dont les racines sont à rechercher dans les stades de la communication humaine où s’opérait le passage des langages naturels d’animaux au langage articulé de l’humain.

Deuxièmement, l’informatique, stimulée par le ferment intellectuel de l’après-guerre, apparaît comme une technique de substitution / augmentation du fonctionnement du système nerveux et en tant que telle elle doit inévitablement déboucher sur la simulation : d’un côté des activités de perception, et d’un autre côté des activités de traitement d’informations. La sphère sensorielle de l’informatique n’est pas là pour nous procurer une « bonne » illusion, une illusion « numérique » qui surpasserait en qualité les traditionnelles illusions « analogiques », avec toutefois le danger de tomber dans la « vallée dérangeante » de Masahiro Mori5, mais elle assure la communication entre l’agent cognitif naturel et la machine de traitement d’informations, sur le canevas de laquelle se construit le rapport informationnel de la machine au réel. Le concept d’interface qui émerge à cet endroit du raisonnement reste indifférent à la question réel / virtuel, il parle des relations unissant la sphère du prélèvement de l’information sur le monde avec la sphère des opérations mentales, – symboliques, computationnelles, imagées –, portant sur ce monde, établissant les rapports subjectifs et sociaux à ce monde, et finalement ordonnant les stratégies d’intervention dans ce monde. Autrement dit, la problématique de la sensorialité artificielle des ordinateurs relève de la problématique du mécanisme de fonctionnement de l’information sensorielle engagée dans le processus de constitution de la représentation du monde par les agents humains et par leurs « substituts » machiniques, afin d’orienter des comportements adaptés à une situation réelle, et ceci sur le fond du biofeedback agent humain / environnement anthropisé.

Le corolaire de cette affirmation veut que la sensorialité artificielle soit partiellement analogique… On peut en faire une conjecture, à partir des solutions techniques de plus en plus fréquentes dans l’industrie informatique actuelle, mais on peut également argumenter sur son caractère nécessaire. En effet, entre la technicisation analogique et la digitalisation, il existe bien un rapport historique de saut technologique qualitatif ← xvi | xvii → permettant de passer d’un traitement d’informations nécessitant les compétences intellectives humaines vers un traitement logico-algébrique reproduisant et automatisant ces mêmes compétences, mais il existe aussi un autre rapport, basé sur le principe d’économie praxique. Sur ce plan, on considère les conditions de la révolution de digitalisation (analog-to-digital conversion), prise dans son ensemble, en tant que numérisation des données, propre à toute l’informatique, ou uniquement en tant que révolution médiale de l’informatique, propre au multimédia. La conversion du signal continu en signal discrétisé ne s’est pas faite sans une perte considérable au niveau du temps de traitement (inconvénient aujourd’hui partiellement levé par l’amélioration des capacités des ordinateurs), mais avec les gains effectifs au niveau des possibilités de traitement d’informations. La situation actuelle de l’industrie de la culture et de la création nécessite la prolifération des conversions inverses – digital-to-analog, parmi lesquelles les procédés analog-to-analog, conjugués aux process informatiques, s’imposent en tant que solutions nécessaires puisque accomplissant le mieux le principe d’économie de temps. Si les calculs n’ont pas de dimension temporelle à proprement parler, dans le sens que leurs résultats ne dépendent pas, théoriquement, de la vitesse de leurs exécutions, les processus de constitution de corpus de données à partir de la perception (rafraichissement des données environnementales) possèdent une temporalité, notamment celle qui est liée aux événements environnementaux qui conditionnent les états de l’agent traitant l’information. Au regard de cette évidence, les procédés analog-to-analog sont nécessairement un des horizons de l’informatique médiale moderne puisqu’ils sont véritablement consubstantiels aux liens causaux parcourant l’environnement. Ce sont aussi les seuls procédés véritablement rétroactifs, fidèles à leur étymologie émergeant de l’apposition du radical latin cedo (« je recule ») au préfixe latin -pro (« avant »).

En examinant le rapport perception / cognition, nous distinguons l’immersion sensorielle comme un genre de perception, caractérisée par son apport informationnel massif, établi sur le mécanisme de la synthèse multisensorielle et le mécanisme de l’acquisition de l’information crossmodale. Dans ce contexte, toutes les pratiques « déréalisantes », l’illusion ou encore le désengagement existentiel de type ludique sont des prolepses épicuriennes, des expériences pré-expérientielles.

En se posant la question « qu’est-ce que les Sciences de l’Information et de la Communication peuvent ajouter à la culture de la Réalité ← xvii | xviii → Virtuelle ? », nous avons délibérément fait le pari de démanteler l’amalgame « RV/RA6 / Immersion » pour ne considérer que les chemins de la construction de la sensorialité artificielle dans le processus créatif de l’invention des médias humains, « naturels », dans l’époque précédant l’avènement de l’informatique, et bio-inspirés à partir des premiers ordinateurs et de la pensée fondatrice de la cybernétique.

Ce travail propose une vision englobante des médias analogiques, numériques et analogico-numériques, à l’aune de leur « indice d’immersion », en proclamant que sur le plan de la constitution d’un monde de significations, les médias monomodaux et les médias plurimodaux ne sont pas issus de deux tendances anthropologiques antagonistes mais recèlent différents degrés de rétrécissement ou restriction soustractive des modalités sensorielles, à partir d’une représentation « pleine », c’est-à-dire ouverte sur l’infinie richesse des attributs du réel.

La méthode empruntée aux sciences cognitives fait apparaître un parallélisme entre :

a)les connaissances des mécanismes du fonctionnement cérébral et périphérique du système nerveux des primates et de l’humain,

b)la cognitique que l’on définit en tant que versant technologique des sciences cognitives débouchant sur le prototypage,

c)et finalement l’offre industrielle dans le champ des médias et de leur support technique et les pratiques que ce dernier engendre.

Nous avons donc procédé ici à un travail de compilation multidisciplinaire, basé sur les faits connus des spécialistes des disciplines souvent trop séparées ainsi que sur certaines recherches peu connues en France, notamment les recherches militaires aux Etats-Unis rendues publiques dans la dernière décennie, et certaines recherches de l’Europe Centrale.

En dernière instance, la vision immersive des médias et leur approche par le biais du réalisme cognitif nous permettent d’esquisser une perspective du développement de certains médias érigés en dispositifs sociotechniques, comme le cinéma, ou entrevoir le futur dans lequel se réaliseront des convergences et des hybridations, visibles dès à présent, de certains médias aujourd’hui connexes.

____________

1 Hutchins, E., 1995, Cognition in the Wild, MIT Press, p. 169.

2 Les publications de ce centre sont énumérées et souvent offertes en plein texte sur le site : <http://etclab.mie.utoronto.ca/index.php?on=publications>.

Résumé des informations

Pages
XVIII, 300
Année
2015
ISBN (ePUB)
9783035194463
ISBN (PDF)
9783035203189
ISBN (MOBI)
9783035194456
ISBN (Broché)
9783034316071
DOI
10.3726/978-3-0352-0318-9
Langue
français
Date de parution
2015 (Mai)
Mots clés
hallucinations mémoire médias cinéma immersion conscience
Published
Bern, Berlin, Bruxelles, Frankfurt am Main, New York, Oxford, Wien, 2015. XVIII, 300 p., 11 ill. n/b, 6 graph. n/b, 4 tabl.

Notes biographiques

Marcin Sobieszczanski (Auteur)

Marcin Sobieszczanski a travaillé dans différents centres académiques, Angers, Rouen, Montréal et Paris. E/C à Nice, au Département des Sciences de la Communication et au laboratoire Information, Milieux, Médias, Médiations. Il adhère, dès 1990, à la mouvance cognitive des études en art et communication. Il travaille à la réactualisation neurobiologique des théories d’inspiration cybernétique.

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