Chargement...

France-Allemagne : la difficile convergence

de Hau (Auteur)
©2015 Monographies VIII, 222 Pages
Série: Convergences, Volume 84

Résumé

Les inégalités de performances économiques entre la France et l’Allemagne reposent sur des dissemblances structurelles qui sont bien connues. Mais leurs origines le sont beaucoup moins, ce qui est source de malentendus. Le présent ouvrage vise à préciser comment les deux peuples ont divergé au cours des siècles. Avec la construction européenne, les sociétés allemande et française ont commencé lentement à se rapprocher, par un jeu d’influences réciproques. L’étude de l’évolution récente montre que c’est l’influence de l’Allemagne sur la France qui l’emporte : la France n’a pas réussi à convertir l’Allemagne à une gestion moins rigoriste de la monnaie ni à une protection accrue vis-à-vis des pays tiers ; en revanche, il semble que la société française ait commencé, malgré des lenteurs et des retours en arrière, à adopter certains traits du modèle allemand.

Table des matières

  • Couverture
  • Titre
  • Copyright
  • Sur l’auteur
  • À propos du livre
  • Pour référencer cet eBook
  • Table des matières
  • Introduction
  • Chapitre 1 : Une adaptation asymétrique à la mondialisation
  • Une longue tradition française de protectionnisme
  • Une précoce ouverture commerciale allemande au XIX
  • Le testament du chancelier Caprivi : exporter ou émigrer
  • Chapitre 2 : Des projets éducatifs différents
  • La divergence des systèmes de formation professionnelle
  • La culture générale à la française
  • La longévité des traditions françaises dans le domaine éducatif
  • La formation professionnelle à l’allemande comme voie d’ascension sociale
  • Chapitre 3 : Deux capitalismes de puissance inégale
  • Un capitalisme allemand plus puissant et plus autonome dès l’origine
  • Des entrepreneurs allemands portés par la seconde révolution industrielle
  • Le patronat allemand, du capitalisme familial au capitalisme organisé
  • L’industrie française dans un environnement moins favorable après 1870
  • La France, pays de petites entreprises
  • Chapitre 4 : L’entreprise face à l’État
  • L’hostilité des élites françaises au grand patronat
  • Le capitalisme allemand confronté à l’aventure militaire
  • Le dirigisme français après 1945
  • Le retour de l’Allemagne à l’économie de concurrence après l’expérience hitlérienne
  • Le refus, par le gouvernement allemand, d’une politique industrielle
  • Les avantages persistants du capitalisme rhénan
  • La haute fonction publique française au cœur de la désindustrialisation à partir de 1974
  • Chapitre 5 : Entre consensus et lutte des classes
  • Deux regards différents portés sur la Révolution française
  • L’évolution initiale du mouvement ouvrier allemand vers le réformisme
  • Les révolutionnaires à la conquête du mouvement ouvrier français
  • Le compromis entre gaullistes et communistes
  • Des intellectuels français engagés
  • L’influence communiste sur le mouvement syndical et l’opinion de gauche en France
  • La deuxième rupture au sein de la gauche allemande au temps de la Guerre Froide
  • Un syndicalisme gestionnaire en Allemagne
  • Croissance économique et glissement de l’opinion française vers la gauche
  • Un mouvement de l’opinion allemande vers la gauche freiné par l’expérience mitterrandienne
  • Chapitre 6 : Une perception différente de l’inflation
  • L’inflation comme élément du dialogue social français
  • La stabilité monétaire installée au cœur du système productif allemand
  • Une incitation précoce de l’industrie à monter en gamme
  • Le vieillissement explique-t-il la rigueur monétaire allemande ?
  • L’éthique de l’épargne
  • Chapitre 7 : Une convergence tardive de la France vers l’Allemagne
  • L’économie française confrontée à la libération des échanges
  • La libéralisation de l’économie française après 1983
  • Le problème longtemps ignoré des charges sur les entreprises
  • Les craintes des Allemands pour « le site Allemagne »
  • L’échange international, point aveugle de la vision française
  • Le reflux du syndicalisme révolutionnaire
  • La lente conversion du parti socialiste à l’économie de marché
  • La droite intimidée par l’agitation de rue
  • Chapitre 8 : Quand l’Allemagne fait bouger la France
  • Le poids croissant de l’Allemagne
  • Un Euro géré comme le Mark
  • La rigueur budgétaire obligée
  • Conclusion
  • Bibliographie
  • Index des noms de personnes et d’entreprises
  • Liste des publications de la collection Convergences

← viii | 1 → Introduction

Depuis la signature du traité instituant la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier, la concertation entre la France et l’Allemagne a joué un rôle clé dans le processus d’unification économique et monétaire européenne. Mais, affaiblie par une désindustrialisation d’une ampleur exceptionnelle et lourdement endettée, la France n’est plus en mesure aujourd’hui d’entretenir un dialogue équilibré avec son principal partenaire. Elle doit se résigner à laisser l’Allemagne exercer, de plus en plus seule, un rôle dirigeant dans les affaires économiques et monétaires de la zone Euro. Les Allemands ne se retrouvent pas aujourd’hui dans cette position hégémonique à cause d’une volonté de puissance qui leur serait propre, car la mémoire des deux guerres mondiales a engendré chez eux une « culture de la retenue »1, mais à cause de caractéristiques culturelles anciennes qui les y ont conduits sans qu’ils l’eussent vraiment recherché. Peut-être est-il bon, pour le maintien de relations détendues entre les deux pays, que les médias continuent à parler d’un « tandem franco-allemand ». Mais les faits sont là : après la brillante période des années 1960, où la France avait réussi à réduire l’écart de puissance économique avec son voisin d’Outre-Rhin, l’évolution est repartie en sens inverse. À la fin de la présidence de Georges Pompidou, la production industrielle de la France représentait plus de la moitié de celle de l’Allemagne. Aujourd’hui, c’est à peine le tiers. La France a, depuis 1974, sans l’avoir voulu explicitement, laissé dépérir son industrie et, avec elle, sa puissance économique et politique.

L’économie française, jusque-là peu ouverte sur l’extérieur, avait pourtant bien réagi après 1958 au choc du désarmement douanier au sein de l’Europe des Six. Alors que les pessimistes prédisaient l’effondrement de ses industries face à la concurrence allemande, la France avait connu une forte poussée industrielle et une croissance économique plus rapide que celle de l’Allemagne. Mais à partir de 1974, au moment même où la population française en âge de travailler venait de recommencer à s’accroître après une stagnation séculaire, le différentiel de croissance des PIB par habitant entre les deux pays se retourna en faveur de l’Allemagne2.

← 1 | 2 → Le différentiel de croissance négatif du Produit Intérieur Brut par habitant français apparu depuis cette date n’est pas dû à un différentiel de croissance de la productivité des actifs occupés, mais à un écart grandissant entre les taux d’emploi français et allemand. La montée, si longtemps attendue de la population en âge de travailler, a été compensée en France par une hausse de l’inactivité et du chômage beaucoup plus forte qu’en Allemagne. Le taux d’emploi entre 16 et 64 ans, qui était au départ similaire entre les deux pays, est aujourd’hui très différent : 64% en France en 2013 contre 73% en Allemagne.

Cette dissymétrie découle-t-elle du fait que la population française en âge de travailler a augmenté plus vite que la population allemande ? Les Pays-Bas, qui ont connu une croissance démographique proche de celle de la France, affichent depuis 1994 des taux de chômage encore plus bas que l’Allemagne. Si nous examinons les variations spatiales des taux de chômage à l’échelle micro-régionale à travers toute l’Europe occidentale, il n’apparaît aucune liaison significative entre hausse de la population en âge de travailler et hausse du taux de chômage3. Depuis les années Quatre-Vingt, les taux de chômage sont constamment plus bas aux États-Unis et au Canada qu’en France, alors que la population en âge de travailler y augmente encore plus vite4.

En fait, l’emploi national n’est pas une grandeur fixe qui se répartirait entre des parties prenantes plus ou moins nombreuses. Le taux d’emploi est bien davantage lié à la capacité des entreprises à répondre à la demande, tant intérieure qu’extérieure. Le secteur de l’industrie manufacturière, qui est le plus exposé à la concurrence internationale, a subi en France, depuis 1974, une forte hémorragie des emplois qui a largement contribué à l’élévation du taux de chômage et à la baisse du taux d’activité. Les territoires européens qui ont été fortement touchés par la désindustrialisation enregistrent généralement des taux de chômage supérieurs et des taux d’emploi inférieurs à la moyenne. On comprend ainsi le mécanisme qui mène de la perte de compétitivité d’un territoire à sa désindustrialisation et de sa désindustrialisation au sous-emploi structurel.

La croissance ralentie semble être, depuis quatre décennies, une spécificité des pays anciennement industrialisés, mais ce phénomène frappe la ← 2 | 3 → France avec une particulière acuité. La croissance du Revenu brut mondial est, depuis 1974, sur une pente qui dépasse nettement les rythmes de croissance du Revenu brut national français. Il faut donc bien se résoudre à prendre en considération une hypothèse déplaisante à plus d’un lecteur français, à savoir que, globalement, la population française en âge de travailler est moins en capacité de répondre à cette demande mondiale que ses homologues étrangères, notamment allemande. La baisse plus prononcée de la population française employée va de pair avec une désindustrialisation plus accentuée qu’en Allemagne. L’industrie, qui est le secteur le plus exposé à la concurrence extérieure, est aussi celui qui entraîne une partie du secteur des services, ce qui fait d’elle un moteur essentiel de la création d’emplois aussi bien directs qu’indirects. Les salariés qui travaillent pour l’exportation dépensent une part de leurs revenus sous forme de commandes à des fournisseurs locaux de biens et services. L’Allemagne, elle aussi, a été affectée par le choc de la mondialisation, mais l’emploi industriel (construction exclue) y a diminué deux fois moins vite qu’en France5. Il a même connu une véritable reprise entre 1984 et 1990, alors qu’en France, sa baisse fut presque permanente, à l’exception de deux courts paliers en 1987–1990 et 1996–2001. En 2012, la population active ne comptait plus, en France, que 20% de travailleurs de l’industrie (construction exclue) contre 30% en Allemagne. Le reste trouvait à gagner sa vie dans un secteur tertiaire aux rémunérations souvent plus médiocres que dans l’industrie, ou, pire encore, était voué au chômage ou à l’inactivité.

Le commerce extérieur a été un moteur de croissance pour l’Allemagne et, au contraire, un frein pour la France. À mesure que s’appliquèrent les diverses mesures de désarmement douanier, tant en Europe que vers les pays tiers, l’évolution des balances commerciales a exercé une influence de plus en plus significative sur les taux de croissance du PIB dans les différents pays d’Europe6. Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, l’économie allemande dégage des excédents commerciaux qui lui apportent un supplément d’emplois. Elle obtient par le commerce extérieur une expansion de la demande qui ne repose pas sur un déficit budgétaire ou une création de liquidités. Une ← 3 | 4 → raison de cette situation est que l’industrie allemande a su monter en gamme à mesure que progressait le niveau des salaires. Exonérée, grâce au supplément de demande apporté par l’excédent extérieur, de l’obligation de s’endetter pour soutenir la croissance et l’emploi, l’Allemagne affiche aujourd’hui un taux de chômage inférieur à celui d’avant la crise des subprimes. Il faut noter que les Pays-Bas, le Luxembourg, la Suisse et l’Autriche, qui fonctionnent sur le même modèle de croissance, n’ont, de leur côté, jamais connu de forte poussée du chômage, même après la crise des subprimes.

À l’inverse de celle de l’Allemagne, la balance commerciale de la France apparaît comme structurellement déficitaire depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Les seuls excédents qui aient été enregistrés l’ont été après les dévaluations de 1958 et 1969 et lors de la période de ralentissement de la consommation qui a suivi la hausse des taux d’intérêt de 1992. Avec l’ouverture de l’économie française aux échanges, le déséquilibre du commerce extérieur français s’est aggravé. D’un côté, la part des importations dans le marché intérieur des produits manufacturés a gonflé de façon inattendue, passant d’un quart en 1974 à la moitié en 1985. De l’autre, l’économie française a vu diminuer ses parts de marché à l’exportation à partir de 1992 après quelques fluctuations liées, entre 1973 et 1985, aux variations des prix du pétrole.

C’est après 1992, au moment où la France et l’Allemagne s’orientèrent vers une politique de rigueur monétaire, que la part des deux pays dans les exportations mondiales entama un déclin de longue durée. Mais, alors que l’Allemagne battait en retraite lentement et en bon ordre, la France connut une véritable déroute : entre 1992 et 2012, la part de l’Allemagne diminua en moyenne au rythme de – 1,3% par an contre – 3,2% par an pour la France. Les exportations allemandes s’accommodèrent de l’Euro fort : la part représentée par les pays émergents dans les débouchés de l’économie allemande s’élargit au lieu de se réduire. En 1998, l’Union Européenne absorbait 64,7% des exportations allemandes. Quinze ans plus tard, en 2013, ce pourcentage était tombé à 57%. Ce chiffre est même au-dessus de la vérité, car une exportation vers la Chine transitant par Rotterdam est enregistrée par les statistiques allemandes comme destinée aux Pays-Bas.

Si l’on examine la répartition des exportations par produits, on constate que l’industrie française n’a pas réussi à répondre à la demande croissante de matériels sophistiqués, sauf dans ses quelques domaines traditionnels d’excellence comme l’aérospatial, l’énergie, le ferroviaire et les travaux publics. Globalement, la part de la France dans les industries électro-techniques et les produits de haute technologie s’est réduite depuis les années Soixante-Dix. Dans ces domaines, les exportations de la France se sont développées moins vite que ses importations. On n’a pas observé cette réorientation vers ← 4 | 5 → les hautes technologies qu’auraient appelée, en bonne logique économique, les coûts salariaux français7.

Les positions de l’industrie française se sont effritées les une après les autres : le solde exportations-importations des biens de consommation est devenu déficitaire après 1976, celui des biens intermédiaires après 1998. Sur la période 2000–2006, la balance commerciale de l’industrie française dans son ensemble est encore restée légèrement excédentaire du fait de la bonne performance des industries agroalimentaires et des industries des biens d’équipement. Mais, depuis 2007, l’excédent de ces deux secteurs ne suffit plus à compenser le déficit enregistré sur les autres secteurs.

La balance commerciale française est devenue négative en 2004. En 2013, le déficit commercial est de 61 milliards d’Euros alors que l’Allemagne enregistre un excédent de 199 milliards d’Euros. En calculant qu’un milliard d’Euros équivaut à plusieurs milliers d’emplois directs et indirects, on comprend aisément l’écart des taux de chômage entre les deux pays. L’érosion des parts de marché de la France, tombées de 6,3% des exportations mondiales en 1992 à 3,1% en 2012, s’est accélérée à partir du milieu des années 2000 et – le fait est lié – le taux de croissance français a fortement décroché au même moment par rapport au taux de croissance allemand. On aurait tort d’opposer reconquête du marché intérieur et essor des exportations : dans une économie ouverte, la compétitivité forme un tout, et l’effritement des parts du marché international est allé de pair avec l’invasion des produits étrangers.

À présent, la France est un pays profondément désindustrialisé8. La valeur ajoutée brute de l’industrie (hors construction) y est en 2011 de 224,5 milliards de dollars contre 607,5 pour l’Allemagne. Le secteur industriel français est aujourd’hui moins développé que celui de l’Italie (263,2 milliards de Dollars) et celui du Royaume-Uni (255,2 milliards de Dollars). L’Allemagne maintient la part de l’industrie à près de 30% du PIB depuis 2000 et son excédent commercial ne cesse de croître. Ces performances sont fondées, on le sait, sur les facteurs hors coûts (politique de qualité, innovation, service clients)9. L’industrie française est victime d’une progression de ses coûts et ← 5 | 6 → d’une érosion de ses marges dont les effets se répercutent sur l’investissement et la recherche-développement. L’économie française n’occupe plus, dans la hiérarchie des producteurs mondiaux, une place à la mesure des revendications salariales de sa population, si justifiées soient-elles dans l’absolu.

L’affaiblissement de l’économie française par rapport à l’économie allemande s’observe également dans relation commerciale entre les deux pays, qui est de plus en plus asymétrique : la France a vu son déficit commercial se creuser continuellement, à l’exception des quelques années qui ont suivi la réunification allemande de 1990. À la suite de la décision prise en 1982 de désindexer les salaires sur l’évolution du coût de la vie, la France a réduit son différentiel d’inflation avec l’Allemagne, le ramenant de 8% en 1980 à 0,5% en 1989. Mais, à partir de 2001, le déficit commercial a recommencé à croître, révélant un décrochage général de compétitivité. L’industrie française n’est pas parvenue à tenir ses positions sur le marché allemand, non seulement par rapport à la Chine ou aux pays d’Europe centrale et orientale, mais encore par rapport à ses voisins européens, les Pays-Bas, l’Italie et la Grande-Bretagne. Les entreprises françaises ont également reculé sur leur marché domestique par rapport à leurs concurrentes allemandes10. Ces dernières élargissent leur part du marché français non seulement dans le secteur des biens d’équipement ou de consommation durable, mais encore dans des secteurs où, jusque-là, l’économie française occupait des positions fortes : agro-alimentaire, confection, parfums et cosmétiques, tourisme, logistique, distribution et assurance11.

Ces faits économiques sont bien connus et ont déjà fait l’objet de nombreuses analyses12. Ce qui l’est moins, c’est leur origine. Les divergences entre la France et l’Allemagne ne s’expliquent pas par des faits récents. L’approche historique est indispensable pour la compréhension du déséquilibre économique actuel entre les deux pays. Depuis le démembrement de ← 6 | 7 → l’empire de Charlemagne, la France et l’Allemagne ont suivi deux trajectoires différentes. La différence de leurs destinées en a fait, sur le plan culturel et politique, deux planètes étrangères l’une à l’autre. Avec la construction européenne, leurs orbites se rapprochent à présent, mais les divergences accumulées depuis des siècles ne peuvent se réduire aussi vite. À mesure que le couple franco-allemand se resserre, ces différences deviennent plus difficiles à vivre. Les Français souhaiteraient un tarif extérieur commun plus protecteur, une politique monétaire moins stricte et des coopérations industrielles plus nombreuses sur de grands projets. Les Allemands, de leur côté, craignent des représailles douanières des pays extra-européens, une inflation causée par trop de laxisme monétaire, et des projets dispendieux débouchant sur des échecs commerciaux.

Ces désaccords opposent moins la gauche et la droite dans les deux pays que les deux pays l’un à l’autre. La gauche française s’est souvent illusionnée lorsqu’elle a espéré une connivence poussée avec la gauche allemande. En Allemagne, la social-démocratie a fait le choix du réformisme en 1891 et de l’économie de marché en 1959. Elle a réagi aux chocs pétroliers et aux problèmes nés de la réunification par des politiques de rigueur budgétaire. Aujourd’hui, le parti social-démocrate allemand est réticent à l’émission d’euro-obligations prônée par le parti socialiste français. En France, à l’inverse, les gouvernements, même orientés à droite, ont conduit des politiques économiques interventionnistes et ont maintes fois choisi la voie de la relance keynésienne. En fait, ce sont vraiment, deux sociétés, médias, partenaires sociaux et gouvernants confondus, qui s’opposent profondément par leur façon d’aborder les problèmes économiques.

L’année 2012 a vu, du côté français, se multiplier des déclarations manquant pour le moins de nuance13. Pour faciliter le dialogue franco-allemand, il faut comprendre que les fondements des divergences actuelles sont le fruit d’un vécu différent, dont la mémoire s’est déposée en strates successives dans l’inconscient collectif de chacun des deux peuples. Les mots qu’ils emploient, même lorsque les équivalents sous forme de traduction existent dans les dictionnaires, charrient avec eux une foule de concepts associés, de sous-entendus, d’allusions implicites, qui renvoient à des expériences historiques irréductibles l’une à l’autre.

Ce retour vers le passé nous conduira à remonter loin dans le temps. Il nous permettra de réexaminer certaines idées reçues, comme celles selon lesquelles l’Allemagne aurait effectué sa révolution industrielle à l’abri d’un système douanier protecteur, ou le capitalisme français serait par essence ← 7 | 8 → moins innovant, ou encore l’attachement des Allemands à la stabilité monétaire serait le fait d’une population vieillissante.

Faire ce travail d’investigation est nécessaire pour faciliter le dialogue entre Français et Allemands et continuer de préparer ensemble, quoi qu’il puisse arriver, un avenir commun.

 

__________

Résumé des informations

Pages
VIII, 222
Année
2015
ISBN (ePUB)
9783035194524
ISBN (PDF)
9783035202946
ISBN (MOBI)
9783035194517
ISBN (Broché)
9783034316040
DOI
10.3726/978-3-0352-0294-6
Langue
français
Date de parution
2014 (Décembre)
Mots clés
Marché Mouvement ouvrier Économie décentralisée Inégalité économique
Published
Bern, Berlin, Bruxelles, Frankfurt am Main, New York, Oxford, Wien, 2014. 222 p.

Notes biographiques

Hau (Auteur)

Michel Hau a, de 1987 à 2011, dirigé l’Institut d’Histoire économique et sociale de l’Université de Strasbourg. Ses travaux portent sur la croissance régionale, l’histoire des entreprises, l’économie allemande et le phénomène de la désindustrialisation en Europe. Depuis 2011, il est professeur émérite à l’Université de Strasbourg.

Précédent

Titre: France-Allemagne : la difficile convergence
book preview page numper 1
book preview page numper 2
book preview page numper 3
book preview page numper 4
book preview page numper 5
book preview page numper 6
book preview page numper 7
book preview page numper 8
book preview page numper 9
book preview page numper 10
book preview page numper 11
book preview page numper 12
book preview page numper 13
book preview page numper 14
book preview page numper 15
book preview page numper 16
book preview page numper 17
book preview page numper 18
book preview page numper 19
book preview page numper 20
book preview page numper 21
book preview page numper 22
book preview page numper 23
book preview page numper 24
book preview page numper 25
book preview page numper 26
book preview page numper 27
book preview page numper 28
book preview page numper 29
book preview page numper 30
book preview page numper 31
book preview page numper 32
book preview page numper 33
book preview page numper 34
book preview page numper 35
book preview page numper 36
book preview page numper 37
book preview page numper 38
book preview page numper 39
book preview page numper 40
232 pages