Chargement...

Mobilités et imaginaire identitaire des Roumains dans l’Europe d’après 1989

Carnets de bord et ethnographie des pratiques de voyage en autocar

de Monica Salvan (Éditeur de volume)
©2014 Thèses XVI, 281 Pages
Série: Transversales, Volume 39

Résumé

L’autocar est un mode de transport méconnu des discours sur la mondialisation qui concentre les vécus d’une Europe en construction, ceux des laissés pour compte des mutations géopolitiques ou de ceux qui sont en quête d’un futur que leur pays ne leur promet pas. L’auteure dresse le portrait de ces existences mobiles entrevues dans des voyages entre la Roumanie et la France, en conjuguant une écriture en profondeur et la rigueur d’une observation méthodique et empathique qui s’appuie sur ses carnets de bord. Le résultat est à la hauteur d’une recherche ethnographique novatrice identifiant des pratiques de mobilité inédites, prolongée par des entretiens qui affinent les premiers échanges nés du hasard. A la vitesse bridée du cheminement de l’autocar, on découvre, dans ce va-et-vient entre sociétés, l’économie des dynamiques identitaires telle qu’elle fonctionne au fil des générations migrantes, les logiques qui animent les oppositions entre « Occident » et marges de « l’Orient », espaces réinventés certes après la Chute du Mur mais dont le jeu subtil des décloisonnements identitaires se dévoile progressivement sous la loupe des imaginaires et des appartenances plurielles.

Table des matières

  • Couverture
  • Titre
  • Copyright
  • Sur l’auteur
  • À propos du livre
  • Pour référencer cet eBook
  • Dedication
  • Table des matières
  • Préface
  • Introduction. Mobilité et construction identitaire
  • La mobilité aujourd’hui : pensée politique et approches en sciences humaines
  • Comment penser sa place en situation de mobilité géographique ?
  • La sociologie des mobilités
  • D’un parcours personnel à la mobilité des Roumains comme objet de recherche
  • Une connaissance de l’intérieur du statut de migrant
  • Une enquête de terrain : questionner la mobilité en situation de mobilité
  • La mobilité des Roumains après 1989 et l’imaginaire identitaire national : une approche pluridisciplinaire
  • Les appartenances plurielles : une approche plurilingue et pluriculturelle
  • Questionnement sur la perception des migrations par les acteurs de la mobilité : les catégorisations
  • Les « acteurs de la mobilité »
  • Approches de la complexité culturelle
  • La norme monoculturelle et l’emprise des institutions sur l’individu
  • Mobilité et cadre de pensée national
  • Déchirements identitaires
  • L’exaltation nationaliste
  • Initiatives individuelles : capacité d’agir
  • La mobilité roumaine et les transformations de l’imaginaire identitaire : hypothèses de travail
  • L’interdépendance de l’imaginaire et des pratiques
  • Observation et récits de vie : complémentarité de deux modes de recueil de données
  • La place du monde occidental dans l’imaginaire identitaire roumain
  • Les conditions d’apparition d’un imaginaire sur l’Occident
  • Un univers cloisonné
  • L’imaginaire informationnel roumain
  • Les premiers mouvements migratoires
  • Grilles de lecture de la réalité
  • L’expérience à l’étranger : analyse d’un pré-corpus de récits de voyage
  • Le rôle de l’Occident dans l’imaginaire roumain
  • L’imaginaire de l’Occident en oppositions
  • Liberté/enfermement
  • Le paradis et l’enfer
  • Mécanisme parfait/mécanisme déréglé
  • Mort/Renaissance
  • Quel principe unificateur ?
  • En guise de conclusion : le décalage de ces expériences avec les lecteurs futurs
  • Notre démarche d’enquête sur le terrain et son influence sur la construction de notre objet d’étude
  • L’enquête en autocar
  • L’apprentissage du terrain : entre désordre et volonté de contrôle
  • Conditions de travail et stratégies d’enquête
  • La présentation de soi et son influence sur la nature des contacts
  • Représentations à l’épreuve : l’usage de l’enregistrement. La place du Carnet de bord
  • De l’anonymat à l’interconnaissance
  • Des rôles sur une scène minuscule
  • Approfondissement des connaissances
  • Réticences et refus
  • Quelques pistes de réflexions sur la place de l’enquêteur dans le système énonciatif
  • Identités cloisonnées : un regard sur les Roms
  • Se rapporter aux Roms : effets d’un conditionnement culturel particulier
  • Marginalités visibles. Un tableau des présences tsiganes
  • Marchands à la sauvette
  • Mendicité
  • Rencontres sur le terrain : cloisonnement des groupes
  • L’ignorance réciproque
  • Incidents
  • De l’observation à l’écoute : intégrations invisibles
  • Les « Tsiganes » dans l’imaginaire identitaire national
  • Le Tsigane, une figure-jalon. Une cohérence du monde avant tout ?
  • Une violence discursive abstraite ?
  • Transfert des stéréotypes et compréhension du monde
  • Une place à redéfinir
  • Voix minoritaires
  • L’inertie des stéréotypes
  • Représentations de l’espace et enjeux identitaires
  • Ancrage spatial et représentations du monde
  • Epoques en surimpression
  • Frontière roumano-hongroise : vers l’ouverture d’un espace clos
  • Survivances d’un imaginaire inquiet
  • Axe routier Bucarest – Budapest : métaphore d’un monde en transition
  • Gares routières, aires de repos : l’évolution des pratiques de mobilité
  • Toilettes publiques
  • La manière de conduire : « passion du risque »
  • Juxtapositions spatio-temporelles : représentations à l’æuvre
  • Les juxtapositions d’époques comme dysfonctionnement
  • Les « formes sans fond » et les aires culturelles
  • Voyager en autocar entre la Roumanie et la France : structures du monde et action de l’imaginaire
  • Un aperçu du voyage
  • Le déroulement du voyage
  • Spécificité du sens Ouest – Est
  • Le conditionnement à l’inquiétude
  • L’arrière-plan paramilitaire
  • Sociabilité compensatoire
  • Jeu d’imaginaires : tourisme chic ou migration suspecte ?
  • Représentations contrastées
  • Initiatives roumaines
  • Peurs occidentales
  • Lire le positionnement identitaire à travers « l’imaginaire linguistique »
  • Quelles catégories pour penser la mobilité aujourd’hui ?
  • Accès aux langues et choix identitaires
  • Langues et rapport à l’altérité
  • Un héritage conditionné négativement
  • Une transmission naturelle
  • Les liens affectifs
  • La cohérence identitaire : représentations à l’æuvre
  • De l’uniformité à l’exclusion
  • Vers un modèle identitaire « à la carte » ?
  • Solidarités féminines dans la migration
  • Les liens intergénérationnels dans le contexte de la migration roumaine en France : la visibilité des femmes
  • L’entraide familiale
  • Coups de pouce
  • Soutiens essentiels
  • Décalages culturels et générationnels
  • Interactions familiales dans le contexte de la migration
  • Le recours aux rites
  • Conditions matérielles : quelles évaluations ?
  • Femmes médiatrices entre deux cultures
  • Le quotidien négocié
  • Les relations de voisinage en France : quelle insertion des proches des migrants ?
  • De l’imaginaire identitaire national à l’ouverture européenne : construction identitaire des Roumains en situation de mobilité
  • La mobilité et les transformations de l’imaginaire identitaire
  • Quête de la réussite personnelle chez les migrants : de la marginalité sociale vers les réseaux transnationaux
  • Reconfiguration de l’altérité dans l’imaginaire social roumain
  • D’un imaginaire cloisonné à un style de vie contemporain : « constellations de la mobilité »
  • « La mobilité pour la mobilité » et « la fuite sans terme »
  • « La disparition de l’ailleurs » et « le départ passif »
  • Construction identitaire et pratiques de la langue et de la culture roumaines
  • Manières de se dire : renouvellement et multiplication
  • Vers une construction identitaire plurilingue et pluriculturelle : le travail de médiation
  • Cadre institutionnel : quelle influence sur le statut des migrants ?
  • Initiatives individuelles spontanées en réaction contre les assignations identitaires
  • Conclusion. Se réinventer à travers la mobilité
  • La double tentation du national et du transnational
  • Un déficit d’imaginaire identitaire ?
  • La mobilité émancipatrice : d’un imaginaire identitaire cloisonné à une dynamique identitaire plurielle
  • Bibliographie
  • Annexes
  • Annexe 1 : Chronologie des seize trajets en autocar
  • Annexe 2 : Nos interlocuteurs
  • Annexe 3 : Parcours Paris-Bucarest
  • Index des auteurs

Introduction. Mobilité et construction identitaire

La question des origines est inévitable et récurrente lorsque l’on quitte l’espace national pour se rendre à l’étranger, comme le laisse entendre d’emblée ce terme cristallisant une vision du monde qui dépossède d’une relation intime avec un territoire autre que celui de sa naissance. Selon une expérience menée en psychologie sociale, « l’identité ethnique ou nationale s’actualise de façon privilégiée dans une situation où elle est confrontée à d’autres identités » (Lipiansky, 1991 : 62). Si les étiquettes qui désignent des communautés permettent de se repérer plus facilement dans le monde social, elles tendent en revanche à « occulter l’individu » : « Elles permettent de réduire le grand nombre des acteurs réels à un petit nombre […] et de faire l’économie d’une prise en compte de la diversité des situations de migration et des parcours » (Peressini, Gilardi, 2008 : 149).

Le contexte de la mobilité favorise la désignation et l’identification réciproque des « porteurs de culture » (Camilleri, Cohen-Emerique, 1989) à travers des catégories toutes faites. L’individu en mobilité est amené à se penser lui-même par le biais des étiquettes qui ont cours dans le monde contemporain, généralement mises à sa disposition par la culture d’origine ou par la culture d’accueil. Invité à se positionner, celui-ci a encore souvent spontanément recours à la réponse qui renvoie à l’appartenance nationale au détriment d’une « approche plurielle de l’appartenance » (Zarate, 2008 : 175). ← 1 | 2 →

La mobilité aujourd’hui : pensée politique et approches en sciences humaines

Nous interrogeons dans ce travail la façon dont les repères individuels et collectifs interagissent, et plus particulièrement la façon dont les individus construisent des repères dans des contextes où leurs parcours de vie, à l’étroit dans les cadres institutionnels établis, risquent d’être interprétés et déformés à travers des catégories de pensée inadaptées. Nos observations ont pour toile de fond la transformation géopolitique de l’Europe ayant comme moment inaugural la disparition du rideau de fer en 1989, qui a ouvert la voie à de nouvelles migrations. La rencontre des Roumains avec le monde occidental se produit dans ce contexte précis. Les données que nous analysons sont recueillies au cours d’une enquête en autocar réalisée entre 2005 et 2008, auprès de personnes voyageant entre la Roumanie et la France. Elle consigne les échos d’un moment charnière de l’évolution de la Roumanie en Europe : l’adhésion du pays à l’Union Européenne le 1er janvier 2007.

Comment penser sa place en situation de mobilité géographique ?

L’observation d’une série de pratiques suscitées par la mobilité nous permet de questionner la manière dont la rencontre avec le monde occidental se reflète dans le positionnement identitaire des Roumains. Socialisés jusqu’en 1989 dans une société enfermée dans une expérience totalitaire, qui s’est légitimée à partir des années 1970 par des valeurs nationalistes et par la fiction de l’homogénéité culturelle, les migrants roumains sont amenés à mettre en question cette vision du monde que la propagande du régime communiste en place avait réussi malgré tout à inculquer. La rencontre avec l’Occident, symboliquement investi d’une altérité prestigieuse, projette un nouvel éclairage sur les définitions de soi du groupe d’appartenance et favorise certaines interrogations : avec quels repères pour penser la différence se ← 2 | 3 → lance-t-on dans la mobilité ? Avec quels repères pour se penser soimême, pour penser sa place dans le monde ? Quelles évolutions se produisent au contact d’un « Autre » qui perd son caractère abstrait et se décline dans la multiplicité des rencontres quotidiennes ? Tout en essayant d’esquisser un imaginaire commun sur lequel se profilent ces mobilités, nous ne cherchons pas à retrouver des parcours-types : « il faut toujours se garder de s’enfermer dans des modèles trop restreints car il y a, in fine, autant de types de migrations que de migrants eux-mêmes… » (Wihtol de Wenden, 2001 : 12).

Ces questions se posent avec d’autant plus d’acuité que la possibilité de voyager dans l’espace occidental a été entravée à ses débuts par de nombreux obstacles administratifs : en mettant en place des politiques de surveillance qui désindividualisent les candidats à la mobilité et à la migration, cet Autre rêvé a une forte emprise sur les moyens qu’ont les migrants de se penser individuellement et collectivement. Cela va à l’encontre des évolutions actuelles :

Depuis la fin du XXe siècle, l’Europe est devenue l’une des premières terres d’immigration du monde, sinon la principale. Hier terre de départ vers les colonies ou les nouveaux mondes, elle est devenue une terre d’accueil sans jamais s’accepter comme telle. (Wihtol de Wenden, 2007 : 7)1

En suivant des parcours de mobilité dans une organisation spatiale soumise à un « raidissement territorial à l’ancienne », que l’on peut qualifier de « rétrograde » (Weber, 2007 : 66), nous nous intéressons à la manière dont s’articulent l’individuel et le collectif : les repères collectifs ont le pouvoir de structurer la perception individuelle du monde et d’influencer l’espace privé. On peut se demander quelle est la marge de liberté dont dispose l’individu en mobilité pour se penser, pour se construire dans ce contexte. ← 3 | 4 →

Tout en nous situant dans la perspective des contacts interculturels franco-roumains2, le point de vue auquel nous nous intéressons systématiquement est celui des Roumains en mobilité. Alors même que leurs pratiques sont la plupart du temps innovantes, il n’est pas rare que l’interprétation qui en est faite penche du côté d’un certain défaitisme et misérabilisme. Or, comme le rappelle Catherine Wihtol de Wenden, dans les mobilités contemporaines

le facteur d’attraction (pull) est […] beaucoup plus fort que le facteur d’expulsion (push) : c’est moins la pression démographique, d’ailleurs en baisse dans beaucoup de pays de départ, ajoutée à la pauvreté, qui crée la pression migratoire, mais plutôt l’imaginaire migratoire qui se nourrit de tous les bénéfices visibles, à la télévision ou sur les marchés locaux (électroménager, produits électroniques) de l’eldorado occidental ou de l’État providence. (Wihtol de Wenden, 2001 : 9 - 10)3

L’insatisfaction par rapport à sa propre société, qui suscite chez certains l’envie de partir à l’étranger, semble d’ailleurs être fréquente chez l’homme moderne. Selon Danilo Martuccelli, « les individus finissent par avoir l’étrange sentiment d’être devant, à l’extérieur ou plus que leur propre société » : ← 4 | 5 →

Ce sentiment, propre aux individus, d’être devant leur société, en fait, d’avoir atteint un niveau d’individuation supérieur (au moins au niveau de leurs aspirations) à celui qu’elle leur permet, est une des conclusions majeures des études sur la modernisation depuis les années 1950 dans des formes politiques, culturelles ou religieuses diverses dans les différents continents. (Martuccelli, 2006 : 278)

La sociologie des mobilités

Sous la pression des évolutions contemporaines, les recherches menées dans le cadre de la sociologie des mobilités proposent des concepts qui étayent une nouvelle vision du monde. Pour John Urry, la notion même de « société », qui a fondé la sociologie traditionnelle, se dérobe actuellement (Urry, 2005 [2000])4 Tout en concédant qu’« il reste en général difficile de proposer un appareil conceptuel alternatif qui n’interfère pas avec l’optique nationale », on met en avant le fait que

les mobilités des personnes, des idées, des savoirs, des objets et des pratiques participent à (re)modeler les structures sociales et les relations de pouvoir dans un monde dans lequel la motilité, c’est-à-dire l’habileté d’être mobile (Kaufmann, 2001) devient une ressource plus importante que jamais. La flexibilité et la mobilité s’érigent alors en nouvelles clés de lecture du social… (Nedelcu, 2009 : 57).

La mobilité des Européens de l’Est du continent après 1989 est analysée, parmi d’autres mouvements migratoires, en termes de dynamique des flux et des réseaux5. Cette fluidité est mise en avant pour souligner ← 5 | 6 → les changements par rapport à l’époque antérieure aux années 1990, quand la rupture avec les origines jouait un rôle considérable. Pour la sociologue Mihaela Nedelcu, qui s’intéresse aux nouvelles formes de mobilité, « la distinction entre migrants et sédentaires s’étiole en raison de la banalisation de la mobilité et de l’émergence de structures et d’habitus transnationaux » (Ibid. : 13).

Nous nous trouvons cependant devant une situation paradoxale dans laquelle, malgré la massification des pratiques de mobilité, celles-ci apparaissent comme des manifestations marginales de par leur traitement par les Etats nationaux. Nous nous référons une fois de plus à l’analyse de Catherine Wihtol de Wenden (2009) :

Le grand perdant de cette mobilité, c’est l’Etat, dans sa tentative d’imposer sa souveraineté sur le contrôle des frontières, sur la définition de l’identité nationale. Les gouvernements résistent très fortement, confortés par leurs opinions publiques les plus conservatrices. Dans le durcissement récent des politiques migratoires, il y a l’effet de la crise économique, bien sûr, mais aussi le fait qu’on considère les migrations d’abord comme une question sécuritaire. On criminalise la migration, au détriment de l’approche économique et sociale qui prévalait auparavant6

Alors que la mobilité devient un style de vie pour un nombre de plus en plus important de personnes dans le monde, elle continue à être interprétée à l’aide d’outils de pensée qui la désignent comme un phénomène à endiguer. ← 6 | 7 →

D’un parcours personnel à la mobilité des Roumains comme objet de recherche

Par quel biais en sommes-nous arrivée à nous intéresser à la mobilité des Roumains en tant qu’objet de recherche ? La part autobiographique qui peut motiver notre démarche se laisse assez facilement deviner : notre regard se porte sur nos co-nationaux en mobilité, alors même que nous faisons partie des Roumains ayant bénéficié à partir de 1989 de l’ouverture des frontières et du droit à la mobilité. Notre parcours personnel peut être envisagé et situé dans le cadre d’une « épreuve » collective, c’est-à-dire d’« une problématique historique commune à laquelle sont confrontés inégalement la plupart – pour ne pas dire tous – les acteurs d’une société » (Martuccelli, 2006 : 21)7.

Une connaissance de l’intérieur du statut de migrant

Est-il possible de parler de l’expérience de la mobilité et de la migration sans parler de nous-même, de l’évolution de nos propres croyances et de nos représentations ? Notre parcours d’études supérieures (une double spécialisation littéraire et linguistique en français et roumain à la Faculté de Langues étrangères de l’Université de Bucarest en Roumanie, suivie par un D.E.A. de « Théorie et enseignement de la littérature » en France, à l’Université de Caen, en 1996–1997) a débouché sur l’expérience de la migration. A l’issue de l’année de formation en France nous avons hésité sur le chemin à prendre : rentrer en Roumanie, rester en France ? Après un retour d’un an à Bucarest en tant qu’employée du service de Relations internationales d’une petite banque roumaine, nous sommes revenue en France. Nous avons franchi une étape lorsque nous sommes passée du statut ← 7 | 8 → fragile d’étudiante-migrante au statut de professeur certifié de lettres modernes.

L’expérience professionnelle d’enseignante en France n’a pas signifié l’effacement progressif de notre parcours antérieur. Assez vite nous avons eu le sentiment d’être à l’étroit dans un cadre de travail trop confiné au « national » ; nous avons éprouvé le besoin de rechercher un contexte professionnel ouvert vers l’international. Ainsi, nous avons été chargée de cours F.L.E. à l’Université de Rennes 2 pendant une année. Lors de ce « détour » qui nous a amenée à rencontrer un public étudiant de diverses origines nationales, nous avons découvert la didactique des langues et des cultures, dont le champ de recherche entend s’ouvrir à « une transdisciplinarité qui court de l’histoire des mentalités à la géopolitique, de la sociologie de l’altérité à la psychanalyse [et] dont le centre est constitué par la relation à l’étranger » (Gohard-Radenkovic, Zarate, 2004 : 4). Il nous a semblé que le fait de nous engager dans cette voie allait nous permettre de réfléchir à une manière d’harmoniser des socialisations dans des cultures différentes, et plus particulièrement de ne pas laisser « s’effacer » notre propre parcours roumain suite à notre choix de vivre en France8. Sans formuler ce besoin de manière théorique, nous commencions à envisager « l’avènement d’un apprenant […] moins abstrait, moins universel, dont l’apprentissage intègrerait des événements de sa vie qu’il va conjuguer avec son action et son histoire » (Lévy, 2008 : 69). ← 8 | 9 →

Outre cet enracinement dans notre propre parcours, notre intérêt pour la mobilité des Roumains en Europe est suscité par le contraste entre l’immobilisme d’avant 1989 et l’élan migratoire vers l’Ouest de l’Europe, ainsi que par la question du devenir identitaire des migrants roumains suite à cette ouverture vers le monde. En considérant que « l’identité est l’articulation d’une histoire personnelle et d’une tradition sociale et culturelle, l’une et l’autre ne cessant de s’épaissir tout au long de notre existence » (Martuccelli, 2002 : 354), comment des traditions sociales et culturelles différentes vont-elles s’équilibrer dans l’histoire particulière d’un individu ?

Résumé des informations

Pages
XVI, 281
Année
2014
ISBN (ePUB)
9783035194821
ISBN (PDF)
9783035202762
ISBN (MOBI)
9783035194814
ISBN (Broché)
9783034315852
DOI
10.3726/978-3-0352-0276-2
Langue
français
Date de parution
2014 (Août)
Mots clés
Mutation géopolitiques Mobilité Migration Dynamique identitaire Existence mobile
Published
Bern, Berlin, Bruxelles, Frankfurt am Main, New York, Oxford, Wien, 2014. 282 p.

Notes biographiques

Monica Salvan (Éditeur de volume)

Monica Salvan a étudié la Littérature française à Bucarest et à Caen avant D’enseigner en France en tant que professeur certifié de Lettres modernes. Docteure de l’INALCO, Paris, elle continue à travailler sur l’impact de la Chute du Mur sur l’imaginaire identitaire collectif des Roumains ainsi que sur l’évolution individuelle de leurs pratiques socioculturelles et de mobilité dans ce nouvel espace européen.

Précédent

Titre: Mobilités et imaginaire identitaire des Roumains dans l’Europe d’après 1989
book preview page numper 1
book preview page numper 2
book preview page numper 3
book preview page numper 4
book preview page numper 5
book preview page numper 6
book preview page numper 7
book preview page numper 8
book preview page numper 9
book preview page numper 10
book preview page numper 11
book preview page numper 12
book preview page numper 13
book preview page numper 14
book preview page numper 15
book preview page numper 16
book preview page numper 17
book preview page numper 18
book preview page numper 19
book preview page numper 20
book preview page numper 21
book preview page numper 22
book preview page numper 23
book preview page numper 24
book preview page numper 25
book preview page numper 26
book preview page numper 27
book preview page numper 28
book preview page numper 29
book preview page numper 30
book preview page numper 31
book preview page numper 32
book preview page numper 33
book preview page numper 34
book preview page numper 35
book preview page numper 36
book preview page numper 37
book preview page numper 38
book preview page numper 39
book preview page numper 40
304 pages