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Les Fenians d’Irlande

Une lecture du nationalisme révolutionnaire irlandais

de Sophie Ollivier (Auteur)
©2015 Monographies X, 284 Pages

Résumé

Cet ouvrage met en lumière le rôle joué par l’organisation révolutionnaire feniane, appelée Irish Republican Brotherhood (IRB), depuis sa création en 1858 jusqu’à sa dissolution en 1924. Après un survol de l’histoire de l’île, depuis l’Irlande libre jusqu’à son asservissement par l’Angleterre, un premier volet concerne l’insurrection des « Irlandais-Unis » (1798) et celle des « Jeunes-Irlandais » (1848). Ce sont des jalons qui mènent aux Fenians. A partir du chapitre III, l’auteur retrace les différentes étapes des luttes des nationalistes révolutionnaires fenians pour conquérir l’indépendance de l’Irlande et analyse l’impact des deux insurrections qu’elle a organisées, en 1867 et en 1916. Un second volet présente diverses facettes du fenianisme : ses rapports avec les sociétés agraires, l’Église catholique et les mouvements révolutionnaires de l’époque en Europe, sa passion des commémorations, sa conception de la révolution à travers les écrits de certains de ses chefs, de Yeats et de Seán O’Casey, et enfin son républicanisme. Les révisionnistes rejettent la vision héroïque des luttes révolutionnaires fenianes.

Table des matières

  • Couverture
  • Titre
  • Copyright
  • À propos de l’auteur
  • À propos du livre
  • Pour référencer cet eBook
  • Sommaire
  • Abréviations
  • Avant-propos
  • Préface: De l’Irlande libre à l’Irlande coloniale
  • Première partie: La lutte des nationalistes révolutionnaires irlandais pour l’indépendance
  • Chapitre I: L’insurrection des Irlandais-Unis
  • Chapitre II: « La bataille du carré de choux de la veuve MacCormack »
  • Chapitre III: La flamme du phénix
  • Chapitre IV: Le New Departure
  • Chapitre V: Le renouveau
  • Chapitre VI: Pâques sanglantes
  • Chapitre VII: La fin de l’IRB
  • Seconde partie: Le fenianisme vu sous diverses facettes
  • Chapitre VIII: Ribbonmen et Fenians
  • Chapitre IX: Les Fenians et la langue gaélique
  • Chapitre X: L’Église catholique irlandaise et le fenianisme
  • Chapitre XI: Le retour posthume de l’exilé
  • Chapitre XII: Littérature et révolution
  • Chapitre XIII: L’IRB dans le contexte révolutionnaire européen
  • Chapitre XIV: Le révisionnisme
  • Chapitre XV: Fenianisme et républicanisme
  • Épilogue
  • Annexes
  • Chronologie
  • Bibliographie sélective
  • Index

← viii | ix → Abréviations

← x | 1 → Avant-propos

Some died by the wayside, some died by the stranger,

And wise men have told us their cause was a failure,

But they loved dear old Ireland and never feared danger

Glory O, glory O, to the bold Fenian men.1

Qui a entendu parler en France des Fenians2, sinon les spécialistes des études irlandaises ?

La France et l’Irlande ont toujours été attirées l’une par l’autre. À la fin du XVIIIe siècle, les Irlandais ont espéré que les Français les libéreraient du joug anglais, ce qui n’a pu se produire. Plus tard, ils ont toujours regardé du côté de la France. Elle est restée pour eux un modèle, le lieu de la Révolution, de la culture, de l’élégance, un phare vers lequel ils devaient se diriger. Quant aux Français, ils ont toujours eu une sorte de tendresse à l’égard de l’Irlande. Elle évoque pour eux un lieu romantique, plein de charme et de beauté, un lieu où les hommes savent transcender leurs souffrances par ← 1 | 2 → une qualité typiquement irlandaise, le sens de l’humour. Mais les Français ignorent ce que la France a représenté pour les Irlandais et le rôle qu’elle a joué dans la formation de l’identité nationale irlandaise.

Le terme Fenians désigne les nationalistes révolutionnaires républicains irlandais qui prônent la lutte pour l’indépendance. Ce sont les membres d’une organisation secrète créée par James Stephens, le jour de la Saint-Patrick 1858. Au début, elle n’avait pas de nom. Elle s’appelait « l’Organisation », « la Société » ou « la Fraternité ». Puis, elle prit le nom de « Irish Revolutionary » ou « Republican Brotherhood » (IRB). On ne savait pas si elle devait être appelée « révolutionnaire » ou « républicaine ». En 1873, au moment de la réorganisation de la « Société », le terme « Republican » fut adopté. L’appellation Fenians, qui se réfère au passé gaélique, fut donnée par un nationaliste Irlando-Américain. À partir de la fin du XIXe siècle, les Fenians sont désignés le plus souvent par le sigle IRB.

Le nationalisme3, que Richard English tient pour « la force la plus décisive de l’histoire de l’Irlande », commence à se construire en Irlande à la fin du XVIIIe siècle. Il prend deux formes. Le nationalisme constitutionnel demande l’autonomie politique de l’Irlande au sein de la Monarchie et son maintien dans l’Empire britannique. Il prône la voie électorale ainsi que l’agitation populaire. Le nationalisme révolutionnaire veut la rupture avec la Couronne britannique et l’instauration d’une république. Il prône la voie de la violence armée. Les deux nationalismes coexistent, se développent en contrepoint, entrent en conflit et parfois s’allient. L’unionisme irlandais, qui émerge en tant mouvement organisé au moment de la crise du Home Rule en 1885–6, prône au contraire le maintien des liens politiques et culturels avec le Royaume-Uni.

La préface présente un aperçu de l’histoire de l’Irlande depuis l’Irlande libre, l’Irlande des clans ennemis, informe peut-être, sans structure bien définie mais possédant sa vie spécifique, jusqu’à son asservissement ← 2 | 3 → par l’Angleterre, dont le moment culminant fut l’adoption des Penal Laws (1695-1727) qui subordonnent le Parlement de Dublin à celui de Westminster. Cette période a été appelée « la préhistoire du nationalisme irlandais »4.

Les premiers nationalistes révolutionnaires sont les « Irlandais-Unis » qui organisent la grande insurrection de 1798. Sa répression est suivie de l’Acte d’Union. En 1848, les romantiques « Jeunes Irlandais » tentent un soulèvement. Les Fenians se sont réclamés de ceux qu’ils ont appelés leurs prédécesseurs.

Les chapitres suivants retracent, selon un découpage chronologique, l’histoire des luttes des Fenians pour l’indépendance, leur naissance, leur essor, leur déclin, leur renaissance jusqu’aux « Pâques sanglantes ». La politique anglaise, qui alterne, suivant les partis au pouvoir, répressions et concessions, joue un rôle de premier plan dans l’histoire des Fenians. Notre approche combine l’explication qui relève de la chaîne causale et répétitive avec celle qui accorde de l’importance aux dates, aux événements, majeurs ou infimes, parfois imprévisibles, et surtout aux hommes, désireux d’être les acteurs de l’histoire.

Dans la deuxième partie, le fenianisme est présenté sous diverses facettes : ses rapports avec les sociétés agraires, l’attitude des Fenians à l’égard de la langue gaélique, l’hostilité de l’Église catholique envers eux, leur passion des commémorations, leur place dans les mouvements révolutionnaires de l’époque en Europe, leur vision de la révolution à travers leurs œuvres littéraires qui contredisent parfois leurs théories révolutionnaires, l’attitude à leur égard de certains écrivains, qui, dans des poèmes, des pièces ou des essais, apportent leur contribution à la construction du nationalisme irlandais.

Le nationalisme irlandais ne cesse d’évoluer, de se forger jusqu’à prendre une teinte mystique. De plus, au sein de l’IRB, des conflits surgissent sur la notion même de nationalisme.

L’accent sera mis sur les interprétations multiples des historiens, les désaccords qui existent toujours entre eux. Le révisionnisme remet en question la vision héroïque des luttes nationalistes pour l’indépendance, s’interroge sur la « révolution irlandaise », son point de départ, son point ← 3 | 4 → d’arrivée, sa spécificité. Une nouvelle historiographie remet en question le statut colonial de l’Irlande.

Les écrits, les discours, les déclarations des révolutionnaires irlandais tiennent une place importante dans notre ouvrage. Mais il faut se demander s’il n’existe pas un « écart » entre leurs intentions et le rôle qu’ils ont joué5.

Cet ouvrage s’inscrit dans le sillage des travaux des pionniers de l’histoire du fenianisme, ← 4 | 5 → Theodore William Moody, Desmond Ryan, Francis Stuart Lyons, de révisionnistes, tels que Tom Garvin, Joseph Lee, ainsi que de Declan Kiberd, l’auteur de l’ouvrage Inventing Ireland, qui jette un regard critique sur le révisionnisme. Par sa remise en question d’une histoire de l’Irlande fondée sur l’opposition systématique entre oppresseurs et opprimés, sa reconnaissance des malheurs et des souffrances des Irlandais, sa conception de l’Irlande comme d’un patchwork, composé d’éléments distincts mais liés entre eux, « l’irlandais et l’anglais, le rural et l’urbain », Kiberd est l’inspirateur de notre recherche.

Le titre doit être explicité. En effet, il y eut des Fenians en Amérique, et les relations étroites, souvent orageuses, que les Fenians d’Irlande ont entretenues avec ces derniers forment la trame de l’histoire du fenianisme des deux côtés de l’Atlantique. Le rôle des Fenians Irlando-Américains dans la construction du nationalisme républicain irlandais est fondamental6.

Enfin, l’IRB a eu des ramifications en Angleterre où les Irlandais allaient chercher du travail, notamment durant la Grande Famine (1845–1849). Les Fenians y furent nombreux. Ils s’organisaient, éditaient des journaux et entretenaient des relations étroites avec les Fenians d’Irlande et des États-Unis. Leur rôle fut très important dans l’histoire du fenianisme.

Le nationalisme irlandais s’inscrit dans le processus de construction des identités nationales au XIXe siècle7. Mais il diffère des nationalismes européens dans la mesure où il n’a pas de « base solide dans les domaines de la culture et de la langue ». Il se développe en général dans « les régions anglicisées du Sud et de l’Est de l’Irlande et non dans l’Ouest gaélique ». Avec la renaissance gaélique de la fin du XIXe siècle, l’intérêt pour la langue et la culture gaéliques devient « un élément central de l’idéologie nationaliste »8.

N.B. La traduction de l’anglais en français sera faite par nos soins. ← 5 | 6 →

_________________________

1 « Certains sont morts au bord de la route, certains sont morts de la main de l’étranger, / Et des sages nous ont dit que leur cause fut un échec / Mais ils ont aimé leur chère vieille Irlande et n’ont jamais craint le danger / Ô gloire, Ô gloire aux intrépides Fenians. » Cette chanson traditionnelle irlandaise fut composée par Peadar Kearney. Membre de l’IRB, Kearney fut un des cofondateurs des Irish Volunteers. Il prit part à l’insurrection de 1916 et à la guerre anglo-irlandaise. Il fut un ami de Michael Collins. L’appellation « bold Fenian men » a été donnée aux Fenians arrêtés en 1865 pour leur « refus de renier leur opposition au pouvoir britannique » (Owen McGee, The IRB from the Land League to Sinn Féin, Dublin, Four Courts Press, 2005, p. 35). Kearney écrivit les paroles du chant A Soldiers Song (dont la musique fut composée par Patrick Heeney), adopté comme hymne national en 1926, en remplacement du chant nationaliste God save Ireland.

2 Le terme est parfois rendu en français par « Feniens ». Nous avons préféré garder la forme anglaise « Fenians » sans accent. De même, nous ne mettrons pas d’accent sur le mot « fenianisme ».

3 Retenons la définition du nationalisme proposée par Ernest Gellner : « Le nationalisme est essentiellement un principe politique qui affirme que l’unité politique et l’unité nationale doivent être congruentes. » (Gellner, Nations et nationalisme, Paris, Payot, 1999, p. 11). Benedict Anderson, Eric Hobsbawn, Terence Ranger, Anne-Marie Thiesse s’inscrivent dans le renouvellement de l’historiographie sur les notions de nation et de nationalisme. Leur approche a été appelée « constructiviste » par opposition à l’approche dite « essentialiste ». « Le nationalisme, écrit Gellner, n’est pas l’éveil à la conscience des nations, il invente des nations là où il n’y en a pas. » (Gellner, Thought and Change, University of Chicago Press, 1965, p. 169).

4 Oxford Companion to Irish History, ed. by S.L. Connolly, Oxford, Oxford University Press, 2007, p. 397.

5 Dans son livre Penser la Révolution française, François Furet oppose Michelet qui « communie, commémore » à Tocqueville qui « ne cesse d’interroger l’écart qu’il soupçonne entre les intentions des acteurs et le rôle historique qu’ils jouent » (Penser la Révolution française, Paris, Gallimard, 1978, p. 35).

6 Laurent Colantonio l’appelle un « long distance nationalism », expression qu’il emprunte à Benedict Anderson, The spectres of Comparisons : Nationalism, Southeast Asia and the World ). L. Colantonio, « Nationalisme et mouvements nationaux en Irlande », Bulletin dhistoire politique, vol. 21, n° 1, 2012. <http://erudit.org/iderudit/:1011693ar> p. 29, note 19.

7 Cf. Eric Hobsbawm, Nations et nationalisme depuis 1780 : programme, mythe et réalité, Paris Gallimard, 1992. Réfutant Hobsbawm, l’historien anglais Adrian Hastings soutient que le nationalisme n’a rien à voir avec la modernité, qu’il existait au Moyen Âge et que le christianisme a joué un rôle de premier plan dans l’avènement de l’état-nation (Adrian Hastings, The Construction of Nationhood, Ethnicity and Religion, Cambridge University Press, 1997, p. 2–5.).

8 Oxford Companion to Irish History, ibid.

Résumé des informations

Pages
X, 284
Année
2015
ISBN (ePUB)
9783035195514
ISBN (PDF)
9783035202861
ISBN (MOBI)
9783035195507
ISBN (Broché)
9783034315425
DOI
10.3726/978-3-0352-0286-1
Langue
français
Date de parution
2015 (Juin)
Mots clés
nationalisme insurrection impérialisme britannique violence servitude indépendance exécutions
Published
Bern, Berlin, Bruxelles, Frankfurt am Main, New York, Oxford, Wien, 2015. X, 284 p.

Notes biographiques

Sophie Ollivier (Auteur)

Après des études d’anglais en France et aux États-Unis, Sophie Ollivier a étudié le russe à l’université d’Aix en Provence, passé l’agrégation et soutenu une thèse de doctorat d’état sur K. Paoustovski. Elle a été maître de conférences à l’Université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand, chargée de cours à Brown University, Providence, professeur à l’Université Michel de Montaigne, à UCD et à l’Alliance française de Dublin. Actuellement professeur honoraire, elle est vice-présidente de l’IDS (International Dostoevsky Society). Elle a écrit une centaines d’articles et d’essais et trois ouvrages sur la littérature russe et l’histoire irlandaise.

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