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Le sentiment d’efficacité personnelle d’élèves en contexte plurilingue

Le cas du français au secondaire dans la Vallée d’Aoste

de Isabelle Puozzo (Auteur)
©2014 Thèses XII, 294 Pages
Série: Transversales, Volume 37

Résumé

Le sentiment d’efficacité personnelle est un facteur important à prendre en compte dans tout apprentissage. La perception que l’élève a de ses propres compétences influence considérablement son implication, sa persévérance et la réussite de ses apprentissages. Elle peut également favoriser le processus d’autorégulation qui a, lui aussi, un impact sur le parcours de l’élève. L’auteure part de l’idée que développer le sentiment d’auto-efficacité chez les apprenants, notamment de langues, peut l’aider à construire ses compétences et l’envie d’apprendre tout au long de la vie. Cet ouvrage identifie les (res) sources et explore les démarches qui permettraient de développer ce sentiment d’auto-efficacité dans l’apprentissage des langues. Ce sentiment d’efficacité pourrait amener l’élève à considérer les langues qu’il connaît comme un répertoire plurilingue potentiel à sa disposition dans lequel il peut puiser. Pour ce, l’auteure analysera cette théorie l’appliquant à l’apprentissage du français en contexte valdôtain, en s’appuyant sur une pédagogie de la créativité afin de promouvoir ce sentiment chez et avec des élèves du secondaire dans un environnement bi-plurilingue.

Table des matières

  • Couverture
  • Titre
  • Copyright
  • Sur l’auteur
  • À propos du livre
  • Pour référencer cet eBook
  • Table des matières
  • Introduction
  • 1. Le sentiment d’efficacité personnelle et l’apprentissage : un concept à développer dans le référentiel de compétences de l’enseignant
  • 2. Une compétence transversale pour la discipline des langues : quel fondement théorique disciplinaire ?
  • 3. L’approche plurilingue et le sentiment d’efficacité personnelle : quels liens ?
  • 4. La Vallée d’Aoste, une région bi-/plurilingue ? Contexte de la recherche et problématique
  • I. Quel bi-plurilinguisme en Vallée d’Aoste ?
  • 1. Le contexte territorial et sa politique linguistique
  • 1.1 Données démo-linguistiques
  • 2. La place, le rôle et le statut du français dans le bilinguisme valdôtain
  • 2.1 Bref état des lieux du contexte éducatif à partir d’une recherche sur les langues
  • 3. Problématisation autour de l’inadéquation des outils de certification du bilinguisme (la 4e épreuve de français) par rapport au bilinguisme spécifique de la Vallée d’Aoste
  • 3.1 La quatrième épreuve de français. Pour une didactique bi-/plurilingue, pour une valorisation de la compétence bilingue ?
  • 3.1.1 L’évolution de la quatrième épreuve de français
  • 3.1.2 Le calque de l’épreuve d’italien (prima prova) : un calque superficiel masquant des divergences d’épreuves
  • 3.1.3 Pourquoi un calque ?
  • 3.2 La quatrième épreuve de français. Déséquilibre entre l’apprentissage de l’oral et de l’écrit ?
  • 4. Le bilinguisme en VDA dans le cadre du plurilinguisme : redéfinition des objectifs de l’éducation plurilingue et pistes d’action didactique
  • 4.1 Transposition de la compétence plurilingue dans les pratiques
  • 4.2 La compétence plurilingue pour penser différemment les pratiques
  • 4.2.1. Une compétence évolutive et partielle
  • 4.2.2 La place de l’alternance codique et de l’interlangue en classe
  • 4.2.3 Pour un approfondissement de la réflexion autour de l’interlangue lexicale
  • II. Une recherche-action pour une éducation au bilinguisme en Vallée d’Aoste
  • 5. Méthode de la recherche
  • 5.1 Fondements épistémologiques de la recherche-action
  • 5.2 La recherche-action. Enseignant-chercheur, chercheur-enseignant
  • 6. Problématique de la recherche
  • III. Cadre théorique à intégrer dans l’éducation linguistique : le sentiment d’efficacité personnelle
  • 7. Le sentiment d’efficacité personnelle : un autre versant de la motivation scolaire
  • 8. Pour une définition du sentiment d’efficacité personnelle
  • 8.1 Eclaircissement terminologique : capacité/compétence/capability
  • 9. Les quatre sources du sentiment d’efficacité personnelle
  • 9.1 Contrôler son apprentissage par les expériences actives de maîtrise
  • 9.2 L’expérience vicariante : observer dans une perspective sociocognitive
  • 9.3 Encourager les apprenants par la persuasion verbale
  • 9.4 Les états physiologiques et émotionnels
  • 10. Les quatre processus médiateurs du sentiment d’efficacité personnelle
  • 10.1 Les processus cognitifs : la projection de la réussite ou de l’échec de la performance
  • 10.2 Les processus motivationnels
  • 10.3 Les processus émotionnels en classe
  • 10.4 Les processus de sélection
  • 11. L’articulation du processus lié au sentiment d’efficacité personnelle
  • 11.1 Le but préfixé et ses caractéristiques. Pour motiver continuellement les apprenants
  • 11.2 L’influence de l’agentivité sur l’apprentissage
  • 11.3 L’action, les facteurs hasardeux et le déterminisme
  • 11.4 L’échec, la réussite de la performance avec ou sans effort
  • 12. Quelques éléments théoriques pour élaborer et analyser un questionnaire sur le sentiment d’efficacité personnelle
  • IV. Recherche-action pour une insertion du sentiment d’efficacité personnelle dans la didactique du plurilinguisme
  • 13. L’enquête
  • 13.1 Echantillon et éléments de recueil de données sur l’expérimentation
  • 13.2 Description des questionnaires sur le sentiment d’efficacité personnelle
  • 13.2.1 Résultat du pré-test
  • 13.2.2 Structure des deux questionnaires
  • 13.3 Analyse des données de l’enquête : état des lieux quant au sentiment d’efficacité personnelle des apprenants valdôtains
  • 13.3.1 Résultats généraux des données de l’échantillon de la population lycéenne
  • 13.3.2 Variable ‘filière de l’établissement scolaire’
  • 13.3.3 Le bilan de cette recherche sur le sentiment d’efficacité personnelle des apprenants valdôtains
  • 14. L’expérimentation didactique
  • 14.1 Echantillon et éléments de recueil de données sur l’expérimentation
  • 14.2 Description des tâches conçues pour l’expérimentation
  • 14.2.1 Le sentiment d’efficacité personnelle dans l’apprentissage du texte descriptif
  • 14.2.2 Un débat autour du livre Monsieur Ibrahim ou les fleurs du Coran pour s’entraîner à argumenter et favoriser l’agentivité créative
  • 14.3 L’expérimentation sociale : de la mise à l’épreuve des concepts de Bandura à l’analyse du processus d’apprentissage
  • 14.3.1 Potentiel et limite de la persuasion verbale en classe de langue
  • 14.3.2 Potentiel et limite des états physiologiques et émotionnels
  • 14.3.3 Potentiel et limite des expériences actives de maîtrise
  • 14.3.4 Potentiel et limite des expériences vicariantes
  • V. Bilan de la recherche-action
  • 15. Bilan de l’enquête et réflexion sur la 4e épreuve de français
  • 15.1 Pour une valorisation des compétences bilingues. Repenser la 4ème épreuve de français en Vallée d’Aoste
  • 15.1.1 L’évaluation de la langue à partir des Référentiels
  • 15.1.2 Déterminer le niveau des différentes typologies
  • 15.1.3 Une filière, une épreuve, une exonération
  • 15.1.4 Proposition d’une épreuve pour un lycée professionnel hôtelier
  • 16. Bilan de l’expérimentation didactique. De la théorie psychologie à la pédagogie de la créativité
  • 16.1 Des limites de l’empirisme au potentiel théorique : la transposition du sentiment d’efficacité personnelle à la didactique du plurilinguisme ?
  • 16.2 Une pédagogie de la créativité sur un fondement sociocognitiviste.
  • 16.2.1 Définitions de l’émotion et de la créativité
  • 16.2.2 Vers une pédagogie de la créativité
  • Conclusion. Les perspectives futures de recherche
  • Annexes
  • Annexe 1. Analyse de l’épreuve écrite de français de l’examen d’Etat en Vallée d’Aoste de 1998 à 2001
  • Annexe 2. Les questionnaires
  • Annexe 3. Description de la distribution par la tendance centrale et la dispersion
  • Bibliographie
  • Index des auteurs
  • Index des mots-clés

Introduction

1.Le sentiment d’efficacité personnelle et l’apprentissage : un concept à développer dans le référentiel de compétences de l’enseignant

Un enseignant professionnel qualifié construit tout au long de sa carrière son portfolio de compétences, en fonction du contexte dans lequel il se trouve pour tenter de résoudre les problèmes auxquels il est confronté, mais aussi, en fonction des avancements théoriques de sa discipline, pour enrichir sa didactique afin de s’insérer dans un processus d’enseignement/apprentissage fondé sur une meilleure compréhension des enjeux globaux et sur une palette élargie d’instruments à sa disposition.

L’enseignant s’appuie sur une compétence professionnelle complexe (Grange Sergi, 2006 ; Piccardo, 2010) dont le modèle actuel est celui du « praticien-réfléchi » (Altet, 2001, p. 30) qui fonde la démarche professionnelle sur l’alternance durable d’allers-retours entre la théorie et la pratique dans leur fécondation réciproque. La formation enseignante est elle-même devenue complexe et interdisciplinaire avec l’apprentissage de connaissances et de compétences qui relèvent à la fois de la didactique des disciplines, des sciences de l’éducation, de la sociologie, de la philosophie, des disciplines littéraires et artistiques, etc. Dans le référentiel de compétences professionnelles et pluridisciplinaires de l’enseignant, nous nous attacherons plus particulièrement à l’apport de la psychologie, pour enrichir la didactique de l’enseignement/apprentissage des langues.

Ce décloisonnement des compétences du professionnel induit non seulement une ingénierie formation en didactique, mais aussi en sciences de l’éducation. Les concepts intégrateurs transversaux sont nombreux (estime de soi, motivation, relations interpersonnelles, etc.) et permettent ← 1 | 2 → à l’enseignant d’avoir un éclairage différent sur l’agir en classe. Ce livre se propose de mobiliser l’un de ces concepts qui est le sentiment d’efficacité personnelle (Bandura, 1997/2007). Le sentiment d’efficacité personnelle [désormais SEP] permet de poser un regard différent sur la didactique, sur l’élaboration et la mise en œuvre des tâches et sur l’évaluation. Il désigne « la croyance de l’individu en sa capacité d’organiser et d’exécuter la ligne de conduite requise pour produire des résultats souhaités » (Bandura, 1997/2007, p. 12) (souligné par l’auteur). La recherche menée sur un territoire plurilingue représente une expérience d’utilisation du SEP, comme outil théorique d’analyse et d’intervention, dans une perspective sociocognitive. Notre travail est le fruit d’une réflexion sur l’enrichissement possible (et les limites) de cet outil dans la théorie d’apprentissage en faveur de la didactique du plurilinguisme. En effet, le SEP permet à la fois de penser les modalités des tâches, en proposant une approche qui nourrit la perspective actionnelle du Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues [désormais CECR]1 (2001), et d’inclure les dimensions inter- et intrapersonnelles qui se jouent durant l’apprentissage avec une dynamique de la construction du savoir autour de la construction de l’identité par le truchement de la/des langue(s) (Benrabah, 1999 ; Byram, 2006).

2.Une compétence transversale pour la discipline des langues : quel fondement théorique disciplinaire ?

La description de la capacité transversale du SEP est contextualisée dans l’apprentissage des langues avec des renvois au CECR (2001), outil de l’enseignant. En effet, le CECR constitue un matériel pratique qui détermine les curricula européens et non-européens des langues (Puozzo ← 2 | 3 → Capron et al., 2012), les certifications, les méthodes et modalités d’enseignement. Actuellement, c’est le document de référence que les enseignants de langue utilisent pour élaborer leurs tâches et justifier leurs choix didactiques. Par sa facilité de segmentation de la progression des apprentissages par niveau allant du A1 au C2, les systèmes éducatifs y trouvent un moyen concret d’enseigner, d’évaluer et de certifier de manière plus harmonieuse. Toutefois, le CECR (2001) ne se réduit pas uniquement à ces échelles de niveaux. En effet, il mobilise et invite à réfléchir sur des concepts de la didactique du plurilinguisme sans pour autant que les cadres théoriques sous-jacents soient explicites, le but étant de pouvoir également s’adresser directement aux acteurs du terrain. Même si le CECR ne revendique explicitement aucune appartenance à un courant théorique, notre réflexion s’inscrit dans le chantier de la didactique du plurilinguisme, dans le prolongement de la didactique des langues, tel qu’il a été fondé par Coste, Moore et Zarate (1998), Moore et Castellotti (2008), Castellotti (2001, 2005) et développé par Zarate, Lévy et Kramsch (2008) dans laquelle l’approche actionnelle est une composante pragmatique qui « considère avant tout l’usager et l’apprenant d’une langue comme des acteurs sociaux ayant à accomplir des tâches (qui ne sont pas seulement langagières) dans des circonstances et un environnement donnés, à l’intérieur d’un domaine d’action particulier » (CECR, 2001, p. 15).

Commençons par nous interroger en reprenant la question de l’un des textes fondateurs actuels de ce passage de la didactique des langues à celle du plurilinguisme : « où finit la ‘didactique des langues’ ? Où commence la ‘didactique du plurilinguisme et du pluriculturalisme‘ ? » (Zarate, Lévy & Kramsch, 2008, p. 437). Neuner (2004) montre que, depuis ces « trente dernières années », les recherches cherchent à dépasser la « didactique traditionnelle des langues » (p.13) où l’enseignement des langues se focalisait sur le contenu essentiellement grammatical avec un contrôle de l’apprentissage. En revanche, selon lui, une didactique plurilingue se centre sur l’apprentissage et l’apprenant avec une prise en compte du déjà-là linguistique et expérientiel, des besoins et du profil attendu. Ainsi, lorsque l’apprenant réalise ses premiers pas en langue maternelle ou étrangère, il n’arrive pas vierge. Il a déjà son répertoire langa ← 3 | 4 → gier qui s’est construit par une maîtrise orale ou écrite de sa langue maternelle que cette dernière soit le français ou une autre langue (Vygotski, 1934/1997). Cette prise en considération du profil de départ de l’apprenant marque le passage de la didactique des langues à la didactique du plurilinguisme (Neuner, 2004).

Neuner (2004) identifie les caractéristiques suivantes du concept de plurilinguisme :

celui qui apprend plusieurs langues ne recommence pas à chaque fois « à zéro », mais au contraire l’acquis linguistique existant est sans cesse élargi à l’occasion de chaque nouvelle langue ;

il n’est pas nécessaire de chercher à atteindre l’idéal de « near nativeness » (niveau proche du locuteur natif) pour chaque langue à apprendre ;

le niveau de compétence et le profil linguistique peuvent être très différents pour chacune des langues apprises ;

Christ (2001, 3) – utilisant la métaphore d’un « niveau seuil » (threshold level) – propose à cet égard une définition intéressante: « Une personne est plurilingue si, par rapport à un nombre donné de langues, elle a appris à franchir le seuil de ces différentes maisons linguistiques » (pp. 15-16).

Dans la continuité de Coste et al. (1998), la compétence plurilingue est caractérisée par « un déséquilibre ordinaire » (p. 11) qui implique des niveaux différents de compétence en fonction des activités langagières évoluant au fur et à mesure de l’apprentissage des langues. En réaction à la théorie béhavioriste, développée notamment en éducation à travers les recherches de Skinner qui considéraient les langues comme des compartiments séparés qui impliquaient de ne pas utiliser la langue maternelle durant le cours de langue étrangère (Gaonac’h, 1987), la didactique du plurilinguisme, plutôt inscrite dans une approche vygotskienne (Piccardo, sous presse), considère la cognition comme un réseau. Cummins (1980, cité par Baker, 2008) utilise la fameuse analogie de l’iceberg pour montrer que, même si nous ne le voyons pas, les langues se construisent dans un même système. Ainsi, ← 4 | 5 →

1.La langue maternelle n’est pas exclue de l’apprentissage des langues étrangères, constituant au contraire le fondement et le point de référence de tout apprentissage linguistique ultérieur.

2.D’un côté, l’expérience acquise par l’apprentissage de la première langue étrangère élargit le répertoire linguistique établi par la langue maternelle et de l’autre, elle ajoute de nouvelles perspectives aux expériences linguistiques accumulées au cours de l’apprentissage de la langue maternelle. Ainsi, pour l’apprentissage de langues tertiaires, cette expérience ouvre la porte – métaphoriquement parlant – à un élargissement de l’acquis linguistique (savoir déclaratif) et de la compréhension de l’apprentissage linguistique (savoir procédural).

3.On peut admettre que, même si le « réseau linguistique mental » de base possède une capacité structurelle de généralisation, celle-ci diffère d’un individu à l’autre, au moins dans une certaine mesure, quand il s’agit de répertoires de savoirs (savoir linguistique déclaratif aussi bien que savoir procédural), ainsi que de types de liens. Et même la manière dont se font l’élargissement et la différenciation dans le processus d’apprentissage est très fortement marquée par des facteurs individuels (cf. Riemer 1997) (Neuner, 2004, p. 17).

Ce concept induit la question de la différenciation dans l’apprentissage des langues. Il implique aussi la nécessité de permettre à l’apprenant de prendre conscience des stratégies d’apprentissage des langues de façon à acquérir une certaine autonomie à la sortie de l’école dans sa formation tout au long de la vie.

Neuner (2004) soulève alors la question de la place de la L1 dans l’apprentissage de la L3. Il la caractérise comme le « point de référence de l’acquisition d’une langue étrangère » (p. 19). « […] il est important, pour l’apprentissage ultérieur des langues étrangères, d’avoir une claire perception de sa propre langue, de pouvoir expérimenter avec sa langue, et cela passe certainement par la connaissance explicite et l’identification des structures linguistiques de la langue maternelle » (p. 21). Neuner (2004) insiste sur l’idée que, contrairement à la perspective contrastive, le concept de plurilinguisme invite à favoriser le transfert plutôt que de travailler sur les interférences. Ce transfert se situe à deux niveaux : sur ← 5 | 6 → « l’acquis linguistique » (p. 25) entre L1 et L3 et L2 et L3, et sur « les processus et les expériences de l’apprentissage des langues » (p. 26).

Ainsi, la didactique du plurilinguisme trouve sa transposition autour de pratiques comme les approches plurielles (Candelier, 2008) ou l’approche actionnelle. Dès lors, une autre manière de planifier et d’enseigner est attendue de l’enseignant. Au sein d’un établissement secondaire, il n’y aurait donc plus l’enseignant d’italien, de français, d’allemand et d’anglais, mais des enseignants de langues engagés dans la conception d’un véritable pôle langues pour penser le curriculum plurilingue et pour élaborer un potentiel décloisonnement entre les langues et, éventuellement les autres disciplines. Cela demande certes du temps et de l’organisation, mais un gain cognitif devrait en résulter pour les apprenants puisque cela permettrait d’éviter les répétitions inutiles et de renforcer l’apprentissage dans les langues mobilisées. Si chaque enseignant suit, de manière isolée, la progression des apprentissages, ce n’est pas suffisant pour construire chez les apprenants une compétence plurilingue. Un véritable travail de réflexion théorique et pratique sur la construction d’un curriculum plurilingue est nécessaire au sein de chaque établissement. Sachant que, comme cet ouvrage le montre notamment dans la présentation du contexte de la Vallée d’Aoste, les contextes éducatifs ne permettent pas toujours pour diverses raisons la mise en pratique des pistes d’action proposées par les enseignants.

3.L’approche plurilingue et le sentiment d’efficacité personnelle : quels liens ?

Le CECR propose l’approche actionnelle sans expliciter ni se positionner sur le ou les cadres théoriques sous-jacents à cette approche. Une analyse de la bibliographie serait nécessaire pour tenter de déterminer les concepts de référence empruntés aux recherches menées en didactique des langues. Ainsi, en fonction de son ancrage épistémologique, chaque chercheur ou enseignant peut envisager d’opérationnaliser cette approche ← 6 | 7 → grâce aux tâches qu’il conçoit (Bourguignon, 2010). L’un des concepts-clés de l’approche actionnelle est la tâche ; elle permet à l’élève de se mettre en action puisque l’enseignant « missionne l’apprenant par rapport à un objectif à atteindre » (Bourguignon, 2010, p. 19). « L’action doit être conçue comme un processus visant à mettre en relation l’intention de celui qui agit et la réussite de cette action » (Bourguignon, 2010, p. 18). Contrairement à l’approche communicative où les tâches permettaient d’« accumuler » et d’« appliquer » un certain nombre de connaissances en vue d’une « tâche finale » (Bourguignon, 2010, p. 18), la perspective actionnelle envisage la tâche comme partie intégrante du processus d’apprentissage. Pour reprendre les exemples de Bourguignon (2010), il s’agit de passer du « nous allons concevoir un poster sur les dangers de la pollution et, pour ce faire, nous allons réaliser un certain nombre d’exercices » à « nous allons partir à Londres, tel élève est chargé d’organiser la journée libre du séjour ». La tâche se traduit par une « mission » et un « objectif » (p. 19). Elle est construite de telle manière que l’apprenant doit « faire le tri entre ce qu’il sait et sait faire et ce dont il a besoin d’apprendre » (p. 35). Cette logique n’est donc pas de répondre à des questions sur un texte par exemple, mais de se poser les bonnes questions et d’apporter des réponses qui permettent d’avancer dans l’élaboration de la tâche. L’apprentissage de la langue ne se fait pas uniquement par le biais de tâches au sens actionnel du terme ; l’enseignant a aussi recours à des tâches communicatives, mais dans la perspective de pouvoir ensuite réaliser cette mission.

La perspective actionnelle permet de passer d’une logique que Bourguignon (2010) nomme quantitative à une logique qualitative de l’apprentissage. Si la consigne de la tâche est suffisamment élaborée à partir de contraintes, elles vont permettre à l’apprenant de faire des choix et, par conséquent, de mobiliser des stratégies. La compétence est dès lors une « aptitude à utiliser la langue de manière autonome » et non pas « la capacité à lire, écrire, à produire » (p. 23). Pour être compétent, « cela suppose de pouvoir […] mobiliser [les connaissances et capacités] de façon pertinente dans des situations problèmes à résoudre ou dans des tâches complexes » (p. 23). Ces connaissances et capacités ont été vues et apprises par le biais d’exercices et de tâches simples. Ainsi, Bourgui ← 7 | 8 → gnon (2010) propose les concepts et les processus suivants (Bourguignon, 2010, p. 25) :

savoir → connaissance → exercices → stratégie cognitive d’application ;

savoir-faire → capacité → tâches simples → stratégie cognitive d’application et de transfert ;

Résumé des informations

Pages
XII, 294
Année
2014
ISBN (ePUB)
9783035195972
ISBN (PDF)
9783035202564
ISBN (MOBI)
9783035195965
ISBN (Broché)
9783034315197
DOI
10.3726/978-3-0352-0256-4
Langue
français
Date de parution
2014 (Mai)
Mots clés
Autorégulation Créativité Enseignement Transposition didactique Plurilinguisme
Published
Bern, Berlin, Bruxelles, Frankfurt am Main, New York, Oxford, Wien, 2014. 294 p., nombr. tabl.

Notes biographiques

Isabelle Puozzo (Auteur)

Isabelle Puozzo Capron est docteur en Sciences du langage, spécialiste du sentiment d’efficacité personnelle dans l’apprentissage. Elle est actuellement formatrice à la Haute École Pédagogique du canton de Vaud en Suisse dans l’Unité d’enseignement et de recherche « Enseignement, apprentissage et évaluation ». Elle mène des recherches sur les facteurs transversaux de l’enseignement et de l’apprentissage : le sentiment d’efficacité personnelle, la créativité, l’émotion, notamment dans le domaine de l’enseignement des langues dans les établissements secondaires et professionnels.

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