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A contre-courant- Gegen den Strom

Résistances souterraines à l'autorité et construction de contrecultures dans les pays germanophones au XXe siècle

de Cécilia Fernandez (Éditeur de volume) Olivier Hanse (Éditeur de volume)
©2014 Comptes-rendus de conférences VI, 346 Pages
Série: Convergences, Volume 81

Résumé

Terres de haute technologie, les pays germanophones sont également célèbres pour leurs phénomènes de réaction contre la modernité et la vivacité de leurs cultures alternatives: scène underground de Berlin, groupes anthroposophiques, etc. Entre le « mouvement de jeunesse », les communautés New Age contemporaines et les bohèmes de RDA, les différences semblent l’emporter. Par son regard transversal, le présent ouvrage révèle pourtant toute une série de liens unissant les différentes formes de resistances souterraines à l’autorité dans les pays germanophones au XXe siècle. Il interroge la tendance propre aux phénomènes contre-culturels à cumuler progressisme et tendances régressives, à privilégier les actions indirectes sur la réalité collective et à abolir la distinction entre vie privée et action politique. Ce livre contient des contributions en français et en allemand. Il résulte d’un colloque international qui s’est tenu à Saint-Etienne les 5-6-7 avril 2012.
Bei aller technischen Fortschrittlichkeit sind die deutschsprachigen Länder ebenfalls für ihren beharrlichen Widerstand gegen die Moderne und die Lebendigkeit ihrer alternativen Kulturen bekannt: man denke an die Berliner Untergrundszene, die Vielzahl anthroposophischer Gruppen u.v.m. Ideologisch wie strategisch scheint dabei zunächst einmal den Wandervogel, zeitgenössische New-Age-Gemeinden und die DDR-Bohème mehr zu trennen als zu einen. Der vorliegende Sammelband deckt allerdings auch eine ganze Reihe von Gemeinsamkeiten zwischen diesen Erscheinungen auf. Er befasst sich insbesondere mit der bei gegenkulturellen Phänomenen häufig zu beobachtenden Tendenz, progressive und regressive Bewegungen miteinander zu verknüpfen, indirekte Aktionsformen gegen die bestehende soziale Ordnung zu bevorzugen und die Unterschiede zwischen Privatleben und politischer Aktion aufzuheben. Das Buch fasst die Ergebnisse einer internationalen Tagung zusammen, die vom 5. bis zum 7. April 2012 in Saint-Etienne stattfand.

Table des matières

  • Couverture
  • Titre
  • Copyright
  • Sur l’Éditeurs
  • À propos du Livre
  • Pour référencer cet eBook
  • Table des matières
  • Avant-propos
  • Avant-Propos: Cécilia Fernandez / Olivier Hanse
  • Composition de l’ouvrage
  • Remerciements
  • A la recherche de mythes et de traditions alternatives
  • Du Taugenichts à la «Neue Schar» de Friedrich Muck-Lamberty dans les années 20: la (contre)-culture du vagabondage: Patricia Viallet
  • L’héritage romantique
  • Le «Taugenichts»: un modèle littéraire de Wanderer (pré)contestataire?
  • Du vagabondage à la marche: le (premier) mouvement des Wandervögel
  • La «Neue Schar» ou marcher pour une «révolution de l’âme»
  • Du «petit Muck» au «prophète aux pieds nus»
  • Une ‹croisade› antimatérialiste à la gloire de l’esprit
  • Contre-culture et utopie: la demonstratio de la Wanderung
  • Le projet d’une «communauté populaire» idéale
  • Le(s) sens de l’itinérance
  • Résumé
  • Zusammenfassung
  • Hermann Hesse et les «Blumenkinder»: Sabine Wintgen
  • Résumé
  • Zusammenfassung
  • Un exemple de contre-culture nazie: Le cycle thuléen de Wilhelm Landig: Stéphane François
  • Contextualisation historico-biographique
  • Une hyperborée ésotérique
  • Un attrait pour les «mystères nazis» vulgarisé par Le Matin des magiciens
  • Les grands thèmes développés dans son cycle thuléen
  • Les postérités de Landig
  • Conclusion
  • Résumé
  • Zusammenfassung
  • «Altneudeutschland» in Übersee. Koloniale Widerstandskultur und Moderne: Catherine Repussard
  • Die ewige Wiederkehr: Zyklus statt Entwicklung
  • Als Naturgesetz
  • Sehnsucht nach dem Ursprung
  • Zyklische Geschichtserfassung
  • Zwischen Gut und Böse
  • Einheitsstreben aller Deutschen
  • Zusammenfassung
  • Résumé
  • La concrétisation de l’utopie: Les laboratoires d’expérimentation sociale
  • Die Genossenschaftssiedlung Freidorf: Ein neues Dorf für freie Menschen?: Matthias Möller
  • Genossenschaftsbewegung in der Schweiz
  • Die Gründung der Siedelungsgenossenschaft Freidorf (SGF)
  • Konzeption und Organisation: Hier ist alles Coop
  • Zwischenbilanz nach 25 Jahren
  • Ein sozialistisches Genossenschaftsdorf im kapitalistischen Wirtschaftswunder?
  • Schluss
  • Zusammenfassung
  • Résumé
  • Die Kommune I – eine zeitbedingte Form von Subversivität: Ulrich Pfeil
  • Die «Subversive Aktion»
  • Die Gründung der Kommune 1
  • Pudding und Flugblätter
  • Die inszenierte sexuelle Revolution
  • Fazit
  • Zusammenfassung
  • Résumé
  • Le ZEGG: écovillage, communauté New Age et centre d’expérimentation sociale: Olivier Hanse
  • Une logique contestataire héritée des années 70
  • Le New Age entre développement individuel et utopie sociale
  • La logique contre-culturelle de Duhm: de l’échec de la révolution à la religion de l’Eros
  • 20 ans de ZEGG: histoire de l’institutionnalisation réussie d’une communauté charismatique hors du commun?
  • Bilan
  • Résumé
  • Zusammenfassung
  • Entre résistance à l’uniformité, attitude non conformiste et ambiguïté du rapport au mainstream
  • Untergrund-West: Ploog, Fauser, Hübsch und die Folgen: Enno Stahl
  • Zusammenfassung
  • Résumé
  • Une contre-culture sous étroite surveillance: les pionniers de l’art informel en RDA: Patrice Neau
  • La mise en place d’un système de contrôle des arts plastiques
  • La scène culturelle de la métropole saxonne
  • L’informel dans les relations avec les deux Etats allemands
  • Conclusion
  • Ouvrages cités
  • Résumé
  • Zusammenfassung
  • «Plus de Goethe, moins de Newton!» Les médecines alternatives comme opposition philosophique à la culture scientifique dominante dans les années 1880-1945: Anne Quinchon-Caudal
  • L’émergence d’une contreculture médicale influente
  • La crise de la médecine universitaire
  • Le triomphe de la contreculture?
  • Résumé
  • Zusammenfassung
  • Bahro, Havemann, Kafka und der Prager Frühling: Reformsozialisten als Gegenkultur zum «hölzernen Sozialismus» in der DDR der 1960er und 70er Jahre: Susanne Götze
  • Rolle und Einordnung der Reformsozialisten in der DDR
  • Reformsozialistische Konzepte1956 – Verpasste Chance – erste große Enttäuschung
  • Robert Havemann
  • Rudolph Bahro und seine «Alternative»
  • Reformsozialismus in Bezug auf den Literaturbetrieb: Auseinandersetzung in der Zeitschrift «Sinn und Form»: Die letzte Huchel-Ausgabe 1962
  • Kafka und der Prager Frühling
  • Fazit: Können Reformsozialisten in der frühen DDR bis in die 1970er Jahre als eine Untergrundbewegung bezeichnet werden?
  • Zusammenfassung
  • Résumé
  • Entre underground et gentrification: Bert Papenfuß, dernière icône des cercles littéraires non officiels de Berlin-Est?: Sibylle Goepper
  • 1973-1989: une culture de l’ambiguïté
  • La «scène» du Prenzlauer Berg
  • Une position de non-confrontation avec le pouvoir
  • Les traits de la contre-culture
  • L’après 1989: de nouveaux modes de dédommagement alternatifs
  • Diversification des activités
  • Les défis de la gentrification et de la globalisation
  • 1993-2013: Micro-réalisations contre-culturelles
  • Aktion «Künstler machen Geld» (1993)
  • Rumbalotte (1998-2002) et Rumbalotte Continua (2004-2010)
  • Résumé
  • Zusammenfassung
  • Lectures rétrospectives
  • Harald Szeemann und der Monte Verità: Im Medium der Ausstellung zusammenfügen, was in der Realität gescheitert ist: Andreas Schwab
  • Szeemanns Recherchen
  • Die Ausstellung in Ascona
  • Inhalt der Ausstellung
  • Eine eigentümliche Episode
  • Weitere Stationen und Einrichtung der Dauerausstellung in der Casa Anatta
  • Gescheiterte Ansätze zu einem Padiglione d’Arte Contemporanea (PAC)
  • Zusammenfassung
  • Résumé
  • Le nudisme en RDA, une culture de la «niche»?: Marc Cluet
  • Résumé
  • Zusammenfassung
  • La contre-culture à l’épreuve du quotidien dans les BD de Chlodwig Poth: Ingeborg Rabenstein-Michel
  • Les fondamentaux au quotidien selon Poth
  • Le nouveau couple
  • La libération sexuelle
  • L’éducation antiautoritaire
  • Le leurre de la «Great society»
  • La contre-culture au quotidien
  • Résumé
  • Zusammenfassung
  • Liste des publications de la collection Convergences

AVANT-PROPOS

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Avant-Propos

Cécilia FERNANDEZ / Olivier HANSE

Etre colon signifie […]: vouloir instaurer comme fondement de la vie une forme d’économie nouvelle, à la fois plus noble et plus juste. On peut se demander si, de nos jours, tous les fondateurs de colonies sont conscients de cela et agissent en parfaite conséquence par rapport à cette conscience. Il faut un sacré courage pour extirper de soi le capitalisme; car c’est de nous-mêmes qu’il doit en premier lieu être banni, si nous voulons poursuivre notre action. C’est précisément en cela que résident les points de contact entre l’économie et l’éthique. Et la plupart des colons amateurs échouent davantage à ce niveau, celui du travail sur eux-mêmes, qu’à cause de circonstances extérieures défavorables.1

Par ces phrases extraites d’un bilan méthodologique tiré de sa propre tentative, Marie Buchhold (1890-1983), cofondatrice en 1923 de la colonie de femmes et future école de danse Schwarzerden (dans la Rhön), évoque indirectement les difficultés rencontrées lors de la courte expérience de la Jugendsiedlung Frankenfeld, qui fut constituée en 1921 à Gernsheim am Rhein par une soixantaine de jeunes gens (30 filles et 30 garçons) issus du «mouvement de jeunesse» [Jugendbewegung] et qui fut dissoute environ un an plus tard. L’échec de cette colonie agraire s’expliqua non seulement par les connaissances insuffisantes de ses membres en agriculture, mais aussi par des conflits entre personnes, ce qui ne découragea pas pour autant la jeune enseignante de 32 ans de retenter rapidement une expérience du même type. Parallèlement aux leçons pratiques tirées d’un projet initial qui a tourné court (car pour Marie Buchhold, les «éternels idéalistes» ne vont jamais très loin), elle tient un discours qui, des divers projets de la Lebensreform au centre alternatif du ZEGG (situé à Bad Belzig dans le Brandebourg) en passant par les multiples communes soixante-huitardes, a connu en Allemagne une vogue certaine: à savoir l’idée selon laquelle une réforme sociale de grande envergure doit avant tout commencer à petite échelle, c’est-à-dire par une auto-réforme, un travail très concret sur les modes d’existence (habitat, alimentation, sexualité) et de pensée, et par la formation progressive d’individus «nouveaux», aptes à construire ensemble de nouvelles formes de ← 3 | 4 → vie collective. Pour «extirper de soi le capitalisme», il faut opérer un long retour sur soi, se soumettre à une éducation particulière, et créer les conditions matérielles qui permettent, avec d’autres, d’expérimenter les modalités et les bienfaits d’une autre forme de vie communautaire. Cette attitude, parfois teintée d’un certain rigorisme moral dans lequel on a souvent vu les traces de l’influence protestante (même si la morale chrétienne n’en constitue pas nécessairement le fondement idéologique), aboutit dans certains cas à la mise en place de véritables noyaux de résistance souterraine et à des logiques d’expérimentation sociale en vue de la préparation d’une alternative largement utopique. Pour des raisons différentes selon les époques, les représentants et acteurs des contrecultures se placent volontairement en marge de la société bourgeoise voire se réfugient dans une attitude ambiguë: face à une situation qu’ils jugent bloquée, ils renoncent au combat politique traditionnel et cherchent à ébranler en profondeur les fondements du régime institué par des modes d’action alternatifs ou l’expérimentation de contremodèles.

Le projet végétarien du début du XXe siècle, modèle déjà fort bien étudié,2 pourrait constituer en quelque sorte le prototype d’un mode d’action indirecte sur la réalité sociale. Les raisonnements justifiant de tels projets peuvent largement prêter à sourire dès lors qu’on les réduit à leur plus simple expression:3

Premièrement, le meurtre des animaux transforme l’homme en brute, ce qui conduit à un état de guerre permanente entre les individus et les groupes sociaux.

Deuxièmement, la consommation de plantes adoucit les affects; des végétariens seront donc mieux à même de fonder ensemble une société fraternelle.

Troisièmement, l’homme n’étant à l’origine pas carnivore, la nourriture végétarienne améliorera sa santé; des hommes sains seront bien mieux à même de construire une société saine. ← 4 | 5 →

Il n’empêche que ce mouvement supposé apolitique, dont les premiers fondateurs, en particulier Gustav Struve (1805-1870),4 ont été des déçus de la Révolution manquée de 1848 et des adeptes inavoués de la notion de «voie détournée» [Umweg] développée par Friedrich Schiller (1759-1805) dans ses Lettres sur l’éducation esthétique de l’homme (1795),5 a été, combiné avec l’idée de réforme foncière, à l’origine de microsociétés d’envergure tout à fait impressionnante, comme par exemple la Obstbausiedlung Eden, qui ne se composait en 1924 de pas moins de 173 familles. La colonie, dont le succès s’explique aussi largement par les compromis qu’elle s’est résigné à faire pour attirer de nouveaux membres, a largement contribué à rendre populaires des produits comme la margarine ou encore tous les succédanés de viande (Pflanzen-Fleisch, ancêtre du Tofu-Burger) que l’on trouve aujourd’hui dans n’importe quel supermarché bio. Par-delà l’ambiguïté constitutive de ces mouvements alternatifs du début du siècle, et en particulier de l’inversion de la morale chrétienne qu’induisait leur concentration sur la santé physique et les corps en tant que leviers d’action sociale, la modernité de la Lebensreform et sa valeur authentiquement «pré-écologiste» définie par le germaniste Jost Hermand (*1930) comme «conscience des fondements biocentriques de la survie de l’humanité»6 sont actuellement en train d’être redécouvertes par les historiens de la pensée. Au vu des nombreuses analogies qui peuvent être constatées entre l’écologie moderne et certaines pratiques élaborées autour de 1900, il nous semble opportun de conclure avec l’historienne Florentine Fritzen (*1976) et une part importante des collaborateurs au numéro de Die Zeit Geschichte de 2013 consacré aux alternatifs du début du XXe, que «les mouvements de la Lebensreform n’étaient pas seulement une réaction aux processus de modernisation, mais également moteurs de la modernité. La Lebensreform a certes gagné à ses idées des individus qui désespéraient de trouver leur place dans le nouveau monde moderne. Mais elle doit elle-même être considérée comme un concept moderne. Sa prise de distance à l’égard de la modernité produit elle ← 5 | 6 → même, par un effet de rétroaction et de renforcement, de la modernité – une modernité qui n’était pas moderne au sens de la ‹modernité classique».7

Tandis qu’un numéro du Spiegel de 1966 n’hésite pas à replacer les «Gammler», cette jeunesse contestataire et désœuvrée à qui la presse conservatrice de l’ère Ludwig Ehrhard voulait tondre les cheveux et imposer des travaux forcés, dans la continuité historique des Stürmer und Dränger et du Wandervogel en lutte contre les normes rigides et artificielles de leurs parents et éducateurs,8 tout lien établi entre Lebensreform d’un côté et les mouvements alternatifs qui ont vu le jour autour de la révolution étudiante de la fin des années 60 de l’autre est longtemps apparu comme réducteur et pour le moins problématique à la recherche portant sur ces phénomènes. Toute tentative de dresser l’historique des mouvements alternatifs allemands au XXe siècle qui fasse ressortir un certain nombre de continuités et de lignes idéologiques fortes se heurte en effet à d’importantes difficultés. Ainsi que le souligne l’historien Christoph Conti (*1950), qui a lui-même tenté cette expérience dans les années 1980 par un petit ouvrage de vulgarisation intitulé Abschied vom Bürgertum. Alternative Bewegungen in Deutschland von 1890 bis heute,9 les principaux représentants des mouvements qui nous intéressent se réfèrent rarement à ceux qui les ont précédés et tendent généralement à vouloir souligner le caractère éminemment nouveau voire inédit de leurs projets, et à se démarquer très fortement des expériences précédentes de résistance souterraine à l’autorité du mainstream, afin de se laver définitivement de tous les soupçons qui pourraient y être liés.

L’influence que les différents […] groupes – bohème, Lebensreform, mouvement de jeunesse, nouveaux mouvements alternatifs – ont exercée les uns sur les autres, est réduite. La bohème et le mouvement de jeunesse sont restés étrangers l’une à l’autre. La Lebensreform et la bohème se sont croisées à Ascona, mais ne semblent pas avoir davantage en commun que le refus du monde bourgeois. Les mouvements des quinze dernières années [il parle au début des années 80] n’ont fait que ponctuellement référence à leurs ‹prédécesseurs› et se concevaient comme des phénomènes fondamentalement nouveaux. Il n’existe pas de tradition continue des mouvements alternatifs, ← 6 | 7 → chaque groupe a émergé de manière autonome. Une histoire des alternatifs qui se serait développée de manière continue est inexistante.10

Et pourtant, les parallèles – même s’il est important de les relativiser en replaçant systématiquement les phénomènes étudiés dans leur contexte idéologique et en faisant ressortir toutes leurs implications concrètes – ne peuvent être ignorés, ce que Christoph Conti ne manque pas également de relever et d’illustrer: une continuité indéniable, demande-t-il, ne peut-elle être reconnue entre le psychiatre Otto Gross, membre de la bohème anarchiste de Schwabing qui, notamment lors de son séjour à Ascona, a prôné (et partiellement mis en pratique) la libération des mœurs et la polygamie volontaire, et les maîtres à penser de la révolution sexuelle qu’ont été Wilhelm Reich (1897-1957) et Herbert Marcuse (1898-1979)? Franziska zu Reventlow (1871-1918), la fameuse «Skandalgräfin» de Schwabing et femme fatale de la bohème munichoise, n’a-t-elle pas, comme incarnation de la femme libérée et digne représentante d’une «révolte érotique»11 ayant malgré tout su rester mère, été redécouverte cinquante ans après sa mort par les féministes de la «deuxième vague»? La pédagogie réformée développée autour de 1920 ne connaît-elle pas une impressionnante renaissance dans le renouvellement qu’ont connu les pratiques scolaires à partir des années 70? L’esprit fondateur de la «Neue Gemeinschaft» de Berlin-Schlachtensee, fondée en 1899 par les poètes du «Friedrichshagener Dichterkreis» rejoints par un nombre important d’anarchistes et d’adeptes du concept britannique de la garden city, ne s’est-il pas réincarné dans les nombreuses communautés intentionnelles qui se sont créées jusqu’à nos jours? Les exemples révélant des parallèles évidents entre les différents mouvements alternatifs allemands au XXe siècle pourraient, comme le souligne également Christoph Conti,12 pratiquement être multipliés à l’infini.

En outre, même si l’héritage de la révolte étudiante, de l’opposition extraparlementaire, des «initiatives citoyennes» [Bürgerinitiativen] ou encore des communes agraires des années 70-80 est largement reconnu comme partie intégrante de la «préhistoire» de l’écologie politique actuelle, intégrer cette dernière comme ligne de fuite d’un tel tableau historique allant grosso modo du mouvement de retour à la nature de l’époque wilhelminienne jusqu’à la confrontation au sein des GRÜNEN entre Fundis et Realos pose évidemment encore davantage problème et suscite – régulièrement et à juste titre – de vives réactions, notamment à une époque où le «parti anti-partis», ayant ← 7 | 8 → fourni avec Winfried Kretschmann (*1948) en Bade-Wurtemberg le premier ministre-président vert de l’histoire de la RFA, semble pouvoir se profiler durablement outre-Rhin comme le troisième Volkspartei de la politique allemande, c’est-à-dire en quelque sorte le contraire absolu de ce que l’on peut entendre communément par les termes de «contreculture», «subculture» ou encore la notion de «résistance souterraine».

Néanmoins, par-delà l’aspect plaisant qu’a indubitablement tout panorama des tentatives contre-culturelles du Reich Wilhelminien, de la République de Weimar, de celle de Bonn puis de Berlin, ou des totalitarismes qu’ont été le IIIe Reich et la RDA, la simple juxtaposition et l’étude a-historique des mouvements alternatifs et des logiques contestataires ne peuvent être pour nous une alternative satisfaisante, dans la mesure où, sous prétexte de refus d’amalgame, elle occulterait la persistance, le retour régulier et l’évolution de modes d’action et de thématiques fondamentales qui ont pleinement leur place dans l’histoire de la pensée occidentale à l’époque moderne et contemporaine. Même un adversaire déterminé de toutes formes de mise en parallèle hâtives comme l’historien Ulrich Linse (*1939) le reconnaît: le déni d’histoire longtemps pratiqué par les GRÜNEN en matière de conscience écologique tend à occulter un certain nombre de réalités, comme par exemple la notion de «frustration sociale relative»13 d’une frange de la bourgeoisie en proie à des peurs de déclassement (les «porteurs de titres universitaires dévalués situés en position ambivalente dans la structure sociale»)14 et qui a sans doute joué un rôle moteur dans la genèse de nombreux discours contestataires des années 60 comme du début du siècle, ou encore le fait que «pensée 68» et Lebensreform sont toutes deux le produit de périodes économiquement plutôt prospères et ont elles-mêmes établi un lien singulier entre cette opulence croissante et le sentiment d’une crise des valeurs appelant à un retour aux choses essentielles.

Dans les années 60 régnait encore le miracle économique. Autour de 1900, les gens mangeaient de plus en plus de sucre et de viande, le niveau de vie augmentait, ce qui fit émerger les maladies civilisationelles: la malnutrition comme conséquence de l’abondance. C’est ce qui a suscité une aspiration envers la richesse de la vie simple, le monde préindustriel prenant soudain les traits d’un paradis perdu. Là où le manque résulte de l’abondance, la renonciation est vécue comme un gain. Christian Kracht décrit ce phénomène de manière impressionnante dans son roman Imperium, qui ← 8 | 9 → raconte l’histoire d’un homme décidant de ne plus se nourrir que de noix de coco et de vivre en marge de la civilisation.15

Dès lors qu’il prend soin d’éviter toute forme de «décontextualisation» historique, sociale et idéolo01gique, le regard croisé que propose d’adopter le présent ouvrage collectif, permet, au-delà des similitudes et éléments d’une incontestable continuité, de mettre en évidence toute une série d’oppositions et de changements de paradigmes essentiels et ouvre ainsi modestement la voie à une meilleure compréhension des phénomènes contre-culturels.

C’est dans un souci analogue d’éviter précisément que le fait d’englober artificiellement sous une même étiquette de «sous-culture» [Subkultur] des mouvements variés et même opposés aboutisse, à l’instar de ce qu’il appelle la «sociologie dominante», à décrédibiliser ces derniers dans leur ensemble et à réduire leur message à quelques traits communs présentés comme fondamentalement «antimodernes», que l’écrivain autrichien, chansonnier, théoricien des sous-cultures et lui-même acteur de la scène alternative Rolf Schwendter (1939-2013) insiste dans son étude Theorie der Subkultur sur la nécessité de distinguer très clairement les sous-cultures réactionnaires (ou régressives) des sous-cultures progressistes (les seules, selon lui, à mériter la dénomination de «contreculture»), sans pour autant chercher à nier que les deux groupes en marge de la «majorité compacte» puissent interagir dans leur combat et même se transmettre des valeurs, des concepts et des modes d’action. Tandis que les «sous-cultures progressistes» ont, d’après Schwendter, pour objectif final d’«abolir l’état actuel de la société» pour le remplacer par un état «fondamentalement nouveau», les «sous-cultures régressives», fondamentalement portées à tourner leur hostilité vers des «objets substitutifs» plutôt que de lutter directement contre l’establishment en place, ne chercheraient au fond qu’à «restaurer un état antérieur» et ne pourraient aboutir qu’à la constitution d’une «nouvelle élite»16 présentée comme plus légitime et plus bénéfique à l’édifice social que celle en place au sein de l’ordre combattu. Par opposition aux avant-gardes progressistes travaillant avant tout en vue de leur autodissolution en tant qu’avant-gardes au sein d’un nouvel ordre plus libre et plus égalitaire, elles viseraient avant tout à remplacer durablement, et en leur faveur, les principaux bénéficiaires du système au nom du rétablissement d’une hiérarchie prétendue naturelle.

Au sujet des valeurs spécifiques aux sous-cultures dites réactionnaires ou régressives – les principaux exemples concrets sont: le mouvement de ← 9 | 10 → jeunesse, les membres de la bohème au tournant du XIXe et XXe siècle, le cercle de Stefan George (1868-1933) et l’anthroposophie de Rudolf Steiner (1861-1925) – Schwendter énumère les préceptes et concepts suivants: «réagrarisation, mouvement de fondation de colonies, colonisation de l’Est, hiérarchie sociale des classes, volonté de pouvoir ou volonté divine, antirationalisme […], idée de Reich […], romantisme politique (communauté au lieu de société) […]». Certaines normes fondamentalement régressives comme «autarcie économique, économie technique planifiée, notion de cellule d’élite, état autoritaire»17 auraient, quant à elles, largement été reprises à leur compte par certains milieux progressistes, ce qui peut, d’après Schwendter, être vu comme la preuve d’une vive interaction entre milieux contre-culturels de gauche et de droite, mais non comme le signe de l’invalidité des deux catégories définies.

Aussi citée soit-elle, la théorie de Rolf Schwendter ne peut que difficilement être considérée comme objective et impartiale. A l’instar des célèbres développements de l’Américain Theodore Roszak (1933-2011) sur la rébellion des «enfants de la technocratie» contre le «mythe d’une conscience objective»,18 elle s’accompagne très nettement, d’une part, d’une habile plaidoirie en faveur des «sous-cultures progressistes» conçues comme dynamiques de progrès social, résistances au pouvoir de l’establishment et à l’uniformisation, et comme avant-gardes d’un ordre nouveau. D’autre part, l’ouvrage de Schwendter véhicule une volonté non dissimulée de préserver ces dernières de tout rapprochement réducteur avec toutes les expériences communautaires du début du siècle, largement décriées dans l’après-guerre comme ayant fait le lit de l’idéologie national-socialiste. Néanmoins, les catégories esquissées par l’auteur de la Theorie der Subkultur sont dignes aujourd’hui encore de discussion; elles ont le mérite indubitable de ne pas chercher à esquiver les difficultés inhérentes à une telle répartition, mais de mettre au contraire le doigt sur les ambiguïtés fondamentales auxquelles se trouve inévitablement confronté tout chercheur qui étudie ces expériences et idéologies se plaçant volontairement en marge de l’échiquier politique. Quasi omniprésente au sein des mouvements de résistance souterraine à l’autorité du mainstream, cette ambivalence a, pour ce qui est de la Lebensreform ou encore du fameux pamphlet Rembrandt éducateur de Julius Langbehn (1851-1907), été parfaitement rendue par l’étiquette de «réaction progressiste» [«fortschrittliche Reaktion»] accolée en son temps par Richard Hamann ← 10 | 11 → (1879-1961) et Jost Hermand aux discours contestataires et violemment antilibéraux qui avaient cours dans ces milieux. Dans une même dénonciation du matérialisme moderne, ces mouvements contre-culturels contestaient tout autant les revendications de la classe ouvrière que le «mammonisme» des cercles capitalistes, supposés travailler conjointement à la déshumanisation des individus, à l’épuisement de l’instinct racial et des «forces de l’âme» et à l’implosion prochaine de la communauté nationale.19

Pour ce qui est des années 70, les débats concernant le machisme délibéré de certains habitants de la Kommune 1 ainsi que les abus sexuels commis par des leaders de la révolution étudiante à l’encontre d’enfants ont montré à quel point la destruction de tabous au nom d’une doctrine ouvertement hédoniste pouvait facilement ouvrir la voie à «de nouveaux abus de pouvoir».20 De même, la présence de dérapages antisémites dans le cadre de discours antisionistes au sein de l’opposition extra-parlementaire voire l’antisémitisme franc relevé dans de nombreux tracts du «Frankfurter Häuserkampf» et dans l’incrimination récurrente de «spéculateurs» juifs par certaines branches du mouvement de squat [Hausbesetzungsbewegung] jettent une ombre sur leur combat et prouvent le rapport complexe que ces dernières entretenaient à l’égard de l’histoire allemande. Le psychanalyste Reimut Reiche (*1941), lui-même ancien activiste de la gauche antiautoritaire et membre de l’organisation «Revolutionärer Kampf» aux côtés de Daniel Cohn Bendit (*1945) et Joschka Fischer (*1948), proposa dans les années 80 une lecture psychanalytique convaincante de cet antisémitisme de gauche, qu’il explique essentiellement par le conflit de génération et la volonté paradoxale de la part de la jeunesse rebelle de laver ses parents d’une part de leur culpabilité.21 Quel que soit le crédit que l’on apporte à cette interprétation, de tels discours font clairement apparaître un «mélange des genres» prouvant la perméabilité de ← 11 | 12 → certains milieux contestataires de gauche à des argumentations empruntées à l’extrême-droite.22

Enfin, pour citer un dernier exemple particulièrement éloquent d’ambiguïté idéologique, on peut se reporter à la propension bien réelle qu’ont eue certaines communes soixante-huitardes à adopter progressivement des structures sectaires et autocratiques. La célèbre commune du Friedrichshof dans le Burgenland près de Vienne, dirigée par Otto Muehl (1925-2013), a par exemple abouti à de tels abus: les hiérarchies prétendument négociées, souvent liées aux performances sexuelles, s’y sont avérées extrêmement oppressantes. Muehl, représentant éminent de l’actionnisme viennois, qui se présentait avant tout comme un anarchiste et un disciple de Wilhelm Reich, avait notamment introduit une sorte d’uniforme imposé à ses communards (crâne rasé et salopettes rayées bleues et blanches); devenu célèbre pour les débordements de son autoritarisme et les humiliations qu’il a personnellement fait subir à plusieurs de ses adeptes, l’artiste a été condamné en 1991 à sept ans de prison pour manipulation et abus sexuels sur mineurs. Sans aller jusqu’à de telles attitudes criminelles, tendances élitistes et reconstruction de hiérarchies sur des bases idéologiques ou physiologiques douteuses ne sont pas rares dans les projets de communes qui se prétendent de gauche. Les exemples de ce type, qui pourraient être multipliés, prouvent à quel point l’étude des contrecultures oblige à naviguer sur un terrain idéologiquement complexe, au sein duquel les frontières entre la gauche et la droite politiques, de même que celles qui distinguent la contestation légitime de la manipulation criminelle, ne sont pas toujours évidentes à tracer.

Voir dans le peintre Fidus (1868-1948) une sorte de «hippie avant l’heure» ou encore «Jugendstil-Hippie», pour reprendre l’expression de Jost Hermand,23 n’est pas sans poser problème. Celui qui est considéré aujourd’hui comme le principal «designer» de la Jugendbewegung, notamment grâce à l’immense succès de sa gravure «Lichtgebet», a en effet non seulement embrassé un nombre important des aspects du programme de la Lebensreform (nudisme, végétarisme, réforme foncière, réforme de l’habitat et du vêtement), mais il est aussi un éminent représentant du culte de la race nordique, un adepte de spiritualités néo-païennes et un sympathisant de la première heure du parti national-socialiste. Un point commun pourtant s’impose à nous, lequel constitue sans doute une des thématiques centrales de la comparaison entre les contrecultures du début du siècle et celles des ← 12 | 13 → années 60-70: celui-ci est exprimé par la célèbre formule, qui sera reprise plus tard par le mouvement féministe: «le privé est politique» [«Das Private ist politisch»]. D’un côté, le fondateur du St. Georgs-Bund accorde à la question sexuelle une place centrale, prend position en faveur du libre choix des partenaires (facilité par l’abandon du port permanent du vêtement) mais aussi d’une sexualité contrôlée, sublimée et célébrée à la manière d’un acte religieux au service du destin de la race. Au sein de la Lebensreform, la réforme sexuelle et d’autres éléments constitutifs de la vie privée (habit, habitat, alimentation, hygiène, médecines naturelles) sont considérés comme le fondement d’une réforme sociale de grande envergure, tandis que toute action politique qui ne se fonderait pas sur la quête préalable d’un «homme nouveau» avait tendance à être considérée comme vaine. De l’autre, pour certains tenants de la Nouvelle Gauche, et en particulier les habitants de la fameuse Kommune 1 (ou K1), fortement influencés sur ce point par les théories du psychanalyste Wilhelm Reich, la nécessaire libération sexuelle et la critique de la famille bourgeoise traditionnelle se trouvent intimement liées à la lutte contre ce qu’ils ressentent comme les tendances «fascistes» persistantes de l’après-guerre.24 Le lien qu’ils établissent entre sadisme et insatisfaction sexuelle aboutit non seulement à considérer les crimes nazis comme la conséquence directe de la répression de la sexualité et du puritanisme ambiants, mais aussi à dénoncer dans la RFA de l’ère Adenauer l’héritière du régime hitlérien, un système propre à former une jeunesse disciplinée, docile et fondamentalement réceptive à toute idéologie fasciste. La logique de la révolution sexuelle est exprimée sans détour par la formule suivante dans la revue étudiante Diskus: «Sans tabou, pas de renoncement pulsionnel, pas d’agression accumulée, qui pourraient être dirigés le moment venu contre des minorités ou des ennemis extérieurs: juifs, capitalistes, communistes.»25 La pédagogie alternative et antiautoritaire des «Kinderläden», ces crèches alternatives autogérées fondées sous l’impulsion de Monika Seifert (1932-2002) dans le but d’encourager les penchants «naturels» de l’enfant, de même que l’expérimentation à petite échelle de formes de vie communautaire alternatives, dans lesquelles la sexualité devait être totalement libérée, se conçoivent en outre comme de véritables laboratoires visant à éduquer les individus à la désobéissance, mais aussi à les libérer de leurs agressivités en créant les bases d’une sexualité plus libre et plus épanouie présentée comme le fondement d’un avenir meilleur. ← 13 | 14 →

Composition de l’ouvrage

Issu d’un programme de recherche quinquennal conduit par l’équipe de recherche du CELEC autour du concept d’«autorité», le colloque international des 5, 6 et 7 avril 2012, qui a donné lieu à la présente publication collective, ne pouvait prétendre à l’exhaustivité. Son principal objectif est de lancer un certain nombre de pistes de recherche prouvant la pertinence d’une étude croisée des contrecultures qui se sont développées au XXe siècle dans les pays germanophones, ainsi que la richesse d’un tel champ d’investigation.

Un premier groupe d’études s’est appliqué à battre en brèche l’idée selon laquelle les contrecultures se construisent uniquement par la rupture vis-àvis des modèles transmis. Dans leur contestation des modes de vie et de pensée majoritaires, les porteurs de voies alternatives cherchent au contraire bien souvent à «ressourcer» le monde qui les entoure en accumulant les références au passé et en renouant avec des traditions qu’ils jugent opposées aux valeurs devenues dominantes. Ainsi a-t-on pu voir la «Neue Schar» conduite par le «Saint de l’Inflation» [«Inflationsheiliger»] Friedrich Muck-Lamberty (1891-1984), personnage charismatique annonciateur dans les années 20 d’une «révolution de l’âme» et souvent comparé au joueur de flûte de Hamelin en raison des centaines de jeunes gens qu’il est parvenu à entraîner dans ses gigantesques marches à travers la Thuringe, reprendre à son compte une tradition de la «Wanderung» contestataire dont un des premiers chaînons peut être vu dans le Taugenichts du romantique Joseph von Eichendorff (1788-1857) et sa tentative d’«élever l’oisiveté vagabonde au rang de principe existentiel».26 Par-delà la fréquente conjonction établie entre errance et marginalité et outre la volonté affirmée de «mettre en mouvement» une jeunesse livrée au bon vouloir des industriels, des prêtres et des banquiers, la pérégrination de la «Neue Schar» s’inscrit très clairement dans la tradition de la prédication itinérante, mais aussi dans l’esprit d’un déplacement conçu comme la concrétisation d’une conversion spirituelle appelée à s’étendre au plus grand nombre. Cette dimension religieuse, plus perceptible encore que celle des croisades menées quelques années auparavant par le premier «mouvement de jeunesse» contre la culture philistine et le matérialisme, est sans doute – en dehors du lien avec le célèbre Gusto Gräser (1879-1958), qui était un ami de Muck-Lamberty et fut admiré par Hermann Hesse (1877-1962) – le principal point commun entre cette contreculture itinérante et la réception de l’auteur de Siddharta (1922) et du Loup ← 14 | 15 → des steppes (1927) par les participants au «hippie trail» des années 70.27 Véritable ruée vers l’Inde et ses Etats voisins, ce mouvement initié et suivi par de nombreux «Blumenkinder» des années 70, était en effet non seulement motivé par le refus de la vie bourgeoise sédentaire et l’accès à la vente libre de drogues, mais aussi par une réelle fascination pour les spiritualités orientales jugées mystérieuses, authentiques et sensuelles, et supposées servir une quête de soi à travers la méditation. Cette génération révoltée, qui tentait avant tout de fuir la rigidité de l’Allemagne d’après-guerre, élut au rang de culte l’œuvre de Hesse, dont elle se livra à une lecture partiellement extrapolée et en tout cas simpliste, même si certains points de convergence (refus du modèle bourgeois de la famille, du culte de la technique, élargissement de la conscience par la consommation de drogues et fascination pour la sagesse orientale) apparaissent indéniables.

Résumé des informations

Pages
VI, 346
Année
2014
ISBN (ePUB)
9783035196658
ISBN (PDF)
9783035202519
ISBN (MOBI)
9783035196641
ISBN (Broché)
9783034314930
DOI
10.3726/978-3-0352-0251-9
Langue
français
Date de parution
2014 (Avril)
Mots clés
Underground Anthroposophie Progressisme Haute technologie Culture alternative
Published
Bern, Berlin, Bruxelles, Frankfurt am Main, New York, Oxford, Wien, 2014. 346 p.

Notes biographiques

Cécilia Fernandez (Éditeur de volume) Olivier Hanse (Éditeur de volume)

Cécilia Fernandez est agrégée d’allemand et enseigne dans l’académie de Lyon. Elle a soutenu en 2010 une thèse de doctorat en littérature allemande sur « Les motifs mythologiques antiques et bibliques dans la poésie de RDA : Günter Kunert, Sarah Kirsch et Uwe Kolbe » et est l’auteur de plusieurs articles sur la poésie de la RDA. Olivier Hanse est maître de conférences en langue et civilisation allemandes et membre du Centre d’études germaniques interculturelles de Lorraine. Historien des idées, il est l’auteur d’une ththèse sur « rythme et civilisation dans la pensée allemande autour de 1900 ». Ses recherches portent par ailleurs sur la Lebensreform, la philosophie de Ludwig Klages, les théories du rythme et l’histoire de la pensée écologique. Cécilia Fernandez ist promovierte Literaturwissenschaftlerin und Gymnasiallehrerin in der Nähe von Lyon. Ihr Forschungsschwerpunkt, zu dem sie eine Reihe von Aufsätzen verfasste, liegt auf der DDR-Lyrik, u.a. von Günter Kunert, Sarah Kirsch und Uwe Kolbe. Olivier Hanse ist Maître de conférences für deutsche Sprache und Landeskunde am Centre d'études germaniques interculturelles de Lorraine und Verfasser einer Dissertation zum Thema «Rhythmus und Zivilisation um 1900 in Deutschland». Seine Forschungsschwerpunkte liegen in den Bereichen Lebensreform, Lebensphilosophie von Ludwig Klages, Rhythmus-Theorien und Geschichte des ökologischen Bewusstseins.

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Titre: A contre-courant- Gegen den Strom
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