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Jazz, pouvoir et subversion de 1919 à nos jours / Jazz, Macht und Subversion von 1919 bis heute

de Pascale Cohen-Avenel (Éditeur de volume)
©2014 Collections VIII, 347 Pages

Résumé

Pour la première fois, un ouvrage scientifique étudie le jazz et ses relations avec le pouvoir dans plus de 6 pays francophones, germanophones et russophones. Il s’interroge sur la valeur subversive du jazz dans la quête identitaire de la jeunesse contestataire, sur son rôle dans la propagande d’Etat de l’Est comme de l’Ouest, et dans la définition de soi des élites et des artistes des années 1920 à nos jours. Résolument internationale, la perspective choisie est également pluridisciplinaire.
Diese Studie widmet sich als erste in diesem Gebiet dem Jazz und seinen Beziehungen zu den Machthabern der jeweiligen Staaten. Der Fokus liegt auf verschiedenen deutsch-, französisch- sowie russischsprachigen europäischen Ländern. Untersucht wird, wie subversiv der Jazz in der Identitätssuche der Jugend wirkt, sowie seine Rolle in der staatlichen Propaganda, und in der Selbstdefinition der Eliten und der Künstler von den 1920er Jahren bis heute. Die Perspektive dieses Buches ist sowohl international wie interdisziplinär.

Table des matières

  • Couverture
  • Titre
  • Copyright
  • Sur l’éditeur
  • À propos du livre
  • Pour référencer cet eBook
  • Sommaire
  • Introduction: Pascale Cohen-Avenel
  • En préambule
  • Jazz – die klassische Musik der Globalisierung: Reinhold Wagnleitner
  • Le jazz et la jeunesse
  • Die „Hot-Koffer“ der „Schlurfs“: Die Wiener Jazz-Szene als subkulturelles Symbol für österreichische Wutbürger der Zwischenkriegszeit?: Wolfgang Lamprecht
  • Jazz und die Medien
  • Paradigmenwechsel durch das Mikro
  • Der Beitrag der Kritik
  • Historische Meilensteine österreichischer Jazzgeschichte
  • Literatur
  • La Fureur de Vivre, ou La Mélodie du Bonheur ? Jazz, société et consommation dans le film Stilyagui de Valerii Todorovskii: Graham H. Roberts
  • Bibliographie
  • Frankfurter Swing-Jugend: eigensinnige Lebensweisen: Kerstin Rathgeb
  • Swing-Jugend in Frankfurt
  • Geschichtsdeutungen
  • Moralisierung des Widerstandsbegriffs
  • Archivdokumente
  • Auf Tonträger aufgezeichnete Interviews (anonymisiert)
  • Literatur
  • Zeitungsartikel
  • L’improvisation et la jeunesse jazz d’Union Soviétique : entre émancipation et affirmation de soi: Claudine Brunod
  • Quelques notes pour commencer
  • L’épopée de la musique jazz au pays des Bolchéviques
  • Le jazz et les systèmes politiques
  • Neue deutsche Tanzmusik – eine Utopie in zwei Systemen: Rainer Bratfisch
  • Statt einer Einleitung
  • Exkurs: Der Jazz und die Deutschen
  • „Kultivierte deutsche Jazzmusik“
  • Die Goldene Sieben: zu „swingend“, zu „hot“
  • Die großen Rundfunkorchester: staatlich verordnete Tanzmusik
  • DDR in den 1950er-Jahren: Neue deutsche Tanzmusik II
  • Ein Leben in totalitären Systemen: Vom Nationalsozialismus in den Stalinismus. Der Jazz-Trompeter Eddie Rosner (1910-1976): Elisabeth Kolleritsch
  • Willis Conovers „Voice of America Jazz Hour“: Propaganda oder Subversion im Kalten Krieg?: Berndt Ostendorf
  • Benutzte Literatur
  • Nützliche Webseiten
  • Le jazz et les élites
  • La réception du jazz en France dans les années 1920 : primitivisme ? L’exemple de Joséphine Baker: Laurent Cugny
  • Bibliographie
  • Quand poètes et cérébraux se disputent le morceau : la « Querelle du Jazz » dans la presse belge de langue française (1930-1942): Florence Huybrechts
  • Topographie et acteurs de la querelle
  • Les grandes étapes de la polémique
  • Profil des principaux écrivains critiques
  • Le Jazz est mort : vive le jazz !
  • Au règne du pathos, de la métaphore et du récit : succès et infortunes de la critique créative
  • Stratégies littéraires et transferts symboliques : le jazz comme paradigme socio-esthétique
  • Le jazz dans le périodique allemand Die Weltbühne (1919-1933) : une leçon de démocratie par la subversion: Pascale Cohen-Avenel
  • La perception du jazz par les représentants des élites francophones suisses jusqu’en 1945: Michel Caillat
  • Le jazz oui, mais quel jazz ?
  • Jazz, cosmopolitisme et décadence du « monde civilisé »
  • Jazz hot contre jazz straight
  • La Radio suisse romande (RSR) et le jazz
  • Jazz et « défense spirituelle »
  • La formation d’une doctrine radicalement critique : les fondements du processus de délégitimation musicale du Jazz chez Adorno: Philippe Rozin
  • Introduction
  • Les catégories de la dialectique du jugement esthétique sur la musique
  • La place de la théorie esthétique dans la musique savante et sa production génétique
  • Le passage à la société de masse
  • La culture de masse et le marché
  • La genèse de la réflexion critique d’Adorno sur le Jazz
  • Conclusion
  • Bibliographie
  • Le jazz et les artistes
  • Une musique de Guignol’s: Yan Hamel
  • Récritures, Jazz et Chorégraphie dans La Création du Monde (Paris, Ballets Suédois, 1923): Carole Maccotta
  • Récritures Coloniales et Muséification de l’Autre
  • Jazz et Identité chez Milhaud : le Jazz comme Parade anti-germanique ?
  • Chorégraphie de Décor, ou le Ballet sans Corps
  • Bibliographie
  • Georges Auric, Jean Wiener et le fox-trot. La musique « savante » au risque du jazz (1920-1931): Martin Guerpin
  • 1. Le jazz : un cheval de Troie de la modernité musicale (1920-1923)
  • 1.1. Auric musicien de Cocteau
  • 1.2. Jean Wiener : une autre avant-garde
  • 2. Le jazz ou comment sortir de Wagner et Debussy ?
  • 2.1. Georges Auric : le Coq et l’Arlequin fait musicien
  • 2.2. Adieu New York ! L’esthétique d’Auric en musique
  • 2.3. Le « Blues » de Jean Wiener (1922) : un jazz bien tempéré
  • 2.4. Les subversions du jazz
  • 3. Fabriquer du jazz : transgresser les hiérarchies (1927-1931)
  • 3.1. Un jazz intégré au paysage musical français
  • 3.2. Le fox-trot à la chaîne
  • 3.2.1. Une standardisation des normes
  • 3.2.2. La division du travail appliquée à la production de musique
  • 3.2.3. Une diffusion large
  • 3.3. De la subversion musicale à la subversion des normes d’un monde
  • Conclusion
  • Bibliographie
  • En conclusion
  • Le jazz : globalisation ou cosmopolitisme ?: Christian Béthune
  • 1. Prédispositions du jazz à la globalisation et au cosmopolitisme
  • 2. La mise en place d’une forme symbolique cosmopolite et globalisée
  • 3. L’universalité centripète ou l’humanité cosmopolitique du jazz
  • Conclusion

Introduction

PASCALE COHEN-AVENEL

Professeur d’études germaniques à l’université

Paris Ouest Nanterre La Défense – CRPM EA 4418

Le jazz est un phénomène international aussi bien d’un point de vue musical que socioculturel. Reinhold Wagnleitner et Christian Béthune1 le démontrent clairement chacun selon sa perspective. Soit que le jazz assume aujourd’hui le rôle de musique universelle qui fut celui de la musique dite classique, c’est-à-dire européenne, pendant quelques siècles, bien avant l’apparition du concept de mondialisation, soit qu’il soit par nature intrinsèquement cosmopolite. Pourtant les études sur le jazz restent cantonnées à des aires géographiques très limitées.

La recherche sur le jazz et ses relations avec la culture et la politique, quasi inexistante il y une trentaine d’années, s’est beaucoup développée. En France, ces recherches sont menées par Olivier Roueff2 et Ludovic Tournès3. Le jazz en Allemagne a fait l’objet de différentes études selon la période et le régime, Cornelius Partzsch4 et Pascale Cohen-Avenel5 pour la République de Weimar, Berndt Osten ← 1 | 2 → dorf pour la guerre froide6 et Rainer Bratfisch7 pour la RDA. L’histoire du jazz en Autriche et son étude ont été développées par Wolfgang Lamprecht8 et Rainer Wagnleitner9, professeur d’études américaines à l’université de Vienne, qui centre son travail sur l’intéraction entre la culture états-unienne et la culture autrichienne. Le jazz en URSS quant à lui est désormais mieux connu grâce aux travaux de S. Frederick Starr10… Toutefois, dès lors que le jazz est appréhendé comme un objet socioculturel dans une perspective non-musicologique, ces recherches restent nationales. Ce cloisonnement est d’autant plus préjudiciable à la recherche qu’au fil de son histoire le jazz fut confronté dans tous les pays à des situations parfois analogues, parfois diverses, dont l’analyse est riche d’enseignements sur la culture, la politique mais aussi sur le rôle du jazz dans la genèse de l’imaginaire national des pays concernés. En effet, indissociable de la montée en puissance des Etats-Unis sur la scène internationale depuis le début du XXe siècle, le jazz sert de référent commun à la définition de soi des pays qui l’accueillent11.

L’une des finalités principales du présent volume et du colloque qui l’a précédé, les 11 et 12 juin 2012 à l’université Paris Ouest et à la Maison Heinrich Heine de Paris, est de commencer à remédier à ce ← 2 | 3 → manque grâce à sa perspective internationale affirmée. La seconde finalité serait d’ajouter à la transgression des frontières une transgression disciplinaire en associant dès le départ différentes spécialités universitaires et non universitaires : sociologie, musicologie, histoire, études germaniques, russes ou américaines de différents pays, littérature française ou consumérisme sans oublier le regard des journalistes. Cette approche internationale et pluridisciplinaire permet d’aborder le jazz et ses relations souvent conflictuelles, et toujours complexes, avec l’autorité et les élites dans différentes perspectives, sans oublier l’essentiel, c’est-à-dire le plaisir commun à tous ses auditeurs, dans tous les pays concernés, à écouter du jazz, ou à en jouer, coûte que coûte.

Les relations entre le jazz et la jeunesse, incarnation naturelle de la subversion, permettent de s’interroger autant sur la nature rebelle de l’attachement de la jeunesse au jazz dans des contextes historiques différents que sur le rôle qu’a pu jouer le jazz dans chacune de ces situations. Wolfgang Lamprecht, historien autrichien du jazz et critique, étudie le phénomène des « schlurfs », les « zazous » autrichiens des années 1920-30, comme une forme de subculture au même titre que d’autres formes postérieures de subcultures juvéniles, rock, pop, beat ou hip-hop, dont il est précurseur. Sur la même période exactement, Kerstin Rathgeb12, sociologue à Darmstadt, s’interroge sur la valeur de la passion des « swings » de Francfort sur le Main pour le jazz. Ce questionnement sur les comportements des jeunes adeptes du jazz la mène à une réflexion plus ample sur la définition même de la « résistance » qui vient s’adosser aux réflexions de Wolfgang Lamprecht. De la même façon, les deux contributions consacrées à l’URSS, celle de Graham Roberts, dont les recherches actuelles sont centrées sur le consumérisme et le marketing, et celle de Claudine Brunod, chercheuse franco-italienne en communication interculturelle à Turin et Paris Sorbonne, étudient à la fois les liens complexes qui unissent cette jeunesse contestataire au jazz dans un contexte dictato ← 3 | 4 → rial. Ils s’interrogent sur les limites d’une rébellion post-adolescente pas toujours exempte d’une tendance marquée pour le conformisme, déjà constatée à l’étude des « Schlurfs » et des « Swings », dont les « Stilyagui » empruntent de nombreux traits. Ces quatre études consacrées à la jeunesse à des époques et dans des sociétés différentes, bien que toutes liées au totalitarisme ou à la montée du totalitarisme (l’Allemagne nazie, l’Autriche avant et après l’Anschluss, l’Union Soviétique) témoignent également du pouvoir de séduction immédiat du jazz sur la jeunesse et permettent d’entrer dans le quotidien de ces groupes, car aussi bien dans le cas des « Schlurfs » que des « swing », des « Stilyagui » ou des jeunes cachés dans les caves de l’URSS des années 60, il s’agit bien d’une expérience collective dans laquelle le jazz est un puissant facteur d’identité.

C’est sans aucun doute l’une des causes, outre des raisons politiques plus évidentes dans le cadre général de l’affrontement entre deux systèmes, l’un capitaliste, l’autre socialiste, qui, dès les prémices du jazz, explique la volonté des autorités de l’encadrer, voire de le réprimer en cas de perte de contrôle. Dans son étude comparée des tentatives de contrôle du jazz par le système nazi d’abord, puis par les autorités de RDA, Rainer Bratfisch, journaliste berlinois et éminent spécialiste du jazz en RDA, confronte le traitement du jazz à partir des tentatives de reprise en main de cette musique par les deux régimes à partir d’exemples concrets. Certes les analogies entre les deux systèmes politiques apparaissent clairement, mais ce n’est pas tant le propos de l’article que de démontrer l’irréductibilité du jazz, faisant éclater au grand jour sa résistance à toute tentative de définition, de réduction, de simplification ou d’utilisation à des fins de propagande. L’exemple du jazzman Eddy Rosner, adulé et persécuté aussi bien par les nazis que par le système stalinien illustre bien cette résistance constante à la coercition et à la récupération politique, tel qu’il est développé par Elisabeth Kolleritsch, musicologue et co-rédactrice du périodique Jazz-Forschung / Jazz-Research de Graz. L’article de Berndt Ostendorf, professeur émérite d’études américaines à l’université de Munich, le confirme lorsqu’il étudie l’influence de Willis Connover, la « voix de l’Amérique » de 1955 à 1996, dont il ← 4 | 5 → peut attester personnellement. Durant ces quarante années, et particulièrement durant la guerre froide, après de vifs débats au congrès sur l’opportunité de proposer au monde cette musique-ci et donc cette image-ci des Etats-Unis, une culture de masse issue des Noirs, alors que la ségrégation divisait la société américaine, les émissions de Connover furent diffusées sur la chaîne de propagande américaine, sans pour autant qu’il se réfère à l’actualité politique dans aucune de ces émissions. En même temps qu’il réunissait tous les soirs les fans de Connover de par le monde et créait une connivence générationnelle parmi les amateurs du monde entier, attestant une fois de plus de son caractère fédérateur, le jazz résistait à une utilisation politique unilatérale et indifférenciée.

Car le jazz ne se laisse pas enfermer. C’est une musique vivante qui existe par les artistes qui le portent, par sa diffusion, par les réactions de ses amateurs, par leur résistance inlassable. Il refuse les catégorisations. Laurent Cugny, professeur de musicologie (jazz) à la Sorbonne, parmi les plus grands spécialistes français du jazz,13 en témoigne clairement à l’exemple de Joséphine Baker et du reproche d’exploiter le primitivisme que d’aucuns purent lui faire, comme d’autres à Louis Armstrong en son temps. Mais réduire le jazz à sa dimension primitiviste ne signifie rien d’autre que de le limiter à « une musique de nègre », transformer les artistes noirs en machiavéliques commerçants ou en dociles enfants de la nature, victimes, dans un cas comme dans l’autre, des oppresseurs blancs qui, soit les détourneraient de leur vraie nature, soit les exploiteraient sans vergogne. Or, les oppresseurs blancs n’étaient pas tous bien conscients des enjeux de ce qu’il se passait sur la scène, ni de la raillerie dont ils pouvaient faire l’objet, et une telle approche ferait du jazz un jeu de dupes alors que ce qui réunissait les artistes et leurs spectateurs était avant tout le plaisir commun, dans un réseau d’échanges beaucoup plus complexe qu’il ne semble, toujours basé sur l’interaction. ← 5 | 6 →

Les querelles sur le jazz qui surgirent dès la fin de la Première Guerre mondiale dans la presse en Belgique, en Suisse romande et en Allemagne de la République de Weimar témoignent bien de la complexité de ces échanges dont l’enjeu dépasse la musique. La transition vers une culture de masse à une époque où se développent les moyens de diffusion moderne que sont la radio et le gramophone « électrique », grâce à l’utilisation du microphone qui améliora considérablement la qualité du disque, est indissociable du jazz qui commence à se diffuser au même moment et évolue conjointement à la technique. Il devient donc naturellement un point de focalisation dans l’opposition entre les Anciens et les Modernes d’alors comme l’analysent très bien Florence Huybrechts, chercheuse à l’université libre de Bruxelles, Michel Caillat, historien à l’université de Genève et Pascale Cohen-Avenel, germaniste à l’université Paris Ouest. La confrontation de ces trois études souligne, s’il en était besoin, la dimension politique et culturelle de ce conflit qui porte avant tout sur des choix de société et des visions de l’art, art démocratique ou art élitiste, à une époque ou le fascisme et le nazisme gangrènent l’Europe. On retiendra une certaine convergence, mais aussi, toujours, des résistances et l’impossibilité d’identifier le jazz à un seul et unique courant même s’il est généralement associé à un mode de vie urbain résolument moderne.

L’article que consacre Philippe Rozin à Adorno le corrobore, le jazz n’est pas simplement un argument des penseurs de gauche opposés aux conservateurs. Il se heurte de manière irréductible à des conceptions de l’art qu’il contribue à mettre à nu, dans la presse culturelle ou dans des doctrines philosophiques que l’on croyait abouties. Par sa puissance d’évocation, son appel irrésistible à la danse, au mouvement, à la communion, derrière son poste de radio, dans une salle de music-hall ou sur une piste de danse, le jazz oblige ses contemporains à réagir, en se regroupant dans l’allégresse pour les groupes de jeunes, en affutant leurs arguments pour les hommes de plume. Il force le loup à sortir du bois et l’oblige à se dévoiler jusque dans ses derniers retranchements. ← 6 | 7 →

Les artistes quant à eux gardent le privilège de l’ambiguïté et de la complexité. Contrairement aux philosophes et aux critiques, ils peuvent conserver une zone d’ombre et ne sont pas contraints à expliciter leurs traits. C’est ainsi que dans Guignols’band, analysé ici par Yan Hamel, spécialiste de littérature française à Montréal, Céline donne une présentation du jazz qui résiste à une cataloguisation radicale. On le voit bien, le « touit-touit » du jazz, n’est pas seulement facteur et révélateur de débauche. Même chez Céline, il conserve sa part de facteur d’émancipation, irréductible, toujours. A propos du ballet La Création du Monde, sur une musique (en partie) jazz de Darius Milhaud et un argument de Blaise Cendrars, c’est justement la complexité et l’ambigüité du discours musical et politique que Carole Maccotta, professeur de littérature française à l’université de Long Island spécialiste du discours sur la danse, explicite, plongeant le lecteur au cœur de l’avant-garde du Paris de 1923. Subversif par son intrusion dans la musique de grande tradition, le jazz ne l’est peut-être pas tant que cela si sa négritude est refoulée de l’autre côté de l’Atlantique à l’époque de l’esclavage pour occulter les colonies françaises d’Afrique bien contemporaines, pourtant au cœur du discours de Cendrars.

Bien que que Martin Guerpin, musicologue et critique de jazz, ne se focalise pas dans son étude consacrée à Jean Wiéner et Georges Auric sur la négritude, il n’en étudie pas moins la dimension subversive, ou non, d’une éventuelle contamination de la « grande musique » par la « petite » musique jazz, une subversion assumée d’abord, qui a tendance à se banaliser au fil du temps, à moins que rien de ce qui a trait au jazz ne soit vraiment banal.

Globalisé ou cosmopolite ? Subversif ou simplement contestataire ? Libertaire ou instrument de propagande ? Emancipatoire ou conformiste ? Voici bien des questions que l’on peut se poser sur le jazz, bien des réponses apportées par les auteurs de ce livre qui posent d’autres questions toujours sur le jazz et sur les sociétés où il se développe, toutes universelles. C’est pourquoi il était important que la recherche prenne une dimension internationale et pluridisciplinaire appelée désormais à se développer à la suite de cet ouvrage. ← 7 | 8 → ← 8 | 9 →

 

1Christian Béthune, Le Jazz et l’Occident, Paris, Klincksieck, 2008.

2Olivier Roueff, Le jazz des années folles : des combattants de l’enfer aux fervents du hot : les représentations véhiculées par les articles consacrés au jazz dans la presse nationale française de 1917 à 1932, Saint Martin d’Hyères, IEP, 1996.

3Ludovic Tournés, New Orleans sur Seine (histoire du jazz en France), Paris, Fayard, 1999.

4Cornelius Partsch, Schräge Töne. Jazz und Unterhaltungsmusik in der Kultur der Weimarer Republik, Stuttgart, Metzler, 2000.

5Pascale Cohen-Avenel, Si on a du jazz, pas besoin de schnaps. Jazz négritude et démocratie sous la République de Weimar. Mit einer umfangreichen Zusammenfassung in deutscher Sprache, Peter Lang, Berlin, 2011, (Schriftenreihe zur politischen Kultur der Weimarer Republik, Band 14).

6Berndt Ostendorf, « Subversive Reeducation ? Jazz as Liberating Force in Germany and Europe », in Revue française d’Etudes américaines, 2001 Dec, p. 53-71, par exemple.

7Rainer Bratfisch (Hg), Freie Töne : die Jazzszene in der DDR, Berlin, Links, 2005.

8Wolfgang Lamprecht, Zur Geschichte der österreichischen Jazz(kritik); Chronik, Dokumentationen, Stellungnahmen; ein Beitrag zur Popmusikforschung in den Cultural Studies; Jazzkritik in Österreich, Vienne, Löcker, 2009.

9Reinhold Wagnleitner, Coca-Colonisation und Kalter Krieg : Die Kulturmission der USA in Österreich nach dem Zweiten Weltkrieg, Vienne, Verlag für Gesellschaftskritik, 1991.

10S. Frederick Starr, Red and Hot : The Fate of Jazz in the Soviet Union 1917-1991, with a new chapter on the final years, New York, Limelight, 1994.

11Alexander Schmidt-Gernig, « Zukunftsmodell Amerika? Das europäische Bürgertum und die amerikanische Herausforderung um 1900 », in Ute Frevert (Ed.), Das neue Jahrhundert. Europäische Zeitdiagnosen und Zukunftsenwürfe um 1900, Göttingen, 2000 (Geschichte und Gesellschaft, Sonderheft 18), pp. 82-83.

Résumé des informations

Pages
VIII, 347
Année
2014
ISBN (ePUB)
9783035198508
ISBN (PDF)
9783035202380
ISBN (MOBI)
9783035198492
ISBN (Broché)
9783034314145
DOI
10.3726/978-3-0352-0238-0
Langue
français
Date de parution
2014 (Février)
Mots clés
Jeunesse contestataire Musique Élite Subversivité Propagande
Published
Bern, Berlin, Bruxelles, Frankfurt am Main, New York, Oxford, Wien, 2013. 347 p.

Notes biographiques

Pascale Cohen-Avenel (Éditeur de volume)

Pascale Cohen-Avenel est professeur en études germaniques à l’université Paris Ouest Nanterre. Entre autres études sur le jazz, elle a publié Si on a du jazz, pas besoin de schnaps. Jazz négritude et démocratie sous la République de Weimar (Peter Lang, 2011). Pascale Cohen-Avenel ist Professorin der Germanistik an der Universität Paris Ouest Nanterre. Über die Rezeption des Jazz veröffentlichte sie unter anderem Si on a du jazz, pas besoin de schnaps. Jazz négritude et démocratie sous la République de Weimar. Mit einer umfangreichen Zusammenfassung in deutscher Sprache (Peter Lang, 2011).

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