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Les élites en question

Trajectoires, réseaux et enjeux de gouvernance : France, UE, Russie

de Bernd Zielinski (Éditeur de volume) Jean-Robert Raviot (Éditeur de volume)
©2015 Collections VI, 166 Pages

Résumé

L’ouvrage comporte des analyses sociologiques, politiques et historiques sur le rôle des élites dans la gouvernance. Il adopte une perspective internationale qui englobe des articles – en français et en anglais – sur la France, l’Union européenne et la Russie/URSS. En choisissant cette approche, le livre s’insère dans les débats sur les divergences et convergences dans le recrutement et la reproduction des élites nationales et européennes. Il évoque également l’évolution des orientations politiques et idéologiques des élites, une question particulièrement importante à une période profondément marquée par la crise financière et économique internationale. Les analyses du rôle des élites dans des pays comme la Russie contribuent au développement d’une vision plus globale et comparative et renvoient aux problèmes spécifiques des états postcommunistes. L’évocation de questions théoriques concernant les élites et la gouvernance complète ce recueil collectif.

Table des matières

  • Couverture
  • Titre
  • Copyright
  • Sur l’auteur/l’éditeur
  • À propos du livre
  • Pour référencer cet eBook
  • Table des matières
  • Introduction
  • Bernd ZIELINSKI: Politique, économie et élites chez Joseph Schumpeter et Karl Mannheim
  • Introduction
  • Les élites dans l’analyse du capitalisme et de la démocratie chez Joseph Schumpeter
  • La crise du monde moderne et « l’intelligentsia socialement désancrée » selon Karl Mannheim
  • La réorientation de la pensée de Mannheim : société de masse, transformation des élites et menace de l’autoritarisme
  • Conclusion
  • Bibliographie
  • Heinrich BEST: L’impuissance des puissants. Une analyse comparative des stratégies des élites européennes pour trouver une réponse à la crise financière
  • « Européanisation » de la crise dans une Europe différenciée
  • Rôle des élites et gestion de la crise européenne
  • Comment gérer la crise
  • Les élites européennes réagissent à la crise : conflit et consensus
  • Résolution de la crise : adaptation et disposition
  • Conclusion
  • Bibliographie
  • François-Xavier DUDOUET et Hervé JOLY: « Patrons d’État » : la permanence d’une voie royale
  • Corpus
  • Genre, âge et nationalité : une lente évolution
  • Une féminisation restreinte
  • Des hommes d’âge mûr
  • Une internationalisation minoritaire
  • La concentration du capital scolaire
  • La répartition déséquilibrée des formations
  • La prédominance des grandes écoles
  • Le poids des « très grandes écoles »
  • La position privilégiée du trio Polytechnique-ENA-HEC
  • L’importance de la filière des grands corps
  • Une concentration accentuée pour les grands patrons
  • L’importance maintenue des filières étatiques
  • L’importance du pantouflage dans les grands corps économiques
  • Un phénomène massif à l’Inspection des Finances
  • Un phénomène également majoritaire au corps des Mines
  • Le tremplin des cabinets ministériels
  • Bibliographie
  • Annexe
  • Valérie BOUSSARD: La régulation financière en France après la crise de 2008. Morphologie des élites et constitution de l’expertise en régulation financière
  • Quelles élites sont en charge de la régulation financière à l’AMF et à l’ANC ?
  • Les collèges
  • Les commissions
  • Les dirigeants et les cadres
  • Des frontières volontairement labiles
  • Trajectoires professionnelles des élites de la régulation
  • De la finance aux autorités de régulation
  • Des autorités de régulation à la finance
  • Une activité privée de régulation
  • Conclusion
  • Bibliographie
  • Sophie LAMBROSCHINI: La genèse du bankir : la valorisation de l’expérience du capitalisme au sein de l’élite soviétique (1974–1991)
  • Le cadre institutionnel
  • Le système bancaire international soviétique
  • Les banques soviétiques à l’étranger
  • L’expérience du capitalisme : réglementation et gouvernance
  • La réglementation de l’expérience étrangère
  • Les contacts avec les étrangers
  • La « composante capitaliste » dans la formation des sovzagranbankiri
  • Le statut des banquiers soviétiques hors-frontières au sein de la nomenklatura
  • Méfiance à l’égard des « nantis »
  • L’expérience capitaliste proprement dite
  • L’expatriation des banquiers hors-frontières : jouer au banker
  • Le KGB placé en retrait ?
  • Le transfert de connaissances
  • Les limites de la gouvernance : comportements d’adaptation et d’émancipation
  • Autonomie sur le terrain et les réseaux de co-dépendance
  • Conclusion : Les banquiers hors frontières, rédacteurs mais non actionnaires de la libéralisation bancaire ?
  • Bibliographie
  • Archives
  • Jean-Robert RAVIOT: Russian post-Soviet oligarchy: patterns of historical evolution
  • Reflecting on oligarchy in the Post-Soviet context
  • The birth of the Russian oligarchy 1992–1996
  • The rise and fall of Russian plutocracy 1996–2003
  • The Khodorkovsky affair
  • Korpokratura: the rise of Russian corpocracy
  • Kremlin Inc.? A corporatized state-elite or a state-corporate clan?
  • References
  • Series Index

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Introduction

Au cours des dernières années, les élites économiques et politiques en Europe font l’objet de critiques parfois virulentes, et voient leur légitimité contestée. L’une des raisons en est la crise financière de 2008 et ses conséquences dramatiques. Cette crise a d’abord mis en cause certains paradigmes de politique économique défendus jusque là par une majorité parmi ces élites. Selon cette vision du rapport entre Etat et économie, il était inévitable de poursuivre une stratégie de libéralisation, de privatisation, de flexibilisation et de dérégulation afin d’adapter les économies de l’Europe continentale à la nouvelle donne marquée par la mondialisation et les innovations technologiques de la New Economy. Les capacités d’autorégulation des marchés étaient mises en avant, tandis que les structures de l’Etat-providence furent critiquées comme un frein à la modernisation. La crise, due à une spéculation financière internationale insuffisamment contrôlée, a ébranlé ces thèses sur les effets intrinsèquement positifs des marchés dérégulés. Elle a surtout débouché sur une crise de l’économie réelle qui marque toujours fortement un grand nombre de pays de l’Union. Après une courte phase de programme de relance, une stratégie de « réformes structurelles » et d’économies budgétaires massives a été institutionnalisée en Europe et s’impose désormais aux gouvernements nationaux. C’est notamment dans les pays du Sud de l’Europe que les conséquences sociales négatives de cette stratégie et les promesses non tenues en matière de croissance continuent à dégrader l’image des élites nationales et européennes. S’y ajoute l’impression que les responsables politiques n’ont pas su imposer au secteur financier et ses élites de nouvelles régulations suffisamment fermes et étendues pour éviter une répétition possible des problèmes de 2008. Cette situation a des conséquences politiques négatives. Le résultat alarmant des élections européennes de mai 2014, marqué par une montée des mouvements nationalistes, populistes et antidémocratiques peut aussi être interprété comme l’expression d’une distance grandissante entre populations et responsables politiques et économiques.

Dans ce contexte inquiétant, les questions sociologiques « classiques » concernant les mécanismes de recrutement, de reproduction, de ← 1 | 2 → circulation et d’autojustification des élites sont plus que jamais d’actualité. Si de telles questions ont déjà été posées il y a une centaine d’années par les premiers théoriciens des élites comme Pareto, Mosca ou Michels leur caractère concret change en fonction des processus historiques de transformation sociale, économique et politique. Aujourd’hui, leur analyse est indispensable pour essayer de comprendre les orientations des responsables économiques et politiques nationaux face au phénomène de la mondialisation de l’économie et de l’européanisation partielle des centres de décision. Il convient notamment d’analyser le rôle et les stratégies des élites dans les institutions de gouvernance publique et privée. Ces questions se posent sur fond de tension permanente entre les principes de démocratie et d’égalité d’un côté et la position dominante d’élites possédant un accès privilégié aux positions de pouvoir de l’autre. Un certain nombre de théories sociologiques ont tenté d’écarter le problème en partant de l’idée des élites « fonctionnelles » servant chacune dans son champ d’action l’intérêt général et la démocratie en s‘appuyant sur les qualités et les efforts exceptionnels de ses membres. Mais cette approche correspond souvent peu à la réalité où l’accès aux positions de l’élite est moins dû aux mérites individuels qu’aux mécanismes de reproduction des inégalités sociales. En outre, des phénomènes comme la crise financière ont montré que les logiques d’actions de certaines élites économiques étaient surtout marquées par la recherche d’une maximisation rapide des bénéfices sans considération des dangers potentiels des stratégies spéculatives poursuivies. N’est-on pas plutôt, comme l’avançait déjà il y a une cinquantaine d’années Charles Wright Mills à propos des Etats-Unis, face à des alliances et des coalitions d’« élites du pouvoir » qui réussissent à se soustraire partiellement au contrôle démocratique ? Une partie des contributions de ce livre tente de donner des réponses à ce type de questions.

La problématique de la configuration des élites est également au centre des débats sur la démocratisation et la transition post-communiste entamée il y a une vingtaine d’années. Deux articles du présent ouvrage se consacrent à cette thématique.

Au tournant des années 1990, on s’accordait à penser que la suppression du système du parti unique et du système de sélection ← 2 | 3 → centralisée des élites qu’il induisait allait permettre l’émergence d’un pluralisme élitaire, prélude à la consolidation de systèmes démocratiques pluralistes, et émanciper les élites économiques de la tutelle des Etats-partis. Bien entendu, vingt cinq ans après la « chute du mur », le constat est plus nuancé : si les institutions se sont transformées, les pratiques et les réseaux de pouvoir ont bien souvent perpétué d’anciennes pratiques de collusion, voire de corruption. Il n’existait pas, du moins en théorie, d’élite ou de « classe dirigeante » dans les pays socialistes. Néanmoins, bien qu’elle fût niée par l’idéologie officielle qui s’en tenait au dogme de la « société sans classes » , la réalité de l’existence d’un rapport entre dominants et dominés avait été dénoncée dès l’instauration du régime soviétique. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, de nombreux témoins venant d’URSS (tel Viktor Kravtchenko) ou des pays de l’Europe soviétisée sont venus corroborer cette vision. La critique politique la plus élaborée se retrouve sous la plume de Milovan Djilas, ancien haut dignitaire du parti communiste yougoslave, dans La nouvelle classe, un livre publié à New York en 1957. L’ouvrage est une critique marxiste de l’histoire de l’URSS qui dénonce la formation, dans les pays communistes, d’une classe dirigeante d’un type nouveau, fondée sur l’expropriation totale des moyens de production et leur gestion monopolistique au nom du bien du peuple par une poignée de dirigeants politiques. Selon Djilas, cette classe dirigeante a ceci d’inouï qu’elle constitue un groupe de privilégiés qui gouverne au nom de l’abolition des privilèges, une classe possédante qui nie sa propre existence. Il faut attendre la fin des années 1970 avec la parution de La Nomenklatura, l’ouvrage de Mikhaïl Voslenski, pour disposer d’un corpus d’observations concrètes « de l’intérieur » étayant et illustrant la thèse de Djilas. C’est d’ailleurs à compter de la publication de cet ouvrage, paru dans toutes les langues occidentales ou presque, que le terme de nomenklatura se généralise et entre dans le vocabulaire politique des langues européennes. En URSS, pendant la perestroïka, la critique de la nomenklatura en tant que « classe de privilégiés » a fait florès. Elle est devenue l’un des éléments principaux de la critique du système soviétique, critique venue de l’extérieur (l’ouvrage de Voslenski est ← 3 | 4 → publié en URSS en 1989), mais aussi critique de l’intérieur du système, opérée par certains « nomenklaturistes » eux-mêmes. C’est ainsi que Boris Eltsine, premier Président de la Russie post-soviétique, avait fait de l’abolition des privilèges de la nomenklatura l’un des thèmes principaux de son discours politique. A la fin des années 1980, sa dénonciation des dérives de la nomenklatura allait servir de fondement à une critique de moins en moins nuancée de l’élite soviétique dans son ensemble. On critiquait l’absence de circulation réellement méritocratique en son sein, l’incompétence et l’absence de professionnalisme de nombre de ses membres, leur inadaptation au changement et à la modernité, leurs pratiques dominées par le népotisme, la corruption, le clientélisme, les abus de pouvoir… La nomenklatura est entrée dans le discours des politiciens : elle ne désignait plus du tout une institution (depuis bien longtemps) ni même une classe sociale, mais la classe dirigeante d’un régime désormais frappé d’illégitimité. Dans la Russie de Poutine, alors que la nomenklatura a disparu depuis plus de quinze ans en tant qu’institution, l’emploi de ce terme est monnaie courante, en particulier dans la bouche des opposants, qu’ils soient démocrates, nationalistes ou communistes, qui dénoncent régulièrement la mainmise d’une « nouvelle nomenklatura » sur le pays.

Les contributions du présent ouvrage abordent la question des élites dans une optique transversale intégrant des questionnements politiques, économiques, historiques et sociologiques.

Résumé des informations

Pages
VI, 166
Année
2015
ISBN (PDF)
9783035107777
ISBN (ePUB)
9783035198522
ISBN (MOBI)
9783035198515
ISBN (Broché)
9783034314138
DOI
10.3726/978-3-0351-0777-7
Langue
français
Date de parution
2014 (Décembre)
Mots clés
Sociologie Orientation politique Idéologie Crise financière État postcommuniste
Published
Bern, Berlin, Bruxelles, Frankfurt am Main, New York, Oxford, Wien, 2015. 165 p.

Notes biographiques

Bernd Zielinski (Éditeur de volume) Jean-Robert Raviot (Éditeur de volume)

Bernd Zielinski, historien et économiste, est Professeur à l’Université Paris Ouest Nanterre – La Défense. Parmi ses principales publications figurent Allemagne 1990. Economie politique de l’unification (2005) et Penser le service public (2010). Jean-Robert Raviot, est Professeur d’Etudes russes à l’Université Paris Ouest Nanterre – la Défense. Parmi ses principales publications figurent les ouvrages Qui gouverne la Russie ? (2007) et Démocratie à la russe : pouvoir et contre-pouvoirs en Russie (2008).

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Titre: Les élites en question
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