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Modalités et Temps

Des modèles aux données

de Alda Mari (Auteur)
©2015 Thèses postdoctorales XII, 249 Pages
Série: Sciences pour la communication, Volume 109

Résumé

L’interaction des notions modales et temporelles dans un cadre formel constitue un champ difficile à aborder sans connaissance préliminaire des outils manipulant les mondes possibles. Cet ouvrage comble ce manque, en introduisant, pour la première fois en langue française, les systèmes formels issus de la logique modale et utilisés en linguistique. Différents cadres théoriques sont présentés, et notamment l’approche Kratzerienne et la théorie du temps branchant. La discussion des théories modales est menée à travers le prisme du langage naturel et la notion, centrale dans cet ouvrage, de sens vériconditionnel est mise à l’épreuve des données. Au fil des chapitres, les notions théoriques sont abordées via une étude de cas, permettant de traiter de nombreuses questions autour des modalités déontique, de capacité et épistémique, en interaction avec le temps. Notre discussion, qui articule l’empirique et le formel, ne présuppose aucune connaissance formelle préliminaire. Ce livre s’adresse ainsi aussi bien à un public étudiant, qu’aux chercheurs en linguistique, en philosophie ou en sciences cognitives.

Table des matières

  • Couverture
  • Titre
  • Copyright
  • Sur l’auteur/l’éditeur
  • À propos du livre
  • Pour référencer cet eBook
  • Table des matières
  • 1. Introduction
  • 1.1 Ambiguïté systématique des modalités
  • 1.2 Modalité, temps et aspect : questions
  • 2. Logiques (temporo)-modales : Modèles et problèmes linguistiques
  • 2.1 Préambule
  • 2.2 Notions de base de logique modale et extensions au langage naturel
  • 2.2.1 Cadres et modèles
  • 2.2.2 Extension simple au langage naturel
  • 2.2.3 Problèmes
  • 2.3 La logique du système de Kratzer et son application en sémantique
  • 2.3.1 La logique du système de Kratzer
  • 2.3.2 Le système kratzerien et faits de langue : pistes et questions
  • 2.3.3 Sens des modalités et leurs relations
  • 2.4 Temps et mondes
  • 2.4.1 Introduction de la dimension temporelle
  • 2.4.2 Sémantique bi-dimensionnelle
  • 2.5 Conclusion
  • 3. Contrôle, montée et interprétations des modaux
  • 3.1 Préambule
  • 3.2 Interprétations racine et non racine et la spécificité de la notion de capacité
  • 3.2.1 Les emplois racine
  • 3.2.2 L’emploi épistémique
  • 3.2.3 Conclusion : la relation entre emplois racine et épistémique
  • 3.3 Tous les modaux sont des opérateurs de phrase
  • 3.3.1 Arguments syntaxiques : les modaux sont des verbes à montée
  • 3.4 Théorie lexicale du contrôle
  • 3.5 Quelques observations autour des interprétations déontiques et abilitatives
  • 3.5.1 Les déontiques sont des verbes à montée
  • 3.5.2 Pouvoir de capacité : une question ouverte
  • 4. Interaction entre opérateurs modaux et temporels. A pu (I) : solutions syntaxiques
  • 4.1 Préambule
  • 4.2 A pu implicatif : premières découvertes et solution par ambiguïté
  • 4.3 Solution syntaxique : Hacquard, 2006
  • 4.3.1 Les données de Hacquard (2006,2009)
  • 4.3.2 L’analyse de pouvoir au passé composé
  • 4.3.3 Evénements et bases modales
  • 4.4 La théorie de Condoravdi : interprétation des modalités et structure des possibilités
  • 4.4.1 Données et principes d’analyse
  • 4.4.2 Analyse Sémantique
  • 4.4.3 Structure des possibilités et interprétations
  • 4.4.4 Evaluation de l’analyse de Condoravdi
  • 4.5 Conclusion
  • 5. La notion de capacité : analyses et données. Le cas de a pu (II)
  • 5.1 Préambule
  • 5.2 La notion de capacité : définition et analyses
  • 5.2.1 Capacités et dispositions
  • 5.2.2 Quelle analyse pour les capacités ?
  • 5.3 Capacités génériques et capacités spécifiques : le cas de a pu
  • 5.3.1 Retour sur l’implication d’actualité
  • 5.3.2 Contre-arguments empiriques
  • 5.3.3 Une explication ontologique
  • 5.3.4 Critique
  • 5.4 Implication d’actualité et abduction
  • 5.5 Conclusion
  • 6. Le cas de a pu (III) : questions et nouveaux faits en français et italien
  • 6.1 Préambule
  • 6.2 Le cahier des charges: systématisation des faits et nouvelles observations
  • 6.2.1 Les faits
  • 6.2.2 Résumé des faits
  • 6.3 Questions, réponses et nouvelles données
  • 6.3.1 A pu et interprétation épistémique : premier défi
  • 6.3.2 A pu et la question de la distinction entre contrôle et montée : deuxième défi
  • 6.3.3 Les contraintes définissant la modalité abilitative : troisième défi
  • 6.4 Conclusion
  • 7. Le cas de a pu (IV) : analyse et interprétation
  • 7.1 Préambule
  • 7.2 Principes méthodologiques
  • 7.3 Vers une analyse compositionnelle
  • 7.3.1 Décompositions
  • 7.3.2 Les entrées lexicales
  • 7.3.3 Nouvelle analyse : présentation semi-formelle
  • 7.3.4 Analyse
  • 7.4 Interprétation
  • 7.4.1 La structure des possibilités
  • 7.4.2 Interprétations de a pu/ha potuto, verbe à montée
  • 7.4.3 Interprétation de ha potuto, verbe à contrôle
  • 7.5 Conclusions : un système en mouvement
  • 8. Le cas de a pu (V) : comparaison avec peut et pouvait
  • 8.1 Préambule
  • 8.2 Comparaison avec le présent
  • 8.2.1 Rappel des faits
  • 8.2.2 Analyse
  • 8.3 Comparaison avec l’imparfait
  • 8.3.1 Variété des lectures de pouvait
  • 8.3.2 Imparfait et quantification universelle sur des intervalles
  • 8.3.3 Analyse semi-formelle
  • 8.3.4 Retour sur les faits
  • 9. Conclusion
  • Références

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1. Introduction

1.1 Ambiguïté systématique des modalités

La notion de modalité est liée à celles de possibilité et de nécessité. Elle peut être inhérente à l’interprétation de la phrase sans être ouvertement exprimée par une unité lexicale. (1-a) s’interprète alors comme (1-b).

(1) a. Cette voiture va à 200km / h

 b. Cette voiture peut aller à 200km / h

Elle peut aussi se manifester à travers différentes catégories grammaticales, comme des adjectifs : fragile (qui peut se casser), immortel (qui, nécessairement, ne meurt pas), concevable (que l’on peut concevoir), accessible (auquel on peut accéder), ou des adverbes comme éventuellement, vraisemblablement. Rappelons également les adjectifs possible et nécessaire et les adverbes correspondants possiblement, nécessairement. On classe généralement dans la famille des modaux les adverbes et adjectifs exprimant une probabilité comme probable / probablement, sûr / sûrement.

Les expressions de la modalité les plus étudiées sont les auxiliaires de mode comme pouvoir et devoir.

Cette étude est une contribution à la compréhension de la sémantique de ces verbes.

Les théoriciens se sont intéressés à la polysémie de pouvoir et devoir qui peuvent avoir différentes interprétations selon les contextes. Les phrases suivantes illustrent une sélection dans l’ensemble de ces interprétations.

(2) a. Jean peut aller à l’école maternelle car il a trois ans (déontique)

 b. Jean peut très bien être le coupable (épistémique)

 c. Jean peut soulever 200kg (abilitatif) ← 1 | 2 →

(3) a. Jean doit aller à l’école maternelle car il a trois ans (déontique)

 b. Jean doit être le coupable (épistémique)

L’interprétation épistémique est aussi dite ‹non-racine›. Les autres interprétations (et entre autres, celles déontique et abilitative) sont dites ‹racine›.

Dans (2-a) et (3-a) pouvoir et devoir ont tous deux une interprétation dite déontique, c’est à dire qui est liée à des lois ou plus généralement à des préférences. Pouvoir déontique se rapproche de la notion d’autorisation ; devoir déontique exprime la notion d’obligation. Ainsi (2-a) dit que Jean est autorisé à aller à l’école alors que (3-a) signifie que Jean est obligé d’aller à l’école.

Pouvoir et devoir peuvent aussi avoir un sens dit épistémique illustré en (2-b) et (3-b). Dans ce cas ils expriment une conjecture de la part du locuteur. Ils diffèrent dans le degré de fiabilité que le locuteur attribue à sa conjecture. Lorsqu’il choisit d’utiliser pouvoir et devoir dans un sens épistémique, le locuteur possède généralement des indices ou plus techniquement des preuves (‹evidence›) sur lesquelles il fait reposer sa conjecture. Plus le locuteur considère les preuves fiables, plus il choisira d’employer devoir au lieu de pouvoir.

Enfin, parmi les interprétations que nous retenons ici, il y a le sens ‹abilitatif1 de pouvoir. Il n’existe pas d’interprétation abilitative correspondante pour devoir. Cette interprétation est généralement paraphrasée par ‹être capable de›. (2-c) dit ainsi que Jean est capable de soulever 200Kg.

Cette étude explore les paramètres qui déterminent l’une ou l’autre de ces interprétations, et plus spécifiquement, elle se concentre sur l’ambiguïté des modalités en interaction avec le temps et l’aspect.

Il serait impossible dans l’espace d’un ouvrage de couvrir en profondeur l’ensemble des thèmes ayant trait aux modalités et au temps. Il existe des introductions à l’étude des modalités dans la langue (voir notamment Portner, 2009). A notre connaissance, il n’existe pas d’introduction pour linguistes traitant de la relation entre modalités ← 2 | 3 → et temps, et cette étude est une première dans ce sens. Notre but ici n’est pas de présenter une vision d’ensemble du domaine, mais plutôt de suivre l’analyse d’un cas particulier pour approfondir certain des aspects qui nous paraissent clé pour la compréhension de cette interaction complexe. Nous avons donc choisi de creuser et discuter une sélection de problèmes plutôt que de couvrir un domaine à notre sens trop large pour un seul auteur. Nous ne prétendons pas apporter une analyse définitive, mais plutôt un éclairage sur différents traitements possibles des modalités en interaction avec le temps. Comme notre étude le montrera, il n’existe pas de solution générale pour tous les modaux et pour toute combinaison monde–temps. Il nous semble, et nous essayerons de le montrer, que ce qu’une théorie générale de la relation entre modalités et temps peut viser est de dégager des paramètres et des coordonnées pour l’analyse, plutôt que fournir une systématisation définitive des faits. L’étude qui suit vise alors à réunir un certain nombre d’outils d’analyse et à montrer comment les interprétations émergent à partir d’une interaction complexe entre plusieurs paramètres.

Cette étude poursuit quatre objectifs principaux.

Peu de domaines d’étude en sémantique ont été autant influencés par la recherche en logique. La notion de modalité a en effet attiré d’abord l’attention des philosophes et logiciens avant d’investir l’étude des expressions linguistiques. C’est ainsi que l’étude des expressions modales est amplement tributaire des modèles élaborés en logique. Le premier but est alors de mettre les modèles à l’épreuve des données. Pour ce faire, après un rappel des approches standard inspirées de la logique modale, nous nous intéressons à un cas complexe, celui de pouvoir au passé composé en français et en italien.

Le deuxième objectif est celui de comprendre les sources de l’ambiguïté des modaux, notamment en interaction avec le temps et l’aspect. Pour cela nous discutons les principales approches syntaxiques et sémantiques et proposons notre propre théorie.

Le troisième est de fournir une discussion des principaux problèmes dans le traitement des modalités dans la langue en interaction avec le temps. Le cas de a pu est à cette fin particulièrement intéressant, comme nous l’expliquons dans la section 1.2. ← 3 | 4 →

Du point de vue empirique, autour du cas de a pu, notre étude couvre une large variété de faits, aussi bien en français qu’en italien en le comparant à d’autres combinaisons modalité / temps dans une perspective intra et inter linguistique. Nous nous focaliserons sur l’ambiguïté entre lecture épistémique et abilitative, mais aborderons également des questions relatives à l’interprétation déontique. Nous adopterons une perspective synchronique, mais serons aussi amenée à proposer des hypothèses sur le plan diachronique.

Dans la section suivante, nous détaillons les questions principales que nous aborderons dans ce travail.

1.2 Modalité, temps et aspect : questions

Le cas de a pu est intéressant pour des raisons de natures diverses : syntaxique, sémantique, ontologique, diachronique. Plus généralement, il nous amène à questionner les choix de modélisation. Il nous permettra de tirer des conclusions générales pour l’interaction modalité / temps sur l’ensemble de ces plans.

1. Tout d’abord ce cas est intéressant d’un point de vue strictement syntaxique. Une phrase comme (4) a au moins une interprétation épistémique et une interprétation de capacité (ou plus généralement, une interprétation dite ‘racine’).

(4) Il a pu déplacer la voiture (épistémique et abilitatif)

On a soutenu que cette distinction entre lecture épistémique et lectures racine correspond à une distinction syntaxique entre verbes à contrôle comme vouloir (5) et verbes à montée comme sembler (5).

(5) Jean veut devenir directeur de l’unité

(5) Jean semble être malade

Pour départager ces deux classes de verbes, on prend comme test représentatif la possibilité d’utiliser la forme impersonnelle. Seuls les verbes à montée admettent cette construction. ← 4 | 5 →

(6) a. Il veut être directeur (la construction impersonnelle est impossible)

 b. Il semble pleuvoir

Résumé des informations

Pages
XII, 249
Année
2015
ISBN (ePUB)
9783035198669
ISBN (PDF)
9783035202809
ISBN (MOBI)
9783035198652
ISBN (Broché)
9783034313834
DOI
10.3726/978-3-0352-0280-9
Langue
français
Date de parution
2015 (Mai)
Mots clés
théories formelles de la modalité modalité déontique langage naturel
Published
Bern, Berlin, Bruxelles, Frankfurt am Main, New York, Oxford, Wien, 2015. XII, 249 p., 31 ill. n/b

Notes biographiques

Alda Mari (Auteur)

Alda Mari est Directrice de Recherche au CNRS, à l’Institut Jean Nicod. Helléniste et sanskritiste, elle est arrivée à la sémantique formelle, par la sémantique computationnelle. Sa première affiliation au CNRS a été Télécom Paris. Elle a également été Visting Scholar à CUNY (New-York) et à l’Université de Chicago. Ses recherches portent sur la modalité, le temps, la généricité et la pluralité.

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