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Action locale et développement rural en Europe

Le modèle européen LEADER 2007–2013

de Pascal Chevalier (Auteur)
©2014 Monographies 202 Pages

Résumé

Cet ouvrage a un triple objectif. Il permet d’abord de revenir sur l’émergence de nouveaux espaces et scènes de l’action publique locale et sur la diversification des ressources mobilisées par les acteurs qui contribuent à la construction pluraliste des politiques d’aménagement rural. Il permet aussi d’interroger les différentes caractéristiques des transformations de l’action publique dans un contexte de nouvelles formes de coordination entre acteurs publics et acteurs privés. Dans une perspective résolument géographique, cet ouvrage permet enfin d’appréhender le territoire comme lieu de gestion et de projets de développement rural.
Partant de ces trois entrées, ce livre questionne l’action publique en prenant comme exemple la politique européenne de développement rural. Au-delà de son contenu intrinsèque et de son mode d’élaboration, c’est sa mise en œuvre dans les territoires ruraux qui retient ici l’attention. Tout en faisant preuve « d’interdiscipline » – c’est-à-dire sans évacuer les emprunts très nombreux et les apports variés disciplinaires et a-disciplinaires – le sens de ce livre est alors de contribuer, via l’analyse de la mise en œuvre des politiques de développement rural en Europe, à cette géographie de l’action publique à définir entre acteurs et territoires ruraux.

Table des matières

  • Couverture
  • Titre
  • Copyright
  • Sur l’auteur/l’éditeur
  • À propos du livre
  • Pour référencer cet eBook
  • Table des matières
  • Introduction
  • Première partie: Du développement local au modèle d’action publique LEADER
  • Chapitre 1 Le développement local: un cadre conceptuel complexe
  • Chapitre 2 Le développement local: une méthode au cœur de la politique
  • Deuxième partie: Le transfert national de la politique européenne de développement leader: une interprétation différenciée du développement local
  • Chapitre 3 La transposition du modèle européen de développement local LEADER: entre diffusion de normes et durcissement règlementaire
  • Chapitre 4 Quels effets des règlementations nationales dans la programmation leader?
  • Troisième partie: Pratique de la gouvernance locale: apprentissage social et réseaux d’acteurs dans le cadre du programme européen LEADER
  • Chapitre 5 Une mise en œuvre de l’action locale inscrite dans trois contextes nationaux
  • Chapitre 6 Vers un nouveau mode de gouvernance territoriale?
  • Conclusion
  • Bibliographie

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INTRODUCTION1

Action locale et développement rural en Europe

Le modèle européen LEADER2 2007-2013

La question du développement rural en Europe est relativement ancienne, mais son inscription dans la politique de l’Union européenne est plus récente. Si, à ces débuts dans les années 1960, cette politique européenne en faveur des campagnes était exclusivement tournée vers le soutien à l’agriculture, elle s’est progressivement élargie à toute l’économie rurale et à l’environnement. En 2007, l’Union européenne a ainsi mis en œuvre, à côté de sa politique agricole, une politique de développement rural qui traduit la volonté d’une approche globale et coordonnée des territoires ruraux dans leurs diverses composantes : sociale, économique et environnementale.

Dans une Europe désormais à 27 États-membres, 60 % de la population vit dans les zones rurales qui couvrent plus de 90 % du territoire de l’Union. Dans ce contexte, le développement rural constitue un domaine politique extrêmement important. Certes, l’agriculture est essentielle sur le plan de l’aménagement du territoire et de la gestion des ressources naturelles, mais la diversification économique des communautés rurales et le développement de nouvelles fonctions touristiques, résidentielles ou productives, devient également un enjeu majeur. Le renforcement de la politique de développement rural est devenu, de fait, une priorité générale de l’Union.

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Depuis la réforme de la Politique agricole commune (PAC) en 2007, le développement rural joue un rôle de plus en plus important auprès des territoires, en les aidant notamment à faire face aux enjeux économiques, sociaux et environnementaux du 21e siècle. Le nouveau cadre juridique et politique ainsi défini par l’Union européenne insiste davantage sur la nécessité de stimuler la croissance et de créer des emplois en milieu rural et d’améliorer le développement rural.

Pour y parvenir, l’Union européenne a choisi une démarche particulière de l’action publique privilégiant l’échelle locale pour parvenir à stimuler le développement rural. Cette démarche, se référant au paradigme du « développement local », s’est alors progressivement imposée à l’échelle du continent. Voulant « légitimer politiquement et institutionnellement le local au sein de l’Europe »3, cette démarche a instauré de nouveaux dispositifs d’action publique s’organisant selon une conception du territoire accordant plus de place à la répartition des responsabilités entre les acteurs institutionnels et la société civile locale, à l’expérimentation de nouveaux modes de gestion territoriale locale et à la négociation entre les acteurs situés aux différentes échelles de gouvernance infra et supranationale. Portée par l’UE, cette démarche, fondée sur une logique ascendante de l’action locale (bottom-up), participe de cette dynamique qui consiste à promouvoir le développement socioéconomique des zones rurales par le « bas »4, c’est-à-dire par des initiatives locales organisées par des partenariats entre acteurs et encadrées par des procédures de contractualisation avec les différents échelons du système territorial. Approche intégrée du développement sur une base territoriale, elle consiste à orienter les efforts de développement sur des projets conçus à l’échelle de communautés rurales dans le but de renforcer la capacité d’initiative des acteurs locaux. Elle participe de l’émergence d’un nouveau mode de gouvernance territoriale qui tend à vouloir renforcer « la démocratie locale et participative »5.

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Qu’elle soit considérée comme un corps étranger6 ou comme emblématique de la Politique européenne de développement rural7, la plupart des chercheurs s’accorde sur son « caractère novateur »8 et sur son potentiel de transférabilité à chaque État dans le sens où elle leur offre une relative liberté d’application et stimule la capacité d’innovation des acteurs locaux. En fait, l’application de la démarche de développement local au sein des pays de l’UE poursuit le processus de transfert des politiques publiques engagé par l’Europe depuis plus de 20 ans9. En général bien accueillie par les États membres, elle leur a offert les moyens de relancer leur politique de développement rural selon une nouvelle approche stratégique. Néanmoins, selon les pays, elle représente un bouleversement plus ou moins considérable des pratiques d’administration et de gestion des territoires ruraux10. Les principes de la gouvernance locale qu’elle tend à promouvoir requièrent de la part des institutions (nationales, régionales et locales) une véritable « appropriation de la démarche »11. Elle requiert aussi, de la part des sociétés locales, « un apprentissage des procédures et des méthodes »12 afin de développer « les compétences nécessaires pour monter des projets, se familiariser avec les nouveaux outils techniques et juridiques et organiser de nouveaux partenariats locaux »13.

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En fait, cette démarche de l’action publique joue à la fois un rôle actif dans l’européanisation des systèmes politiques des États membres14 comme dans la transformation des sociétés rurales15. Concrètement, l’UE définit le dispositif normatif dans lequel doivent se couler les politiques nationales de développement rural pour stimuler les initiatives venues de la base. À leur tour, les acteurs locaux doivent se conformer aux prescriptions formulées par l’UE et aux règles édictées par leurs autorités nationales afin d’accroître leurs chances de voir financer leurs projets. Mettant en relation différents niveaux de gouvernement (européen, national, régional et local), cette approche permet d’appréhender comment la dynamique d’intégration s’articule avec les espaces d’action publique que sont les territoires infranationaux. Cette dynamique en cours dans l’ensemble de l’Europe invite donc à l’étude des formes de l’apprentissage institutionnel et social qui impliquent désormais les États, les collectivités régionales et locales et les populations dans « les pratiques du développement et de la gouvernance locale »16 dont la vocation est d’impulser ou de contribuer à impulser le développement rural. Saisir l’européanisation17 « par le bas »18, au « miroir du local »19, mais dans sa relation au global afin d’analyser la manière dont les acteurs, à toutes les échelles, mettent en œuvre les dispositifs normatifs et mobilisent les ressources pour construire leur propre stratégie, tel est le sens de la démarche.

La question du transfert de la politique de développement local au cœur de la problématique

L’axe LEADER du second pilier de la Politique Agricole Commune (PAC) que nous avons choisi comme exemple dans ce travail, constitue une entrée pertinente pour apprécier la portée du transfert d’un mode d’action publique et ses conséquences sur la recomposition des territoires à différentes échelles (supranationale, nationale et locale). En tant que politique publique inspirée par l’UE, transposée par l’acteur étatique dans les programmations nationales, puis mise en œuvre par des partenariats locaux, cet axe LEADER intéresse une vaste arène de négociations au sein ← 12 | 13 → de laquelle se nouent les relations d’interdépendance et les interactions qui sous-tendent l’action publique.

Cette problématique du transfert institutionnel du modèle européen de développement local constitue le cadre analytique de cet ouvrage. Notre intention est d’en analyser les modalités et les effets sur les transformations des pratiques et des modes de gestion des territoires ruraux et, de manière plus large, sur les nouvelles formes de gouvernance rurale.

 Aux échelles nationales d’abord. Comment les États se sont-ils appropriés les principes mêmes du développement local et les ont transcrits dans leurs propres politiques d’aménagement ? Plus largement, comment ont-ils interprété et traduit, par des dispositifs d’action publique, la démarche européenne de développement local LEADER ? Les conditions de sa mise en œuvre dans le contexte institutionnel propre à chaque pays est-elle de nature à promouvoir la participation des citoyens à l’action collective et à consolider la démocratie locale comme l’entend l’UE ?

 Aux échelles locales ensuite. De quelle manière les acteurs locaux (sociétés civile, politique et entrepreneuriale) se sont-ils appropriés les nouveaux dispositifs de l’action publique proposée par le modèle européen de développement local ? Pour quels usages ? Comment de leur propre interprétation des dispositifs découlent des configurations territoriales nouvelles et de nouveaux modes de gouvernance locale ?

L’application du programme européen LEADER se présente comme un acte d’importation d’un modèle politique, c’est-à-dire de transfert dans des contextes territoriaux européens divers, d’un modèle ou d’une pratique de nature politique, économique et sociale, forgé et inventé à un moment particulier de l’histoire et qui relève d’un ordre social parfois différent de celui dans lequel il est « transplanté »20. Notre raisonnement se réfère explicitement au cadre conceptuel défini par les études de transfert de politiques publiques (policy transfert studies)21. Cette idée est apparue dans plusieurs travaux, notamment sur la base des propositions analytiques formulées par Dolowitz et Marsh22 en 1996, pour analyser les changements de l’action publique associés, dans un contexte donné (généralement national), à l’influence plus ou moins directe d’autres ← 13 | 14 → politiques publiques conduites dans un autre contexte. Ces auteurs, en s’appuyant notamment sur la littérature relative à l’apprentissage et à la convergence23, ont tenté d’élaborer une grille d’analyse qui permet de mieux comprendre la manière dont se diffusent les recettes et les instruments de l’action publique.

Leur constat est essentiellement empirique. Celui-ci s’appuie sur le fait que nombre de réformes entreprises ces dernières années présentent d’importantes similarités et que les caractéristiques communes sont assumées par les décideurs. Selon ces mêmes auteurs, cette approche « se justifie particulièrement à une époque marquée par la mondialisation et l’interdépendance des économies nationales comme le rôle croissant d’organisations ou d’institutions supranationales ». Dès lors, la notion de transfert institutionnel qu’ils mobilisent, leur paraît apte à traduire ces dynamiques dans la mesure où elle propose de focaliser l’attention sur le processus par lequel les connaissances attachées aux politiques, aux arrangements administratifs24, aux institutions et aux idées dans un système politique donné, sont utilisées pour le développement de politiques, d’arrangements administratifs, d’institutions ou d’idées dans un autre système politique.

Sur cette base, leurs travaux permettent de nourrir l’analyse à partir d’un certain nombre de questions : pourquoi les acteurs s’engagent-ils dans un transfert de politique publique ? Qui sont-ils ? Quels sont les objets du transfert ? En 2006, Saurugger et Surel25 associent la notion de transfert à celle d’européanisation. Ils s’interrogent notamment sur l’impact des institutions et des décisions communautaires sur les États membres de l’UE. En interrogeant l’influence effective exercée par les politiques et les décisions communautaires, leurs travaux ont permis de produire plusieurs recherches comparatives sur les processus d’adaptation, de transformation, voire de rejet que suscite l’intégration européenne dans les systèmes politico-administratifs des États membres.

L’introduction des mesures de type LEADER dans chaque pays européen rentre dans ce cadre de l’européanisation des politiques publiques. Elle repose sur le postulat que ce modèle est directement transférable à chaque État quels que soient les contextes économiques, sociaux ou politiques nationaux. À ce propos, Dolowitz et Marsh26 opposent trois modèles de transfert.

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Résumé des informations

Pages
202
Année
2014
ISBN (PDF)
9783035264227
ISBN (ePUB)
9783035296259
ISBN (MOBI)
9783035296242
ISBN (Broché)
9782875741479
DOI
10.3726/978-3-0352-6422-7
Langue
français
Date de parution
2014 (Juillet)
Mots clés
Rurality EU Théorie économique développement rural en Europe union européenne Blue Banana
Published
Bruxelles, Bern, Berlin, Frankfurt am Main, New York, Oxford, Wien, 2014. 202 p., 23 ill., 13 tabl.

Notes biographiques

Pascal Chevalier (Auteur)

Pascal Chevalier est enseignant-chercheur à l’Université Montpellier 3 et au laboratoire ART-Dev, UMR 5281. Titulaire d’un doctorat en géographie et d’une habilitation à diriger des recherches, il a notamment coordonné, avec Marie-Claude Maurel, le projet de recherche « Action locale et développement territorial en Europe centrale » financé par l’Agence nationale de la recherche.

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