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Le verbe en friche

Approches linguistiques et didactiques

de Marie-Noëlle Roubaud (Éditeur de volume) Jean-Pierre Sautot (Éditeur de volume)
©2014 Collections 258 Pages
Série: GRAMM-R, Volume 20

Résumé

Se poser la question de la construction du concept par les élèves, c’est interroger l’enseignement de la grammaire et par là-même c’est revenir à la linguistique du verbe. C’est ce que propose cet ouvrage qui fait suite au colloque organisé les 30 et 31 mai 2012 à l’Institut universitaire de formation des maitres (IUFM) de l’Université Claude Bernard à Lyon.
Le présent ouvrage voit le jour grâce au travail de l’équipe Episteverb (née en 2009) qui se compose de neuf enseignants-chercheurs de différentes universités françaises et canadienne. Ces différents chercheurs se sont réunis autour d’un même objet d’étude au centre de leurs préoccupations : le verbe, afin d’en explorer la complexité dans ses différentes approches (linguistique, socio et psycholinguistique et didactique).
Les recherches respectives des membres de l’équipe font apparaitre le besoin de penser une didactique de la grammaire, plus particulièrement celle du verbe, davantage centrée sur les savoirs en construction de l’élève : comment l’élève construit-il et comment fait-il évoluer sa représentation du verbe, puis sa compréhension du fonctionnement morphologique et syntaxique d’un élément central de la langue française ? Quel est l’impact de l’enseignement reçu sur cette évolution ?
Les contributions publiées dans ce volume s’attachent donc à dénouer peu ou prou la complexité linguistique de la notion de verbe, et sa difficile transposition dans l’enseignement de la langue.

Table des matières

  • Couverture
  • Titre
  • Copyright
  • Sur l’auteur
  • À propos du livre
  • Pour référencer cet eBook
  • Table des matières
  • Avant-propos
  • Introduction. Le verbe en friche
  • Première partie: Deux ou trois choses qui (re)questionnent la notion de verbe
  • Y a-t-il des verbes « pro-complémentaires » en français ?
  • Verbe + Substantif. Quelques réflexions sur le statut des deux « copropriétaires » de la fonction prédicative
  • Le verbe devenir est-il vraiment un verbe support ?
  • « La ferme ! » : verbe… ou non ?
  • Deuxième partie: Deux ou trois modèles qui questionnent la didactique du verbe
  • L’orientation du verbe. Un aspect négligé de la complexité du verbe en français
  • Une systématisation de la conjugaison française. Feed-back et remodèlements didactiques
  • Au commencement se trouve parfois le verbe… L’inversion du sujet et du verbe en français
  • Deux ou trois choses que l’élève devrait savoir sur le verbe
  • Troisième partie: Deux ou trois choses que les élèves savent déjà sur le verbe
  • Premières justifications de la catégorie verbe au cours préparatoire. Un prototype en construction
  • Le verbe au cycle 3. Le point sur les connaissances des élèves
  • Les explications linguistiques sur le verbe. Un suivi sur une année scolaire d’une cohorte d’élèves de CE2
  • Les auxiliaires des élèves
  • Notices biographiques

← 8 | 9 → Avant-propos

Cet ouvrage voit le jour grâce au travail de l’équipe Episteverb (née en 2009) qui se compose de neuf enseignants-chercheurs de différentes universités françaises et canadienne : Adeline Chailly (ICAR, Université de Lyon), Carole Fischer (Université du Québec Chicoutimi), Corinne Gomila (LIRDEF, Montpellier), Patrice Gourdet (EMA, Université de Cergy Pontoise), Claudie Péret (EMA, Université de Cergy Pontoise), Marie-Noëlle Roubaud (ADEF, Université d’Aix-Marseille), Jean-Pierre Sautot (IUFM, Université Claude Bernard de Lyon), Dominique Ulma (LLL, Université d’Orléans) et Solveig Lepoire-Duc (ICAR, Université de Lyon).

Ces différents chercheurs se sont réunis autour d’un même objet d’étude, au centre de leurs préoccupations : le verbe, afin d’en explorer la complexité dans ses différentes approches (linguistique, socio et psycholinguistique et didactique). En effet, les recherches respectives de ces membres font apparaitre le besoin de penser une didactique de la grammaire, plus particulièrement celle du verbe, davantage centrée sur les savoirs en construction de l’élève : comment l’élève construit-il et comment fait-il évoluer sa représentation du verbe, puis sa compréhension du fonctionnement morphologique et syntaxique d’un élément central de la langue française ? Quel est l’impact de l’enseignement reçu sur cette évolution ?

Se poser la question de la construction du concept par les élèves, c’est interroger l’enseignement de la grammaire et par là-même c’est revenir à la linguistique du verbe. C’est ce que propose cet ouvrage qui fait suite au colloque organisé les 30 et 31 mai 2012 à Lyon par l’équipe Episteverb. ← 9 | 10 →

← 10 | 11 → INTRODUCTION

Le verbe en friche

Marie-Noëlle ROUBAUD et Jean-Pierre SAUTOT

Maitre de conférences – Université d’Aix-Marseille etMaitre de conférences – Université de Lyon, Université Claude Bernard

« Connaitre et penser, ce n’est pas arriver à une vérité absolument certaine, c’est dialoguer avec l’incertitude. » Edgar Morin

Dans les représentations partagées par les locuteurs, le verbe est un mot qui se conjugue, qui s’accorde. Seule sa variabilité semble constituer un indice valide d’identification. Or, le verbe est une notion complexe que la tradition et la pratique grammaticale scolaires ne contribuent pas nécessairement à simplifier. Le verbe est présent dans différentes unités (mot, phrase, texte, etc.), dans les disciplines scolaires qu’elles soient attribuées à la langue (vocabulaire, grammaire, orthographe, conjugaison) ou aux autres disciplines, dans les différents modes de production : oral et écrit. Comme l’écrit Fisher (2004 : 383) : « on n’habite pas un pays, on habite une langue ».

Comment appréhender le verbe dans cette langue que nous habitons et qui nous habite ? Si on s’intéresse au sens lexical d’un verbe, on centre son étude sur le mot. Si on limite son champ d’analyse à la phrase, on peut être dans la description d’un procès et selon la manière dont on va rendre compte de ce procès, on se posera la question de la forme de la phrase. Si on construit un récit, la suite logique des verbes organise le déroulement du récit dans le temps. Si les actions sont décrites par ordre chronologique, tous les temps de conjugaison des verbes vont se calquer les uns sur les autres et le sens de chaque verbe va donner la nature de l’action. Si le récit ne raconte pas les actions dans l’ordre chronologique, le temps des verbes variera pour rendre compte des questions d’antériorité et de postériorité des actions. On se posera alors la question de l’emploi des temps, renvoyant à la représentation du ← 11 | 12 → temps dans le texte, mais aussi à la cohésion entre les phrases. Si on s’intéresse aux différents plans du discours, on entrera dans l’énonciation, etc.

Le système qui se déploie au travers du verbe est complexe à plus d’un titre et renvoie à la maitrise de la langue par les élèves et à leur compétence à l’analyser. Cette langue s’organise autour du verbe, élément constructeur de l’énoncé, et son identification est un enjeu fort pour la réussite scolaire si bien que diverses strates de la prospection scientifique (linguistique, psycholinguistique et sociolinguistique, didactique de la langue, etc.) s’intéressent à cet objet.

Malgré cette complexité intrinsèque, le verbe est utilisé par les enfants. Bassano (2010) montre qu’il existe une acquisition épilinguistique précoce et progressive du verbe, même si elle est plus tardive que celle du nom. C’est aussi ce que conclut Garitte (2004 : 27) : « la plupart des enfants de 5–6 ans […] manient la langue sans avoir une réflexion sur son fonctionnement […] seules des activités épilinguistiques sont observables ». Bronckart (1976) montre l’apparition progressive et relativement tardive des fonctions temporelles du verbe, alors que l’aspect et l’intentionnalité s’installent précocement (dès 4 ans). Pour autant cette acquisition-là suffit-elle à construire les concepts de verbe, de temps et d’aspect, c’est-à-dire à en objectiver la nomination, les attributs, les contextes d’utilisation… bref, à en parler ?

Vraisemblablement non, puisque Chervel (2006 : 381) écrivait déjà : « De toutes les parties du discours, le verbe est, pour les élèves, la plus difficile à maitriser ». L’appropriation d’un tel savoir mérite d’être questionnée, et cela sollicite, dans un même mouvement, la linguistique pour interroger la (ou les) catégorie(s) du verbe et la didactique pour questionner sa transmission.

De fait, peu de grammaires de référence, ou à destination des enseignants s’attaquent à une définition exhaustive du verbe. Pellat (2009) ou Tomassone (2002), Arrivé et al. (1986), Riegel et al. (1997) ou Wilmet (1998) essaient d’en faire une description mais comme le dit avec élégance Charaudeau (1992 : 28) « aucune définition du verbe ne peut être pleinement satisfaisante ». Ce dernier s’extirpe du piège en distinguant des classes conceptuelles de processus (état, action, etc.) et une classe formelle, le verbe. Touratier (1996 : 10) pose aussi le verbe au centre de l’énoncé, cette position l’amenant à porter diverses catégories que l’acte d’énonciation introduit. Le verbe est donc à la fois support et apport selon l’angle par lequel on attaque sa définition. Creissels (2006) définit le verbe sur une base logico-syntaxique. Il est le cœur du prédicat, structure de la relation entre la désignation lexicale d’un procès et les désignations des entités impliquées dans le procès. Une telle ← 12 | 13 → définition introduit d’emblée une dimension sémantique. Le verbe y est donc défini indépendamment de sa morphologie. Les autres catégories traditionnellement attribuées au verbe – temps, mode, aspect, etc. – sont autant portées par la structure prédicative que par le mot-verbe.

Définir le verbe n’est donc pas chose aisée et le verbe apparait être une notion qui résiste à l’analyse. On peut dès lors considérer le verbe comme un complexe1 (au sens latin élémentaire du mot complexus, ce qui est tissé ensemble) et reprendre à Morin (1995) sa notion de complexité :

Les constituants sont différents, mais il faut voir comme dans une tapisserie la figure d’ensemble. Le vrai problème (de réforme de pensée) c’est que nous avons trop bien appris à séparer. Il vaut mieux apprendre à relier. Relier, c’est-à-dire pas seulement établir bout à bout une connexion, mais établir une connexion qui se fasse en boucle. Du reste, dans le mot relier, il y a le “re”, c’est le retour de la boucle sur elle-même. Or la boucle est autoproductive. À l’origine de la vie, il s’est créé une sorte de boucle, une sorte de machinerie naturelle qui revient sur elle-même et qui produit des éléments toujours plus divers qui vont créer un être complexe qui sera vivant. Le monde lui-même s’est autoproduit de façon très mystérieuse. La connaissance doit avoir aujourd’hui des instruments, des concepts fondamentaux qui permettront de relier.

Concernant le verbe, la question reste ouverte : quel instrument, quel concept fondateur, si ce n’est fondamental, permet de relier les morceaux qui tous se rattachent au verbe ? Elle est posée depuis un moment déjà, et la linguistique peine à répondre dans des catégorisations qui fréquemment tendent à disséquer plus qu’à rassembler.

Dans les grammaires, qu’elles soient à destination des enseignants dans leurs classes, des étudiants ou des linguistes, le verbe connait une fluctuation définitoire. Cette fluctuation fait enfler la complexité quand on s’interroge sur sa transmission par l’école. La didactique, comme discipline de transposition, n’échappe pas au travers de la dissection. Historiquement, la réduction didactique cantonne le verbe à sa morphologie, restriction orientée vers l’orthographe (Chervel, 1977). Découpages, réductions, simplifications contribuent à rendre floues des notions protéiformes par nature. On ne perçoit clairement que ce qu’on a découpé, le reste est mis de coté. Le verbe n’échappe pas au phénomène. Nous partageons alors la conclusion de Grossmann (1996 : 76) :

De ce point de vue, je ne pense pas que la grammaire scolaire doive choisir un système éducatif unique (être une grammaire du sens, comme le suggère Charaudeau (1992) ou une grammaire strictement morpho-syntaxique, si ← 13 | 14 → tant que cela est possible). Ce qui importe, c’est qu’elle soit en mesure de préciser quand elle privilégie tel ou tel de ces plans, comment elle les articule, et en fonction de quels objectifs.

Il n’est donc pas question de renoncer aux découpages et aux analyses patiemment construites par la linguistique, la question est bien de les rendre pédagogiquement cohérentes.

Ce sont de nouvelles dissections que cet ouvrage se propose d’opérer au travers de quelques articles interrogeant les concepts linguistiques, les modèles et les représentations des élèves afin d’avancer d’un pas vers de potentiels concepts unificateurs, que ceux-ci puissent être linguistiques ou didactiques.

Sur le plan linguistique, quels sont les critères identificatoires qui paraissent pertinents aux différents niveaux de l’analyse linguistique : lexical, sémantique, morphologique, syntaxique… ? Comment revisiter la notion ? Il est indéniable qu’on ne peut se limiter à la morphologie (sans l’exclure) mais qu’il faille prendre en compte les groupes de formulation du verbe (Blanche-Benveniste, 1990 : 48). Sur la syntaxe viendra se greffer le lexique et donc le sens. Ce sera l’objet de la première partie.

Sur le plan didactique, cet ouvrage est l’occasion de questionner les modèles sous-jacents, le contenu des manuels, les formations voire de proposer un modèle à transposer. Quelles théories de référence peut-on adopter pour une didactique du verbe (approche diachronique ou synchronique) ? Quelles circulations de savoirs entre les théories de référence et la didactique du verbe ? Ce sera l’objet de la deuxième partie.

Sur le plan de l’acquisition, les pratiques langagières et les connaissances grammaticales déjà collectées révèlent que les élèves discernent et manipulent des caractéristiques sémantiques, syntaxiques, morphologiques ou énonciatives du verbe. Quels discours les apprenants tiennent-ils sur le verbe ? Quels mécanismes cognitifs mettent-ils en jeu ? Quelles représentations du verbe ont-ils ? Quelle trame conceptuelle du verbe possède l’enseignant ? L’ouvrage est l’occasion de questionner la capacité des enfants à traiter les formes verbales et ce, en fonction de leur âge, de leur curriculum langagier et scolaire. Ce sera l’objet de la troisième partie.

Première partie : deux ou trois choses qui (re)questionnent la notion de verbe

Dans « Y a-t-il des verbes “pro-complémentaires” en français ? », Sofía MONCÓ TARACENA vise à réexaminer certaines locutions ← 14 | 15 → verbales avec pronoms clitiques du français à partir des principes et caractéristiques établis pour la sous-classe verbale dénommée procomplementare de l’italien (Pascual, 2009 ; Russi, 2011), afin de décider de l’existence en français de cette même sous-classe. Elle part de la prémisse que les verbes « pro-complémentaires » sont des unités lexicales formées par un (ou deux) clitiques désémantisés et un verbe base, comme s’y prendre, s’y connaitre, en vouloir, etc. La combinaison de ces deux éléments offre une interprétation sémantique particulière, et parfois inattendue, qui rend nécessaire de les intégrer comme une unité dans le lexique mental. De même qu’il y a un comportement syntaxique différent du verbe original.

Dans l’étude « Verbe + Substantif : quelques réflexions sur le statut des deux copropriétaires de la fonction prédicative », Marc TSIRLIN décrit le mécanisme langagier permettant au substantif, sans ou avec article ou déterminant : poser (un) problème ; prendre (le, son) parti ; etc., d’assumer avec le verbe la fonction prédicative. L’analyse montre que la question sur le statut actuel des deux constituants de la séquence étudiée est liée étroitement à la solution de l’énigme dénommée article zéro. Il s’avère que l’approche de signes implicites variés fondée sur les recherches de Frei (1950) et Godel (1953) contribue, entre autres, à voir plus clair dans les notions mêmes de substantif et de verbe.

Les grammaires, en continuant d’énumérer les verbes être, paraitre, sembler, devenir, demeurer, rester, etc. comme exemples de « verbes d’état » construits avec un attribut, masquent la complexité du fait grammatical, laissant croire que tous se comportent de la même manière. « Le verbe devenir est-il vraiment un verbe support ? » Wajih GUEHRIA interroge la simplicité apparente de la notion de verbe d’état. Or, devenir ne connait pas les mêmes possibilités ou impossibilités de sous-catégorisation que être, paraitre ou sembler, et il impose sur son attribut des restrictions de sélection ignorées des autres verbes. Maurice Gross avait innové dans cette tradition, en parlant à son propos de « verbe support », mais nous montrerons qu’en réalité devenir a une identité sémantique bien à lui, et que son comportement syntaxique et distributionnel en font un verbe « plein » comme les autres.

Résumé des informations

Pages
258
Année
2014
ISBN (PDF)
9783035263831
ISBN (ePUB)
9783035296662
ISBN (MOBI)
9783035296655
ISBN (Broché)
9782875741172
DOI
10.3726/978-3-0352-6383-1
Langue
français
Date de parution
2014 (Avril)
Mots clés
Grammaire Sociolinguistique Morphologie Syntaxe Enseignement
Published
Bruxelles, Bern, Berlin, Frankfurt am Main, New York, Oxford, Wien, 2014. 258 p., 36 graph., 22 tabl.

Notes biographiques

Marie-Noëlle Roubaud (Éditeur de volume) Jean-Pierre Sautot (Éditeur de volume)

Marie-Noëlle Roubaud et Jean-Pierre Sautot sont deux des membres de l’équipe Episteverb. Ils enseignent tous les deux en ESPE, respectivement à l’Université d’Aix-Marseille et à l’Université de Lyon.

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Titre: Le verbe en friche
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