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Stations en tension

de Vincent Vlès (Éditeur de volume) Christophe Bouneau (Éditeur de volume)
©2016 Collections 260 Pages

Résumé

Pour son projet, l’action touristique a besoin de connaître les éléments constitutifs, contributifs aux trajectoires des territoires afin d’accompagner, par des politiques publiques adaptées et en les infléchissant, les évolutions prévisibles. Un certain nombre de mutations relevées ici montrent le rôle majeur de l’innovation pour leur devenir.
Aujourd’hui, les stations touristiques connaissent des conditions de production très différentes dans leur processus de développement. Les tensions de cette dernière décennie ont fait apparaître un doute porté sur le processus de développement touristique engagé depuis deux siècles. Les changements actuels, dans un contexte économique, social et culturel chamboulé, montrent avant tout des stations en tension, leurs mutations semblent marquées par des phases d’accélération ou de ralentissement qui relèvent de trois domaines différents, traités dans cet ouvrage : les processus de territorialisation, l’adaptation au changement et le management des destinations.
L’ouvrage vise à qualifier les différents indicateurs des formes des trajectoires des stations et de leurs aires touristiques : la ressource, le capital, les capacités (sociales, de formation, économiques), la notoriété, la réputation (l’imaginaire et les symboles, les expériences et les vécus), la gouvernance, les politiques d’adaptation et de changement comme apprentissage de nouvelles formes d’action collective sont autant de facteurs que la recherche mobilise avec utilité. Ces indicateurs aident à construire la ressource touristique, permettent sa valorisation, ils servent d’outils pour mettre en œuvre des dynamiques d’innovation et aident à la définition du projet de station et de territoire touristique.

Table des matières

  • Couverture
  • Titre
  • Copyright
  • Sur l’auteur
  • À propos du livre
  • Pour référencer cet eBook
  • Sommaire
  • Introduction
  • Partie 1: Les Processus De Territorialisation
  • 1. La mobilisation des ressources territoriales dans les trajectoires des stations littorales françaises
  • 2. Le dédoublement résidentiel, descripteur des bifurcations des trajectoires des stations de montagne
  • 3. Divergences des trajectoires touristiques au prisme des dynamiques d’appropriation locales
  • Partie 2: L’adaptation Des Stations Au Changement
  • 4. L’adaptation au changement
  • 5. Trajectoires touristiques et innovation : la région de l’Arc lémanique face à la crise des années 1880 (1880-1914)
  • 6. Les stations thermales françaises entre tradition et innovation
  • 7. Gouvernance locale et trajectoires de développement touristique
  • 8. Quand la diversification des stations modernise le tissu organisationnel des territoires
  • Partie 3: Le Management Des Destinations
  • 9. Numérique et tourisme : changement de paradigme ou simple évolution dans le management de destination ?
  • 10. Mesurer la demande d’authenticité et l’imaginaire des touristes. Expérimentation dans le massif du Néouvielle
  • 11. Vers une nécessaire lecture territoriale de la vulnérabilité des stations de sports d’hiver
  • 12. La mémoire des stations balnéaires espagnoles
  • Synthèse et conclusion. Stations en tension : agenda de recherche
  • Table des figures, tableaux et illustrations
  • Bibliographie
  • Auteurs

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Introduction

Christophe BOUNEAU

Une périodisation classique de l’histoire contemporaine du tourisme, posée souvent comme postulat par des non-historiens qui semblent redécouvrir régulièrement l’intérêt ancillaire d’une perspective diachronique tranchée pour donner plus de poids à la formulation d’un nouveau paradigme qui rendrait caduque tous leurs prédécesseurs, consiste à poser que depuis la fin du XXe siècle se jouerait une grande « transition touristique », comme l’on a pu parler de transition démographique, puis démocratique et enfin énergétique, qui noircit aujourd’hui tous les agendas. Cette transition touristique, combinant de multiples ruptures d’ancrage, correspondrait au passage d’un système productiviste, fondé sur l’investissement et l’aménagement de lieux fonctionnant assez largement en isolat, à une organisation où la station ne serait plus qu’une des polarités du territoire et où l’activité touristique ne serait qu’une des activités, la mobilisation raisonnée de la ressource et l’immatériel offrant des leviers majeurs d’innovation.

C’est cette transition touristique sous de multiples tensions, véritable kaléidoscope par la diversité des perceptions des acteurs, que cet ouvrage se propose d’interroger1. Résolument interdisciplinaire, il essaie de renouveler les approches scientifiques du tourisme en examinant les facteurs de modélisation des trajectoires des stations et de leurs aires touristiques (villes-champignons, mutations des vocations, cycles d’aménagement, d’« industrialisation » et de « désindustrialisation » touristiques). Conformément à son titre, il se focalise sur les tensions liées aux logiques d’acteurs, aux enjeux économiques et sociaux et aux rapports entre fréquentation-développement et capacités de charge-protection des lieux convoités et disputés, particulièrement sur le littoral et en montagne (Vlès, 1996, 2011 et 2014). Dans cette perspective de recherche, et au-delà d’action, les transformations des modes d’ancrage ← 9 | 10 → des territoires touristiques dans leur berceau historique, le sud-ouest de l’Europe, jouent un rôle décisif.

Depuis la fin des années 1980, le secteur touristique semble effectivement entré dans une phase de changement global marqué par de multiples facteurs, tels que la concurrence accrue entre les destinations, les déficits chroniques d’exploitation d’équipements soumis aux cycles de l’obsolescence, les exigences croissantes de qualité esthétique et environnementale et le coût croissant de la gestion des risques et des incertitudes, par la diffusion des principes de précaution (Bronner, 2010 et 2013). Alors que l’homme prend de plus en plus conscience de l’impact de son activité sur l’équilibre planétaire (Bronner, 2014), l’idée d’une refonte du modèle de développement par l’activité touristique émerge progressivement, mais trop lentement pour de nombreuses parties prenantes. Les perspectives d’adaptation des stations et aires touristiques sont-elles le résultat plutôt d’un discours vertueux, d’ordre technocratique, c’est-à-dire classiquement « top-down », ou sont-elles plutôt le résultat de conflits entre des groupes de pression ? Les changements observés relèvent-ils d’un processus subi ou d’un processus choisi par les acteurs, dans des logiques d’appropriation toujours fragiles ? Se manifestent-ils dans le rapport qu’entretiennent les acteurs avec leur territoire et ses ressources (environnementales, patrimoniales, organisationnelles…) ? Sur quels types d’innovation reposent le succès ou l’échec de l’adaptation des stations et aires touristiques ?

Dans la quête d’une modélisation, et afin de dépasser les isolats touristiques et les expériences individuelles en construisant une approche comparative intégrée dans une réflexion générale, de portée théorique, trois questions qui paraissent prioritaires sont traitées ici :

l’utilité interdisciplinaire, globalement heuristique, et l’efficience économique des dynamiques d’innovation touristique, en tant que système toujours renouvelé, en transition permanente ;

le « jeu » des trajectoires des territoires touristiques, c’est-à-dire l’histoire de leur économie territoriale ;

enfin la pertinence du concept territorial d’aire touristique et donc sa plus-value pour la communauté des chercheurs en sciences humaines et sociales.

À la recherche des dynamiques d’innovation touristique : l’efficience d’un concept interdisciplinaire

Les mutations des systèmes d’acteurs et celles des pratiques touristiques seraient en train de modifier profondément les logiques territoriales de politiques touristiques dans lesquelles la station ne serait plus seulement concernée. Les flux de migrations d’agrément (« amenity ← 10 | 11 → migrations ») transforment les zones à forte valeur touristique, qu’il s’agisse du littoral, de la montagne ou des métropoles. Cet ouvrage vise à identifier des familles de trajectoires d’évolution des aires et stations touristiques sur des temporalités différentes, suffisamment longues et qui ne reproduisent pas simplement les cycles économiques généraux, en niant les spécificités de l’économie et du champ touristique, mais au contraire en proposant une lecture interdisciplinaire. Il s’agit en particulier d’enquêter sur les processus de décrochage, en examinant les adaptations des espaces productifs touristiques et en tentant ainsi d’y éclairer les mutations attendues par le jeu de nouvelles grappes d’innovation.

Dans le champ touristique, l’utilisation du concept de dynamiques d’innovation, au-delà de la divergence des approches théoriques de l’innovation qui peuvent aller jusqu’aux catégories extensives de l’économie créative et du marketing territorial2, n’empêche pas d’exercer une vigilance « technocritique » (Jarrige, 2014). Elle est autant, sinon plus nécessaire, que dans d’autres champs et chantiers considérés comme plus « classiques », en premier lieu les transports et l’énergie (transition énergétique).

En effet ces dynamiques d’innovation touristique n’ont a priori rien de spécifique dans le champ des sciences humaines et sociales de l’innovation, foncièrement interdisciplinaire, c’est-à-dire « adisciplinaire » pour reprendre l’expression de Lucien Sfez. Avec Yannick Lung, dans le cadre déjà des programmes transversaux de la MSHA (Bouneau et Lung, 2006 et 2014), ce chantier a été initié en combinant justement l’étude des logiques spatiales de l’innovation autour des questions théoriques de la proximité, de la construction des réseaux d’acteurs, des processus d’apprentissage, de construction de communautés d’usagers et celle des trajectoires d’innovation, en réexaminant les dynamiques des configurations d’innovation schumpétériennes revisitées par François Caron (Caron, 1997 et 2010) : innovation de produit, de procédé, organisationnelle, commerciale et socioculturelle. On ne s’est pas pour autant spécifiquement attachés au secteur du tourisme, même si le prisme de l’innovation apporte toujours des outils conceptuels et méthodologiques pertinents pour l’étude des dynamiques de l’économie touristique : grappe d’innovation, destruction créatrice ou création destructrice, small event, sentier de dépendance, verrouillage, incertitude et irréversibilité, bifurcations (Bouneau, 2007). Des travaux de jeunes historiens du tourisme ont pu questionner ces cinq catégories à l’aune des sources, dans toute leur diversité, leurs biais et leurs lacunes, y compris pour la période la plus contemporaine, l’histoire du temps présent : ← 11 | 12 → Bertrand Larique pour l’institutionnalisation de l’innovation touristique au début du XXe siècle (Larique, 2006), Mikael Noailles pour l’innovation littorale globale de la côte d’Argent (Noailles, 2012), Cédric Guillaume pour la stratégie d’innovation ludique d’Eurodisney (Guillaume, 2010) et aujourd’hui Steve Hagimont pour les Pyrénées centrales3. Mais ce sont certainement les historiens suisses, d’abord Laurent Tissot, puis Cédric Humair et tout récemment Marc Gigase qui ont le plus systématiquement travaillé le jeu du complexe d’innovations touristiques à l’échelle des aires valléennes et cantonales, mais aussi à l’échelle européenne (Humair et Tissot, 2011 ; Gigase, Humair et Tissot, 2014).

À la recherche des trajectoires des territoires touristiques : une économie du « jeu »

Le « jeu » des trajectoires des territoires touristiques ne peut se laisser enfermer

ni dans une approche évolutionniste, voire téléologique, d’une trajectoire de tourisme durable « post » moderne à la recherche frénétique d’une nouvelle catégorie idoine comme Lewis Carroll dans la chasse au Snark ;

ni dans une approche millénariste détectant avec délectation l’engloutissement du consommateur touristique du XXIe siècle dans la faillite des stations de sports d’hiver, le processus d’érosion affectant les stations littorales ou l’épuisement du modèle ludique du parc à thème ;

ni dans une approche purement cyclique, malgré son utilité pratique, au-delà des cycles de vie du produit de Vernon (Vernon, 1966) dans le commerce international et de Butler (Butler, 1980) dans l’économie du tourisme.

S’interroger dans les trois parties de l’ouvrage sur la « géodésie » des trajectoires touristiques renvoie fondamentalement à la quête de l’identité du champ touristique. Elle conduit à la question récurrente : quelle est la pertinence de l’économie touristique et de son système de co-construction offre/demande, noyés dans les logiques et les nouveaux paradigmes de l’économie résidentielle, de l’économie créative, de la mobilité et du temps des loisirs ? Le tourisme reviendrait-il alors dans les limbes du XIXe siècle et de sa genèse stendhalienne alors qu’il n’a conquis que péniblement sa majorité, sinon sa noblesse, dans la première moitié seulement du XXe siècle ? Le premier rapport du Conseil national économique sur le tourisme date seulement de 1935 (Chatriot, 2002), le reconnaissant enfin comme ← 12 | 13 → un secteur à part entière, porteur de vertus anticrise dans le cadre d’une politique anticrise globale : ce regard rétrospectif invite d’ailleurs à revisiter les nouvelles stratégies d’insertion ministérielle du tourisme, qui relève aujourd’hui en France des Affaires étrangères4.

Le défi pour les chercheurs en sciences humaines et sociales consiste alors « modestement » à repérer les facteurs discriminants dans les bifurcations qui orientent significativement, voire durablement, les trajectoires des stations et des aires touristiques :

l’accessibilité (Bouneau, 2014-2, et 2015), qui reste toujours prégnante à l’heure combinée de la mobilité et du numérique,

la gouvernance, par fertilisation croisée des initiatives des acteurs, en n’oubliant pas les logiques et les mobilisations croissantes de « la société civile organisée »,

Résumé des informations

Pages
260
Année
2016
ISBN (PDF)
9783035265927
ISBN (ePUB)
9783035297591
ISBN (MOBI)
9783035297584
ISBN (Broché)
9782875743183
DOI
10.3726/978-3-0352-6592-7
Langue
français
Date de parution
2016 (Janvier)
Mots clés
Stations touristics beach projects de station et ancrages territoriaux
Published
Bruxelles, Bern, Berlin, Frankfurt am Main, New York, Oxford, Wien, 2016. 260 p., 18 ill., 18 fig., 4 tabl.

Notes biographiques

Vincent Vlès (Éditeur de volume) Christophe Bouneau (Éditeur de volume)

Actuellement Professeur d’aménagement et d’urbanisme à l’Institut Supérieur du Tourisme, de l’Hôtellerie et de l’Alimentation (Université Toulouse-Jean Jaurès), Vincent Vlès conduit, au sein du CERTOP (UMR CNRS/Université de Toulouse) des recherches sur les mutations et la transition écologique dans les destinations touristiques de montagne et du littoral en Europe. Christophe Bouneau est Professeur d’histoire économique à l’Université Bordeaux Montaigne. Ses recherches portent sur l’histoire de l‘innovation, des réseaux techniques et du tourisme en Europe occidentale.

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Titre: Stations en tension
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