Chargement...

Jacques Chevalier (1882–1962) et la philosophie française

de Jean-François Petit (Auteur)
©2015 Monographies 256 Pages

Résumé

Brillant agrégé de philosophie à 21 ans, Jacques Chevalier a contribué, plus que tout autre, au rayonnement de la pensée française dans l’entre-deux guerres. Bon connaisseur de Platon et Aristote, disciple de Bergson, il va parcourir toute l’Europe pour faire connaitre Maine de Biran, Pascal et Descartes, tout en s’intéressant de près à la mystique.
Son travail sans précédent d’historien de la philosophie reste encore à découvrir, moins pour son engagement politique discutable que la profondeur de son travail d’historien de la philosophie.

Table des matières

  • Couverture
  • Titre
  • Copyright
  • À propos de l’auteur
  • À propos du livre
  • Pour référencer cet eBook
  • Table des matières
  • Introduction. Un intellectuel égaré en politique?
  • Une double fidélité. Aux sources d’une relation entre philosophie et théologie
  • Chapitre Un. Le disciple catholique de Bergson
  • I. Bergson, un modèle de recherche
  • II. Un recentrement constant sur l’intuition essentielle de Bergson
  • III. Un exemple de clarté pédagogique
  • IV. L’attention spécifique à l’itinéraire spirituel de Bergson
  • Conclusion
  • Chapitre Deux. Jacques Chevalier et le Père Pouget : la fidélité de toute une vie
  • I. La question du surnaturel dans les écrits du Pere Pouget
  • II. La relation entre philosophie et théologie
  • III. L’originalité du fait chrétien
  • Le champ de recherche initial
  • Philosophie et théologie dans le geste initial d’un philosophe
  • Chapitre Trois. Une thèse ambitieuse mais contrariée
  • I. Une méthode de recherche novatrice et polémique
  • II. L’insertion dans le théologico-politique
  • Chapitre Quatre. La thèse de compromis : la notion du nécessaire chez Aristote et chez ses prédécesseurs, particulièrement chez Platon
  • I. L’opposition à l’interprétation allemande d’Aristote
  • II. Les grandes articulations de la thèse de Chevalier
  • A. Les prédécesseurs de Platon et d’Aristote
  • B. Le regard sur la philosophie de Platon
  • C. L’apport aristotélicien
  • III. Des conclusions engagées
  • IV. Un point de comparaison ultérieur : Aristote dans l’histoire de la pensée
  • Conclusions de la deuxième partie
  • Un travail sans équivalent d’historien de la philosophie
  • Philosophie et théologie en histoire de la philosophie
  • Chapitre Cinq. L’interprétation magistrale de Descartes
  • I. L’approche de Chevalier dans le spectre des études cartésiennes
  • II. Une optique ouvertement nationaliste
  • III. L’importance de l’itinéraire biographique de Descartes
  • IV. L’enjeu de la méthode.
  • Quel bilan faire de cette présentation de la méthode cartésienne ?
  • V. Aux fondements de la méthode
  • VI. Les preuves de l’existence de Dieu
  • VII. L’attrait mesuré de Chevalier pour la philosophie de Descartes
  • Conclusion
  • Chapitre Six. Jacques Chevalier. Un pascalien dans l’âme
  • I. Une approche originale
  • II. Le portrait d’un « génie français »
  • III. Un génie souvent défiguré
  • IV. Un modèle d’équilibre en son temps
  • V. Une posture différente de celle de Descartes
  • VI. Une véritable méthode d’immanence
  • VII. Un anthropologue hors pair
  • VIII. Un philosophe attentif au mystère chrétien
  • IX. Au service des combats de Chevalier
  • Conclusion
  • Chapitre Sept. Chevalier admirateur et disciple de Maine de Biran
  • I. L’esquisse biographique
  • II. La lecture du journal intime
  • A. L’état des lieux de la philosophie au temps de Maine de Biran
  • B. La recherche d’un autre point de départ
  • C. Les résultats : psychologie ou métaphysique ?
  • Conclusion : l’éloge mesuré de la philosophie
  • III. Éclairages complémentaires
  • A. La direction de thèse de Genevieve Barbillon
  • B. La reprise dans l’histoire de la pensée
  • Pour une mise en perspective contemporaine
  • L’orientation métaphysique
  • La métaphysique, un chemin entre philosophie et théologie?
  • Chapitre Huit. La voie ouverte par la mystique espagnole
  • I. Chevalier et la question mystique
  • A. Le réalisme spirituel des mystiques espagnols
  • B. Sainte Thérèse d’Avila et la vie mystique
  • II. Les travaux de Chevalier dans le spectre des études sur la mystique
  • A. Les leçons immédiates : Bergson plutot que Maritain
  • B. Les leçons à plus long terme : entre philosophie et théologie
  • Chapitre Neuf. La quête du réel intégral
  • I. L’approche métaphysique de Chevalier
  • A. La connaissance de l’individuel : la science et le réel
  • B. La réalité de l’individuel : le continu et le discontinu
  • C. La valeur de l’individuel : le concept et l’idée
  • D. Le fondement de l’individuel. Idéalisme et réalisme : les idées de l’homme et les idées de Dieu
  • II. L’analyse de la métaphysique de Chevalier
  • A. Comment qualifier cette métaphysique ?
  • B. Sa spécificité dans le renouveau de la métaphysique des années 1930
  • C. La valeur permanente de la métaphysique de Chevalier
  • Chapitre Dix. Les fondements métaphysiques de la morale
  • I. La morale, réponse à la crise universelle
  • A. Les ambitions énoncées dans l’introduction
  • B. Le refus de « l’absolutisme humain »
  • C. La bataille de la métaphysique contre la sociologie
  • D. Contre l’individualisme régnant
  • E. La formation de la personnalité, une tache éminemment morale
  • F. Quel progrès humain ?
  • G. Le problème de la mort et de la survie de l’âme
  • H. Le problème de « l’ultime question » des fondements de la morale
  • II. Quelques réflexions sur la morale de Chevalier
  • A. Sur la forme : la valeur d’une stratégie argumentative
  • B. Sur le fond : un antidurkheim strict
  • Conclusion
  • Conclusions de la quatrième partie. Métaphysique, mystique et morale
  • Conclusion générale
  • Bibliographie

← 10 | 11 → Introduction

Un intellectuel égaré en politique ?

Non sans raison, Jacques Chevalier fait partie de ces « philosophes oubliés » de l’entre-deux-guerres. À part quelques rares études, les spécialistes ont, pour la plupart, délaissé cette période pourtant indispensable pour comprendre l’évolution de la philosophie française1.

Agrégé à 21 ans, professeur en 1920 puis doyen de la faculté de lettres de Grenoble en 1931, le philosophe contribua largement à la « gloire de Bergson » (F. Azouvi) par ses livres et ses conférences à travers toute l’Europe. Qu’on en juge : en 1921, 1929, 1938 à Louvain ; en 1930 à Liège, Fribourg, Berne, Genève et en Suède (Lund, Upsalla, Göteborg et Stockholm) ; en 1936 à Lausanne ; de 1931 à 1938 à Naples et Florence ; en 1934 et 1935 à Prague ; en 1936 à Iéna, Rotterdam et La Haye ; en 1937 en Tunisie, à Poznam et Cracovie ; en 1939 à Sofia, Cracovie et Poznan, en Espagne, notamment à l’université de Salamanque, et au Portugal sur son thème de prédilection, la mystique.

Il existe une seconde raison de relire Chevalier aujourd’hui : ce bergsonien fut aussi l’un des meilleurs connaisseurs de la question mystique, à une époque où celle-ci était le lieu de convergence entre l’université laïque et les milieux catholiques2. À cette période, Jean Baruzi et Jacques Maritain s’opposent durement sur l’interprétation de Jean de La Croix3. Le premier, auteur d’un projet d’enseignement de l’histoire des religions, défend une explication naturelle de l’expérience mystique du saint espagnol, alors que le second ne croit pas que l’on puisse le comprendre en dehors de la foi. Encore aujourd’hui, la mystique interroge autant philosophes que théologiens. Comme le note Philippe Capelle-Dumont, les raisons de cet intérêt sont variées : recueil des recherches menées depuis plus d’un demi-siècle sur le sujet ; demande d’une médiation philosophique pour opérer un « redressement spéculatif » des discours des nouveaux mouvements religieux ; investigation fondamentale pour comprendre le fonctionnement des sociétés, notamment théologico-politique ; ← 11 | 12 → éclairage souhaité de problèmes particuliers, par exemple « mystique et mystification », « mystique et guerre »4. Que l’on se situe dans une perspective post-hégelienne, qu’on la juge supérieure à la philosophie, qu’on lui restitue sa cohérence propre, la mystique reste au centre des débats5. Or, notamment par ses études sur le réalisme spirituel des mystiques espagnols, Chevalier reste une référence (cf. ch. 8).

On comprend donc peu des philosophes comme Jacques Chevalier si l’on ne replace pas son œuvre dans les débats philosophiques et théologiques de l’entre-deux-guerres, en particulier sur la possibilité d’une philosophie chrétienne. On le sait, celui-ci fut initié par Émile Bréhier en 19286. Cette discussion, étalée en réalité sur plusieurs années, fit intervenir différents protagonistes : rationalistes, néoscolastiques, thomistes, augustiniens, protestants, etc. Les questions soulevées furent nombreuses : y a-t-il une philosophie chrétienne ? À quelles conditions le christianisme est en mesure de renouveler la philosophie ? La Révélation chrétienne est-elle génératrice de raison7 ?

Sans être un intervenant direct dans ce débat, Jacques Chevalier croit que la philosophie a besoin de la garantie de Dieu qu’une orientation de la métaphysique impose. Chevalier quitte donc les rivages d’une philosophie libre, autonome mais subalternée, comme pouvait le penser Maritain, pour faire droit, dans ses travaux, à la façon originale dont l’inspiration judéo-chrétienne croise la philosophie grecque. Vrai platonicien, il veut renouveler la recherche par la constitution d’une « science de l’individuel » que son jury de thèse comprend d’ailleurs fort mal (cf. ch. 3) en le contraignant à repasser une autre thèse, moins ambitieuse mais néanmoins déterminante pour son parcours, sur la notion de nécessaire chez Aristote (cf. ch. 4).

De fait, Chevalier aura été un excellent connaisseur de la tradition philosophique française d’un point de vue chrétien, en particulier Descartes (ch. 5) et Pascal (ch. 6) mais aussi de Maine de Biran (ch. 7), ce que l’on ← 12 | 13 → retrouve aussi dans l’un de ses ouvrages les plus connus, sa monumentale Histoire de la pensée, en quatre volumes8. Par ailleurs, ses Leçons de philosophie, d’abord polycopiées, auront aussi un grand succès auprès de générations de lycéens9.

Jacques Chevalier fut donc loin d’être un auteur mineur. Il aurait pu rester excellent professeur, bon connaisseur de la tradition anglaise, puisqu’il avait bénéficié d’une bourse d’études de la fondation Thiers à l’université d’Oxford. Il aurait pu aussi demeurer correspondant de l’Académie des sciences morales et politiques, et à ce titre un « ambassadeur de la pensée française » à travers toute l’Europe.

Mais comme d’autres, son zèle réformateur se transforma en vocation politique. En 1937, Franco le charge de réorganiser l’enseignement espagnol, au grand étonnement de son ministre de tutelle, Jean Zay, l’un des piliers du Front populaire, non consulté sur le sujet. Ne goûtant guère une laïcité érigée en véritable dogme, devenu secrétaire général à l’Instruction publique en 1940, il incite son ministre Georges Ripert à rétablir l’enseignement des devoirs envers Dieu à l’école primaire, convaincu d’interpréter authentiquement la véritable tradition de l’école publique française. Cette décision suscite l’incompréhension de bien des catholiques, notamment des Pères de Montcheuil et Ganne10. Mais Chevalier n’est pas que l’auteur d’une politique intransigeante. Il se fait représenter aux obsèques de son maître Bergson, ce qui déchaîne la presse collaborationniste contre lui. Auparavant, il tient tête aux autorités allemandes en refusant un numerus clausus pour les enfants juifs dans les collèges et lycées et, en décembre 1940, il refuse de livrer le personnel enseignant juif d’Alsace-Lorraine.

Il est certain que l’anglophilie et l’antigermanisme de Chevalier n’auront pas été pour rien dans sa nomination par le maréchal Pétain, ce qui ne lui empêche pas de devoir affronter les premiers tribunaux de l’épuration à la Libération. Il aura sans doute été, pour reprendre une formule de Raymond Aron, « un intellectuel égaré en politique »11.

C’est donc d’abord sa compréhension du rapport entre philosophie et théologie qui nous intéresse aujourd’hui. De son vivant, Chevalier ← 13 | 14 → suscitait déjà l’interrogation : était-il un avant tout un philosophe catholique ? À quel titre pouvait-il le ranger dans la tradition spiritualiste française ?

Témoin de cet embarras involontaire, le directeur des Cahiers de la Nouvelle Journée, Paul Archambault, avait écrit en 1929 :

L’initiative dominante d’un Chevalier est la collaboration des diverses familles spirituelles qu’hospitalise notre civilisation française et chrétienne… À voir les choses de haut, Descartes, Pascal, Malebranche, Maine de Biran, Bergson sont les représentants d’une intuition unique différente, seulement par les langages où elle s’exprime et des techniques qu’elle met en œuvre. De même pour la pensée chrétienne, un saint Thomas d’Aquin, une sainte Thérèse, un Pascal, un Newman, un Blondel. Jacques Chevalier, qui se plaît évidemment à ces conciliations et réconciliations, n’a-t-il jamais abusé de la complaisance et des formules ? N’est-il pas guetté par un éclectisme un peu facile ? Il y a là pour lui, à tout le moins un danger contre lequel il permettra à ses amis de le mettre en garde12.

Si cette histoire d’un spiritualisme français reste encore à écrire, il n’est pas trop tard pour restituer la teneur de sa philosophie, marquée par un fort coefficient théologique. Un précédent travail consacré à Emmanuel Mounier poussait à ne pas laisser dans l’ombre celui qui fut son premier initiateur en philosophie13. D’ailleurs, on peut se demander si, sans le premier, le second ne serait pas totalement passé sous silence aujourd’hui. Fidèle à la méthode de Chevalier, on tentera ici de l’éclairer par un faisceau d’études convergentes qui, tout en respectant l’auteur lui-même, chercheront à montrer le mouvement de sa pensée.

__________

1 Cf. J.-L. VIEILLARD-BARON, « Jacques Chevalier, un philosophe catholique entre les deux guerres », Transversalités, 124, 2012, p. 95-108.

2 Cf. E. POULAT, L’Université devant la mystique, Salvator, 1999.

3 J. BARUZI, Saint Jean de la Croix et le problème de l’expérience mystique, Alcan, 3e éd. ; Salvator, 1999 ; J. MARITAIN, Les degrés du savoir, DDB, 4e éd., 1946, p. 17s.

4 P. CAPELLE-DUMONT, « Approches philosophiques de la mystique » [intervention au séminaire « mystique et politique » de la faculté de philosophie de l’Institut Catholique de Paris, 19 mars 2013].

5 Cf. D. DE COURCELLES, Les enjeux philosophiques de la mystique, Jérome Millon, 2007 ; P. CAPELLE-DUMONT (ed.), Expérience philosophique et expérience mystique, Cerf, 2005.

6 Cf. J.-F. PETIT, « Émile Bréhier, l’instigateur du débat sur la philosophie chrétienne des années 1930 », dans : P. CAPELLE-DUMONT (ed.), Philosophie et théologie à l’époque contemporaine, Anthologie, t. 4, volume dirigé par J. Greisch et G. Hébert, Cerf, 2011, p. 173-180.

7 Cf. A. HENRY, « La querelle de la philosophie chrétienne. Histoire et bilan d’un débat », Recherche et débat du CCIF, 10, mars 1955, p. 35-68.

8 Cf. J. CHEVALIER, Histoire de la pensée, 4 vols., Flammarion, 1955-1966.

9 Cf. J. CHEVALIER, Leçons de philosophie, Arthaud, 1946.

10 Y. DE MONTCHEUIL, « Dieu et la vie morale », Construire, 1941 ; P. GANNE, « Dieu à l’école », Esprit, février 1941, p. 394-407. Sur la question : P. GIOLLITO, Histoire de la jeunesse sous Vichy, Perrin, 1991, p. 161-168.

11 Cité dans L. PLANTE, Au 110 rue de Grenelle, souvenirs, aspects du ministère de l’Instruction publique, Paris, 1947.

12 P. ARCHAMBAULT, « La vivante philosophie d’un vivant : Jacques Chevalier », Le correspondant, 10-01-1929.

13 Cf. J.-F. PETIT, Philosophie et théologie dans la formation du personnalisme d’Emmanuel Mounier, Cerf, 2006.

← 14 | 15 → Une double fidélité

Aux sources d’une relation entre philosophie et théologie

Vouloir comprendre le sens de l’œuvre de Jacques Chevalier suppose d’en restituer les filiations. En effet, aucune philosophie ne constitue un point de commencement absolu, a fortiori pour un auteur comme Jacques Chevalier désireux à s’inscrire dans la tradition française. De tempérament comme de formation, le philosophe était sensible à l’influence de grands « maîtres ». Il l’explique volontiers dans Cadences : l’obéissance aux traditions est le plus sur moyens d’éviter la dispersion, d’assurer la beauté, l’harmonie1. Il va même plus loin en proposant une audacieuse réflexion sur l’antinomie apparente entre la philosophie et la discipline militaire. Rien ne semble plus opposer les deux domaines : la pensée suppose la liberté, l’armée l’obéissance et la soumission2. Est-ce à dire que les rapports entre philosophie et théologie doivent être conçus de façon homologique, la première, servante de la seconde ?

Chevalier n’était nullement attiré par une soumission sans réserve de la philosophie vis-à-vis de la théologie. L’indépendance de la première avait été si chèrement conquise que Chevalier ne rêvait pas d’un retour à un ordre médiéval comme Maritain. Même s’il avait des préventions contre les débordements issus de la Renaissance, il ne croyait pas en la possibilité d’une reconstitution organique de la société selon l’idéal du Moyen Âge. On en veut notamment pour attestation les trois leçons prononcées à Trinity Collège en 1926, là même où William James avait fait part auparavant de sa conception pluraliste – et originale pour l’époque – de l’univers3.

La première conférence expose comment l’idée de création a renouvelé entièrement la pensée chrétienne et en particulier, dans la synthèse thomiste, les perspectives de la philosophie aristotélicienne en montrant que le contingent n’est pas irrationnel mais s’explique dès que l’on possède l’idée de création. La seconde conférence, consacrée à Pascal, montre ← 15 | 16 → que l’homme n’est pas seul dans l’état de créature et qu’il aspire à autre chose que lui-même : sa « méthode d’immanence » qui va du dedans au dehors est proche de celle que développera par la suite Blondel, nommément cité4. C’est donc à une doctrine de la transcendance que la méthode d’immanence doit selon Chevalier être rapportée. L’homme, à travers le temps, s’achemine vers l’éternité, tel est en substance le propos de la 3e leçon, consacrée à la notion de développement chez Newman.

Du point de vue de l’analyse, ces trois conférences sont déterminantes : elles peuvent être vues comme une tentative originale pour joindre les deux ordres distincts de la philosophie et de la théologie. Proche de Blondel, Chevalier aurait pu déclarer comme lui qu’il « n’y a de philosophie que là où une initiative spontanée de l’esprit humain pose ou accueille des problèmes sur lesquels la raison a prise et qu’elle peut étudier avec une indépendance respectueuse »5.

C’est cependant différemment de Blondel que Chevalier se sera mis en quête d’une philosophie intégrale. Il reconnaît avec lui les exigences de la pensée contemporaine mais en ayant une conception plus intransigeante du christianisme. Cette tension s’exprime dans une circulation entre la pensée de ses deux « maîtres », Bergson et le Père Pouget, le premier étant le représentant par excellence des dernières avancées philosophiques, le second d’un attachement indéfectible à la foi.

Résumé des informations

Pages
256
Année
2015
ISBN (PDF)
9783035265309
ISBN (ePUB)
9783035298673
ISBN (MOBI)
9783035298666
ISBN (Broché)
9782875742582
DOI
10.3726/978-3-0352-6530-9
Langue
français
Date de parution
2015 (Mai)
Mots clés
Platon, Aristoe descartes historen de la philosophie
Published
Bruxelles, Bern, Berlin, Frankfurt am Main, New York, Oxford, Wien, 2015. 256 p.

Notes biographiques

Jean-François Petit (Auteur)

Jean-François Petit est maitre de conférences habilité en philosophie à l’Institut Catholique de Paris et ancien rédacteur en chef de la « Documentation catholique ». Ses recherches actuelles portent notamment sur l’histoire de la philosophie française au XXe siècle. Il est l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages.

Précédent

Titre: Jacques Chevalier (1882–1962) et la philosophie française
book preview page numper 1
book preview page numper 2
book preview page numper 3
book preview page numper 4
book preview page numper 5
book preview page numper 6
book preview page numper 7
book preview page numper 8
book preview page numper 9
book preview page numper 10
book preview page numper 11
book preview page numper 12
book preview page numper 13
book preview page numper 14
book preview page numper 15
book preview page numper 16
book preview page numper 17
book preview page numper 18
book preview page numper 19
book preview page numper 20
book preview page numper 21
book preview page numper 22
book preview page numper 23
book preview page numper 24
book preview page numper 25
book preview page numper 26
book preview page numper 27
book preview page numper 28
book preview page numper 29
book preview page numper 30
book preview page numper 31
book preview page numper 32
book preview page numper 33
book preview page numper 34
book preview page numper 35
book preview page numper 36
book preview page numper 37
book preview page numper 38
book preview page numper 39
book preview page numper 40
260 pages