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Les co-prédicats adjectivants

Propriétés et fonction des adjectifs et des participes adjoints

de Eva Havu (Auteur) Michel Pierrard (Auteur)
©2014 Collections 254 Pages
Série: GRAMM-R, Volume 26

Résumé

La fonction adjointe des adjectifs et des participes a été moins méthodiquement explorée que les fonctions « canoniques » d’épithète ou d’attribut. De nombreux travaux ont certes abordé des aspects particuliers de leur fonctionnement (épithète détachée, attribut de l’objet, apposition), mais ces formes adjectivantes adjointes sont rarement appréhendées dans leur unité et insuffisamment caractérisées du point de vue de leur nature et de leur fonction. La présente étude vise à analyser plus systématiquement la nature et la fonction de ces formes adjectivantes, ainsi que la fonction co-prédicative qu’elles remplissent dans l’énoncé. L’analyse du fonctionnement interne des tours sélectionnés et de leur rapport avec la prédication régissante permettra d’identifier les propriétés qui justifient leur regroupement sous une étiquette commune, celle de « co-prédicat adjectivant ». Cet ouvrage a aussi l’ambition de contribuer à la réflexion sur une série de concepts et de questions théoriques impliqués dans l’interprétation des co-prédicats adjectivants tout en nous amenant à explorer les confins de la syntaxe propositionnelle et de discuter d’un domaine spécifique à la frontière entre la micro- et la macro-syntaxe.

Table des matières

  • Couverture
  • Titre
  • Copyright
  • Sur l’auteur/l’éditeur
  • À propos du livre
  • Pour référencer cet eBook
  • Table des matières
  • Introduction
  • CHAPITRE 1. Les formes adjectivantes adjointes
  • 1. L’adjectif : propriétés typologiques et expressions particulières
  • 1.1. FAdj et modification de propriétés
  • 1.2. Modes de réalisation de la modification
  • 2. FAdj : emplois épithète et adjoint
  • 2.1. Spécificités des deux emplois
  • 2.1.1.
  • 2.1.2.
  • 2.1.3.
  • 2.2. Modes de modification différents de N
  • 3. FAdj : emplois attributif et adjoint
  • 3.1. Spécificités des deux emplois
  • 3.1.1. Effacement de la copule
  • 3.1.1.1.
  • 3.1.1.2.
  • 3.1.1.3.
  • 3.1.1.4.
  • 3.1.2. Explicitation de la relation d’association
  • 3.2. Différences dans l’ancrage nominal
  • 4. FAdj : emplois adverbial et adjoint
  • 4.1. De l’adnominal à l’adverbal
  • 4.2. Participes présents et converbes
  • 5. Caractéristiques et emplois des formes adjectivantes
  • 5.1. Caractéristiques des FAdj adjointes
  • 5.3. Variation dans l’interprétation des FAdj adjointes
  • CHAPITRE 2. Formes adjectivantes et co-prédication
  • 1. FAdj et circonstants
  • 2. FAdj et appositions
  • 2.1. Le caractère adnominal
  • 2.2. La relation attributive
  • 2.3. La subordination sémantique
  • 3. FAdj et prédication seconde
  • 3.1. La prédication seconde : définition et extension
  • Propriété 1 (P1) : le lien prédicatif
  • Propriété 2 (P2) : le rapport de dépendance
  • Propriété 3 (P3) : le caractère accessoire
  • Série A. prédications associées à l’énoncé
  • Série B. prédications associées à un groupe nominal
  • Série C. prédications associées à certaines fonctions syntaxo-sémantiques
  • 3.2. Hétérogénéité du champ de PRED2
  • 3.2.1. Propriété 1 : le lien prédicatif
  • 3.2.2. Propriété 2 : le rapport de dépendance
  • 3.2.3. Propriété 3 : le caractère accessoire
  • 3.2.4. De la prédication seconde à la co-prédication
  • Propriétés 1 : lien prédicatif
  • Propriétés 2 : rapport de dépendance
  • Propriétés 3 : caractère accessoire
  • 3.2.5. Caractéristiques de la co-prédication
  • 4. Co-prédication et connexion de propositions
  • 4.1. Co-prédication et small clauses
  • 4.2. Co-prédication et dépendance entre propositions
  • 4.2.1. Une prédication coordonnée
  • 4.2.2. Une prédication syntaxiquement subordonnée
  • 4.2.3. Une prédication sémantiquement subordonnée
  • 4.3. Co-prédications et dépropositionnalisation
  • 4.3.1. Démarcation de la co-prédication
  • 4.3.2. Déploiement du prédicat second
  • 4.3.3. Autonomie fonctionnelle du support de PRÉD2
  • 4.3.4. Autonomie sémantique des deux prédicats
  • 4.3.5. Conclusions
  • 5. La co-prédication adjectivante
  • 5.1. Deux dimensions de la complexité syntaxique
  • 5.2. Fonction micro ou macrosyntaxique
  • CHAPITRE 3. Cohésion intraprédicative
  • 1. Complexité condensatrice : le trait [+/-réduction]
  • 2. Propriétés des prédicats adjectivants
  • 2.1. Emplois adjectivaux des participes
  • 2.1.1.
  • 2.1.2.
  • 2.2. Degré de réduction du co-prédicat adjectivant
  • 2.2.1. Prédicat non fini vs prédicat réduit
  • 2.2.2. Prédicat réduit non attributif vs attributif
  • 2.2.3. PPé « patient-prédicat » vs « agent-prédicat »
  • 2.3. Valeurs processuelles des FAdj
  • 2.3.1. Le noyau du co-prédicat est un A ou une forme assimilée à un A (adjectif verbal de type PPé ou PPant)
  • 2.3.2. Le noyau du co-prédicat est un participe passé
  • 2.3.3. Le noyau du co-prédicat est un participe présent
  • 2.4. Degré d’expansion du prédicat
  • 2.4.1. Élaboration du prédicat
  • 2.4.2. Structure argumentale du prédicat
  • 2.5. Conclusions
  • 3. Le marquage du lien co-prédicatif
  • 3.1. L’accord morphologique avec le N contrôleur
  • 3.2. La position du co-prédicat
  • 3.3. La non-transparence du N contrôleur
  • 3.4. L’introduction d’un marqueur de hiérarchie
  • 3.5. Occultation de l’accord morphologique
  • 3.6. Conclusions
  • 4. Cohésion intraprédicative dans les divers tours
  • 4.1. Saillance du lien support - prédicat
  • 4.1.1.
  • 4.1.2.
  • 4.1.3.
  • 4.2. Propriétés du co-prédicat
  • 4.2.1.
  • 4.2.2.
  • 4.2.3.
  • 5. Observations conclusives
  • 5.1.
  • 5.2.
  • CHAPITRE 4. Cohésion interprédicative
  • 1. Mode de connexion entre prédications
  • 1.1. Lien asyndétique entre prédications
  • 1.2. Rôle du N support
  • 1.2.1. Connexion indirecte
  • 1.2.2. Connexion coréférentielle
  • 1.2.3. Connexion par un argument commun, fonctionnellement identifié
  • 1.3. Types de rapports sémantiques instaurés
  • 2. Mode de réalisation de la prédication composée
  • 2.1. Ancrage et portée
  • 2.2. Portée étendue à la prédication régissante
  • 2.2.1. La portée de la négation étendue à CoP-Adj
  • 2.2.2. CoP-Adj porte sur PRED1
  • 2.3. Portée étendue au prédicat régissant
  • 2.3.1. La FAdj influe sur la syntaxe du prédicat régissant
  • a. Le caractère adverbial de la construction CoP2a
  • b. Le comportement similaire de CoP2b
  • c. L’attraction directe ou indirecte
  • 2.3.2. La FAdj oriente le sémantisme du prédicat régissant
  • a. Prédicat régissant réduit à un verbe d’opinion/de communication
  • b. Prédicat régissant réduit à un verbe factif
  • c. Tendance au figement du prédicat régissant
  • 2.4. Conclusions 
  • 3. Cohésion interprédicative dans les diverses constructions
  • 3.1. Sous-spécification du rapport interprédicatif
  • 3.1.1. Modalités de la connexion nominale
  • 3.1.2. L’opacité du rapport sémantique entre les prédications
  • 3.2. Mode de réalisation de la prédication composée
  • 3.2.1. Extension de la portée de la négation
  • 3.2.2. CoP-Adj porte sur PRED1
  • 3.2.3. FAdj porte sur le prédicat régissant
  • 3.3. Conclusions 
  • 4. Cohésion intra- ou interprédicative des constructions CoP-Adj
  • CHAPITRE 5. L’interprétation discursive des co-prédicats adjectivants non contraints
  • 1. Détachement et position du co-prédicat
  • 1.1. Détachement et CoP-Adj
  • 1.1.1.
  • 1.1.2.
  • 1.2. Le détachement, un indice fonctionnel
  • 1.3. Importance de la position du co-prédicat
  • 1.3.1. Positionnement par rapport au support N
  • 1.3.2. Positionnement par rapport au prédicat régissant
  • 1.3.3. Position polaire d’ouverture
  • 1.3.4. Position polaire de clôture
  • 2. Modes de combinaison d’événements
  • 2.1. Nombre d’événements et types de rapports
  • 2.1.1. Le nombre d’événements évoqués par les prédications (cf. Halmøy 1982, 2003 ; König 1995)
  • 2.1.2. Le type de rapport instauré entre les événements décrits
  • 2.2. La forme du co-prédicat
  • 2.2.1. Prédicats non fnis
  • 2.2.2. Prédicats réduits attributifs
  • 2.2.3. Prédicats réduits non attributifs
  • 3. Apport co-prédicatif en visée multidimensionnelle
  • 3.1. Position frontale et visée multidimensionnelle
  • 3.1.1.
  • 3.1.2.
  • 3.2. Position finale et visée multidimensionnelle
  • 3.2.1.
  • 3.2.2.
  • 4. Co-prédicat et concomitance d’événements
  • 4.1. Position frontale et concomitance
  • 4.1.1.
  • 4.1.2.
  • 4.2. Position finale et concomitance
  • 4.2.1.
  • 4.2.2.
  • 5. Co-prédicat et séquençage d’événements
  • 5.1. Position frontale et séquençage
  • 5.1.1.
  • 5.1.2.
  • 5.2. Position finale et séquençage
  • 5.2.1.
  • 5.2.2.
  • 6. Conclusions
  • CHAPITRE 6. Co-prédicats adjectivants non contraints et structuration de l’information
  • 1. Co-prédicats et progression discursive
  • 1.1. Position initiale
  • 1.1.1.
  • 1.1.2.
  • 1.2. Position fnale
  • 1.2.1.
  • 1.2.2.
  • 2. Deux plans de structuration de l’information
  • 2.1. Thème, rhème et position dans l’énoncé
  • 2.2. Topique, commentaire et progression discursive
  • 3. Position initiale et progression discursive
  • 3.1. Continuité discursive et événement unique
  • 3.1.1. Cadrage particularisant
  • 3.1.2. Cadrage interprétatif
  • 3.2. Continuité discursive et événements simultanés
  • 3.2.1. Cadrage spécifant
  • 3.2.2. Cadrage argumentatif
  • 3.3. Continuité discursive et événements séquencés
  • 3.3.1. Cadrage temporel
  • 3.3.2. Cadrage argumentatif
  • 3.4. Bilan
  • 4. Position fnale et progression discursive
  • 4.1. Développement discursif et événement unique
  • 4.1.1. Apport particularisant
  • 4.1.2. Apport interprétatif
  • 4.2. Développement discursif et événements simultanés
  • 4.2.1. Apport spécifant
  • 4.2.2. Apport argumentatif
  • 4.3. Développement discursif et événements séquencés
  • 4.3.1. Addition narrative
  • 4.3.2. Addition argumentative
  • 4.4. Bilan
  • 5. Conclusions
  • Conclusion
  • 1. Propriétés catégorielles des FAdj
  • 2. Rôle fonctionnel des FAdj
  • 2.1. Co-prédication et coordination/ subordination
  • 2.2. Co-prédication et fonction micro ou macro-syntaxique
  • 3. CoP-Adj. et élaboration ou condensation de l’énoncé
  • 3.1.
  • 3.2.
  • 3.3.
  • 4. L’in)terprétation des co-prédicats non contraints
  • 4.1. Le détachement et la position polaire
  • 4.2. Les modes de combinaison d’événements
  • 4.3. Contribution du co-prédicat à la structuration de l’information
  • Bibliographie
  • Corpus
  • a. Romans (319 exemples)
  • b. Journaux (452 exemples)
  • c. Corpus oral (282 exemples)
  • GRAMM-R
  • Études de linguistique française
  • Comité scientifque
  • Ouvrages parus

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Introduction

Alors que les études portant sur les classes syntaxiques du nom ou du verbe prolifèrent, le domaine de la troisième des parties du discours traditionnelles majeures, l’adjectif, a été moins méthodiquement exploré. Cela est particulièrement vrai lorsqu’on porte son regard au-delà des fonctions adjectivales « canoniques » d’épithète ou d’attribut. D’autres types d’emplois ont certes été identifiés de manière plus disparate : l’adjectif se retrouve en fonction d’épithète détachée, d’attribut de l’objet, d’attribut du sujet auprès de verbes intransitifs, voire d’apposition ou d’adjoint. Souvent, ces emplois autorisent aussi une extension aux formes des participes passés et présents.

La présente étude est centrée sur le fonctionnement des adjectifs et des participes dans les énoncés du type 1a-c, des tours fréquemment négligés autant du point de vue de la propriété que de la fonction que les adjectifs et les participes y remplissent :

(1a) Nerveux, le directeur fait les cent pas devant son bureau.

(1b) Énervé par le retard de son interlocuteur, le directeur fait les cent pas devant son bureau.

(1c) Énervant son interlocuteur, le directeur fait les cent pas devant son bureau.

Le champ d’investigation sera étendu aux énoncés suivants, qui présentent un certain nombre de traits convergents avec les exemples précédents :

(1d) Le directeur est sorti énervé de son bureau.

(1e) Le directeur trouve son interlocuteur énervant.

(1f) Le directeur considère cet entretien comme important.

Ces divers tours, que nous regroupons dans un premier temps sous l’appellation d’emplois « adjoints », sont répertoriés dans les grammaires sous des étiquettes diverses : apposition, épithète détachée, attribut de l’objet, des notions souvent imparfaitement définies et mal délimitées. Wilmet (2007) regroupe sous la notion d’apposition un grand nombre d’adjoints de types différents, comme l’apposition adjectivale (2007 § 641 : ex. 1a-b, mais aussi p.ex. les attributs de complément d’objet, ex. 1e) ou verbale (2007 § 642 : ex. 1c). Il remarque que, dans les exemples du ← 9 | 10 → type 1a,b,c, il s’agit des épithètes détachées de la tradition, tandis que l’adjectif intégré dans les exemples (1e) est un attribut de complément d’objet selon la tradition. L’analyse de Riegel et al. (2009 : 355) est plus traditionnelle. La grammaire constate que « Les groupes adjectivaux [détachés], du moins ceux qui peuvent être attributs – y compris les adjectifs verbaux, participes passés ou présents – peuvent également être mis en position détachée » et que ce type de construction « est parfois appelé épithète détachée ». Les participes qui ne sont pas attributifs sont considérés comme des participes apposés (ibid. 2009 : 856 ; cf. (1c)). Enfin, les constructions liées, telles que les attributs des verbes à élargissement attributif (1d) ou du complément d’objet (1e-f), sont traitées séparément (ibid. 2009 : 430).

En linguistique française, de nombreuses études ont examiné les propriétés des adjectifs épithètes et attributs (Goes, 1999, 2009, 2008, Noailly 1999, Olsson 1976, Riegel 1985), ou encore celles des gérondifs (Carvalho 2003, Gettrup 1977, Halmøy, 1982, 2003, 2008, Herslund 2000, Arnavielle 1997, 2003, Kleiber 2007), et des propositions participes (Blanche-Benveniste 1998, Borillo 2009, 2010, Hanon 1989, Helland, 2002, 2006, Müller-Lancé, 1998). Ces analyses détaillées engendrent souvent de manière subsidiaire des observations concernant l’emploi des adjectifs ou des participes adjoints. Ainsi, lorsque Goes (1999) distingue différentes catégories d’adjectifs en partant des adjectifs primaires et non primaires et qu’il examine leur compatibilité avec la position d’attribut, il aborde brièvement la question de l’apposition (cf. également Noailly 1999). Arnavielle (1997, 2003), comme d’autres, traite succinctement de la question de l’emploi attributif des participes présents lorsqu’il décrit l’emploi rare du participe présent verbal en fonction d’attribut du sujet et relève les types de verbes préférentiels pour introduire un participe présent attribut de l’objet (cf. aussi Halmøy 1982, 2003, Olsson 1976). Enfin, divers auteurs (Gettrup 1977, Halmøy 1982, 2003, mais aussi Herslund 2000) comparent les emplois des participes présents à ceux des gérondifs. Ils constatent que les deux formes peuvent parfois alterner dans la même construction, même si souvent elles remplissent des fonctions différentes (Arrivant / En arrivant à Paris, Émile a proposé à Léa de l’aider à déménager, cf. Halmøy 2003 : 157).

Les fonctions syntaxiques convoquées par ces tours adjoints ont également suscité l’intérêt de nombreux chercheurs. Des travaux se sont penchés sur l’apposition (Eriksson 2000, Forsgren 1986, 1988, 1991, 1993, 2000, Neveu, 1996, 1998, 2000, 2003, Wilmet 1997), sur la fonction d’attribut et d’attribut de l’objet en particulier (Forsgren 1985, 2000, Olsson 1976, Riegel 1988, 1991, 1997, 2007), ou ont encore repéré diverses formes de détachement (Combettes 1996, 1998, 2003, Neveu 1998, 2000, 2003). Ici aussi, les adjoints adjectivaux et participiaux seront ← 10 | 11 → évoqués mais dans le cadre d’observations plus générales impliquant également d’autres tours.

L’apposition est au centre de l’étude de Neveu (1998), qui la situe dans le cadre d’aspects « du détachement nominal et adjectival en français contemporain ». Parmi diverses constructions « adjectives détachées », il répertorie, en plus des adjectifs, les participes présents et passés, ainsi que des syntagmes prépositionnels ou nominaux ayant un sens adjectival (1998 : 147). Il n’aborde cependant pas plus en détail les spécificités des adjectifs et des adjectifs verbaux pouvant s’employer en détachement. Forsgren mène dans plusieurs articles (1986, 1988, 1991, 2000) une réflexion théorique générale sur la différence entre appositions, épithètes et attributs. Dans son approche de divers types d’apposition, il s’intéresse spécifiquement à l’emploi de déterminants dans les appositions nominales mais n’approfondit pas la question de l’apposition adjectivale. Il relève explicitement parmi les adjectifs les participes passés (1988 : 147), sans aborder la question des participes présents. Combettes (1998) analyse en détail les constructions détachées. Il relève les détachements prédicatifs constitués d’adjectifs, de participes, de constructions absolues et de constructions nominales sans déterminant, qu’il distingue des constructions nominales avec déterminant (cf. appositions identifiantes de Forsgren 1991 : 607). Ces dernières se comportent différemment par rapport au critère du déplacement dans la phrase (1998 : 24-25 : X, secrétaire de mairie, a beaucoup de travail/ Secrétaire de mairie, X a beaucoup de travail // X, le secrétaire de mairie, a beaucoup de travail/ *Le secrétaire de mairie, X a beaucoup de travail). De plus, Combettes, comme également Forsgren (2000 : 39ff), inclut parmi les détachements prédicatifs des constructions prépositionnelles, comparables aux adjectifs ou pouvant être considérées comme coréférentielles avec le sujet (1998 : 87-88 : Reposé et de bonne humeur, il […] ; Abel aperçut, sur une estrade d’argent, la fée couchée sur un lit). Pour sa part, l’étude de Olsson (1976) sur les attributs du complément d’objet prend également en considération les participes présents (1976 : 76 : Je l’ai rencontré portant une valise / *Je l’ai rencontré étant malade) et propose un grand nombre de restrictions quant au choix de l’attribut dans cette construction. Enfin, Riegel (1985), qui traite des adjectifs attributs du sujet, approfondit la notion de rapport prédicatif. Il aborde dès lors aussi la question des adjectifs verbaux (1985 : 175 : J’aperçus une fillette souriant à sa maman / J’aperçus une fillette souriante) et précise les types de participes passés qui peuvent être considérés comme des adjectifs attributifs (1985 : 189 : Le pape est très / assez / si / tellement / peu/ etc. étonné// * Le pape est très / assez / si / tellement / peu / etc. mort ; cf. aussi Helland 2002).

Bref, si de nombreux travaux ont abordé des aspects variés des constructions visées, force est néanmoins de constater que les adjectifs ← 11 | 12 → et participes adjoints constituent rarement le foyer de la réflexion et qu’ils sont insuffisamment caractérisés du point de vue de leur nature et de leur fonction. Cette désaffection des recherches linguistiques s’explique sans doute aussi par le fait que les tours considérés s’insèrent mal dans la structure fonctionnelle hiérarchisée traditionnelle de la phrase. Cette difficulté d’appréhension est soulignée par leur relégation fréquente à la marge de la proposition, en tant que structure « détachée » ou, au contraire, par leur assimilation à un autre type de structure, en l’appréhendant par exemple comme une proposition implicite (une clausule ou « small clause » : « Small clauses are incomplete sentences, […] share with other types of clauses the idea of predication, […] are not mere lexical phrases, but require some functional structure, […] » (Cornilescu 2004 : 37 ; cf. aussi Aarts 1992, Williams 1975).

Consciente de ce contexte à la fois riche et complexe, la présente étude se donne un double objectif :

 elle vise tout d’abord à analyser plus systématiquement le fonctionnement interne des différentes séquences adjectivales et participiales sélectionnées, ainsi que leur rapport avec la prédication régissante, à laquelle elles sont adjointes. Cette approche devrait permettre d’identifier les propriétés qui justifient leur regroupement sous une étiquette commune. Un traitement unifié exige en effet de préciser les principes et les contraintes qui gouvernent les différences conséquentes d’extension et de flexibilité des tours regroupés sous l’étiquette des adjoints adjectivaux et participiaux.

 elle a aussi l’ambition de contribuer, à partir du domaine évoqué, à la réflexion sur une série de concepts et de questions théoriques impliqués dans l’interprétation de ces tours. La spécificité de ceux-ci ne pourra en effet être définie qu’en précisant leur place par rapport à la syntaxe des fonctions et au processus de subordination. L’étude des adjectifs et des participes adjoints nous amènera en fin de compte à explorer les confins de la syntaxe propositionnelle, à observer des « relations qu’on ne peut pas décrire à partir des rections de catégories grammaticales » (Blanche-Benveniste et al. 1990 : 113). Elle constituera en d’autres mots une prospection pour un domaine spécifique de la zone frontière entre la micro- et la macro-syntaxe.

Pour ce faire, l’analyse des propriétés et du fonctionnement des adjectifs et des participes adjoints se déploiera sur 6 chapitres. Les questions abordées dans les différents chapitres seront les suivantes :

1. Comment caractériser l’utilisation de ces formes adjectives et participiales (dorénavant « formes adjectivantes ») dans les ← 12 | 13 → emplois concernés face aux emplois épithètes et attributifs de ces mêmes formes ? Ce sera l’objet du premier chapitre.

2. Quelles sont les caractéristiques structurelles et fonctionnelles de la construction complexe dans laquelle ces formes adjectivantes adjointes, parmi d’autres structures, sont impliquées ? Le deuxième chapitre avancera des éléments de réponse à cette question.

3. Le troisième chapitre s’intéressera à l’impact des caractéristiques structurelles et fonctionnelles des formes adjectivantes sur l’élaboration de la relation prédicative, en particulier sur le degré de sous-spécification, d’opacité du rapport forme-sens au sein de la prédication.

4. Quel est l’impact des caractéristiques structurelles de la prédication adjectivante sous-spécifiée sur sa fonction co-prédicative au sein de la prédication composée ? Cette question sera traitée dans le quatrième chapitre.

5. Les deux derniers chapitres enfin se centreront sur le fonctionnement de la co-prédication adjectivante au sein du contexte discursif à travers l’examen spécifique de leur emploi en position initiale ou finale dans la prédication composée. Seront examinés d’une part les paramètres discursifs qui interviennent dans l’interprétation de la construction et d’autre part l’apport informationnel de la construction même dans la continuité discursive de la communication.

Les analyses proposées sont fondées sur un large échantillon de plus de 1050 occurrences de co-prédicats adjectivants tirées de trois corpus (corpus « romans » : 319 occurrences, « journaux » : 452 occurrences et « oral » : 282 occurrences1) et du recueil des exemples fournis par les contributions traitant de la question. Ces occurrences seront particulièrement exploitées dans les deux derniers chapitres de l’ouvrage.

1 Pour une description plus précise, v. bibliographie.

Résumé des informations

Pages
254
Année
2014
ISBN (PDF)
9783035265019
ISBN (ePUB)
9783035299342
ISBN (MOBI)
9783035299335
ISBN (Broché)
9782875742209
DOI
10.3726/978-3-0352-6501-9
Langue
français
Date de parution
2015 (Janvier)
Mots clés
Attribut Syntaxe propositionnelle Fonction co-prédicative Épithète
Published
Bruxelles, Bern, Berlin, Frankfurt am Main, New York, Oxford, Wien, 2014. 254 p., 11 graph., 8 tabl.

Notes biographiques

Eva Havu (Auteur) Michel Pierrard (Auteur)

Eva Havu est enseignant-chercheur en linguistique française à l’Université de Helsinki et dirige l’équipe de recherche CoCoLaC (Comparing and Contrasting Languages and Cultures). Elle a travaillé pendant quatre ans comme professeur associé à l’Université Paris 3-Sorbonne Nouvelle et est membre associé du laboratoire Lattice. Elle fait partie de la plateforme internationale de recherche en linguistique française GRAMM-R et a publié de nombreux articles sur la prédication seconde en collaboration avec Michel Pierrard. Michel Pierrard est professeur de linguistique française et de didactique du français langue seconde et étrangère à la Vrije Universiteit Brussel. Ses recherches portent sur la syntaxe et la sémantique du français moderne et sur l’appropriation du français L2. Il fait partie de la plateforme GRAMM-R et a publié, seul ou en collaboration, de nombreuses contributions sur la prédication seconde et la connexion de propositions.

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Titre: Les co-prédicats adjectivants
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