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Contribution à l’histoire du service public postal : de la Révolution au tournant libéral du second Empire

De la Révolution au tournant libéral du second Empire

de Olivia Langlois (Auteur)
©2015 Collections 498 Pages

Résumé

Peut-on parler de service public dès le XIXe siècle ? Cet ouvrage étudie l’émergence de cette notion au sein de l’administration postale, ses grandes réformes, sa législation et la jurisprudence la concernant, et ce dès la Révolution française.
La vigueur de l’institution postale et le caractère très concret de son activité donnent vie à cette problématique très juridique dont le risque était de rester théorique et désincarné. Le transport du courrier permet ainsi de redécouvrir cette notion de service public, véritable puzzle dans lequel s’imbriquent les idéologies, les attentes et les nécessités des époques.
Cette exploration à la fois historique, politique et juridique est éclairante sur la construction de l’attachement quasi viscéral des Français au service public, mais aussi à la Poste.

Table des matières

  • Couverture
  • Titre
  • Copyright
  • Sur l’auteur
  • À propos du livre
  • Pour référencer cet eBook
  • Table des matières
  • En guise d’avant-propos
  • Préface
  • Introduction
  • PREMIÈRE PARTIELA POSTE AU SERVICE DE L’ÉTAT(1789-1815)
  • CHAPITRE 1L’administration postale de 1789 à 1795, rupture ou continuité ?
  • Section 1. Le legs de l’Ancien Régime
  • § 1. Le maintien du monopole postal
  • A. Des privilèges au monopole
  • 1. La concurrence dans le transport des lettres
  • 2. La construction progressive du monopole postal
  • B. Le monopole postal confirmé sous la Révolution
  • § 2. La responsabilité postale
  • A. La responsabilité du fermier des Postes sous l’Ancien Régime
  • 1. Les envois postaux entraînant la responsabilité du fermier
  • 2. L’irresponsabilité du fermier pour les envois ordinaires
  • B. Le maintien des principes sous la Révolution
  • 1. La responsabilité de l’administration postale
  • 2. L’irresponsabilité de l’administration postale
  • 3. La compétence
  • Section 2. Une nouvelle administration au service de l’État sous la Révolution
  • § 1. La gestion de l’administration postale : les tentatives d’exploitation directe d’un service public
  • A. La gestion directe sous la Constituante
  • 1. Les expériences antérieures et la fin de la ferme
  • 2. Les directoires des Postes
  • B. L’avènement de la régie nationale sous la Convention
  • 1. Le choix de la régie
  • 2. L’administration postale face aux comités
  • § 2. Les tarifs postaux sous la Révolution : en quête de justice fiscale, au service de l’utilité publique ou du revenu public ?
  • A. La mise en place d’une nouvelle base tarifaire : le tarif de 1791
  • 1. La condamnation des tarifs de l’Ancien Régime
  • 2. L’élaboration du tarif de 1791
  • B. Les tarifs postaux face au marasme économique et monétaire de la Révolution
  • § 3. Les enjeux politiques liés aux correspondances officielles et particulières
  • A. Une nouvelle approche des franchises et contreseings
  • 1. Une réaction suscitée par les abus de l’Ancien Régime
  • 2. Les tentatives de restriction
  • B. Entre affirmation et négation du secret des lettres, ou l’utilisation politique du secret des lettres
  • 1. La proclamation du principe
  • 2. Les dérogations légales
  • Conclusion
  • CHAPITRE 2Une approche pragmatique du service postal sous le Directoire
  • Section 1. Une gestion dans la continuité de la Révolution
  • § 1. La confirmation des principes de l’Ancien Régime maintenus par la Révolution
  • A. Le Directoire et le monopole postal
  • 1. Le rappel des dispositions relatives au monopole
  • 2. Monopole postal et concurrence
  • B. La détermination durable d’un régime de responsabilité postale
  • § 2. Des mesures découlant de la conjoncture révolutionnaire
  • A. L’inévitable instabilité des tarifs postaux
  • 1. Le tarif du 6 nivôse an IV
  • 2. Le tarif du 6 messidor an IV
  • 3. Le tarif du 5 nivôse an V
  • B. La nécessaire violation du secret des lettres
  • 1. La pratique
  • 2. L’émergence d’un mouvement d’opinion contre la violation des lettres
  • Section 2. Les tentatives du Directoire
  • § 1. Le problème de la gestion du service postal : le retour à la ferme sous le Directoire
  • A. Les débats autour du mode de gestion d’un service public
  • 1. Les partisans de la régie
  • 2. Les partisans de la ferme
  • B. L’affermage de la Poste aux lettres
  • 1. L’adoption de la ferme des Postes
  • 2. L’échec de la ferme
  • § 2. La suppression des franchises et contreseings sous le Directoire
  • A. Les débats
  • 1. L’évocation récurrente du problème des franchises et contreseings
  • 2. La radicalisation du débat en juin 1797
  • B. La mise en œuvre
  • 1. Le principe et ses alternatives
  • 2. L’échec de la suppression des franchises et contreseings
  • Conclusion
  • CHAPITRE 3.La stabilisation du service postal au profit du pouvoir napoléonien
  • Section 1. Une construction durable des structures postales au profit de l’État
  • § 1. L’affirmation du monopole
  • A. L’arrêté du 27 prairial an IX
  • B. L’interprétation du monopole
  • 1. La portée du monopole
  • 2. La protection du monopole
  • § 2. Une administration stabilisée au service du pouvoir
  • A. La fin de la ferme au profit de la régie intéressée
  • 1. Les jalons posés par le Directoire
  • 2. L’adoption de la régie intéressée sous le Consulat
  • B. L’emprise de l’État sur l’administration postale
  • 1. La mise en place de la régie intéressée
  • 2. La direction générale des Postes
  • Section 2. Le service postal associé aux enjeux politiques et financiers de l’ère napoléonienne
  • § 1. La fixation d’une nouvelle base tarifaire
  • A. L’élaboration du tarif de frimaire an VIII
  • 1. Une modification tarifaire préparée sous le Directoire
  • 2. Une modification tarifaire réalisée sous le Consulat
  • B. L’adaptation du tarif de frimaire an VIII à la politique napoléonienne
  • § 2. La réglementation du transport de la correspondance officielle au service de l’administration napoléonienne
  • A. La détermination de principes durables en matière de franchises et contreseings
  • B. Les inévitables ajouts à la réglementation de l’an VIII.
  • § 3. Le service postal, outil politique impérial
  • A. Le contrôle des lettres comme moyen de gouvernement
  • 1. La conception napoléonienne du secret des lettres
  • 2. L’utilisation politique du transport des lettres
  • B. La Poste au service de l’Empereur
  • 1. Le service personnel de l’Empereur
  • 2. Les Postes militaires au service des conquêtes de l’Empire
  • Conclusion
  • Conclusion de la première partie
  • DEUXIÈME PARTIEL’ÉMERGENCE DU SERVICE PUBLIC POSTAL
  • CHAPITRE 1.Le monopole postal au XIXe siècle Entre évolution et association au service public
  • Section 1. Le monopole appréhendé par la jurisprudence
  • § 1. La portée du monopole
  • A. L’objet du monopole
  • 1. Les lettres tombant sous le coup de la prohibition
  • 2. Les exceptions à l’article 1
  • B. Les personnes visées par le monopole
  • 1. Les particuliers face au monopole
  • 2. Les exceptions
  • § 2. La défense du monopole
  • A. La commission de l’infraction au monopole
  • 1. Les circonstances
  • 2. L’exception : le cas de force majeure prime sur le monopole de service public
  • B. La constatation de la contravention
  • 1. Les professions visées par les textes
  • 2. Les particuliers face aux perquisitions
  • Section 2. Le monopole postal circonscrit au profit des particuliers
  • § 1. La tendance jurisprudentielle consacrée
  • A. Vers une contravention spécifique
  • 1. Le problème du transport des journaux par celui qui s’en est rendu propriétaire
  • 2. Se trouve-t-on en infraction par le seul fait d’être trouvé porteur d’une lettre ?
  • B. Le législateur face à la répression des atteintes au monopole
  • 1. L’assouplissement des pénalités
  • 2. Le durcissement de la répression
  • § 2. Les approches doctrinales du monopole postal
  • A. La légitimité du monopole postal
  • 1. Le monopole postal légitimé par le service public
  • 2. L’État, meilleur producteur de services
  • B. La remise en question de la légitimité du monopole
  • Conclusion
  • CHAPITRE 2La généralisation de l’accès des particuliers au service public postal
  • Section 1. Les tarifs postaux au service de la desserte postale du territoire
  • § 1. L’instauration de la desserte journalière grâce au tarif postal de 1827
  • A. Les motivations de la modification tarifaire
  • 1. Remédier aux lacunes du tarif de l’an VIII
  • 2. Le financement du service quotidien
  • B. Le service public face à l’augmentation des tarifs : controverse sur l’assiette de l’augmentation fiscale
  • 1. Le transport des journaux
  • 2. La conception du service postal
  • § 2. La création de la poste rurale
  • A. Une innovation à la nécessité peu contestée
  • 1. Une amélioration des structures existantes dans l’intérêt général
  • 2. Les réticences
  • B. Le financement de la réforme
  • 1. La participation des communes
  • 2. La participation obligée des populations rurales : le décime rural
  • Section 2. Les tarifs postaux au service de l’égalité et de l’accès des usagers au service
  • § 1. La genèse de la réforme postale
  • A. Les principes posés par les économistes : des jalons en faveur de la réforme
  • 1. L’impôt, seule rémunération possible du service public
  • 2. Taux de l’impôt et taxe postale
  • B. Les étapes de la réforme postale
  • 1. Le premier pas vers l’égalité des usagers devant le service : la suppression du décime rural
  • 2. Une longue polémique
  • § 2. La réalisation de la réforme postale
  • A. L’adoption de la taxe uniforme sous la République
  • B. La remise en question conjoncturelle des acquis de 1848
  • 1. L’augmentation de la taxe uniforme par le tarif de 1850
  • 2. Le retour progressif à la solution de 1848 : les lois de 1853 et 1854
  • Conclusion
  • CHAPITRE 3Responsabilité et service public postal
  • Section 1. La remise en question du régime législatif de responsabilité
  • § 1. La montée des contestations
  • A. Un régime de responsabilité obsolète
  • 1. Un nouveau contexte économique et financier
  • 2. La dénonciation d’un service public sans responsabilité
  • B. Une situation sans solution de demi-mesure
  • 1. L’insuffisance des solutions proposées par la Poste
  • 2. L’avortement du projet de Saint-Priest
  • § 2. L’adaptation de la responsabilité de l’administration postale aux nécessités du temps : la loi du 4 juin 1859
  • Section 2. Une casuistique juridique à l’origine d’une conception de la responsabilité
  • § 1. La problématique dégagée par la jurisprudence postale en matière de responsabilité
  • A. La responsabilité de l’administration postale face à l’accélération du service
  • 1. La vitesse à tout prix
  • 2. La responsabilité de l’administration à l’occasion d’accidents de malles-poste
  • B. La responsabilité de l’administration postale dans le transport des lettres
  • 1. La détermination de la règle de compétence
  • 2. La nature de la responsabilité
  • § 2. Le tournant de la jurisprudence
  • A. Les jalons posés par la jurisprudence postale
  • B. Réflexions autour de la contribution du contentieux postal à l’élaboration de principe de service public
  • Conclusion
  • Conclusion de la deuxième partie
  • Conclusion générale
  • Repères chronologiques
  • Lexique postal
  • Extraits de quelques grands textes de l’histoire postale
  • Illustrations
  • Liste des principales abréviations
  • Sources et bibliographie
  • Histoire de la Poste et des communications, Échanges et territoires

En guise d’avant-propos

La thèse d’Olivia Langlois-Thiel est enfin disponible pour qui cherche à comprendre ce que fut le service public de la Poste en France. Si au moment de la construction de l’espace européen selon des influences plutôt libérales, cette figure emblématique qu’a été le service public postal a pu être perçue comme un frein à l’expansion économique, la genèse qui nous est rapportée ici par le menu en souligne toute la complexité et la subtilité.

Si cet ouvrage peut sembler de prime abord être celui d’une juriste pour des juristes, il est en réalité de bien plus car il éclaire l’origine et explique le comment et le pourquoi de l’attachement des Français à cette notion.

Soutenue il y a déjà quelques années, ce texte n’a pas été révisé, ni sa bibliographie actualisée. Olivia Langlois-Thiel est magistrat, il était exclu de lui demander ce travail ; pourtant Gilles Guglielmi et moi-même étions convaincus qu’il était important que ce texte fut publié, c’est pourquoi la collection « Histoire de la Poste, des communications, des échanges et des territoires », accueille cet ouvrage.

Muriel Le Roux ← 15 | 16 →

 

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Préface

Le titre de docteur, le plus haut dans l’Université, consacre une recherche pour sa grande valeur. C’est ce titre qu’a obtenu Madame Olivia Langlois-Thiel pour sa thèse, intitulée « Contribution à l’histoire du service postal (de la Révolution au tournant libéral du second Empire) ». Mais l’on reste cantonné au monde universitaire. La publication, réservée aux meilleures thèses, présente cette recherche à un public plus vaste, dont on pense qu’il sera intéressé par le sujet proposé. Fut-il ardu.

Car Madame Olivia Langlois-Thiel s’est, dans sa thèse, attaquée à un sujet particulièrement ardu. Certes, tous les sujets le sont, mais celui-ci l’est à un triple titre : en premier lieu, il a d’abord constitué un terrain d’études pour les historiens « des lettres » En effet, les nombreuses recherches consacrées à la Poste par nos collègues littéraires s’attachent à l’étude du Service Postal dans l’espace rural, à la femme postière etc. Ces recherches historiques et sociologiques, laissent davantage place à l’aspect « humain » et semblent s’opposer à une présentation juridique, supposée plus abstraite et plus sèche. Cependant, cet aspect historique et sociologique est très présent dans le travail de Madame Olivia Langlois-Thiel. En effet, elle nous plonge dans la réalité la plus quotidienne depuis l’accident de la malle poste, ou l’étude approfondie de l’évolution des tarifs postaux. Et d’ailleurs, comme cela a été souligné lors de la soutenance, cette étude apporte beaucoup à l’historien des lettres. Madame Olivia Langlois-Thiel a su montrer que, contrairement à ce que l’on croit souvent, le texte juridique n’est pas abstrait, théorique, mais qu’il « colle » à une réalité qu’il s’efforce de traduire en langage juridique, afin d’élaborer une solution aux problèmes rencontrés dans cette même réalité.

D’autre part, ce sujet concerne évidemment l’histoire du Droit, plus précisément l’histoire du droit et de l’administration au travers de l’étude de l’institution postale. Or, et c’est là la deuxième difficulté du sujet, cette institution est étudiée sur « le long terme », de la Révolution, avec l’héritage de l’Ancien régime, jusqu’au milieu du Second Empire. Cette démarche, si elle présente l’immense intérêt de retracer les étapes de l’évolution d’une institution, d’en discerner les traits saillants pour en montrer la pérennité, recèle également un écueil. En effet, en retraçant ce long chemin, il peut arriver qu’en voulant se consacrer à l’essentiel, les grandes problématiques, on laisse de côté des aspects qui peuvent être considérés comme mineurs. ← 17 | 18 →

Madame Olivia Langlois-Thiel a évité cet écueil. Elle a su évoquer les discussions sur le Service Public, sur les tarifs, sur la Responsabilité administrative, en les replaçant dans le contexte politique, économique et même social de l’époque. Et peut-on demander au défricheur de terres nouvelles la même minutie que l’on exige de celui qui explore un domaine limité dans le temps et l’espace ?

Car, et je crois qu’il importe de le souligner, Madame Olivia Langlois-Thiel s’est emparée d’un sujet qui n’avait guère été étudié par les juristes, sinon de manière spécifique dans les premières années du XXe siècle, ou dans quelques mémoires d’histoire du droit.

Enfin, troisième difficulté, et non des moindres, l’approche de la notion de Service Public, au coeur de ce travail. Notion complexe, protéiforme, et qui n’a été vraiment étudiée doctrinalement qu’avec Duguit et l’Ecole du Service Public. Et encore, ce concept donne-t’il lieu à discussions. Il n’est qu’à se reporter aux traités de droit administratif ou au dictionnaire de la culture juridique, dirigé par les Professeurs Alland et Rials.

Alors, face à ces difficultés, c’est ce titre qu’a obtenu Madame Olivia Langlois-Thiel pour sa thèse. Madame Olivia Langlois-Thiel a suivi le conseil que le conseiller d’État Romieu donnait aux jeunes auditeurs : « Surtout pas de doctrine, vous pervertiriez votre jugement ». Elle a donc entrepris son travail en se fondant sur une démarche pragmatique, casuistique même. C’était la seule démarche possible : se reporter aux archives, aux documents, aux débats politiques, aux textes de lois ; les analyser pour en tirer des constantes, marquer les lignes de faîtes, les débats que l’on retrouve de nos jours.

Tout d’abord, le Service Public repose sur l’idée du monopole : le pouvoir dispose seul d’une administration capable de satisfaire, contre redevance, les besoins de communication des citoyens.

Le monopole postal, dès lors, apparaît comme une évidence dès l’Ancien Régime puis sous la Révolution et l’Empire. Il est légitimé comme étant l’apanage du pouvoir, qui se doit de contrôler les communications postales, comme il contrôlera par la suite le télégraphe, puis le téléphone, et qui sait demain Internet. Et ce, dans son intérêt comme dans celui des citoyens. D’où l’expression du Service Public. Mais cette expression demeure polysémique, voire ambigüe : privilégie-t-elle l’intérêt du pouvoir ? Ou l’intérêt du public ?

Et, toujours dans le prolongement de l’idée de monopole, la continuité du service, que seul le monopole peut assurer. Pas l’égalité, puisque les tarifs sont différents.

Par ailleurs, ce monopole postal sera contesté. Par les libéraux qui ne pensent pas qu’il entre dans les fonctions régaliennes. Un économiste que l’on qualifierait d’ultralibéral, Molinari, a écrit : « parce que les parents ← 18 | 19 → doivent nourrir leurs enfants, faut-il que l’État se fasse boulanger ? » L’État doit-il monopoliser le transport des lettres, parce que la communication constitue un besoin inhérent, alors que des entreprises privées pourraient tout aussi bien assurer ce service, et à un moindre coût ? Et, des débats analysés par Madame Olivia Langlois-Thiel, ressortent les discussions en vogue à l’époque entre économistes et politiques : la taxe postale est-elle un impôt ou une redevance ? Pourquoi ces tarifs inégalitaires ? Contesté par les usagers eux-mêmes. Et à ce propos, Madame Olivia Langlois-Thiel s’est livrée à un véritable travail d’archiviste, de juriste, privatiste, publiciste, pénaliste pour traquer ce concept de Service public, le débusquant dans la fraude au monopole, les exceptions à cette fraude, les droits de la presse…

Nous retrouvons, dans ces analuses, la démarche pragmatique de Madame Olivia Langlois-Thiel : à partir de cas concrets, de l’étude des tarifs, des débats et discussions entre politiques et économistes qui veulent asseoir leur jeune discipline, tenter de cerner ce qu’est le Service Public postal, qui n’est pas le même pour tous. Et, par-delà, laisser entendre, comme le fera plus tard un Leroy-Beaulieu, qu’il faudrait définir les véritables fonctions de l’État. On le sait, le monopole postal sera maintenu, mais, on le sait aussi, il risque bientôt de disparaître, sous le coup des mêmes arguments, à peine remaniés, des libéraux du XIXe siècle.

Autre concept juridique fondamental abordé dans ce travail, la Responsabilité de l’administration postale. Là encore, Madame Olivia Langlois-Thiel a adopté une démarche casuistique. Par l’analyse de la jurisprudence, elle a dévoilé les combats pour rendre l’administration postale responsable de ses actes, elle a mis à jour les différences d’approches entre les juridictions administratives et judiciaires (les art. 1382 et suiv. du Code civil s’appliquent-ils à une administration ?) et même, au sein de ces dernières, les analyses différentes entre la Cour de cassation et les Cours d’appel. Et, elle nous le montre, le contentieux postal constituera l’une des origines de la responsabilité administrative. Et ce n’est pas là le moindre mérite de ce travail.

En définitive, la thèse de Madame Olivia Langlois-Thiel possède un immense avantage, celui d’être une véritable thèse, au sens originel du mot. Elle apporte une démonstration dans un domaine nouveau. Elle a rempli là son rôle d’historien du droit, plus précisément d’historien d’une administration. Elle a su relater, comme l’écrit notre collègue Legendre dans son avant-propos sur l’histoire de l’Administration « non des théories arbitraires, mais une longue série d’expériences vécues, interprétées, orientées d’après le génie propre aux Français ». Sa publication est donc légitime.

Pr JM POUGHON, ancien Doyen de la Faculté de droit, de sciences
politiques et de gestion de l’Université de Strasbourg.
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Introduction

Au cœur du XIXe siècle, le dictionnaire de Littré définit la Poste1 comme une « administration publique pour le transport des lettres »2, à l’instar de Larousse3 qui la distingue en outre du simple transport de lettres par des particuliers. Ainsi, « il n’y a service postal que du moment où il y a transport soit à l’aide de relais de chevaux, soit à l’aide de la voie ferrée, soit à l’aide de commissionnaires ou d’employés ad hoc »4. La définition et l’existence même de la Poste impliquent donc la présence d’une structure de transport. De même, Eugène Vaillé décrit la Poste comme « une institution réglementée, d’ordre ordinairement gouvernemental, qui assure la transmission dans des conditions établies à l’avance, tant pour la durée et le prix du transport que pour sa régulière périodicité, de la pensée de l’expéditeur telle qu’il l’a lui-même transcrite sur un support matériel »5. Étymologiquement, le vocable « poste », emprunté à l’italien « posta », participe passé substantivé de « porre », soit « placer, poser », lui-même issu du latin « ponere », désigne, à compter du XVe siècle, des relais de chevaux6. Le mot évolue en fonction de l’histoire de l’acheminement et de la distribution du courrier pour désigner à la fois le service des relais de chevaux et le service créé par l’État pour le transport et la distribution des correspondances à partir du XVIIe siècle.

On trouve les premières traces d’un service postal en Égypte, au temps de la XIIe dynastie, où l’on signale des services de courrier en Assyrie et en Médie. Hérodote rapporte que Cyrus, avant de partir pour son expédition contre les Scythes, vers l’an 500 avant Jésus-Christ, crée un service de relais pour rester en communication avec la capitale : son témoignage ← 21 | 22 → confirme l’origine souvent gouvernementale de l’institution postale. De même, le service postal est largement développé chez les Romains. Dans leur vaste empire, les intérêts politiques et militaires exigent la mise en relation constante de la capitale avec les provinces, ce qui implique la création d’une structure permanente capable d’assurer les communications, structure dénommée Cursus Publicus7. Son implantation est facilitée par l’instauration d’un réseau de routes stratégiques, sur lesquelles Auguste établit des relais tout d’abord desservis par des courriers à pied qui transmettent jusqu’à destination les dépêches du gouvernement. Plus tard, ayant fait paver les routes, l’Empereur substitue aux relais d’hommes des relais pourvus d’au moins 20 chevaux, les « mutationes », ou encore des stations plus importantes, les « mansiones », où sont entretenus des chevaux, des mulets, des bœufs et autres bêtes de charge, ainsi que des chariots et voitures. Toutefois, l’usage des postes romaines n’est pas accessible aux particuliers : seuls les courriers chargés des ordres du prince, les premiers officiers de l’Empire et les ambassadeurs ont le droit d’utiliser les relais de poste, à condition d’être munis d’une permission impériale. L’organisation du Cursus Publicus était donc minutieusement réglée pour le service de l’État, mais ne profitait en principe pas aux particuliers.

Les invasions successives anéantissent les postes romaines. Clovis tente vainement de les restaurer en Gaule. Charlemagne fait réparer les anciennes voies romaines et rétablit la poste sur quelques grands axes. Cependant, avec la désagrégation des structures étatiques, les relais cessent d’être entretenus.

Le morcellement politique et territorial qui caractérise la féodalité n’est guère propice au renforcement des réseaux de communication sur le territoire. Pourtant, la nécessité de communiquer étant bien réelle, le roi et les grands seigneurs disposent de messagers. De même, le développement de certains ordres religieux et leur dispersion dans toute la chrétienté obligent les abbayes à créer leur propre corps de messagers8. Les universités, comme celle de Paris, qui accueillent des étudiants de toute l’Europe, organisent elles aussi des corps de messagers afin de permettre à ces étudiants de rester en contact avec leurs familles. Ces messageries, créées à l’origine pour les besoins des membres des ← 22 | 23 → universités, ouvriront progressivement leurs services aux particuliers. En l’absence d’autre organisation, ces messageries offrent le système le plus complet de correspondance.

La renaissance du pouvoir royal entraîne l’implantation d’une structure apte à acheminer les missives du souverain. Louis XI instaure ainsi au XVe siècle la Poste aux chevaux, un système de relais où les chevaucheurs trouvent à leur disposition des chevaux frais pour continuer leur route. Cette organisation, calquée sur le Cursus Publicus romain, est réservée au transport de la correspondance du souverain. Ce n’est qu’à l’ouverture officielle de la Poste royale au public, au XVIIe siècle, que la Poste acquiert la structure qu’elle conservera jusqu’à la fin du XIXe siècle. En témoigne Denisart, au XVIIIe siècle, qui définit la Poste comme « un établissement pour les voyages et pour le transport des lettres. Cet établissement subsiste par le moyen de chevaux entretenus, de distance en distance, qui facilitent les courses »9. C’est à ce moment que la prise en charge et l’acheminement des correspondances par des courriers se différencient de la structure assurant ce transport. Au XIXe siècle, Dalloz définit ainsi la structure postale :

Les postes sont des relais de chevaux établis de distance en distance pour la prompte communication d’un lieu à un autre, d’abord par rapport aux missives, ensuite par rapport à tous les individus qui veulent en profiter, en payant toutefois un prix réglé par le gouvernement. On entend en général par poste aux lettres, l’exploitation du droit exclusif que s’attribue le gouvernement de transporter les lettres, et par poste aux chevaux, les établissements tenus par des individus ou fonctionnaires commissionnés par le gouvernement, et ayant un service de chevaux et de voitures destiné au transport des citoyens d’un relais à un autre10.

Ainsi, deux systèmes postaux s’organisent de façon autonome et perdureront jusqu’en 1873. La Poste aux chevaux est une infrastructure de transport11, tandis que la Poste aux lettres est chargée de la collecte, de la distribution et de l’acheminement des lettres (voir illustrations 1 et 2). Les Messageries, quant à elles, transportent les sacs de procédure et les voyageurs.

La structure ainsi esquissée, abordons maintenant la problématique de notre travail. Quelles sont les origines du service public ? Peut-on même parler de service public postal sous l’Ancien Régime ? ← 23 | 24 →

Dans cet ouvrage, nous analyserons, par l’étude du service postal depuis l’Ancien Régime jusqu’au XIXe siècle, l’apparition et le développement de la notion et de l’expression « service public » qui, comme l’a montré le professeur Jean-Louis Mestre, faisait partie du langage politico-administratif dès le XVIIIe siècle12.

On rencontre cette expression dès cette époque dans le cadre postal13, mais elle recouvre plusieurs significations, situation qui suscite peu de développements approfondis de la part des contemporains. En 1781, l’économiste Achille-Nicolas Isnard s’attarde sur la notion de service public qui, selon lui, désigne : « les services que le gouvernement seul peut entreprendre et faire administrer pour le bien général ». Il ajoute que « les établissements de cette nature tiennent à la prévoyance tutélaire de la souveraineté qui doit s’étendre sur tous les sujets »14. Il met de ce fait en exergue certaines caractéristiques du service public, à savoir la dépendance vis-à-vis d’une personne publique, le service du public et le fait d’être lui-même une institution du public.

Sous la Révolution, l’expression « service public » se généralise et confirme son caractère polysémique. Elle désigne lors des débats de l’Assemblée constituante15, tantôt l’activité d’un citoyen au service de l’État, tantôt une tâche destinée à l’utilité générale, un secours, une prestation fournie à un citoyen, ou encore un établissement, une ← 24 | 25 → administration. La notion est imprécise, mais son usage reste limité à un certain cadre. Le député Trouille qualifie d’ailleurs, en 1798, l’expression de « dénomination générique » : il existerait donc un domaine propre au service public16.

Jusqu’à la fin du XIXe, les références se multiplient dans les discours politiques et administratifs. Au concept de service public s’attachent une réflexion sur le rôle de l’État mais aussi des attentes « juridiques », économiques et même sociales.

Le droit administratif naissant va exploiter progressivement cette notion. En effet, si la loi des 16-24 août 1790 a procédé à la séparation des pouvoirs administratifs et judiciaires, elle n’a pas donné de règles concrètes pour le partage des compétences17 : c’est le rôle dévolu au service public dans le dernier quart du XIXe siècle, ce qui le conduit à occuper une place centrale dans le droit administratif. Avec l’arrêt Blanco en 1873, le service public apparaît comme le critère de la compétence administrative, critère qui par ailleurs affirme l’autonomie du droit administratif.

Au début du XXe siècle, Duguit utilise le service public comme fondement principal de sa réflexion sur le rôle de l’État : il le définit comme « toute activité dont l’accomplissement doit être assuré, réglé et contrôlé par les gouvernants, parce que l’accomplissement de cette activité est indispensable à la réalisation et au développement de l’interdépendance sociale, et qu’elle est de telle nature qu’elle ne peut être réalisée complètement que par l’intervention de la force gouvernante »18. L’école du service public, dite école de Bordeaux, ne conserve de la pensée de Duguit que l’idée de critère de compétence du juge administratif et par suite du droit applicable. Dans ce cadre, les auteurs lient au service public l’application d’un régime juridique spécifique. Il appartiendra à la doctrine du XXe siècle de dénoncer les limites du service public en tant que critère du droit administratif. ← 25 | 26 →

À l’heure actuelle, il s’avère complexe, sinon impossible, de donner une définition du service public qui présente exactement les traits distinctifs et les critères des activités considérées ou non comme relevant du service public. Aussi, à l’instar de Gilles J. Guglielmi et de Geneviève Koubi19, nous retenons comme définition générale celle du professeur René Chapus, pour qui « une activité constitue un service public quand elle est assurée ou assumée par une personne publique en vue d’un intérêt public ». Cette définition est révélatrice de la position des publicistes qui considèrent que la notion de service public se définit d’abord en tant qu’activité d’intérêt général, la prise en compte d’un critère organique n’intervenant qu’en second lieu.

Ce constat du caractère polysémique et évolutif de la notion de service public oblige à ne pas s’enfermer dans une définition stricte mais à rechercher les domaines afférents à cette notion afin de déterminer leur problématique et leur finalité, et ce dans un cadre temporel délimité.

Dans cette perspective, la période de la Révolution s’est avérée capitale. En effet, les mutations politiques qu’elle engendre favorisent l’épanouissement du concept de service public, déjà en germe à la fin de l’Ancien Régime. Par ailleurs, la loi des 26-29 août 1790 réforme l’administration postale en mettant un terme à la gestion de l’Ancien Régime, tandis que la célèbre loi des 16-24 août décide de la séparation des fonctions judiciaires et administratives.

À partir de 1790, puis tout au long du XIXe siècle, l’administration postale connaît de nombreuses transformations qui se revendiquent progressivement de la notion de service public. À compter de la Restauration s’élabore toute une réflexion sur la responsabilité de l’État dans le cadre du service postal. Cette réflexion aboutit à réformer, en 1859, le régime de responsabilité en place depuis l’an V, et parallèlement donne lieu à une jurisprudence conflictuelle entre la Cour de cassation, le Conseil d’État et le Tribunal des conflits. Ces divergences s’expriment plus fortement entre 1855 et 1861 dans certains arrêts pouvant être considérés comme les précédents de l’arrêt Blanco. C’est pourquoi il nous a semblé opportun d’achever cette étude avec le tournant libéral du Second Empire.

Cette thèse a pour objectif d’étudier la notion de service public dans les domaines de l’histoire postale qui ont pu contribuer à son émergence, à travers la législation, les débats précédant chaque réforme, ainsi que la jurisprudence. La démarche choisie a consisté à traquer la notion de service public sur une période limitée de l’histoire postale, en utilisant un faisceau d’indices qui sont ceux des éléments constitutifs du service ← 26 | 27 → public tel qu’il est issu de la fin du XIXe siècle, à savoir la structure, la finalité du service, le régime juridique applicable.

Le domaine envisagé étant large, nous avons choisi de nous intéresser plus particulièrement à la Poste aux lettres, c’est-à-dire à la structure chargée de l’acheminement des lettres et fondée sur un monopole, et plus précisément à la structure de l’administration postale, à la finalité du service, au monopole postal ainsi qu’à la responsabilité de l’administration postale.

L’administration de la Poste aux lettres

Le « service public » (pris dans son sens organique) implique une organisation, un appareil administratif. Or, la question de l’évolution de l’administration postale va monopoliser de nombreux débats sous la Révolution.

Jusqu’en 1815, plusieurs modes de gestion se sont succédés, nous renseignant ainsi sur la conception du service public postal et sa finalité. Ces changements confirment l’importance de l’élément organique dans la construction du service postal. En effet, l’instauration d’une structure stable et étatique a largement favorisé l’évolution de la finalité du service postal qui nous a dès lors paru devoir être envisagée lors de cette étude.

La finalité du service

La finalité et l’activité du service sont deux éléments constitutifs de la définition du service public, ne serait-ce que parce que, dès la Constituante, le service public désigne une tâche destinée à l’utilité générale20.

Dans cet esprit, l’instruction générale de 1792 présentait, à l’intention des directeurs des Postes, une « idée générale du service des postes » :

De toutes les parties d’administration publique, il n’en est pas de plus propre sans doute que le service des postes, à mériter l’intérêt et à exciter l’émulation de tout bon citoyen appelé à en partager les fonctions.
   C’est cet établissement qui donne la vie au commerce, et qui en entretient l’activité ; c’est par lui que se soutiennent toutes les relations civiles, morales et politiques ; c’est par lui, c’est par son heureuse entreprise que disparaissent, en quelque sorte, les distances. C’est le lien qui rapproche et unit tous les hommes d’un point de la terre à l’autre, en les faisant jouir, par l’exacte combinaison d’une correspondance active et réciproque, de la libre communication de leurs idées et sentiments ; c’est à la faveur de cette industrieuse circulation que s’étendent et se multiplient les progrès des ← 27 | 28 → lumières en tout genre, que se propagent parmi les nations tous les bienfaits du génie, et que la société peut recueillir les fruits de toutes ces connaissances précieuses qui influent si essentiellement sur le bonheur de l’humanité. Enfin c’est à la France que l’Europe ; que l’Univers entier doit l’invention de ce même établissement. De quel zèle ne doit pas être animé tout citoyen français chargé de son exécution, et qui peut concourir à en augmenter les avantages, en travaillant à le perfectionner !

Dans la mouvance de l’idéalisme révolutionnaire, est décrit ici un service postal idéal, qui n’a pour but que de rapprocher les hommes et de permettre la circulation et le développement de la pensée des Lumières. Il s’oppose dès lors à la Poste royale de l’Ancien Régime, qui n’avait été mise au service des particuliers que dans un but politique et financier. Malheureusement, les mêmes impératifs subsistent au-delà de 1789.

Il est très délicat d’appréhender la finalité du service, par essence très diversifiée. Cependant, l’étude des tarifs postaux, de l’organisation du transport de la correspondance de l’État, de l’utilisation politique du transport des lettres en constitue une approche possible.

En effet, parce qu’il est un phénomène social, l’impôt n’est pas indépendant des représentations de la société et de l’État qui s’expriment à un moment donné21. La taxe postale ne fait pas exception et l’analyse de la politique tarifaire révèle une certaine conception de l’institution postale, en tant qu’auxiliaire de l’État, mais également en tant que service du public. L’étude des discussions entourant l’élaboration des tarifs postaux relève des divergences : la taxe doit-elle constituer un revenu pour l’État ou être le prix d’un service rendu ? Dans ce second cas, doit-elle être adoptée de façon à favoriser l’accès de tous au transport des lettres mais aussi une certaine égalité de traitement entre les usagers22 ? L’étude des tarifs permet ainsi d’appréhender le rôle de la Poste tant sur le plan financier que par rapport au public, mais aussi de découvrir l’enracinement de certains principes très liés au service public.

La taxe postale fournit non seulement un revenu à l’État, mais lui permet également de financer le transport de sa propre correspondance23. Le ← 28 | 29 → transport de la correspondance officielle permet également de s’interroger sur la finalité financière et politique de l’institution postale. En effet, se pose la question de la finalité financière, car ce transport est financé par les revenus de la Poste issus de la correspondance des particuliers. Par conséquent, une trop forte proportion de correspondances transportées gratuitement, en grevant le revenu des Postes, influe directement sur les tarifs postaux, qui doivent être élaborés de façon à produire un bénéfice. Par ailleurs, la question de la taxe postale concerne aussi la finalité politique du service en ce que le transport de la correspondance officielle est absolument nécessaire pour le bon fonctionnement de l’État, surtout pendant la période mouvementée de la Révolution.

Enfin, l’utilisation politique du service postal se traduit à l’origine par le transport de la correspondance relative aux affaires du roi. Toutefois ce rôle évolue, notamment au XVIIe siècle, lorsque la Poste transporte officiellement la correspondance des particuliers. Du fait du monopole, les missives circulent en principe uniquement par le biais d’un organe, désormais rouage du pouvoir, permettant à celui-ci de disposer des correspondances particulières : le problème du secret de la correspondance privée se pose alors. Sans entrer dans l’étude du cabinet noir, nous verrons comment les discussions et les réactions autour du viol de la correspondance participent à l’émergence d’un service public en constituant un frein à l’action de l’État dans le domaine postal. Inversement, les nombreuses atteintes qui y sont portées illustrent l’idée que la poste demeure au service de l’État.

Le caractère régalien de la Poste ne cesse pas avec l’Empire, mais s’atténue progressivement au profit d’une fonction économique et sociale, sans cesse affirmée au cours du XIXe siècle.

Le monopole

L’étude du monopole de la Poste aux lettres s’est imposée en tant qu’élément constitutif d’un service public. Ce monopole ne subit que peu de modifications entre l’Ancien Régime et la fin du XIXe siècle, mais il se révèle être un témoin important de l’évolution de la conception du service postal : le monopole postal, tout d’abord conçu comme un outil à la disposition de l’État, est progressivement perçu comme devant être au service du public, évolution qui va se manifester parallèlement dans les différentes sphères juridiques et dans les réflexions économiques. ← 29 | 30 →

La responsabilité postale

On entend, par l’étude de la responsabilité postale, celle des textes et de la jurisprudence qui précisent si l’administration postale est responsable ou non de l’envoi des objets qui lui sont confiés.

À la qualification de service public est attachée l’application de certains principes juridiques. Or, il apparaît que c’est justement le contentieux en matière de responsabilité postale qui pose les jalons permettant l’apparition de ce régime spécifique. Plus largement, le régime de responsabilité témoigne de l’évolution de la conception du service. À la Révolution, la responsabilité de la Poste existe, mais de manière très restreinte. Or, cette responsabilité limitée apparaît bientôt insuffisante et même pour certains intolérable. On considère dès lors que, parce que la Poste est un service public fondé sur un monopole établi au profit de l’État, celui-ci doit prendre en charge les dommages causés dans le cadre du service postal.

Gestion de l’institution, finalité du service, monopole, responsabilité des Postes, ces différents domaines seront diversement traités selon les époques. Certains feront l’objet de maintes réformes entre 1790 et 1815, mais ne susciteront plus de grands débats à compter de la Restauration ; d’autres ayant fait l’objet de peu de débats entre 1790 et 1815 vont se nourrir de l’essor de la notion de service public et vont, par la suite, donner lieu à de plus amples développements.

Eu égard à l’importance de ces domaines, il a été nécessaire de faire des choix. C’est ainsi que le statut du personnel des Postes n’a pas été traité, que le lien entre l’administration postale et les chemins de fer n’a été qu’effleuré, tout comme le transport des journaux officiels. Ces divers aspects propres à l’histoire postale, et bien d’autres encore, mériteraient une étude approfondie, qui n’a pu être envisagée dans le cadre de cet ouvrage.

En ce qui concerne les sources, l’histoire des institutions publiques et des faits sociaux s’est peu intéressée à l’histoire de la Poste. Eugène Vaillé, conservateur en chef du Musée de la Poste, a activement contribué à la connaissance de cette histoire. Plus récemment, Michèle Chauvet a publié une introduction à l’histoire postale en deux volumes, introduction qui présente le mérite de s’intéresser directement aux textes originaux mais qui s’adresse avant tout aux collectionneurs, qu’ils soient philatélistes ou marcophiles24. Toutefois, l’histoire de la Poste connaît un véritable renouveau depuis la création du Comité pour l’histoire de la Poste, en 1995, qui a permis à de nombreux étudiants chercheurs de se pencher sur ← 30 | 31 → cette histoire sur une période allant de l’Ancien Régime à nos jours25. Les travaux en histoire du droit dans ce domaine sont encore rares. Cependant, une thèse récente traite de la fusion des services postaux et télégraphiques au XIXe siècle26. L’étude du service postal, que ce soit l’étude de la Poste aux lettres, la Poste aux chevaux, des Postes et Télécommunications dans leur ensemble, de par ses multiples aspects constitue une source d’étude à part entière pour l’histoire des institutions.

La réflexion sur l’histoire du service public se développe depuis quelques années. Plusieurs manuels traitant du droit des services publics contiennent des développements conséquents sur l’émergence et la formation de la notion de service public27, tandis que les colloques constituent autant de sources d’information et d’occasions d’échange qui créent et entretiennent l’intérêt des chercheurs28. Dans ce cadre, les travaux de Jean-Louis Mestre ont largement contribué à susciter la curiosité en recherchant les racines du service public dès le Moyen Âge29, tout comme ceux de Xavier Bezançon30. Plus globalement, on peut se réjouir, comme le soulignait déjà le professeur François Burdeau en 2000, de « la vitalité en France de la recherche dans le domaine des institutions et du droit de l’administration »31. En effet, de nombreux travaux sont venus nourrir cette réflexion autour du service public32, notion « saturée de significations multiples »33 dont l’étude ne se cantonne pas à la sphère juridique, et appelle l’organisation de groupes de réflexion pluridisciplinaires34. ← 31 | 32 →

Résumé des informations

Pages
498
Année
2015
ISBN (PDF)
9783035264814
ISBN (ePUB)
9783035299779
ISBN (MOBI)
9783035299762
ISBN (Broché)
9782875741981
DOI
10.3726/978-3-0352-6481-4
Langue
français
Date de parution
2015 (Janvier)
Mots clés
réformes courrier législation jurisprudence administration postale
Published
Bruxelles, Bern, Berlin, Frankfurt am Main, New York, Oxford, Wien, 2014. 498 p., 2 tabl., 16 graph.

Notes biographiques

Olivia Langlois (Auteur)

Olivia Langlois-Thiel a effectué ses études de droit à l’Université Robert Schuman à Strasbourg (Strasbourg III) jusqu’à la soutenance de sa thèse en histoire du Droit en décembre 2003. Elle a embrassé la carrière de la magistrature en 2006.

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Titre: Contribution à l’histoire du service public postal : de la Révolution au tournant libéral du second Empire
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