Chargement...

« Oser plus de social-démocratie » La recréation et l’établissement du Parti social-démocrate en RDA

Mit einer deutschen Zusammenfassung

de Etienne Dubslaff (Auteur)
©2019 Thèses 436 Pages

Résumé

Cette étude retrace l’année d’existence autonome du Parti social-démocrate en RDA depuis sa fondation à la veille de la chute du Mur jusqu’à la réunification allemande. D’abord parti résolument révolutionnaire à l’encontre du régime de la RDA, le SDP puis SPD se mue progressivement en acteur majeur de la scène politique est-allemande et nationale. À aucun moment, il ne cesse d’affirmer une identité sociale-démocrate est-allemande originale. Au-delà de leurs actes, les aspirations des membres fondateurs sont au centre de ce livre.
Dieses Buch befasst sich mit dem Werdegang der Sozialdemokratischen Partei in der DDR von ihrer Gründung kurz vor dem Mauerfall bis zur staatlichen Vereinigung Deutschlands. Die ursprünglich revolutionäre, gegen die SED gerichtete Partei wird nach der friedlichen Revolution zunehmend zu einem wichtigen Akteur in der DDR und in beiden Teilen Deutschlands. Dabei hält die SDP/SPD stets eine originelle, ostdeutsch geprägte sozialdemokratische Identität hoch. Neben den Handlungen der Partei stehen auch die Hoffnungen und Wünsche der Gründergeneration im Vordergrund.

Table des matières

  • Couverture
  • Titre
  • Copyright
  • À propos de l’auteur
  • À propos du livre
  • Pour référencer cet eBook
  • Remerciements
  • Table des matières
  • Introduction
  • Première partie : la (re-)création d’un parti social-démocrate autonome et original en RDA, un acte révolutionnaire
  • Chapitre premier : Un régime autoritaire contesté en RDA
  • Les assises du pouvoir en RDA
  • Les mythes fondateurs comme facteur de socialisation
  • « Le monde merveilleux de la dictature » ?
  • Une triangulation conflictuelle
  • La nature du régime
  • Adhésion, tolérance et contestation : une typologie
  • L’Église protestante, vivier de la contestation en RDA
  • Deuxième chapitre : La création du Parti social-démocrate en RDA
  • Une social-démocratie révolutionnaire
  • Le parti contre le Parti
  • Le parti comme méthode révolutionnaire
  • Le choix de l’illégalité
  • Les étapes de la création du SDP
  • Sur les fonts baptismaux de Schwante
  • Repères idéologiques
  • « Les questions de statuts sont toujours des questions de pouvoir »
  • Le SDP, un « Volkspartei » ?
  • « Marx n’était pas à proprement parler ouvrier »
  • La dimension réticulaire
  • Un parti social-démocrate allemand ?
  • Troisième chapitre : « C’est au début que tout se joue »
  • La première phase d’institutionnalisation du SDP
  • Faire naître une activité sociale-démocrate locale
  • La création de la Fédération régionale de Berlin
  • La circulation programmatique
  • La reconnaissance progressive du SDP
  • Reconnaissance officielle par le pouvoir
  • Rapports avec le SPD
  • La Conférence des délégués
  • Sigles, nations et programmes
  • Démocratie représentative, démocratie directe
  • Social-démocratie intergénérationnelle et interallemande
  • Deuxième partie : Entre oligarchisation, occidentalisation et professionalisation ?
  • Quatrième chapitre : L’identité sociale-démocrate en évolution
  • Programmes sociaux-démocrates est-allemands
  • Le Programme fondamental
  • Le Programme électoral
  • Pouvoirs et influences à Leipzig
  • Les statuts en évolution
  • Vers une concentration des pouvoirs
  • Substrats proprement est-allemands
  • La structuration du SPD-Est
  • Rapports internes
  • Rapports externes
  • L’élargissement horizontal
  • Cinquième chapitre : Le SPD-Est à l’épreuve du pouvoir
  • Diriger le SPD-Est
  • Chaises musicales
  • Tensions au sein du Directoire national
  • Organiser les campagnes électorales
  • Le Groupe parlementaire de la Volkskammer
  • « Un parlement de curetons »
  • Organiser le Groupe parlementaire de la Volkskammer
  • Entre pouvoirs et oppositions
  • Gouverner à tout prix ?
  • Les partis sociaux-démocrates et les trois Traités
  • Sixième chapitre : Une fusion entre partis égaux ?
  • Pourparlers en vue de la fusion
  • La marche vers la fusion
  • Enjeux juridiques ou politiques ?
  • Quel(s) statut(s) pour le SPD à l’Est ?
  • Entre bilan et quête d’avenir, les congrès de la fusion
  • Comment subsister ?
  • Regards ouest-allemands
  • Le « rétablissement d’une situation normale »
  • Conclusion
  • Annexes
  • Notices biographiques
  • Tableaux sociologiques
  • Tableau récapitulatif des membres fondateurs
  • Tableau du Groupe parlementaire à la Volkskammer
  • Sources
  • Entretiens inédits
  • Sources inédites
  • Archiv der sozialen Demokratie (AdsD)
  • Archiv der DDR-Opposition (RHG)
  • Sources publiées
  • Témoignages publiés
  • Bibliographie sélective
  • Ausführliche deutsche Zusammenfassung
  • Titres de la collection

| 15 →

Introduction

« Ce qui va ensemble, se ressoude maintenant1. »

Cette formule, attribuée à celui qui est alors ancien Maire de Berlin-Ouest, ancien Chancelier fédéral et véritable figure tutélaire de la social-démocratie allemande, Willy Brandt, au lendemain de la chute du Mur du 9 novembre 1989 a fait mouche. Elle pose ce 9 novembre comme la date qui marque la fin d’une situation contre-nature, à savoir la séparation de la nation allemande en deux États, la République fédérale d’Allemagne, fondée le 23 mai 1949, et la République démocratique allemande (RDA) instaurée le 7 octobre suivant2. De l’ouverture du Mur, cette matérialisation aussi concrète que symbolique de la séparation du peuple allemand depuis le 13 août 1961, découlerait la perspective d’une « Réunification » nationale en tant que dépassement de ce qui est présenté comme une parenthèse honteuse issue de la Seconde Guerre mondiale, puis de la Guerre froide.

Plusieurs lectures de l’événement cohabitent selon le point de vue adopté. Pour nombre de témoins et commentateurs, la chute du Mur sonnerait irréversiblement le glas de la RDA en ouvrant une phase de transition vers l’unification étatique du 3 octobre 1990. Ses étapes intermédiaires seraient le fameux discours des « 10 points » du 28 novembre 1989 dans lequel le Chancelier fédéral chrétien-démocrate Helmut Kohl esquisse la perspective d’une confédération des deux États allemands, les élections législatives nationales au parlement est-allemand de la Volkskammer du 18 mars 1990 qui consacreraient la marche ouverte par Kohl vers une unification rapide et l’entrée en vigueur du ← 15 | 16 → Traité d’Unité monétaire, économique et sociale le 1er juillet 1990 qui introduit comme gage de cette fusion proche la monnaie ouest-allemande, le Deutsche Mark (DM), en RDA.

À l’évidence, cette vision des choses est toute à la gloire de la RFA et, au-delà, du bloc occidental. La chute du Mur apparaît dans ce contexte comme le fruit d’un deus ex machina et comme l’expression sensible de l’implosion d’un régime est-allemand dominé par le Parti socialiste unifié d’Allemagne (SED) pourtant réputé stable. Le rôle de la population est-allemande se résume à son refus de défendre son État. Il est alors aisé d’en déduire que le régime, taxé tour à tour par les tenants de cette thèse de dictatorial ou d’« État de non-droit » (« Unrechtsstaat »), paie les ressentiments que la population – animée intérieurement du désir de rejoindre le bloc occidental – nourrit à son égard depuis quarante ans. Inversement, le personnel politique ouest-allemand, Kohl en tête, accueille les 17 millions d’Allemands de l’Est dans son État ouest-allemand, promu vainqueur historique de l’affrontement des deux blocs. Kohl sera par la suite consacré « Chancelier de l’unité » par le tabloïd ouest-allemand influent Bild et demeure, selon un sondage « forsa » récent, la personnalité marquante de l’époque3.

Les perspectives changent du tout au tout quand on s’intéresse à la situation politique en RDA, et plus largement à celle du Bloc de l’Est, en cette fin des années 1980. Un terme s’impose alors : la « Révolution pacifique » (« friedliche Revolution »). L’emploi du terme « révolution » implique la reconnaissance de l’engagement politique actif de citoyens qui, au péril – du moins potentiel – de leur vie, entreprennent de renverser le régime en place dont ils contestent la légitimité4. Alors que le premier point de vue les condamne à la passivité, les mouvements citoyens qui se constituent progressivement dès le milieu des ← 16 | 17 → années 1980, rejoints à l’automne 1989 par des manifestants toujours plus nombreux, deviennent les véritables acteurs de leur destin. Cette approche, autrement valorisante pour les Allemands de l’Est, les présente cependant comme un bloc monolithique opposé frontalement au pouvoir en place et inclut les citoyens qui n’ont pas pris part activement au processus révolutionnaire. L’historiographie montre cependant que même une bonne partie des mouvements, très attachée à son pays et à son système, visait plus à une réforme des institutions qu’à leur renversement. D’aucuns, soucieux de préserver le statut de mouvement à leur organisation, rechignèrent explicitement à prendre le pouvoir et se gardèrent de menacer l’hégémonie du régime. Si une révolution se définit comme « l’intervalle entre l’ancien et le nouveau système politique [et qu’] il englobe la dissolution de l’ancien régime et l’instauration du nouveau », ce concept ne peut s’appliquer en toute rigueur aux mouvements réformateurs5. Notons que le terme de « dissolution » (« Auflösung ») est choisi stratégiquement par Wolfgang Merkel puisqu’ambigu, il permet de ne pas trancher entre la part active des révolutionnaires et le processus de décomposition inhérent à l’« ancien régime » ou plus exactement, il invite à considérer que ces deux dynamiques vont de pair. W. Merkel distingue trois phases au sujet desquelles il concède que les délimitations relèvent plus de l’analyse que de faits empiriques, phases qu’il nomme la fin du « régime autocratique », l’institutionnalisation de la démocratie et sa consolidation6. Si l’on reprend plus les termes que les définitions qu’il en propose, la chronologie de la révolution en RDA serait la suivante7 : dans une première phase qui débute au milieu des années 1980, ← 17 | 18 → des activistes commencent à se coordonner pour formuler des revendications à opposer au régime. Suite aux élections communales truquées du dimanche 7 mai 1989, des manifestations pacifiques toujours plus nombreuses s’organisent de lundi en lundi et culminent le 4 novembre suivant à Berlin-Est tandis que, pour la première fois, des tenants du régime sont amenés à s’expliquer publiquement devant les manifestants8. Le 7 décembre 1989 voit s’instituer la Table ronde centrale (Zentraler runder Tisch) qui réunit des représentants du régime et des mouvements citoyens. Pour la première fois en quarante ans, le régime reconnaît de fait l’existence d’une opposition et entre en négociation avec elle pour préparer la transition vers un nouveau régime. Ces sessions prennent fin avec les premières élections législatives nationales libres du 18 mars 1990 qui marquent irrémédiablement la chute du « Nationale Front9 ». Né des élections libres, le nouveau régime, parlementaire et non plus centralisé, prend acte, de gré ou de force selon les orientations politiques de ses composantes, de la volonté populaire majoritaire exprimée dès le lendemain de la chute du Mur et prépare l’entrée des régions (Länder) est-allemandes, créées in extremis le 22 juillet 1990 par la Volkskammer, dans le champ d’application de la Loi fondamentale ouest-allemande selon les modalités de son Article 23 le 3 octobre 199010. Soulignons que la portée de la chute du Mur se résume à son rôle de catalyseur dans cette chronologie. Elle paraît même déplorable aux yeux de certains membres ← 18 | 19 → des mouvements en ce qu’elle compromet les chances de voir aboutir des réformes au sein de la RDA et risque de saper ses fondements moraux11.

Ces deux perspectives répondent à deux approches complémentaires. La première s’interroge sur le délitement du régime de la RDA qui mènerait tout naturellement à la Réunification allemande sous l’impulsion des Allemands de l’Ouest tandis que la seconde s’intéresse au renversement du régime quarantenaire par les acteurs de la Révolution pacifique à l’automne 1989 et fait la part belle aux projets de société élaborés par les mouvements citoyens sans s’intéresser plus avant aux conséquences voulues ou non de la chute du régime.

L’historiographie dévolue plus particulièrement au Parti social-démocrate en RDA (Sozialdemokratische Partei in der DDR, SDP puis SPD12), ce premier parti fondé indépendamment du Nationale Front le 7 octobre 1989 dans le presbytère du village brandebourgeois de Schwante, ne fait guère exception en la matière. La première étude universitaire qui lui ait été spécifiquement consacrée a été présentée par Bianca von der Weiden en 199713. Pionnière, elle s’est attachée à établir la chronologie de l’instauration du parti social-démocrate dans le cadre de la Révolution pacifique en RDA jusqu’à la tenue des élections à la Volkskammer. Si elle s’interroge sur les rapports des sociaux-démocrates avec les activistes des mouvements citoyens, elle laisse de côté leurs relations avec le Parti social-démocrate d’Allemagne (Sozialdemokratische Partei Deutschlands, SPD) ouest-allemand. Weiden vient ainsi compléter les travaux de Wolfgang Gröf, l’introduction de Patrick von zur Mühlen à son recueil de récits, publié ← 19 | 20 → en collaboration avec Wolfgang Herzberg, ainsi que l’article de Jens Walter14. Ces quatre publications se concentrent sur la phase de préparation à la création et aux premiers mois d’existence autonome du SDP, comme le font également celles de Dieter Dowe et Rainer Eckert d’une part, et celles de Bernd Faulenbach et de Heinrich Potthoff d’autre part, qui livrent des retranscriptions de tables rondes réunissant les premiers sociaux-démocrates est-allemands15. Seule exception, les travaux de Petra Schuh, consacrés aux positionnements qu’adopte le SPD de Bonn à l’encontre du SPD-Est, suggèrent, en prenant le relais de ceux de Weiden, que le SPD-Est cesse d’avoir une existence propre avec les élections ← 20 | 21 → à la Volkskammer16. Elle a donc le mérite d’éclairer les derniers mois du SPD-Est sans que ce parti soit au centre de son attention.

D’autres recherches adoptent une perspective plus régionale et retracent l’histoire de la social-démocratie dans l’Est de l’Allemagne sur le long terme. Citons à cet égard la monographie de Franz Walter, Tobias Dürr et Klaus Schmidtke qui s’intéresse à la social-démocratie saxonne et thuringeoise sur près d’un siècle et demi. Une telle approche, pour méritoire qu’elle soit, ne permet pas d’étudier en détail l’instauration ou la réactivation de la social-démocratie dans ses bastions historiques du XIXe siècle en 1989–1990, point d’horizon de leur étude17. L’optique régionale prévaut aussi dans les travaux publiés par la Fédération brandebourgeoise du SPD et le bureau thuringeois de la Fondation Friedrich-Ebert18. Dans ces derniers cas, la recréation du SDP constitue au contraire le point de départ de la présentation des événements marquants qui ont rythmé l’histoire du SPD local depuis l’automne 1989. En tout état de cause, ces publications s’adressent plus aux militants contemporains du SPD qu’à la recherche historique. Les récits des premiers sociaux-démocrates régionaux n’en constituent pas moins une source supplémentaire pour qui veut se livrer à une étude multiscalaire sur les évolutions des premiers sociaux-démocrates en RDA. Ces récits viennent compléter les entretiens menés par l’auteur de ces pages.

Par nature plus sources que discours historiques, les récits publiés par les membres fondateurs que sont Martin Gutzeit, Markus Meckel, Steffen Reiche ou Torsten Hilse ont, quant à eux, tendance à se focaliser exclusivement sur la première phase d’existence – révolutionnaire – du SDP et ne permettent pas de dégager d’évolution significative du parti au cours de son année d’existence autonome19. Si l’on s’en tenait à ces publications, on serait tenté de croire soit que ← 21 | 22 → l’histoire de la social-démocratie proprement est-allemande est à ce point liée à la Révolution pacifique qu’elle prend fin avec elle en décembre 1989, soit qu’elle commence en octobre 1989 et se perpétue jusqu’à nos jours, auquel cas le contexte révolutionnaire de sa création s’efface au profit de la continuité supposée.

Autrement plus conséquente que les premiers travaux scientifiques, la monographie de Daniel Friedrich Sturm fait autorité sur l’année de coexistence de deux partis sociaux-démocrates allemands entre 1989 et 199020. Elle présente l’intérêt de chercher à dépasser le hiatus entre les historiens qui inscrivent la création du SDP dans le cadre de la Révolution pacifique et ceux qui étudient la disparition du SPD-Est et plus généralement celle de la RDA dans le cadre de la Réunification. L’hypothèse de départ, dont le titre se fait l’écho, biaise cependant ce travail, considérable par ailleurs. En effet, les phénomènes observés sont abordés à partir d’un système normatif propre à privilégier un éclairage et, en regard, à escamoter une partie de la problématique. Profondément convaincu de la supériorité du système politico-économique de la RFA sur celui de la RDA, Sturm appréhende l’émergence du groupe des premiers sociaux-démocrates est-allemands en rendant hommage à leur combat contre un « régime dictatorial », ce qui le conduit à laisser de côté la quête structurante, notamment dans les premiers mois, d’une troisième voie s’insérant entre les deux systèmes allemands antagonistes. Anticipant un retour dans le giron de la social-démocratie de l’Ouest qui fondera le grand récit, il minimise les débats au sein de la social-démocratie est-allemande, tiraillée entre la volonté de maintenir dans un premier temps une RDA profondément réformée et le désir d’une unification rapide sous l’égide de la RFA. Aussi ne pose-t-il pas la question de savoir en quoi le parti social-démocrate en RDA est à la fois l’héritier des mouvements citoyens et l’un des porte-parole d’une partie de la population résolument pro-occidentale. L’analyse de ces débats lui aurait permis de nuancer la thèse selon laquelle le parti est-allemand aurait été autrement plus enthousiaste à l’idée de rétablir l’unité nationale que son homologue de Bonn. Grand admirateur du Chancelier Kohl, véritable héros national à ses yeux21, Sturm salue Willy Brandt, ← 22 | 23 → Hans-Jochen Vogel et Johannes Rau, animés – comme, selon lui, la quasi-totalité des sociaux-démocrates est-allemands – d’une pensée plus nationale, d’où leur attachement à une concertation étroite avec le gouvernement fédéral dans le processus d’unification. L’essentialisation des Allemands de l’Est a pour effet, dans cet ouvrage, de mieux décrédibiliser les voix divergentes au sein de la social-démocratie ouest-allemande, incarnées notamment par Oskar Lafontaine qui, au moment où Sturm publie sa monographie, a quitté le SPD pour s’engager dans l’Alternative pour le travail et la justice sociale (WASG), plus à gauche que le SPD. Ainsi, son travail semble par endroits biaisé par un système conservateur de pensée et de valeurs. Il n’empêche toutefois que l’ouvrage de Sturm constitue une mine d’informations sur les deux partis sociaux-démocrates allemands, d’autant qu’il cite abondamment la cinquantaine d’entretiens qu’il a menés avec des sociaux-démocrates des deux bords.22

Partant des insuffisances de Sturm, Peter Gohle propose d’embrasser du regard l’année d’existence autonome du Parti social-démocrate en RDA dans son économie. Fort de sa démarche délibérément « descripitive » et chronologique ainsi que d’une excellente connaissance des sources, il retrace minutieusement le travail du tout jeune parti autour de la Table Ronde centrale et dépeint le rôle qu’il joue dans la coalition avec l’Alliance pour l’Allemagne et dans l’adoption des trois traités23. Tout en nuances, il brosse le tableau d’un parti autrement monolithique que ne le donne à voir Sturm quant à la question nationale. Cependant, Gohle ne s’interroge pas suffisamment sur les spécificités culturelles dont témoignent les sociaux-démocrates de la première heure ni sur le cadre proprement révolutionnaire dans lequel et à partir duquel ils évoluent.

Ce rapide tour d’horizon met en évidence combien il est nécessaire d’interroger le cheminement des premiers sociaux-démocrates est-allemands tout au long de la dernière année d’existence de la RDA. Au gré des profondes mutations touchant la RDA mais aussi les deux Allemagne et les deux blocs au cours de la période, il est indispensable de chercher à appréhender tant les permanences que les ruptures dans leurs objectifs, discours et démarches à même de fonder une identité sociale-démocrate proprement est-allemande, tandis que leur parti tendait à s’élargir considérablement, qu’ils accédaient aux responsabilités ← 23 | 24 → parlementaires voire gouvernementales, cinq mois seulement après lui avoir donné naissance. Alors que la frontière interallemande était devenue perméable aux Allemands de l’Est et que se profilait la perspective d’une collaboration accrue entre les deux Allemagne, puis celle d’une unification nationale, ces premiers sociaux-démocrates engagèrent, avec le SPD, des pourparlers qui aboutirent à une collaboration toujours plus étroite entre les deux partis, avant de déboucher sur la fusion des deux entités le 27 septembre 1990. Un examen attentif de ces différents aspects et étapes jusqu’alors négligés par la recherche permet d’envisager des jugements plus équilibrés sur les sociaux-démocrates est-allemands qui, selon notre hypothèse, n’ont été ni les bourreaux de la RDA, ni le bras séculier du gouvernement fédéral qui aurait, seul, depuis Bonn, orchestré la transformation de la RDA en vue de la Réunification.

Cette étude s’appuie en premier lieu sur des fonds d’archives. Les « Archives de l’opposition en RDA » (« Archiv der DDR-Opposition ») de la Société Robert-Havemann (Robert-Havemann-Gesellschaft, RHG) abritent notamment les fonds de Manfred Ibrahim Böhme, qui a été associé dès l’été 1989 aux préparatifs de la création du Parti social-démocrate en RDA avant de devenir son Secrétaire général (Geschäftsführer) jusqu’en février 1990, puis son éphémère Président (Vorsitzender) jusqu’au 1er avril suivant. Exclu du SPD en 1992 pour cause de collaboration informelle avec les services de renseignement intérieur du ministère de la Sûreté de l’État (MfS ou « Stasi ») de la RDA, il n’a pas légué ses archives personnelles aux Archives de la démocratie sociale (AdsD) de la Fondation Friedrich-Ebert (Friedrich-Ebert-Stiftung, FES) comme l’ont fait Karl-August Kamilli, Frank Bogisch, Christoph Matschie, Thomas Schmidt, Gottfried Timm et Joachim Hoffmann dont les dépôts viennent s’ajouter aux archives du Directoire du Parti24. Böhme n’est pas le seul social-démocrate est-allemand à avoir dérogé à la règle tacite qui consiste à confier ses papiers à la fondation proche du SPD. Certains ont préféré les mettre à la disposition d’institutions qui ont trait à l’histoire de la RDA et dont ils ont intégré les équipes dirigeantes25. Peut-être faut-il y voir la volonté de mieux contrôler l’accès à leurs documents puisque l’AdsD se montre très libérale quant aux fonds issus ← 24 | 25 → du SDP/SPD-Est tout en restreignant considérablement l’accès aux sources du SPD-Ouest en-deçà d’une période de 30 ans. Alf Lüdtke et Etienne François rappellent que cette pratique de l’AdsD s’inscrit dans le cadre plus large du traitement des archives issues de la RDA : la RFA s’avère tout aussi prompte à ouvrir les archives de l’État disparu qu’elle se montre frileuse vis-à-vis de ses propres fonds26. Force est de constater que de nombreux sociaux-démocrates n’ont pas encore mis leurs archives à disposition de quelque institution que ce fût. N’oublions pas que les membres fondateurs du SDP étaient jeunes en 1989, leur benjamin, Johannes Richter, né en 1966, avait tout juste 23 ans à l’époque, de sorte qu’ils sont encore nombreux, une trentaine d’année après les événements, à être dans la vie active, voire à occuper des postes à responsabilité politiques. Qu’ils n’aient pas eu le temps ou le désir de mettre leurs archives personnelles à la disposition de la recherche, un nombre conséquent de documents n’est pas consultable au moment où nous écrivons ces pages. C’est notamment le cas des documents internes du SPD-Ouest, du moins de ceux qui n’ont pas été transmis au parti est-allemand27. Il faudra patienter jusqu’en 2020 pour pouvoir espérer les consulter, voire plusieurs années supplémentaires si l’on s’intéresse plus particulièrement à l’intégration de la social-démocratie est-allemande au sein du SPD unifié, dominé par les Allemands de l’Ouest.

L’étude approfondie des fonds d’archives conséquents, éclairés en partie par les travaux historiques parus et les recueils de récits évoqués doit permettre d’apporter quelques éléments de réponse aux questions qui guideront notre propos. Afin d’aller plus loin, de combler les lacunes, du reste inhérentes à tout corpus de sources, et de dépasser la spécialisation de l’historiographie, soit sur les sociaux-démocrates est-allemands dans le cadre de la Révolution pacifique, soit dans le cadre de l’unification étatique, il s’est avéré utile de mener une quinzaine d’entretiens avec – ce qui constitue un parti pris – des sociaux-démocrates de la première heure, c’est-à-dire des membres fondateurs et ← 25 | 26 → des adhérents ayant rejoint le SDP dans les trois derniers mois de l’année 1989. L’enjeu est de reconstituer leur parcours dans les divers échelons du parti sur la période étudiée, ce qui permet de dégager des tendances à la base et dans les maillons intermédiaires du SDP/SPD-Est, sans pour autant déboucher sur une étude véritablement multiscalaire qui demeure impossible au regard des sources actuellement disponibles. Ces entretiens viennent compléter à la fois les récits publiés qui portent notamment sur les premiers mois d’existence du SDP et les interviews de Sturm qui a privilégié les responsables ouest-allemands28.

Tout comme les récits, les interviews mobilisent la mémoire des témoins29. Celle-ci est, par définition, sélective et partiale et se nourrit tant de l’expérience personnelle acquise que des discours exogènes produits entre l’événement narré et le présent de la formulation du souvenir30. Le décalage chronologique expose l’interviewé à l’oubli et peut l’induire en erreur ; toutefois, ses confusions sont aisément corrigées par recoupement avec les autres entretiens et les sources d’archive31. Le récit a posteriori implique une diachronie à laquelle échappent celles-ci et cette différence de statut a longtemps nourri le scepticisme de ceux qui préfèrent déceler les traces des représentations et des motifs en présence lors de l’action par l’analyse de documents écrits, produits par des structures impersonnelles. L’« histoire orale » (« oral history ») qui doit beaucoup à l’établissement de l’histoire du quotidien (« Alltagsgeschichte ») dans les années 1980 permet cependant d’accéder immédiatement à la perception individuelle d’événements vécus par les intéressés. Décryptée, la réécriture du passé à laquelle se livrent les témoins dans leur égohistoire informe bien mieux sur leur ← 26 | 27 → socialisation et leurs espoirs d’alors ainsi que sur ceux d’aujourd’hui et sur leur vision de leur situation actuelle. Partant, les diverses strates temporelles font des récits des sources autrement plus riches que les documents d’archive32.

Plus que les récits, les entretiens donnent lieu à un autre écueil, celui de l’intersubjectivité. Les entretiens semi-directifs réalisés entre le 1er mars 2011 et le 23 janvier 2012 partent d’un catalogue d’interrogations fixe qui porte sur la socialisation et la politisation des intéressés, leur mode d’adhésion au parti, leurs engagements particuliers, leurs espoirs et désespoirs, leurs rôles personnels successifs dans le SDP/SPD-Est et leur appréhension des politiques effectivement menées ou seulement envisagées à tous les niveaux au sein de la RDA et dans les rapports que le SDP/SPD-Est entretient progressivement avec son homologue ouest-allemand. L’expérience nous a enseigné que l’ordre et la formulation variables des questions selon le déroulement de l’entretien s’avère plus fructueux du point de vue qualitatif que la réutilisation invariable du même questionnaire – qui a toutefois l’avantage de faciliter la comparaison quantitative des réponses. La démarche choisie est particulièrement avantageuse face à deux types d’interlocuteurs : ceux, politiciens chevronnés, qui souhaitent faire passer un message avant de se prêter véritablement à l’exercice, et ceux, en général plus âgés et ayant embrassé une carrière politique plus modeste, qui aiment à s’appuyer sur des anecdotes pour illustrer leur propos. Markus Meckel et Konrad Elmer-Herzig, témoins inlassables, ont ainsi tendance à dérouler leur récit – rodé au point de se citer inconsciemment eux-mêmes – avant d’accepter de se plier aux questions effectivement posées, tandis que Helmut Hampel ou Doris Fiebig, plus modestes, se laissent par moments aller à la conversation. À ces deux sortes de partenaires, pour contraires qu’ils soient, les questions fixes peuvent paraître redondantes s’ils considèrent y avoir déjà répondu, ou trop contraignantes si elles heurtent leur caractère. La dynamique de l’entretien s’en trouve rompue, de sorte qu’ils risquent de ne pas livrer des informations qui dépassent le discours officiel, celles-là même auxquelles espère accéder le chercheur. Or, on le voit, cette manière de procéder en appelle aux capacités de réaction de l’interrogateur et engage celui-ci dans ce qui devient un dialogue. Plusieurs difficultés découlent du statut ambivalent de ce dernier. Les contextes politique, économique et social du récit, autant que les coulisses immédiates de l’entretien, à savoir le lieu et la durée par exemple, viennent informer encore un ← 27 | 28 → peu plus la vision et la restitution a posteriori des contextes et du rôle personnel du témoin33.

Du point de vue de l’interviewé, la confiance qui s’instaure avec l’interrogateur détermine tout particulièrement sa disposition à se livrer. Il est significatif à cet égard qu’en amont, nombre de témoins se sont enquis de nos motifs, affiliations partisanes et origines. Ces questions visent à jauger le degré de confiance qu’ils pensaient pouvoir nous accorder, mais aussi l’intérêt personnel qu’ils pouvaient avoir à nous rencontrer. Konrad Elmer-Herzig est le seul à avoir souhaité que les questions lui soient transmises en amont et à avoir retravaillé en profondeur la retranscription de son entretien avant d’en autoriser l’exploitation34. Afin d’encourager les témoins à se livrer, il leur a été spécifié d’entrée de jeu que, s’ils le souhaitaient, certains passages de leur entretien pouvaient ne pas apparaître dans la version publiée. Helmut Hampel a ainsi demandé de ne pas rendre publique l’intégralité de ses propos35. Les autres interlocuteurs n’ont pas exprimé de tels souhaits et nous ont fait entièrement confiance, ce qui était d’autant plus profitable que nous étions souvent tributaire de leur bon vouloir pour obtenir les coordonnées d’autres témoins et, le cas échéant, avoir accès à leurs archives privées36. À l’évidence, cette dépendance n’est pas sans danger puisqu’il est probable qu’ils nous ont orienté vers des personnes qui avaient une perception analogue des choses. La sympathie spontanée ou croissante entre les deux intervenants peut basculer, pour peu que nous ayons dû contredire le témoin sur un point précis ou demander des explications complémentaires. Le chercheur peut alors se faire signifier que son discours est moins légitime que celui de l’acteur de l’époque dans la simple mesure où il n’a pas vécu de l’intérieur les événements dont il ← 28 | 29 → est question37. N’oublions pas que pour l’interviewé, il s’agit de garder la main sur sa propre vie. Aussi le choix a-t-il été fait d’interrompre le moins possible les réponses des témoins et de se cantonner à corriger entre crochets ou en note infrapaginale ce qui constitue à nos yeux des erreurs.

Cette dernière remarque conduit à souligner à quel point le rôle que joue l’interrogateur lors des entretiens est actif. Par nature, toute question appelle une ou des réponses, de sorte que l’interrogateur exerce toujours une influence sur l’interviewé. Nourri lui aussi d’une perception des événements d’alors et d’aujourd’hui, conscient des lacunes dans les sources, informé par les entretiens précédents et mû par des sentiments de sympathie ou d’antipathie à l’égard du témoin, il oriente nécessairement le cours et le contenu de l’entretien, à plus forte raison s’il est amené à reformuler les questions pour qu’elles correspondent mieux à l’interview en cours. On le voit, chaque entretien est aussi le lieu d’une lutte d’influence sous-jacente entre ses deux acteurs.

Pour problématiques qu’elles soient, ces interviews permettent de compléter les archives pour éclairer le parcours des premiers sociaux-démocrates est-allemands entre le 7 octobre 1989 et la fusion des deux SPD le 27 septembre 199038. Afin de présenter ces « acteurs », il convient d’interroger dans un premier temps leur formation politique au sein des mouvements citoyens, souvent proches de l’Église protestante. Cette contextualisation nécessite un rapide retour sur les mythes fondateurs de la RDA et du régime du Nationale Front et sur leur traduction dans les réalités de la fin des années 1980. Ainsi, nous pourrons ensuite comprendre les implications ouvertement révolutionnaires de la fondation du Parti social-démocrate en RDA et nous livrer à une première caractérisation personnelle, programmatique et statutaire du parti. Ensuite, la première phase d’institutionnalisation verticale et horizontale du SDP sera au cœur de notre propos. Aussi cherchera-t-on à retracer la participation des premiers sociaux-démocrates au recrutement d’une base toujours plus nombreuse et à l’établissement de structures intermédiaires. L’élargissement de la base et la ← 29 | 30 → structuration progressive du parti mènent à des frictions entre le premier Directoire (Vorstand), coopté à Schwante, et les simples adhérents dont les visées et les associations avec le concept de parti social-démocrate ne se recoupent pas entièrement. Horizontalement, il s’agit d’étudier l’entrée du SDP dans le paysage politique est-allemand mais aussi interallemand puisqu’il est tour à tour reconnu de fait tant par le régime, d’où son accession à la Table ronde centrale dès le 7 décembre 1989, que par le SPD ouest-allemand. La première phase, largement marquée par l’autarcie des premiers sociaux-démocrates à la tête du SDP, arrive à son terme quand cette élite se voit confrontée directement à sa base dans le cadre de la Conférence des délégués des 12, 13 et 14 janvier 1990 et doit s’incliner devant la majorité qui lui est de plus en plus hostile au cours de la période étudiée. À l’issue de cette Conférence, le Parti social-démocrate en RDA arbore dorénavant le même sigle que son homologue de Bonn, le SPD. La phase du travail essentiellement autonome des premiers sociaux-démocrates en RDA touche alors à sa fin.

Ce changement de sigle comporte une dimension toute symbolique puisqu’elle répond à la fois à la pression de la base et à la modification des horizons d’action du SDP/SPD-Est tandis que s’ouvre la perspective d’une possible Réunification des deux États allemands qui implique aussi un sensible rapprochement des deux partis sociaux-démocrates allemands. Face aux nouveaux enjeux, on s’intéressera de plus près à la genèse et à l’adoption des nouveaux programmes et statuts du Parti et on tentera d’en déduire les apports de la base dans la mesure où les premiers textes qu’ils remplacent avaient été rédigés par les seuls membres fondateurs. La question du pouvoir est d’autant plus au centre des débats que, de parti révolutionnaire, le SPD-Est se mue en parti parlementaire et gouvernemental lors des élections du 18 mars 1990. Outre qu’elles renversent définitivement le régime, elles lui donnent l’occasion de réaliser sa vocation de parti et l’amènent à imposer son programme. Les questions de la gouvernance du parti, de l’exercice du pouvoir en son nom et du jeu d’influences croisées avec le SPD-Ouest concentreront toute notre attention. Enfin, un développement sur la préparation et la réalisation de la fusion des deux entités sociales-démocrates allemandes qui voit disparaître le SPD-Est viendra refermer la présente étude. Elle est l’occasion d’une définition de part et d’autre de ce qui fonde l’identité sociale-démocrate est-allemande et pose, comme la Réunification étatique une petite semaine plus tard, la question de savoir si la fusion met véritablement fin à l’expression d’identités qui prennent leurs racines en RDA.


1 Contrairement à une idée reçue, Brandt a prononcé ces mots dans une interview accordée au Sender Freies Berlin le 10 novembre 1989, cf. BRODERSON, Kai, « Willy Brandt Berlin 1989 (1989 / 90) », in : ID. (dir.), I have a dream. Große Reden von Perikles bis Barack Obama, Primus Verlag, Darmstadt, 2009, p. 189–199.

2 René Rémond rappelle que jusqu’aux attentats du 11 septembre 2001, la date du 9 novembre 1989 s’impose avec évidence comme la césure universellement reconnue qui referme le XXe siècle. Ses développements ultérieurs montrent qu’aucune césure n’est immuable et précisent qu’il n’existe pas de parenthèses en histoire, cf. RÉMOND, René, Le XX e siècle. 1914 à nos jours, Introduction à l’Histoire de notre temps, t. 3, coll. Points Histoire, Seuil, Paris, 2002, p. 8–11. Sur le caractère structurant mais mouvant des césures en histoire, cf. LE GOFF, Jacques, Faut-il vraiment découper l’histoire en tranches ?, coll. La Librairie du XXIe siècle, Seuil, Paris, 2014, p. 15 et p. 37.

3 Cf. http://www.presseportal.de/pm/63229/2876263 [3 juillet 2018].

4 Outre les anciens membres des mouvements citoyens qui insistent sur un passé glorieux, c’est aussi la thèse que semblent défendre les politiciens ouest-allemands quand il s’agit de délégitimer la RDA en tant que système tout en fêtant des héros qui cependant perdent leur légitimité politique avec la disparition de la RDA. À titre d’exemple de cette tendance alors antisocialiste, citons Joppke : « La Table ronde centrale devint le symbole par excellence du fait que le régime et son opposition devaient disparaître ensemble », cf. JOPPKE, Christian, East German Dissidents and the Revolution of 1989, Social Movements in a Leninist Regime, Londres, 1995, p. 169, cité d’après GEISEL, Christof, « Siegreiche Revolutionäre oder Opfer der Wiedervereinigung ? Das politische Selbstverständnis der DDR-Opposition », in : ANSORG, Leonore / GEHRKE, Bernd / KLEIN, Thomas / KNEIPP, Danuta (dir.), « Das Land steht still – noch ! » Herrschaftswandel und politische Gegnerschaft in der DDR (1971–1989), coll. Zeithistorische Studien, t. 40, Böhlau Verlag, Vienne / Cologne / Weimar, 2009, p. 267–290, p. 277 sq..

5 Cf. MERKEL, Wolfgang, « Transformation politischer Systeme », in : MÜNKLER, Herfried (dir.), Politikwissenschaft. Ein Grundkurs, Rowohlts Enzyklopädie, Rowohlt, Reinbek bei Hamburg, 2003, p. 207–245, p. 222 sq..

6 Le terme de « régime autocratique » figure dans le texte de W. Merkel, nous préférons, dans le cadre de la RDA, parler d’un régime autoritaire, cf. le chapitre premier.

7 Pour W. Merkel, l’« institutionnalisation de la démocratie » est atteinte quand la pratique démocratique du nouveau régime est entérinée par la loi. Il part alors du principe qu’une révolution ne saurait avoir lieu que dans des pays gouvernés jusque-là par des régimes pour le moins autoritaires et mènerait à l’instauration d’une démocratie libérale de type occidental. La « consolidation de la démocratie » revient, selon lui, à un long processus d’acculturation au sein de la société de l’État sanctionné par une modification profonde de la Constitution. Il paraît néanmoins difficile de faire la part des choses entre la promulgation de nouvelles lois et l’adoption d’une nouvelle constitution, qui toutes deux tendent à sanctionner une nouvelle pratique du pouvoir par la loi. Merkel rejette le critère de la tenue d’élections libres dans la mesure où elles ne la modifieraient pas automatiquement. De notre côté, nous retiendrons la tenue des élections libres du 18 mars 1990 comme point de départ, cf. MERKEL, ibid., p. 223 et p. 228–231.

Résumé des informations

Pages
436
Année
2019
ISBN (PDF)
9783631780275
ISBN (ePUB)
9783631780282
ISBN (MOBI)
9783631780299
ISBN (Relié)
9783631772850
DOI
10.3726/b15208
Langue
français
Date de parution
2019 (Mars)
Mots clés
SDP SPD Friedliche Revolution Wiedervereinigung ostdeutsche Identität deutsche Sozialdemokratie
Published
Berlin, Bern, Bruxelles, New York, Oxford, Warszawa, Wien, 2019. 436 S., 2 Tab.

Notes biographiques

Etienne Dubslaff (Auteur)

Etienne Dubslaff, ancien élève de l’École normale supérieure de Lyon et agrégé d’allemand, est docteur en Civilisation allemande et en histoire contemporaine. Il est Maître de conférences en civilisation allemande à l’Université Paul-Valéry Montpellier 3 et membre du CREG. Etienne Dubslaff ist promovierter Zeithistoriker und hat eine beamtete Dozentenstelle an der Université Paul-Valéry Montpellier 3 inne. Er ist Mitglied in der Forschungsgruppe CREG.

Précédent

Titre: « Oser plus de social-démocratie » La recréation et l’établissement du Parti social-démocrate en RDA
book preview page numper 1
book preview page numper 2
book preview page numper 3
book preview page numper 4
book preview page numper 5
book preview page numper 6
book preview page numper 7
book preview page numper 8
book preview page numper 9
book preview page numper 10
book preview page numper 11
book preview page numper 12
book preview page numper 13
book preview page numper 14
book preview page numper 15
book preview page numper 16
book preview page numper 17
book preview page numper 18
book preview page numper 19
book preview page numper 20
book preview page numper 21
book preview page numper 22
book preview page numper 23
book preview page numper 24
book preview page numper 25
book preview page numper 26
book preview page numper 27
book preview page numper 28
book preview page numper 29
book preview page numper 30
book preview page numper 31
book preview page numper 32
book preview page numper 33
book preview page numper 34
book preview page numper 35
book preview page numper 36
book preview page numper 37
book preview page numper 38
book preview page numper 39
book preview page numper 40
438 pages