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Le sens absent

Approche microstructurale et interprétative du virtuel sémantique

de Katarzyna Wolowska (Auteur)
©2014 Monographies 312 Pages

Résumé

Dans toutes les dimensions de la communication verbale, le virtuel s’efface devant l’actuel, mais le sens « absent » ne cesse d’escorter le sens « present ». Il le sous-tend, l’informe et, quelquefois, pointe le bout de son nez. En s’inscrivant dans la perspective de la sémantique microstructurale, ce livre se propose de revisiter le virtuel linguistique pour saisir ses rapports avec le domaine de l’actuel, en envisageant la virtualité dans l’optique interprétative qui mobilise tout un éventail de mécanismes sémantico-discursifs de la production du sens en contexte.

Table des matières

  • Couverture
  • Titre
  • Copyright
  • Sur l’auteur
  • À propos du livre
  • Pour référencer cet eBook
  • Table des matières
  • Abréviations et conventions typographiques
  • Abréviations
  • Conventions typographiques
  • Conventions utilisées dans les schémas (à partir du schéma 19, sauf l'indication différente)
  • Introduction
  • Chapitre 1. Analyse componentielle et interprétative : outils méthodologiques
  • 1.1. La notion de sème
  • 1.1.1. Terminologie
  • 1.1.2. Pertinence du concept
  • 1.1.3. Conceptions de la nature et du statut des sèmes
  • 1.1.3.1. Les composantes sémantiques minimales et la référence
  • 1.1.3.2. Les universaux sémantiques
  • 1.1.4. Nombre des sèmes
  • 1.1.4.1. Un nombre réduit...
  • 1.1.4.2. … ou un nombre infini ?
  • 1.1.4.3. Les sèmes « négatifs »
  • 1.1.5. Définition(s)
  • 1.1.5.1. La définition générale du sème
  • 1.1.5.2. Sèmes et traits sémiques
  • 1.1.6. Lexicalisation
  • 1.2. Le sémème
  • 1.2.1. Définition générale
  • 1.2.1.1. Le sèmeme-type et le sémème-occurrence
  • 1.2.1.2. Le sémème et la sémie
  • 1.2.2. La structure du sémème et les typologies de traits sémantiques
  • 1.2.2.1. Structure additionnelle ou hiérarchique ?
  • 1.2.2.2. Les conceptions du sémème proposées dans le cadre de la sémantique structurale française
  • 1.2.2.3. Les traits sémantiques virtuels (TSV)
  • 1.3. Classe sémantique
  • 1.4. Isotopie sémantique
  • 1.4.1. Définition de l’isotopie
  • 1.4.2. Typologie des isotopies
  • 1.4.3. Isotopie, allotopie et syntaxe
  • Chapitre 2. Dimensions de la réalité linguistique
  • 2.1. Du système à l’acte : conceptions structurales des plans du langage
  • 2.1.1. La « dichotomie » saussurienne
  • 2.1.2. La conception de Louis Hjelmslev
  • 2.1.3. La théorie de Gustave Guillaume
  • 2.1.4. Les plans du langage selon Eugenio Coseriu
  • 2.1.5. Le modèle de François Rastier
  • 2.1.6. Convergences et divergences
  • 2.2. L’espace normatif du langage
  • 2.3. Le contexte
  • 2.3.1. La place du contexte dans l’analyse sémantique
  • 2.3.2. Définition
  • 2.3.3. Contexte et analyse componentielle
  • 2.3.4. Les paliers du contexte
  • (i) syntagme
  • (ii) énoncé
  • (iii) séquence
  • (iv) texte
  • (v) intertexte
  • (vi) pratique discursive
  • 2.4. Les plans du langage et le virtuel sémantique
  • 2.4.1. Cadre logico-temporel de la description du virtuel
  • 2.4.2. La norme et le contexte dans la description du sens actuel et virtuel
  • Chapitre 3. La virtualité dans la langue
  • 3.1. Vers une délimitation du champ d’exploration
  • 3.1.1. La néologie formelle : le virtuel au niveau du signe linguistique
  • 3.1.2. Le virtuel lexical et le virtuel sémantique
  • 3.2. La virtualité dans les approches théoriques du sens
  • 3.2.1. Le concept de signifié de puissance
  • 3.2.2. Le virtuel en système
  • 3.2.3. Le virtuème et la connotation
  • 3.2.4. Les traits virtuels et la virtualisation
  • 3.2.5. Le virtuel déjà et jamais réalisé
  • 3.2.5.1. De la conception du polysème...
  • 3.2.5.2. … à la conception du signe linguistique
  • Chapitre 4. Le virtuel en amont du texte : le sens potentiel
  • 4.1. Vers une typologie de traits potentiels
  • 4.1.1. Les TSA et le potentiel normativisé (les TPN)
  • 4.1.1.1. Polysémie ou néosémie ?
  • 4.1.1.2. Les TSA, les TPN et le sémème-type
  • 4.1.1.3. Les TPN et les afférences socialement normées
  • 4.1.2. Les traits potentiellement contextuels (TPC)
  • 4.2. Le potentiel en amont du texte et la non-actualisation
  • 4.3. Récapitulation
  • Chapitre 5. Le virtuel en aval du texte : le sens neutralisé
  • 5.1. Quelques précisions sur le processus de l’interprétation
  • 5.1.1. Le texte-source et la démarche interprétative
  • 5.1.2. Le cadre temporel de l’interprétation
  • 5.1.2.1. Les opérations interprétatives
  • 5.1.1.2. La successivité des opérations sémantico-discursives dans le processus de l’interprétation
  • 5.1.1.3. La virtualisation comme neutralisation et l’espace de la parole neutralisée
  • 5.2. Types de virtualisation
  • 5.2.1. La délétion sémique
  • 5.2.1.1. La délétion des sèmes inhérents : l’exemple des parcours interprétatifs tropiques et figuratifs
  • 5.2.1.1.1. Parcours métaphoriques
  • 5.2.1.1.2. Parcours métonymiques et synecdochiques
  • 5.2.1.1.3. Parcours ironiques
  • 5.2.1.1.4. Parcours hyperboliques et litotiques
  • 5.2.1.2.5. Parcours non-tropiques : exemple d’antanaclase
  • 5.2.1.2. La délétion de sèmes afférents
  • 5.2.2. La suspension sémique
  • 5.2.2.1. La suspension sémique dans les paradoxes fondés sur des oppositions lexicales
  • I. Actualisation du paradoxe
  • II. Neutralisation du paradoxe
  • 5.2.2.2. La suspension sémique et l’impact discursif de la négation
  • 5.3. Récapitulation
  • Chapitre 6. Les isotopies virtuelles
  • 6.1. La récurrence de TSV dans le texte
  • 6.2. Les isotopies virtuelles évaluatives
  • Conclusion
  • Bibliographie
  • Glossaire
  • Résumé
  • Summary
  • Kurzfassung
  • Streszczenie
  • Liste des schémas
  • Index des auteurs cités

Abréviations et conventions typographiques

 

Abréviations

 

Sa

signifiant

signifié

Sneutr

sème neutralisant

SA

sème afférent

SAneutr

sème afférent neutralisant

SG

sème générique

SGneutr

sème générique neutralisant

SI

sème inhérent

SS

sème spécifique

SN

sème neutralisé

SNA

sème neutralisé annulé

SNS

sème neutralisé suspendu

SSA

sème spécifique afférent

SSAnég

sème spécifique afférent nié (négatif)

SSAneutr

sème spécifique afférent neutralisant

SSI

sème spécifique inhérent

SSInég

sème spécifique inhérent nié (négatif)

SASN

sème afférent socialement normé

SSAN

sème spécifique afférent neutralisé

SSIN

sème spécifique inhérent neutralisé

SSINS

sème spécifique inhérent neutralisé suspendu

SMicroGA

sème microgénérique afférent

SMicroGAnég

sème microgénérique afférent nié (négatif)

SMicroGAneutr

sème microgénérique afférent neutralisant

SMicroGI

sème microgénérique inhérent

SMicroGInég

sème microgénérique inhérent nié (négatif)

SMicroGIN

sème microgénérique inhérent neutralisé

SMicroGINS

sème microgénérique inhérent neutralisé suspendu

SMésoGA

sème mésogénérique afférent

SMésoGAnég

sème mésogénérique afférent nié (négatif)

SMésoGAneutr

sème mésogénérique afférent neutralisant ← 9 | 10 →

SMésoGI

sème mésogénérique inhérent

SMésoGIN

sème mésogénérique inhérent neutralisé

SMésoGINS

sème mésogénérique inhérent neutralisé suspendu

SMacroGA

sème macrogénérique afférent

SMacroGAE

sème macrogénérique afférent évaluatif

SMacroGAEnég

sème macrogénérique afférent évaluatif nié (négatif)

SMacroGAEneutr

sème macrogénérique afférent évaluatif neutralisant

SMacroGI

sème macrogénérique inhérent

SMacroGIE

sème macrogénérique inhérent évaluatif

SMacroGIEnég

sème macrogénérique inhérent évaluatif nié (négatif)

SMacroGIN

sème macrogénérique inhérent neutralisé

SMacroGIEN

sème macrogénérique inhérent évaluatif neutralisé

SMacroGINS

sème macrogénérique inhérent neutralisé suspendu

TP

trait potentiel

TPN

trait potentiel normativisé

TPC

trait potentiellement contextuel

TSV

trait sémantique virtuel

TSA

trait sémique d’application

v.él.

version électronique

Conventions typographiques

 

‘ ’

‘sémème’

/ /

/sème/

/italique/

/isotopie/

// //

//classe sémantique// (//dimension//, //domaine//, //taxème//)

\ \

\TSA\

Conventions utilisées dans les schémas

(à partir du schéma 19, sauf l’indication différente) :

 

/x/

/sème inhérent/

/x/

/sème afférent/

/x/

/sème inhérent virtualisé/

/x/

/trait potentiel/

/x/

/sème inhérent suspendu/

transformation du sémème-type en sémème-occurrence ← 10 | 11 →

Introduction

Le problème du virtuel n’est pas nouveau en linguistique, ne serait-ce qu’à cause des références incontournables à la réflexion philosophique, surtout à la célèbre distinction aristotélicienne entre puissance et acte (cf. 1879, IX, chap. I), reprise ensuite surtout par saint Thomas d’Aquin (cf. p. ex. Denis-Boulet 1922) et par Leibniz (cf. p. ex. Gaudemar 1994). Abstraction faite des divergences conceptuelles entre les approches philosophiques de la puissance, celle-ci est habituellement entendue justement comme un état virtuel (potentiel) à partir duquel il peut se matérialiser (s’actualiser) un être concret, les deux états (en puissance et en acte) se présupposant mutuellement.

Cette idée du potentiel (puissanciel), appliquée à la description linguistique, se retrouve surtout dans la psychomécanique du langage de Guillaume (distinction puissance/effet, cf. p. ex. Valin 1973, Lowe 2005), mais aussi, plus implicitement, dans l’idée saussurienne de la langue (opposée à la parole) ou dans celle de la compétence (opposée à la performance) de Chomsky (1965)1. Il s’agit toujours du même mécanisme fondamental : ce qui s’actualise doit exister d’abord à l’état potentiel, le discours qu’on produit n’est donc qu’une actualisation particulière des moyens de la langue (système, code, compétence…) dont dispose le locuteur. Comme l’explique Guillaume, pour « échapper aux impuissances du langage improvisé », il faut « avoir derrière soi, dans l’antécédent, des moyens construits, c’est-à-dire la puissance de produire dans le conséquent les ‘effets de parole’ visés » (Guillaume, Leçon du 18 décembre 1941, in Lowe 2005 : 121). Ce qui est fondamental, c’est que l’état de puissance (surtout celui d’un mot) recèle en lui non seulement la possibilité d’une seule actualisation, mais toute une panoplie de telles possibilités (effets, emplois discursifs) dont certaines sont prévisibles et d’autres non.

La conception de la virtualité que nous entendons développer dans le cadre du présent ouvrage est tout autre : bien qu’elle converge nécessairement dans certains points avec cette idée du possible à réaliser, celle-ci n’y est pas centrale, la perspective que nous adoptons privilégiant plutôt (bien que non seulement) la question du possible non réalisé. Soulignons tout d’abord qu’il s’agira ici du virtuel sémantique, ce qui restreint déjà considérablement le champ d’exploration, même si, comme le pose Coseriu, « dans le langage, tout est sémantique » (2001 : 355). Du point de vue théorique, notre approche du sens virtuel se fonde sur les principes de la sémantique structurale ; du point de vue méthodologique, elle reprend la démarche de l’analyse componentielle qui ← 11 | 12 → permet de décrire des phénomènes du niveau microsémantique (structure du contenu sémantique décomposable en éléments minimaux) en les situant par rapport aux phénomènes et facteurs du niveau macrosémantique (classes sémantiques, influences contextuelles, isotopies sémantiques). Dans cette optique, le sens virtuel sera donc systématisé, le plus généralement, à l’aide du concept de trait sémantique minimal, associé habituellement à la notion de sème, et il sera défini par rapport aux éléments actuels (sèmes actualisés en discours) qui, selon nous, conditionnent le repérage des traits virtuels aussi bien dans l’usage même de la langue que dans son analyse.

Une telle approche, située dans la lignée de la pensée saussurienne, relève sans doute de ce « positivisme structuraliste » critiqué véhémentement par Dupuis (2011) qui, en cherchant à introduire dans la description linguistique l’idée du virtuel « pur » (cf. aussi Cusimano 2012), refuse la démarche descriptive propre à la recherche structurale.

Définir la langue comme une sorte de système, c’est donc en faire un territoire fini actuel. Saussure a donc ouvert le geste inaugural de la sémantique par la délimitation d’un territoire de valeurs assignées à la langue et où, à la limite, elles sont toutes repérables, en droit. (…) C’est ce même geste que n’auront de cesse de répéter les sémanticiens à sa suite jusqu’à aujourd’hui. Un geste fermé à toute virtualité, et qui se complaît dans la « combinatoire » : classer, faire des tableaux, opérer des discriminations, des changements de signes de valeurs (Dupuis 2011 : 29).

Dans cette optique, la sémantique structurale, telle que la concevait Pottier en définissant les concepts de sème et de sémème, apparaît effectivement comme une démarche par principe « positiviste », donc susceptible d’aboutir à une impasse, de se scléroser tôt ou tard faute de pouvoir respirer avec cet air virtuel qu’elle repousse au-delà de son champ d’intérêt ou, du moins, dont elle se fait une idée trop « systémique » (cf. aussi Cusimano 2012 : 20-22). Sans doute, ces remarques sont-elles justes à un certain point, surtout si l’on les rapporte aux approches structuralistes radicales, s’acharnant – dans une sorte d’engouement d’ailleurs compréhensible – à élaborer des modèles statiques et immanentistes de la signification (comme c’était le cas des premières matrices sémiques de Pottier 1964) : il est clair et tout à fait prévisible que de telles tentatives ne sauraient réussir, le sens étant une réalité incontestablement dynamique. Pourtant, l’analyse sémantique qui prend en compte la situation de communication2 a permis de dépasser la plupart des obstacles liés à cet immanentisme artificiel ; ainsi, déjà dans la sémantique interprétative de Rastier (cf. surtout 1987), développant une méthodologie avancée pour l’analyse de la lecture de textes, le caractère dynamique du processus de la constitution du sens, ← 12 | 13 → lié aux interrelations entre les dimensions micro- et macrosémantique, se trouve explicitement affirmé et mis en relief.

Malheureusement, du point de vue des critiques post-structuralistes auxquelles renvoie Dupuis, cela ne suffit pas, parce que même la sémantique qui prône une contextualisation maximale du sens n’échappe pas aux classifications de l’actuel au détriment du virtuel : Rastier emploie effectivement le terme de virtualisation pour conceptualiser une disparition de traits sémantiques en contexte sans traiter la question du virtuel « pur »3 qui, échappant à tout classement structuraliste, autonome par rapport à l’actuel, conditionne même ce dernier, en constitue la source (cf. 3.2.5). Comme le constate avec une certaine amertume Dupuis, le fait que la sémantique reste « encore suspendue à cette idée de ‘totalité actuelle’ des signes, des valeurs » (ibid. : 30) l’empêche de « se penser dans ses fondements » et de « définir sa place dans l’ordre des savoirs » (ibid. : 27), ce qui, conséquemment, ne permet pas de la considérer comme une véritable science, malgré « un aveuglement des sémanticiens aspirant à être reconnus comme des scientifiques » (ibid. : 34).

Sans nous engager trop dans la discussion de cette question (qui mériterait sans doute un débat à nouveau ouvert), posons seulement que, pour nous, la sémantique non seulement n’a pas la possibilité d’être une science à l’instar des sciences exactes (comme le souligne Dupuis, elle peut avoir « seulement par métaphore la légitimité d’une science », ibid. : 39), mais encore elle n’en a pas besoin. La démarche déductive « scientifique », consistant à construire des modèles hypothétiques qui expliquent le fonctionnement du langage humain, ne nous semble pas plus légitime que la démarche inductive descriptive dont l’essentiel, contrairement aux apparences, n’est pas de classer, d’étiquetter, de ranger dans des tiroirs (cela n’en étant qu’une forme extérieure ou une conséquence), mais d’adopter le point de vue du locuteur, l’instance humaine sans laquelle la langue n’existe pas. De même qu’on ne saurait formaliser scientifiquement le culturel, l’artistique ou le transcendant, de même il nous semble impossible de formaliser le sémantique en faisant abstraction du point de vue du sujet parlant qui, au cours de la communication, crée et perçoit avant tout le sens actuel et seulement ensuite (en marge et conditionnellement) le sens virtuel. Si notre étude de cet objet d’analyse invisible et absent n’échappe pas – ← 13 | 14 → délibérément – au structuralisme « classificatoire » (manifeste surtout dans nos typologies des traits virtuels et des phénomènes liés à leur fonctionnement en discours), c’est parce que notre approche se fonde sur le parti pris méthodologique consistant à ne considérer la virtualité sémantique que justement dans ses rapports avec l’actuel et telle qu’elle est perçu par le locuteur.

Nous en venons ici au second aspect fondamental de notre approche, à savoir à la perspective interprétative. Celle-ci présuppose la description du sens du point de vue du sujet interprétant qui, au cours du processus de l’appréhension du contenu d’un texte (entendu comme tout produit matériel, écrit ou oral, de l’activité du sujet parlant) et suivant des consignes contextuelles pertinentes, décide d’actualiser certains éléments sémantiques (sens qui apparaît en discours), de ne pas en actualiser d’autres (sens qui n’apparaît pas) ou d’en neutraliser encore d’autres (sens qui disparaît). Ce sens qui soit n’apparaît pas, soit disparaît dans l’interprétation, nous l’appelons sens absent et c’est ainsi que nous entendons définir, de la manière la plus générale, la notion du virtuel sémantique décrit dans le présent ouvrage4. La perception d’éléments sémantiques virtuels est donc considérée comme strictement liée avec la démarche interprétative qui, orientée intersubjectivement à un certain point par des normes et des consignes contextuelles adéquates, admet néanmoins la possibilité de parcours divergents (d’un interprète à l’autre et/ou d’une lecture à l’autre), envisageables grâce à l’existence d’alternatives virtuelles.

On pourrait donc dire que le parcours interprétatif est inévitablement enveloppé de virtuel, comme une multitude d’angles morts qui pointent vers des propriétés sémantiques d’autres textes. La lecture d’un texte est une expérience renouvelée et renouvelable qui ne permet jamais de l’atteindre. On passe par une multitude d’expériences, mais on n’obtient jamais LE texte (Cusimano 2012 : 131).

Bien que nous n’entendions pas développer ici ce problème intéressant de l’interprétation multiple (fascinant surtout dans le cas de textes littéraires, cf. Eco 1962 sur l’idée de l’« œuvre ouverte »), en nous concentrant sur l’aspect structural des traits virtuels et les mécanismes interprétatifs qui permettent de les répérer ou de les constituer, nous ne saurions faire abstraction de la divergence inévitable entre le texte-source et le texte interprété (cf. 5.1.1.). Le chemin interprétatif qui mène de l’un à l’autre, constitué de plusieurs micro-étapes (opérations à effectuer par l’interprète), est en effet le lieu où interagissent les éléments de l’actuel et du virtuel (quelle que soit leur nature), et c’est au cours de cette interaction dynamique que se forge le sens interprété définitif. ← 14 | 15 →

Dans cette optique, le sens virtuel est envisagé comme une toile de fond indétachable du sens actuel, recelée dans tout texte, même si dans certains cas les traits virtuels sont mieux repérables (ou mieux « sensibles ») que dans d’autres. Pour cette raison, nous avons choisi de fonder nos analyses non pas sur un corpus d’exemples préétabli, c’est-à-dire sur un ensemble de textes à dépouiller, plus ou moins homogène du point de vue structurel ou générique, mais sur un corpus d’exemples à caractère ouvert, i.e. comportant des textes (de différente longueur et génériquement variés), sélectionnés en fonction de leur valeur illustrative par rapport aux phénomènes décrits. Cela présuppose bien entendu une démarche analytique préalable, appliquée aussi à d’autres exemples qui, sans apparaître dans cet ouvrage, ont permis de confirmer l’exactitude de la description des mécanismes pertinents et des typologies proposées. Pourtant, vu qu’il s’agit ici d’un phénomène par principe omniprésent, il ne nous semble ni nécessaire, ni utile d’établir des corpus spéciaux pour analyser le sens virtuel5 (ce serait un peu, toutes proportions gardées, comme si l’on voulait chercher des corpus pour illustrer ce que c’est que la parole, le phonème, le lexème, etc.).

Résumé des informations

Pages
312
Année
2014
ISBN (PDF)
9783653037302
ISBN (ePUB)
9783653996364
ISBN (MOBI)
9783653996357
ISBN (Broché)
9783631642290
DOI
10.3726/978-3-653-03730-2
Langue
français
Date de parution
2014 (Juillet)
Mots clés
Semantik Mikrostruktur Virtualität verbale Kommunikation
Published
Frankfurt am Main, Berlin, Bern, Bruxelles, New York, Oxford, Wien, 2014. 312 p., 59 graph.

Notes biographiques

Katarzyna Wolowska (Auteur)

Katarzyna Wołowska est enseignante-chercheuse à l’Institut de philologie romane de l’Université catholique Jean-Paul II de Lublin (Pologne). Elle explore depuis une décennie les méandres de la micro-sémantique, tout en restant ouverte à l’approche discursive où s’inscrivent ses travaux.

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Titre: Le sens absent
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