Chargement...

Littérature de jeunesse : la fabrique de la fiction

de Philippe Clermont (Éditeur de volume) Danièle Henky (Éditeur de volume)
©2017 Collections 207 Pages

Résumé

Le présent ouvrage s’intéresse aux archives de l’œuvre de romanciers ou d’illustrateurs en littérature pour la jeunesse, démarche assez neuve dans ce domaine des études littéraires. L’approche proposée recourt à l’analyse des sources, des témoignages d’auteurs, à l’étude de la genèse du texte ou des images. Il s’agit donc de produire une compréhension des œuvres en s’attachant à leur fabrique. Le travail de documentation de l’écrivain, la variété de ses sources – matérielles ou non, les avants-textes dans leur rapport à l’œuvre éditée, portent la trace du projet d’auteur. Les différents travaux réunis tendent ainsi à dévoiler tout ou partie du processus de création artistique, dans sa complexité, dans sa variété et apportent un éclairage nouveau sur le sens des œuvres considérées.

Table des matières

  • Couverture
  • Titre
  • Copyright
  • À propos de l’auteur
  • À propos du livre
  • Pour référencer cet eBook
  • Sommaire
  • Introduction
  • La littérature de jeunesse (XXe–XXIe siècles) et le problème de sa fabrique (Philippe Clermont / Danièle Henky)
  • I. Du document historique à la fiction
  • La fabrique du texte de l’adaptateur : le cas des adaptations de L’Odyssée d’Homère dans les albums de littérature de jeunesse (Nathalie Broc)
  • La fabrique des œuvres de littérature de jeunesse contemporaine et la culture antique (Ida Iwaszko)
  • Écrire l’histoire : Du matériau historiographique à la fiction (Yvon Houssais)
  • Aux sources de la Chine de Paul d’Ivoi (Marie Palewska)
  • II. Archives intimes du texte
  • La collection de jouets Tomi Ungerer, une archive de l’œuvre ? (Evelyne Bedoin)
  • Une étape alchimique dans la création d’un livre (Christian Poslaniec)
  • Les archives de mes textes (Christian Grenier)
  • Philippe Corentin ou la fabrique de la voix (Isabelle Lebrat)
  • III. Carnets, cahiers et brouillons dans la genèse de la fiction
  • De l’émergence des images : ontogenèse de la création chez François Place (Laurent Bazin)
  • Les carnets d’Olivier Douzou, création et travail d’édition (Cécile Vergez-Sans)
  • Du mythe américain au jeu langagier dans Il était une oie dans l’Ouest de Damien Chavanat (Annie Camenish)
  • Du Cœur d’Écogée à Écoland, éléments de la genèse d’un roman de Christian Grenier (Philippe Clermont)
  • L’Homme qui plantait des arbres de Giono : histoire de la mystification d’une genèse de texte. (Danièle Henky)

| 7 →

Introduction

| 9 →

Philippe Clermont et Danièle Henky

La littérature de jeunesse (XXe –XXIe siècles) et le problème de sa fabrique

Le terme « brouillon » n’apparaît en français qu’en 1551, se définissant, un siècle après l’invention de Gutenberg, par rapport au manuscrit et à l’imprimé. Mais l’objet lui-même a depuis bien longtemps déjà emprunté les divers supports de l’écriture : feuille de papyrus, tablettes de bois ou de cire … L’étymologie rattache le mot au germanique brod, « brouet », « bouillon ». Ce sont, en effet, les bouillonnements de la pensée que l’on donne à voir en présentant des manuscrits de travail, témoins des hésitations et des blocages, des renoncements et des reprises, des trouvailles et des recherches de leurs auteurs. Conscients de la part d’eux-mêmes qu’ils abandonnent dans leurs archives, les écrivains ont eu, et ont encore, à leur égard une attitude variable, les détruisant ou bien les conservant, en totalité ou en partie, pour les léguer à la postérité.

De nombreux critiques littéraires se sont intéressés aux archives des œuvres des romanciers, à celles des poètes et des philosophes, mais les travaux de recherches de ce type appliqués aux ouvrages de littérature pour la jeunesse sont peu nombreux. Pourtant le texte et parfois les images de ces livres ne manquent pas d’être soigneusement élaborés comme le montrent les brouillons manuscrits ou tapuscrits, les esquisses des dessins d’albums, les carnets des auteurs de littérature pour la jeunesse, lorsque ceux-ci acceptent d’ouvrir leurs archives aux chercheurs. Nous souhaitons, examiner cette problématique de recherche dans le présent volume qui rassemble des travaux inscrits dans un programme de recherche « Archives de l’œuvre » du Centre d’Études sur les Représentations : Idées, Esthétique, Littérature (CERIEL - EA 1337 - Configurations littéraires – Université de Strasbourg).

Il s’est agi, dans un premier temps, de mettre au jour des exemples significatifs du travail de documentation mené par l’écrivain et des différentes sources, hiérarchisées ou non, auxquelles il s’alimente. On s’est ainsi demandé si la consultation d’ouvrages historiques, dans le cadre de la rédaction d’une fiction historique, conduisait l’écrivain à hiérarchiser ses sources (partie I). Presque tous les chercheurs en présence se sont interrogés également sur ce moment précis au cours duquel la recherche documentaire prend place dans le processus créateur. Dans un second temps, il est apparu que l’usage de cartes géographiques, d’objets du monde de l’enfance, d’ouvrages documentaires à caractère ← 9 | 10 → scientifique, etc., peuvent constituer autant d’archives de l’œuvre à recenser, à analyser. Néanmoins, il convient de ne pas se limiter à l’analyse de ces sources matérielles. De fait, le rêve comme le souvenir d’enfance, une rencontre fugace dont une trace aurait été conservée, ont pu être considérés de la même façon comme autant de composants originels de la fiction, archives intimes de l’œuvre (partie II). Enfin, l’analyse des avants-textes (textes ou illustrations, cahiers préparatoires ou carnets de notes), dans leur rapport à l’œuvre éditée, du brouillon rejeté au brouillon conservé, ont constitué un axe complémentaire de l’approche de cette fabrique de l’œuvre. Ils portent la trace du projet d’auteur et en donnent à voir les principaux avatars (partie III).

Pour mener à bien les études du présent ouvrage, différentes démarches ont pu être adoptées. Elles se complètent afin de donner à voir le processus de création artistique à l’œuvre. De la génétique des textes, a été retenu comme principe directeur : « la voie [d’] une approche empirique de la création. Empirique au sens que l’épistémologie donne à ce terme : une méthode qui part de l’observation du réel pour en dégager des significations ; une logique inductive […]. Dans la perspective de la création littéraire cependant, la génétique ne relève pas d’une logique déterministe, elle ne vise pas une explication, mais une compréhension, elle est la recherche non d’un mécanisme, mais d’un sens.1 » L’étude des sources prises au sens large permet - dans un va-et-vient entre les sources et la fiction publiée – de produire un sens nouveau à propos de l’œuvre (parties I et II). Des témoignages d’écrivains, distanciés ou non de leurs créations, fournissent aussi matière à réflexion sur le processus créatif (partie II : Poslaniec, Grenier, Corentin). Une approche alliant considération des sources et prise en compte des « brouillons », tente enfin d’embrasser le processus de création dans son ensemble jusqu’à la publication voire la réception (partie III). Le corpus d’auteurs ou d’auteurs-illustrateurs français retenu ne vise pas l’exhaustivité mais une certaine exemplarité. Il s’est agi sans doute de donner un aperçu de la création de langue française en retenant des auteurs significatifs. Cependant tout choix de ce type, nécessairement partiel, implique des renoncements. Deux formes essentielles en littérature de jeunesse ont été retenues : le roman pour adolescents et pré-adolescents (notamment le roman historique) et l’album pour sa diversité d’univers d’auteurs.

Les différents travaux réunis dans cet ouvrage tendent, on l’aura compris, dans un premier temps, à dévoiler tout ou partie du processus de création artistique ← 10 | 11 → soulignant les interactions nécessaires à sa mise en œuvre à des moments et à des degrés variables. Si le choix de la source est fondamental (la charpente du livre peut être liée à une contextualisation socio-historique), la mise en écriture de l’histoire qui s’ensuit dépend tout autant de contraintes génériques que du projet d’auteur. Les relations avec l’éditeur sont également à prendre en compte : cadres fixés par la commande éditoriale ou demandes de récritures, par exemple. Enfin se dessinent les stratégies des auteurs, même si une part de la production, forcément inconsciente, échappe toujours à l’appréhension critique, comme le montrent notamment les études consacrées à Elzbiéta et à François Place. C’est là « le Secret du Roi » selon l’expression d’Henri Bosco.

Le second apport consiste en une esquisse d’inventaire des sources. Un élément biographique est souvent à l’origine du projet d’écriture chez Chavanat (A. Camenisch), Grenier (C. Grenier), Ungerer (E. Bedoin), etc. Le plaisir non dissimulé d’user du stéréotype, du côté de l’écrivain, celui tout aussi jouissif de le reconnaître, du côté de la réception, peuvent à leur tour être source de créativité, ce qu’illustrent les textes de Paul d’Ivoi (M. Palewska) et de Chavanat (A. Camensich). L’importance de l’Histoire, matière documentaire, rappelle que la littérature de jeunesse est l’héritière du modèle romanesque du XIXe siècle, « siècle de l’enquête » (N. Broc, Y. Houssais, I. Iwaszko). Enfin, les mythes demeurent un répertoire infini de création où puisent des auteurs comme Giono (D. Henky), Chavanat (A. Camenisch) ou Place (L. Bazin).

En dernier lieu, il paraît indispensable - pour bien évaluer les enjeux des travaux ici présentés - de prendre en compte le statut complexe et particulier de la littérature de jeunesse. Ainsi, dans les récits de jeunesse à coloration historique entrent en concurrence, entre autres, le souci didactique d’une fidélité à la source et la nécessaire créativité de la fiction. Il s’agit d’adapter une période historique en évitant l’écueil de la simplification abusive sans amoindrir la visée esthétique du roman historique ou inspiré du mythe (Y. Houssais, I. Iwasko, N. Broc, M. Palewska). En fait, et plusieurs analyses le soulignent ici, l’écrivain de littérature de jeunesse doit se montrer soucieux de la réception de son livre dès la conception de celui-ci qu’il s’agisse d’un album (Corentin par I. Lebrat) ou d’un roman (Grenier par Ph. Clermont). Cependant, les auteurs n’hésitent pas, dans certains cas, à faire fi des prescriptions, des attendus de ce type de littérature. Ils se mettent parfois à écrire comme les enfants jouent et soulignent alors la nécessité de conserver un espace à des relations vivantes entre auteurs, lecteurs et peut-être même médiateurs culturels. Quelques « mystifications » viennent ainsi pimenter la fabrique de l’œuvre pour la jeunesse. Des auteurs font artifice du processus de création en le maquillant ou le manipulant en partie. Giono semble ← 11 | 12 → mettre en scène son écriture dans une genèse fabriquée (D. Henky) ; Ungerer ajoute un jouet à sa collection d’enfance en inventant - par bricolage - un singe dessinateur qui se retrouve dans un album (E. Bedoin) ; Douzou, auteur-éditeur, est exemplaire d’une « génétique du multiple » (C. Vergez-Sans) faisant réaliser par d’autres ses projets.

Feuilleter le manuscrit d’un écrivain, c’est entrer dans l’intimité de l’auteur. On devine la main courant sur le papier, le regard suit cette coulée d’écriture, ce texte toujours mouvant tant que l’imprimerie ne l’a pas figé. À l’heure du traitement de texte, si l’appréhension des avant-textes d’un auteur paraît moins sensible, la sauvegarde informatisée de différentes versions peut être source d’investigation critique. Si de telles incursions ne lèvent pas totalement le voile sur le mystère de la création, du moins peuvent-elles nous apprendre comment ces écrivains ont construit leur œuvre, quels ont été leurs rapports à l’écriture, leurs recherches, leurs réflexions, qu’ils aient écrit pour les adultes ou pour les jeunes lecteurs.


1 Louis Hay, « Qu’est-ce que la critique génétique ? », Item, mis en ligne le 09/12/2008, www.item.ens.fr/index.php?id=384032.

Résumé des informations

Pages
207
Année
2017
ISBN (ePUB)
9783631701287
ISBN (PDF)
9783653071900
ISBN (MOBI)
9783631701294
ISBN (Relié)
9783631676943
DOI
10.3726/b10696
Langue
français
Date de parution
2017 (Janvier)
Mots clés
Children's literature Textual genetics Creative and writing processes Adolescent novels Children’s books
Published
Frankfurt am Main, Bern, Bruxelles, New York, Oxford, Warszawa, Wien, 2017. 207 p., 19 ill. n/b

Notes biographiques

Philippe Clermont (Éditeur de volume) Danièle Henky (Éditeur de volume)

Philippe Clermont et Danièle Henky sont maîtres de conférences à l’Université de Strasbourg. Ils ont précédemment exploré, aux éditions Peter Lang, la question des genres et du genre en littérature de jeunesse, comme celle de l’écriture engagée.

Précédent

Titre: Littérature de jeunesse : la fabrique de la fiction
book preview page numper 1
book preview page numper 2
book preview page numper 3
book preview page numper 4
book preview page numper 5
book preview page numper 6
book preview page numper 7
book preview page numper 8
book preview page numper 9
book preview page numper 10
book preview page numper 11
book preview page numper 12
book preview page numper 13
book preview page numper 14
book preview page numper 15
book preview page numper 16
book preview page numper 17
book preview page numper 18
book preview page numper 19
book preview page numper 20
book preview page numper 21
book preview page numper 22
book preview page numper 23
book preview page numper 24
book preview page numper 25
book preview page numper 26
book preview page numper 27
book preview page numper 28
book preview page numper 29
book preview page numper 30
book preview page numper 31
book preview page numper 32
book preview page numper 33
book preview page numper 34
book preview page numper 35
book preview page numper 36
book preview page numper 37
book preview page numper 38
book preview page numper 39
book preview page numper 40
210 pages