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Présences et interférences franco-ibériques

Langue, littérature et culture

de Maria Teresa Garcia Castanyer (Éditeur de volume) Lluna Llecha-Llop Garcia (Éditeur de volume) Alicia Piquer Desvaux (Éditeur de volume)
©2016 Collections VIII, 486 Pages

Résumé

Les présences réciproques, mais aussi les interférences, entre la culture française et les cultures ibériques, notamment espagnole et portugaise, s’avèrent abondantes et constantes dans le temps, avec une insistance toute particulière à l’époque moderne. Les nombreuses études contenues dans ce volume soulignent les aspects différents des phénomènes signalés et contribuent à une plus profonde connaissance des mécanismes et résultats de ces présences et de ces interférences.
Les études sont regroupées en trois parties dont la première concerne la présence de la langue française et son enseignement ; la deuxième insiste sur les textes littéraires, avec de nouveaux regards et de nouvelles perspectives d’analyse ; et la troisième – la plus volumineuse – reprend d’une manière plus spécifique les réseaux d’interférences qui se sont établis entre les littératures francophones et les cultures ibériques.

Table des matières

  • Couverture
  • Titre
  • Copyright
  • À propos de l’auteurs
  • À propos du livre
  • Pour référencer cet eBook
  • Sommaire
  • Introduction
  • Première partie: Nouveaux défis pour l’enseignement du français
  • Présence actuelle du français au Portugal. Entre rayonnement et allergie: la quête d’une place introuvable
  • Nuevos entornos para la enseñanza de la lengua: redes sociales y web 2.0
  • Las clases bilingües: augurio del renacer del francés en un área como la provincia de Valladolid
  • Enseigner le français de spécialité à l’université
  • Les Sœurs du Saint Enfant-Jésus et la diffusion de la langue et la culture françaises en Espagne
  • El francés en los nuevos planes de estudio de los estudios técnicos superiores: ¿qué proyección?
  • Deuxième partie: Nouvelles perspectives d’analyse des textes littéraires
  • El Baladro del sabio Merlin et le Merlin: réécritures, variations, écarts et normes
  • La noire de… d’Ousmane Sembene: du texte à l’image ou comment capter l’attention des étudiants portugais envers la culture de l’Autre
  • Lire Charles d’Orléans aujourd’hui: en suivant Robert Louis Stevenson et Hella Haasse
  • Lectures d’écrivains: vision du monde et référents littéraires dans la correspondance d’Alice Rivaz
  • Formes de la passion dans Carmen de Prosper Mérimée
  • Autoficción y modernidad: las paradojas del clasicismo
  • Eléments pour un débat dans l’enseignement de la littérature: la poésie de l’extrème contemporain
  • La comtesse des Fées en périple ibérique: Mme d’Aulnoy et l’Espagne du grand siècle français
  • Troisième partie: Espaces d’échanges interculturels
  • Fontenelle en la prensa aragonesa del siglo XVIII
  • Les contes de Marc Laberge: un espace d’échange culturel
  • Octave Mirbeau en España
  • Issa Aït Belize, la mémoire maghrébelge de la guerre civile espagnole et du franquisme
  • L’Espagne dans le roman francophone maghrébin. L’exemple de Nabile Farès
  • «En localisant l’on restreint»: Mallarmé et la Jeune Littérature portugaise au tournant des XIXe et XXe siècles
  • Julio Verne: viaje virtual por España al encuentro de un nombre y de una imagen
  • Dos peregrinos francófonos y su visión de la ruta jacobea en España: Antoine de Lalaing (siglo XVI) y Guillaume Manier (siglo XVIII)
  • Traduction en langue catalane de la poésie du Québec
  • A imagem da França na Geração de 70: mitologia literária e história
  • Cuentos filosóficos (1839), primera antología de literatura fantástica balzaquiana en España
  • Representações francesas no mundo: Voltaire e a (pre)visão da Europa
  • El crucero macaronésico de Jules Verne
  • L’imaginaire français dans l’œuvre littéraire d’Alvaro Manuel Machado
  • Una encrucijada de la Edad Media: la revisión de la Catedral de Burgos en las páginas de Notre-Dame de Paris de Victor Hugo
  • Images de la pensée voltairienne au Portugal
  • Baudelaire et l’Espagne au début trans-romantique du modernisme
  • Recepción en España de imágenes de territorios franceses y belgas asolados por la Primera Guerra Mundial
  • Entre réalité et fiction. L’Espagne comme Eldorado: Jour de silence à Tanger, Le Dernier ami, Le Clandestin et Partir de Tahar Ben Jelloun

Introduction

Les présences réciproques, mais aussi les interférences, entre la culture française et les cultures ibériques, notamment espagnole et portugaise, s’avèrent abondantes et constantes dans le temps, avec une insistance toute particulière à l’époque moderne. Les nombreuses études contenues dans ce volume soulignent les aspects différents des phénomènes signalés et contribuent à une plus profonde connaissance des mécanismes et résultats de ces présences et de ces interférences.

Les études sont regroupées en trois parties dont la première concerne la présence de la langue française et son enseignement; la deuxième insiste sur les textes littéraires, avec de nouveaux regards et de nouvelles perspectives d’analyse; et la troisième – la plus volumineuse – reprend d’une manière plus spécifique les réseaux d’interférences qui se sont établis entre les littératures francophones et les cultures ibériques.

Dans le premier bloc, intitulé «Nouveaux défis pour l’enseignement du français», une perspective historique préside aux études de Mª Inmaculada Rius Dalmau et de José Domingues de Almeida. La première, s’inscrivant dans le domaine de l’histoire de l’enseignement du français, retrace le rôle joué par l’ordre des Sœurs du Saint Enfant-Jésus dont l’établissement fondé en 1860 à Barcelone contribua puissamment à la diffusion de la langue et de la culture françaises en Espagne. De son côté, J. D. de Almeida s’interroge sur la place particulière occupée par la langue française au Portugal ces dernières années, notamment dans l’enseignement, qui serait le résultat non seulement du constat du déclin du français comme langue de communication internationale, mais qui trahirait aussi un rapport faussé, voire biaisé, à la langue française. Les autres collaborations relèvent plus particulièrement de l’enseignement actuel de la langue. Celle de Beatriz Coca – «Las clases bilingües: augurio del renacer del francés, en un ← 1 | 2 → área como la provincia de Valladolid» – attire l’attention sur l’intérêt à favoriser la création de sections ou de classes bilingues dans le but de renforcer la présence de la langue française dans les cours de L2 ou de seconde langue étrangère, la première langue étant désormais occupée par l’anglais. Quant à l’enseignement supérieur, Alfredo Alvarez, dans son article «Nuevos entornos para la enseñanza de la lengua: redes sociales y web 2.0» insiste sur l’importance des réseaux sociaux comme outil pour le développement du travail dans la classe en raison de l’implication des étudiants dans leur propre apprentissage, de la gestion des sources d’information, etc., tout en se basant sur ses propres expériences comme enseignant de français.

Pour sa part, et en faisant appel aussi à son expérience, Inmaculada Tamarit Vallés réfléchit sur la place du français comme deuxième langue étrangère dans les nouveaux plans d’études des carrières techniques et sur le biais que devrait prendre cet enseignement: langue de spécialité ou langue de communication académique? Cette question ne semble pas avoir de relevance pour Alexandra Viorica Dulău et Miruna Opriş, qui enseignent le français de spécialité à l’Université de «Babeş-Bolyai» de Cluj-Napoca et à l’Université Technique de Cluj-Napoca. Elles reprennent dans leur texte l’intérêt et la facilité pour des étudiants de langue maternelle néo-latine – dans le cas précis du roumain, langue de travail et parfaitement extrapolable à l’espagnol ou au portugais – à apprendre la langue française à des fins spécifiques, dans un contexte actuel de multilinguisme.

Le deuxième volet du volume est consacré aux textes littéraires et aux nouvelles approches de description et d’analyse. En empruntant une démarche chronologique, il est question tout d’abord d’un texte romanesque médiéval, la Suite du Roman de Merlin, dont Daniéla Capin et Thierry Revol étudient «les réécritures, les variations, les écarts et les normes», reprenant notamment une version espagnole de la fin du XVe siècle. La lecture ou, plutôt, la réinvention d’un grand poète de la fin du Moyen Age, Charles d’Orléans, fait l’objet de l’article de Juan F. García Bascuñana, qui aborde deux biographies romanesques sur le poète français écrites par deux auteurs bien connus: Charles d’Orléans (1876) de l’Ecossais Robert Louis Stevenson, et ← 2 | 3 → En la forêt de longue attente (1949) de la Hollandaise Hella Haasse. Dans cet article, l’auteur se propose de scruter ces deux regards, décelant avec eux les aspects les plus significatifs d’une vie et d’une œuvre plus proches de nous qu’il ne le semble.

D’autre part, Caridad Martínez reprend dans sa collaboration au volume un sujet moderne, l’auto-fiction, à propos de quatre grands auteurs de l’époque classique: Louise Labé, Ronsard, Montaigne et La Fontaine, montrant, à l’aide de nombreux exemples, les limites de la présence du moi, ou plutôt du «moi créateur». Et, sans quitter le XVIIe siècle, c’est de la main de Georges Van Den Abbeele, et grâce à la Relation du voyage en Espagne de Mme d’Aulnoy – rééditée en 2005 – que nous pouvons observer les relations franco-espagnoles à l’époque par l’intermédiaire d’une Française. Est-ce que Mme d’Aulnoy décrit une expérience vécue de touriste brodée d’une imagination richissime, ou bien la conçoit-elle comme un roman, avec des contes intercalés sur la base d’un récit de voyage pourtant vraisemblable, voire autobiographique? Cet intérêt pour l’Espagne et sa culture se manifeste, comme on le sait, d’une manière particulière chez Prosper Mérimée: Diana Lefter examine les formes de la passion dans son texte le plus connu, Carmen, en allant de la passion comme forme de manifestation d’un code de mentalités, au discours de la passion, avec ses marques distinctives.

Un regard nouveau sur les textes littéraires est celui associé à leur transcription dans l’image. Bien avant les adaptations cinématographiques des textes, les gravures avaient joué ce rôle, certes limité. Sur le passage du texte à l’image, le travail de Leonor Martins Coelho aborde l’adaptation pour l’écran faite par le Sénégalais Ousmane Sembene de son récit La noire de… (publié dans le volume Voltaïque): les questions liées à l’Altérité, à l’Identité, à la confrontation culturelle, à l’immigration ont été, en effet, résolues par l’étude des deux «textes», écriture et image.

Une lumière nouvelle sur la littérature francophone est proposée par l’étude de Maria Hermínia Amado Laurel. En effet, à partir de l’analyse de la correspondance entretenue entre Alice Rivaz, écrivaine suisse du XXe siècle et deux écrivains romands, Pierre Girard ← 3 | 4 → et Jean-Claude Fontanet, on comprend mieux les référents littéraires de l’auteure, qui ne sont pas forcément d’origine française. L’œuvre de ces auteurs élargit souvent le champ de la littérature francophone au-delà de ses confins linguistiques, en l’enrichissant, en l’occurrence, d’influences germaniques et anglo-saxonnes. Finalement, Alicia Piquer Desvaux s’interroge sur comment penser, connaître, aimer la littérature dans une faculté des Lettres des temps présents. Elle propose de voir les possibilités de réflexion apportées par la poésie de l’extrême-contemporain dans les manuels les plus récents qui en tiennent compte, mais qui demeurent difficiles à lire et encore plus à classer. Le cas de Claude Esteban lui semble parfaitement convenable pour établir un dialogue avec l’histoire, la langue, l’esthétique, la philosophie… et pour retrouver ainsi le vrai plaisir des textes.

Dans la troisième partie du volume, portant sur les échanges interculturels, les études, plus nombreuses que dans les deux parties précédentes répondent grosso modo à deux grands axes. L’un ancré dans le monde des images, de la perception de l’Autre et de sa représentation, l’autre regroupant les travaux sur la réception et la traduction des littératures.

L’un des hauts lieux d’échanges interculturels est la perception ou plus exactement, l’intégration de l’Autre et de sa culture. Un réseau d’images, voire de stéréotypes, contribue à forger ce regard, transmis par la littérature. Ainsi, Ignacio Iñarrea Las Heras étudie les expériences de pèlerinage à Saint-Jacques-de-Compostelle de deux voyageurs francophones très éloignés dans le temps: Antoine de Lalaing, membre de la suite de l’archiduc Philippe le Bel en 1501, et Guillaume Manier qui a fait la route en 1726. Les textes, restés sous forme de manuscrit, n’ont été imprimés qu’au XIXe siècle et traduits en espagnol au milieu du XXe par José García Mercadal. Les avatars du voyage, les descriptions des lieux et des gens, les anecdotes, les légendes, les chansons, sont autant de détails qui aident à dessiner une image de l’Espagne du XVIe comme celle du XVIIIe siècle. Le fait que le voyage imprime des souvenirs chez les voyageurs, surtout lorsqu’ils sont jeunes, est incontestable. Ainsi, la découverte par Victor Hugo enfant de la cathédrale de Burgos aurait idéalisé en lui l’image ← 4 | 5 → de l’église gothique, qu’il transposera dans Notre-Dame de Paris, personnification de la pierre et de l’art. Dans ce sens, le Papamoscas, automate à la tête grotesque qui se trouve aussi à Burgos, serait à la base de la figure de Quasimodo: c’est ce que Mª Victoria Rodríguez Navarro et Mª Victoria Alvarez Rodríguez essaient de montrer dans leur étude.

Une forme très puissante d’idéalisation, mais se rapportant ici à toute une culture, est celle proposée par Alvaro Manuel Machado dans son étude «A imagem de França na Geração de 70: mitologia literária e história». Il y aborde la présence de la culture française chez les principaux membres du groupe (Antero de Quental, Eça de Queirós et Oliveira Martins) et la signification et conséquences de cette présence, notamment l’ouverture vers la modernité littéraire et l’intégration plus active du Portugal dans la culture européenne. D’une manière plus précise, Maria de Jesus Cabral met en relief les affinités littéraires de Stéphane Mallarmé, mentor du Symbolisme en Europe francophone, avec les figures de proue du groupe «Jeune Littérature Portugaise» des années 1890 dont fait partie Eugénio de Castro, et ce, dans le cadre des échanges et des réseaux littéraires établis entre le Portugal, la France et la Belgique. D’autre part, l’étude de Maria do Carmo Pinheiro e Silva Cardoso Mendes analyse la présence de la langue, de la culture et de l’histoire françaises dans la fiction d’Alvaro Manuel Machado, professeur universitaire, essayiste, poète et romancier. L’image mythique de Paris et de la Provence, les citations d’écrivains français, la fascination envers l’art et la musique sont quelques-unes des évidences de cette présence qui permet, en outre, de mettre en relief la dimension intertextuelle de l’œuvre littéraire de l’auteur.

José M. Oliver et Clara Curell, de leur côté, se penchent sur un roman peu connu de Jules Verne (ou de son fils Michel), L’agence Thompson and Co, satire des croisières touristiques qui commençaient à voir le jour en Europe, pour y retrouver surtout les sources utilisées par l’auteur pour construire les images des îles visités par les voyageurs (Açores, Madère et Canaries). Images de l’Autre qui se combinent parfois avec des réflexions personnelles sur des objets transcendants: c’est le cas, par exemple, du journaliste et écrivain ← 5 | 6 → Enrique Gómez Carrillo, originaire du Guatemala, correspondant en France pendant la Première Guerre Mondiale. María José Sueza Espejo reprend dans son étude les impressions manifestées par l’écrivain à la vue des terribles ravages produits par les bombardements et qui se mêlent à la nostalgie des souvenirs en temps de paix.

Les images, les présences, les interférences apparaissent même dans des textes ou dans des milieux où elles sont pour le moins inattendues, comme dans la littérature francophone maghrébine, dont trois exemples sont analysés par André Bénit, Tayeb Bouderbala et Bernard Urbani. Le premier aborde l’œuvre de l’écrivain marocain installé en Belgique Issa Aït Belize, profondément marqué par la présence espagnole et les souvenirs de la Guerre Civile et qui recrée dans plusieurs de ses romans le Rif de son enfance. De son côté, T. Bouderbala se penche sur deux romans de l’Algérien Nabile Farès dont le protagoniste parcourt l’Espagne, haut lieu de symboles, de métissage de races, de cultures et de civilisations. Il arrive souvent que l’auteur intègre dans ses textes des fragments entiers de la culture espagnole, parfois dans leur langue d’origine. Finalement, B. Urbani analyse trois romans de Tahar Ben Jelloun où il est question de l’Espagne comme Eldorado, destination des émigrés, qui s’avère un mirage, un lieu de perte d’hu-manisme et d’identité, une déception et un retour vers le pays.

Le deuxième grand axe est celui de la réception des auteurs francophones en Espagne et au Portugal. Ainsi, Irene Aguilà Solana retrace la présence de l’œuvre et de la pensée de Fontenelle, considéré comme un précurseur des Lumières en Espagne, et tout particulièrement dans la presse de Saragosse vers la fin du XVIIIe siècle. Toujours au XVIIIe siècle, Ana Clara Santos offre un panorama de la présence plus complexe de Voltaire au Portugal (traductions, références, critiques, censure), en établissant des parallèles avec l’Espagne de la même époque. Il faut aussi signaler que la pensée voltairienne sur l’Europe, qui fait du philosophe français un précurseur de l’européisme moderne, fait l’objet de l’étude d’Ana Isabel Moniz. En Espagne, Pedro Méndez aborde l’analyse de la première traduction espagnole des Contes fantastiques de Balzac (dont le célèbre conte Peau de chagrin). Il réfléchit sur les circonstances qui ont favorisé cette traduction ainsi que sur ← 6 | 7 → la portée et la signification du recueil, marquant le début de la riche réception de la littérature fantastique balzacienne. Pour sa part, Flavia Aragón Ronsano trace un rapide panorama de la traduction et de la réception de l’œuvre d’Octave Mirbeau en España, en insistant tout particulièrement sur un texte peu connu de l’auteur, 628-E8. Un viaje en automóvil, récemment traduit en espagnol en collaboration avec F. Aragón elle-même. Et de son côté María Lourdes Cadena Monllor mène une enquête sur la présence, la dimension et la répercussion sur Internet du nom et de l’image de Jules Verne, se limitant cependant aux sites de langue espagnole établis en Espagne, obtenant des résultats assez inattendus.

Finalement, les contributions de Lluna Llecha et de Lídia Anoll ont comme objet d’étude la littérature du Québec. La première apporte un panorama de la traduction en langue catalane de la poésie québécoise depuis les années 1980, à partir de recueils de poètes contemporains (Cl. Beausoleil, N. Brossard, H. Dorion) et d’anthologies ou de volumes collectifs. Quant à L. Anoll, elle aborde la richesse culturelle des contes de Marc Leberge, ainsi que les difficultés de traduction ou d’adaptation de ces références dans sa propre traduc-tion en langue catalane de plusieurs récits de l’auteur québécois.

Le présent ouvrage offre donc un riche ensemble d’études qui permettent de mieux connaître le monde complexe des rapports culturels entre la France et les pays francophones, d’un côté, et les pays de la Péninsule ibérique, de l’autre.

Première partie
Nouveaux défis pour l’enseignement du français

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José Domingues de ALMEIDA
Universidade do Porto

Présence actuelle du français au Portugal

Entre rayonnement et allergie: la quête d’une place introuvable*

Parler de la présence actuelle de la langue française en domaine lusitanien ressortit à un exercice mémoriel, affectif et, osons l’espérer, prospectif. Toutefois, toutes les issues sont envisageables, de la plus optimiste à la plus regrettable.

Certes, le phénomène de déclin du rayonnement de la langue française un peu partout dans le monde n’est guère nouveau, notamment dans le bassin méditerranéen où elle comptait de forts bastions, et il serait vain de pronostiquer une exception portugaise en ce domaine. Mais force est de reconnaître que nous sortons chez nous d’une situation prestigieuse, voire fascinante, où avait finit par se mêler l’affectif et l’identitaire; raison pour laquelle toutes variations de l’importance du français chez nous devrait engager une prise de la mesure de nos variantes idiosyncrasiques internes.

En effet, nul pays n’avait connu un tel attachement à un idiome qui n’était pas le sien, sans être passé par un phénomène quelconque de colonisation ou de satellisation culturelle. Le Portugal de l’aprèsguerre est foncièrement francophile, voire francophone pour des raisons extrinsèques, forcément vu le prestige de la culture française ← 11 | 12 → dans le monde à cette époque, mais aussi pour des raisons intrinsèques, d’attachement très particulier au français; celles-là mêmes qui expliquent l’étendue du recul actuel, et les soubresauts qu’il engendre dans l’intelligentsia lusitanienne du moment.

Louis-Jean Calvet a pertinemment mis en exergue ce qu’il désigne par «écologie linguistique» et qui réfère aux «rapports entre les langues et leur milieu» (Calvet 1999: 17). Cette notion, qui dépasse le simple repli de la langue sur un seul espace géographique naturel, renvoie aux complexités de la présence et de l’usage linguistique dans une aire déterminée; ce que Calvet nomme «niche» (1999: 73).

Cette approche permet de mieux cerner les variations de la langue française chez nous et de pointer les apories de son statut actuel dans notre pays. Tout est question d’efficacité et de représentation dans le choix d’un idiome étranger, et la langue française au Portugal n’échappe pas à la confrontation de plusieurs facteurs «écologiques» déterminants.

Comme le rappelle Calvet: «nous sentons bien, sans pouvoir le théoriser, que cette valeur, en quelque sorte marchande, fait que les langues sont un capital, que la possession de certaines d’entre elles nous donne une plus-value alors qu’au contraire d’autres ne jouissent d’aucun prestige sur le marché» (1999: 11).

Cette logique du jeu de la valeur des langues, dans ses hauts et ses bas, et son cadre «homéostatique» dans la mesure où il «implique […] que l’on distingue entre les besoins linguistiques de la société et les fonctions sociales et que le couple langue-société fonctionne comme un homéostat, un système autorégulé» (Calvet 1999: 101), nous semble opératoire pour rendre compte des variations en cours depuis le tournant des années quatre-vingt dans le statut de la langue française au Portugal.

Il faut rappeler que nous sortons d’une situation particulièrement prestigieuse et stable. En effet, dans son rapport au français, le Portugal revient de loin, et l’état des lieux de son usage ou des stratégies pédagogiques à mettre en œuvre ne peut qu’être le résultat d’un complexe concours de circonstances, aussi bien extrinsèques qu’intrinsèques, qu’il s’agit de regarder en face en vue d’une dé ← 12 | 13 → marche réaliste et efficace du FLE, notamment dans l’enseignement supérieur.

Un premier facteur de variation homéostatique a trait à l’identité dans le cadre ibérique. L’historique des rapports culturels luso-français depuis deux siècles (et les invasions françaises)1 se signale par une surenchère des échanges intellectuels et littéraires d’où se dégagent les images changeantes que les Portugais se font d’eux-mêmes en tant que «fiction» et «passion», c’est-à-dire en tant que réalité identitaire (Lourenço 1992: 19 sqq.).

Comme l’a bien vu Eduardo Lourenço, cette identité, qui se veut européenne après la chute de l’empire colonial et l’adhésion communautaire en 1986 (1992: 17-49), n’emprunte plus les mêmes repères culturels pour se distinguer ou s’affirmer. Et dans ce contexte nouveau, nouvelle page du vaste album imagologique lusitanien, le rapport à la langue française fait apparaître une impasse, voire un blocage, en tous cas un malaise.

A cet égard, force est de constater que le «désert» espagnol auquel se réfère Lourenço (1992: 45) pour décrire l’indifférence, voire la méfiance réciproques qui orienteront les rapports intra-ibériques après la restauration de l’indépendance portugaise en 1640, n’est plus de mise; ce qui, fait nouveau, se traduit par un regain, imprévisible il y a dix ans encore, de l’esprit unioniste ibérique chez les intellectuels, les chefs d’entreprise et parmi la classe politique en général.

Car, réalité nouvelle qui mérite d’être creusée, le réflexe immémorial, signalé par Eduardo Lourenço, s’estompe rapidement depuis une décennie, de telle sorte que cet esprit ibérique gagne du terrain, et devient recevable pour toute une mouvance sociale de laissés pour compte rêvant au niveau et train de vie de la puissance européenne émergente d’à côté, surtout avant que la récession de 2008-2009 ne vînt toucher l’Espagne un peu plus que le Portugal, et rendre relatif tout transfert immédiat et massif dans l’autre Etat de la péninsule. ← 13 | 14 →

Le fait est que cette volte-face, fondée sur une image renouvelée et positive de la Castille, d’où l’on n’escomptait auparavant, pour reprendre l’adage populaire, «ni bons vents, ni bons mariages», c’est-à-dire rien de bon, n’est pas sans conséquences sur la projection actuelle du castillan, comme langue étrangère enseignée chez nous.

Résumé des informations

Pages
VIII, 486
Année
2016
ISBN (ePUB)
9783034324472
ISBN (PDF)
9783035109504
ISBN (MOBI)
9783034324489
ISBN (Broché)
9783034306751
DOI
10.3726/978-3-0351-0950-4
Langue
français
Date de parution
2017 (Avril)
Published
Bern, Berlin, Bruxelles, Frankfurt am Main, New York, Oxford, Wien, 2016. 494 p.

Notes biographiques

Maria Teresa Garcia Castanyer (Éditeur de volume) Lluna Llecha-Llop Garcia (Éditeur de volume) Alicia Piquer Desvaux (Éditeur de volume)

Maria Teresa Garcia Castanyer est enseignant-chercheur de langue et linguistique françaises à l’Université de Barcelone. Ses recherches portent sur la grammaire contrastive du catalan et du français et sur l’intercompréhension et l’acquisition de la compétence lectrice en langues romanes : catalan, espagnol, français, galicien, italien, occitan, portugais et roumain. Lluna Llecha-Llop Garcia a été maître de langue à l’Université de Franche-Comté et a obtenu son doctorat en 2011 en Philologie romane à l’Université de Barcelone. Francisiste de formation, elle consacre une partie de ses recherches à la traduction et réception de la littérature française en Espagne et à la littérature québécoise. Alicia Piquer Desvaux est enseignant-chercheur de littérature française et de constructions et représentations d’identités culturelles à l’Université de Barcelone. Elle a mené de nombreuses recherches sur la traduction et la réception de la littérature française en Espagne et de la littérature espagnole en France.

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