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Le Dit et le Non-Dit

Langage(s) et traduction

de Sonia Berbinski (Éditeur de volume)
©2016 Collections 251 Pages

Résumé

De par leur force de changer les facettes, de se métamorphoser en fonction des particularités linguistiques, de la situation de communication, des intentions des instances interlocutives, du domaine de représentation, les notions d’implicite, de présupposition et de sous-entendu (bref du Dit et du Non-dit) se retrouvent aux fondements de toute architecture discursive. Les recherches de ce volume se proposent de définir ou redéfinir ces notions, de découvrir les mécanismes de production des stratégies discursives basées sur l’implicite, ainsi que les modalités d’expression du vouloir dire et du dire. Elles se revendiquent de la sémantique, de la pragmatique et de la grammaire diachronique et synchronique. La traductologie et les discours de spécialité bouclent la structure du livre.

Table des matières

  • Couverture
  • Titre
  • Copyright
  • À propos de l’auteur
  • À propos du livre
  • Pour référencer cet eBook
  • Table des matières
  • Une préface en cache…beaucoup d’autres.
  • Dit et non-dit en sémiotique
  • Rencontres avec le Dit et le Non-dit tout au long d’une vie de linguiste
  • Le sens de l’implicite : Unité et diversité des phénomènes d’implicite linguistique
  • Du „non-dit” à l’indicible, en terminologie
  • Amélie Nothomb – Mercure ou le jeu spéculaire
  • La déstructuration du Dit dans le défigement ou Ce que le défigement ne veut pas dire
  • Les objets directs implicites en français : une approche comparative et multifactorielle
  • Points de vue rhétoriques sur l’ellipse dans l’Antiquité (I)
  • La traduction du non-dit : Incrémentialisation ou entropie ?
  • Le Dire et le Non-Dit dans le langage juridique

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Sonia Berbinski

Une préface en cache…beaucoup d’autres

Invitation à la lecture

Ce volume mis en chantier à Bucarest, est la conséquence directe du Colloque « Langage(s) et traduction – Le Dit et le Non-Dit » organisé en 2015 par notre université. Les contributions sélectionnées dans ce recueil sont autant de recherches scientifiques à même de définir et redéfinir deux concepts qui, à travers le temps, ont préoccupé les chercheurs appartenant à des domaines variés. Nous n’y avons retenu que quelques axes de recherche organisés autour des deux noyaux « langage(s) » et « traduction », à savoir :

Aspects sémiotiques, sémantiques, pragmatiques : Dan Dobre, Eva Lavric, Vincent Nyckees, Marina Păunescu, Sonia Berbinski;

Aspects morphosyntaxiques et épistémologiques du dit et du non-dit : Gabriela Bîlbîie, Flavia Florea ;

Terminologie et traduction : Anca-Marina Velicu, Mohammed Jadir, Corina Veleanu.

Dans son intervention qui se veut synthétique et qui n’a pas la prétention à l’exhaustivité, le professeur Dan Dobre de l’Université de Bucarest fait l’état d’un triple mouvement processuel de développement de la sémiotique – extensionnel/intensionnel/ extensionnel et intensionnel à la fois.

La « science des sciences », comme définissait Charles Sanders Peirce le projet sémiotique, s’est avérée très ambitieuse du fait d’un certain « impérialisme » théorique et méthodologique car elle plaçait sous la toiture du même processus –la sémiosis-, du même dénominateur commun – le signe – la totalité des sciences humaines.

L’autonomisme (la systémique) et la disponibilité processuelle interactionnelle de la sémiotique fondés sur un appareil conceptuel emprunté à la linguistique structurale, fonctionnelle et à la phonologie de l’Ecole de Prague refait surface dans les travaux de bien des chercheurs comme, par exemple, Umberto Eco, Roland Barthes, Algirdas Julien Greimas Louis Porcher, François Rastier, Jean-Marie Floch, Anne-Marie Houdebine-Gravaud, Jean-Claude Coquet, Denis Bertrand, Jean-Marie Klinkemberg et à l’est de L’Europe, en Roumanie, Paul Miclau, Dan Dobre, Daniela Rovenţa-Frumuşani.

Le professeur Dan Dobre, qui avait fait de l’analyse sémiotique de la presse écrite un vrai « projet de vie » greimassien, nous fournit des exemples probants ← 7 | 8 → de la triple mécanique de développement du dit et du non-dit en sémiotique, en y ajoutant également un exemple personnel de validation d’une hypothèse pragmatique moyennant la transdisciplinarité – la mise sur pied des modèles communs de fonctionnement de l’eccéité dans sa diversité domaniale. Le pouvoir d’analyse quasi-illimité de la sémiotique a fait et fera encore reculer à travers la cognition les pénombres du non-dit – ces terres qui restent encore à défricher.

L’article d’Eva Lavric est une « invitation au voyage » dans le champ si vaste du dit et du non-dit. Jetant un regard expansé sur ces deux notions, l’étude nous dévoile leurs facettes sémantiques, morphosyntaxiques et cognitives, en nous montrant un non-dit économiseur du langage, compensé souvent par des indices extralinguistiques (gestuelle) ou bien un non-dit issu de l’indéfinitude des indices discursifs (articles/adjectifs indéfinis, contextes hypothétiques…), valable au niveau intralingual et extralingual. La traduction a la capacité de récupérer ces espaces de la pénombre, explicitant le sens de la langue source/cible ou bien l’enrichissant.

En terminologie, le non-dit devient, selon l’auteure, un marqueur du principe d’économie du langage, fonctionnant toutefois sur des mécanismes actualisés différemment dans diverses langues. La confrontation entre les deux notions en question est bien évidente dans les contextes construits sur divers types de déformations : pragmalinguistiques, interculturelles, sociopragmatiques, sémantiques. La tension entre ces deux aspects de la communication traverse également le discours médiatique et « spécifique » (sport, entreprise). L’auteure entreprend une analyse très pertinente sur la rhétorique résultant de l’exploration de ces tensions ; elle remarque, entre autres, le fait que le discours jouant sur cette divergence dialectique est de l’ordre de la métaphore, de la métonymie, de la synecdoque, de l’ironie. La compréhension de ces stratégies discursives est en dépendance avec le repérage, dans la lecture, de l’intentionnalité du locuteur qui encode le message.

La perspective didactique boucle cette fine analyse. Tout en identifiant les obstacles et leurs sources dans l’acquisition d’une langue comme le français, l’italien, l’allemand, l’auteure propose quelques stratégies capables de lever les obstacles auxquels peuvent se heurter les apprenants.

L’article d’Eva Lavric finit en beauté avec l’introduction d’une nouvelle notion : le Trop-dit présent surtout dans les activités de traduction et d’interprétariat. Elle laisse ouverte la voie à d’autres débats qui puiseraient leurs sources dans le dit et le non-dit, mais pousseraient les frontières bien au-delà de ces deux concepts.

Une vision novatrice sur le déclencheur principal du non-dit, à savoir l’implicite, nous est offerte par la contribution de Vincent Nyckees. L’auteur délimite son domaine d’intérêt à l’implicite linguistique. Après avoir défini rigoureusement ← 8 | 9 → le « concept ordinaire d’implicite » comme une notion qui recouvre un éventail d’inférences – sous-entendu, présupposition, connotations, allusions, etc. – l’auteur propose une approche unifiée de l’implicite linguistique. Il introduit la notion d’« arrière-plan extraverbal » comme composante essentielle dans la production/interprétation de l’implicite, à côté du rapport entre le récepteur et le locuteur, ainsi que la notion d’existence d’un contenu posé, à interpréter. Cette réorganisation de la définition de l’implicite ouvre la voie à la redéfinition des principaux types d’implicite, en les illustrant par des exemples très pertinemment analysés. L’article nous retient l’attention également par la typologie proposée concernant l’implicite, typologie étayée sur une série de principes comme « le principe de discrétion » pour parler de l’ « implicite extra-subjectif », le principe de la réactivation de « l’arrière-plan » informationnel dans le cas de « l’implicite minimal », et, non pas en dernier lieu, le principe de réactivation des significations contenues dans le sémantisme structurel des unités linguistiques et qui se trouve à la base de « l’implicite structurel ». Sans refuser les approches « plus ouvertes » de l’implicite linguistique, Vincent Nyckees établit des limites raisonnables et très correctes à ce phénomène.

Une approche aussi rigoureuse que technique sur le non-dit est proposée par Anca Marina Velicu qui explore « l’incidence du thème du non-dit en terminologie conceptuelle ». Se situant dans la perspective de la pragmatique post-gricéenne et dans le sillage des théories wustériennes sur la terminologie, l’auteure fait une radiographie exacte du phénomène de l’implicite (défini dans ses avatars inférentiels, tout en se délimitant de certaines conceptions qui excluent le présupposé et le sous-entendu du cadre du non-dit) et de ce dernier concept pris dans son sens martinien.

Pour ce qui est de la terminologie, l’auteure sélectionne deux sources principales de production du non-dit à savoir « l’information linguistiquement communiquée, mais pas linguistiquement codée » et « l’information non linguistiquement communiquée », mettant l’accent, dans les démonstrations qui suivent la classification, sur la grande potentialité de l’indicible de produire du non-dit au niveau de ce domaine.

Marina Oltea Păunescu projette la problématique de l’implicite (sous ses diverses formes) dans la relation installée entre « l’Auteur et le Lecteur Modèle ». Lieu de lectures multiples, tout roman offre la possibilité de reconstruction de l’image qu’il présente, représentation qui garde une fidélité graduable par rapport à l’intentionnalité de l’Auteur. Celui-ci propose au Lecteur « le miroir d’une réalité » laissant au dernier la tâche de découvrir ce qu’il y a de fidèle ou de déformant au-delà de ses marges. ← 9 | 10 →

L’auteure analyse avec la curiosité et le sens d’un explorateur le jeu des images changeantes sur lequel est construit le roman d’Amélie Nothomb, qui dit plus dans le non-dit, dans l’implicite que dans le dit, dans l’explicite. Elle nous fait remarquer les stratégies discursivo-argumentatives (fiduciaires, opérationnelles) par lesquelles le non-dit encodé à partir du texte est décodé par le Lecteur, faisant appel au méta-texte.

Un miroir autrement déformant – le défigement – fait l’objet du débat lancé dans la recherche entreprise par Sonia Berbinski. Caché derrière la désopacification du figement, le défigement trahit l’attente de la compositionnalité (toujours à l’affût de la déstructuration) pour reconstruire une nouvelle image qui devient également opaque (refigée) que la source, l’expression de départ, mémorisée à divers niveaux dans l’item discursif défigé. Dans la complexité de ce mécanisme, un rôle important est joué (et déjoué) par le non-dit se manifestant par ses divers aspects.

Un aspect important de l’implicite linguistique s’avère être « l’ellipse ». Trois articles de ce volume se penchent sur cette problématique, apportant des éclairages rhétoriques ou morphosyntaxiques à ce phénomène.

L’article de Gabriela Bîlbîie analyse l’omission du complément d’objet direct en français, dans une perspective linguistique comparative. Dans un premier temps, l’auteur dresse une typologie sémantique de ces objets directs implicites, pour montrer ensuite qu’une prise en compte de certains critères sémantiques peut nous éclairer davantage sur la perspective typologique du phénomène d’object drop, et en particulier sur le statut du français dans l’espace roman. Une bonne partie de sa démarche porte sur les différents facteurs qui légitiment les objets directs implicites en français, plaidant pour une analyse multifactorielle (avec l’interaction des facteurs d’ordre lexico-sémantique, constructionnel et socio-discursif).

La contribution de Flavia Florea nous place, dans une perspective diachronique, à travers l’histoire de ce concept, perçu comme « faute de l’énoncé ». Depuis Aristote à Chrysippe et Quintilien, l’ellipse est tour à tour définie en fonction de vices et vertus, parmi lesquels on retient d’une part la correction, la clarté, la convenance et l’élégance et, d’autre part, le barbarisme et le solécisme.

Une place importante dans l’article revient à l’ellipse comme figure, issue des divers mécanismes : figure de mots par retranchement (de nature surtout grammaticale : suppression de mots de liaison, l’epezugmenon, l’asyndète) et figure de pensée (surtout l’aposiopèse).

Le non-dit dans l’ellipse apparaît selon les rhéteurs classiques et modernes, comme une « omission ou oubli de quelque chose ». L’article surprend le rapport étroit que la grammaire et la rhétorique entretiennent à travers cette particularité qui est l’ellipse. ← 10 | 11 →

Si dans le/les langage(s), les deux espaces praxéologiques apparaissent comme des stratégies éclatées de représentation du linguistique, de l’encyclopédique et de l’extralinguistique, dans le domaine de la traduction, que ce soit littéraire ou spécialisée, ces deux phénomènes se manifestent avec autant de force, permettant à l’interlangagier et de l’interculturel d’investir les territoires dichotomiques analysés.

Ainsi, une contribution très pertinente, qui harmonise l’expérience du linguiste et celle du traducteur, appartient à Mohammed Jadir. Proie à des questions qui troublent aussi bien le linguiste que le traducteur et le traductologue, l’auteur essaie de trouver des réponses au problème épineux de la traduction du non-dit. Faisant une incursion dans les études des traductologues, que ce soient « littéralistes » [ou sourciers dans la terminologie de J. R. Ladmiral], hantés par la quête de l’identité, [ou] des « ciblistes », Mohammed Jadir, s’inscrivant dans le sillage de Ladmiral, trouve qu’il y a au moins deux attitudes du traducteur : soit il préfère incrémentaliser le non-dit du texte cible laissant au Lecteur la tâche de lire son propre non-dit derrière le texte traduit encodé, soit il procède à une surtraduction, auquel cas le besoin d’expliciter, d’amplifier ou de Trop-dire devient impérieux de peur que le Lecteur ne puisse saisir ce que l’auteur-source a voulu encoder. Pourtant, ces options sont toutes les deux risquées. Dans le premier cas, on peut laisser trop d’ambiguïtés dans le texte cible ; dans le deuxième, on peut tellement enrichir le texte cible qu’on ne reconnaît plus le texte source.

La démonstration qui suit, faite de main de maître, situe l’auteur de l’article plutôt dans une perspective ladmiralienne, incrémentaliste, méfiante des déséquilibres dus aux excès traductologiques trop rigides.

Une surface textuelle clairement exprimée et un sens caché à éviter dont on ne peut pourtant pas se débarrasser complètement sont repérés dans les textes juridiques. Soulignant la « presque » interdiction de l’implicite, du sous-entendu, du non-dit linguistique dans le discours juridique, Corina Veleanu identifie dans sa démarche d’autres sources de production du non-dit, à savoir le tacite, le silence qui soulignent en fait ce qui « est inclus, inhérent, déjà compris ou dit ». C’est, d’une certaine manière, une autre forme du Trop-dit dont parle Eva Lavric dans son article. Dans le discours juridique, l’implicite peut encore prendre la forme d’un adage, des citations d’agrément, des abréviations, des sigles, autant de stratégies pour lire au-delà du dit (problématiques pour la traduction de spécialité). L’auteure soutient ses affirmations par une suite d’exemples très finement analysées, offrant en même temps des solutions pertinentes aux difficultés de traduction.

Et le voyage ne fait que commencer…

Sonia Berbinski ← 11 | 12 →

Résumé des informations

Pages
251
Année
2016
ISBN (PDF)
9783653058192
ISBN (ePUB)
9783653969283
ISBN (MOBI)
9783653969276
ISBN (Relié)
9783631661741
DOI
10.3726/978-3-653-05819-2
Langue
français
Date de parution
2016 (Avril)
Mots clés
linguistique pragma-sémantique traductologie discours de spécialité
Published
Frankfurt am Main, Berlin, Bern, Bruxelles, New York, Oxford, Wien, 2016. 251 p., 7 ill. en couleurs

Notes biographiques

Sonia Berbinski (Éditeur de volume)

Sonia Berbinski est Maître de Conférences à l’Université de Bucarest et la coordinatrice des colloques « Langage(s) et traduction ». Ses domaines de recherche sont la phonétique, la sémantique, l’argumentation, la traductologie, la jurilinguistique et les discours spécialisés.

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