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L’égalité au nom du marché ?

Émergence et démantèlement de la politique européenne d’égalité entre les hommes et les femmes

de Sophie Jacquot (Auteur)
©2014 Monographies 368 Pages

Résumé

L’Union européenne est considérée comme un des systèmes politiques les plus progressistes du monde en ce qui concerne la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes. La politique européenne visant à lutter contre les inégalités de genre est souvent considérée comme « exceptionnelle ».
Pendant près de quatre décennies, l’Union européenne a imposé aux États membres un ensemble de normes et de valeurs plus élevées que celles qui ont cours dans la plupart des pays et offert un environnement particulièrement accueillant aux mobilisations féministes. Cependant, depuis la fin des années 2000, l’Union et ses États membres font face à une grave et durable crise économique et budgétaire.
Dans ce nouveau contexte, le régime de genre de l’Union européenne est-il toujours un des plus avancés du monde ? Le système politique européen offre-t-il encore un espace privilégié pour mener une politique ambitieuse de promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes ?
Basé sur une enquête de plus de dix ans, cet ouvrage présente une lecture des transformations de la politique européenne d’égalité entre les femmes et les hommes sur le long-terme, analyse les mécanismes de construction, de consolidation puis de déconstruction de l’« exceptionnalité » de l’action européenne dans ce domaine et s’interroge sur les effets de son démantèlement en cours.

Table des matières

  • Couverture
  • Titre
  • Copyright
  • Sur l’auteur/l’éditeur
  • À propos du livre
  • Pour référencer cet eBook
  • Table des matières
  • Liste des sigles
  • Liste des tableaux et graphiques
  • Remerciements
  • 1. Introduction: Analyser le changement de la politique européenne d’égalité entre les femmes et les hommes
  • I. Qu’est-ce qu’une politique d’égalité entre les femmes et les hommes ?
  • II. Qu’est-ce qu’une politique européenne d’égalité entre les femmes et les hommes ?
  • III. Retracer les transformations de la politique européenne d’égalité entre les femmes et les hommes
  • 2. De Rome à Maastricht : l’âge d’or d’une politique exceptionnelle ?
  • I. Un empilement d’instruments
  • II. Une structuration institutionnelle progressive
  • III. La mise en place d’une communauté de politique publique
  • IV. Le cadre cognitif de la politique d’égalité entre les femmes et les hommes avant 1992 : entre contrainte du marché et construction d’une exception
  • 3. Le temps du gender mainstreaming
  • I. La persistance des inégalités entre les femmes et les hommes et l’émergence du gender mainstreaming
  • II. Les étapes de l’institutionnalisation du gender mainstreaming
  • III. Logique militante vs logique réformatrice : légitimation, consensus et modifcation des rapports de pouvoir
  • 4. De maastricht à Lisbonne : la normalisation d’une politique
  • I. Une politique incitative, au-delà de l’emploi et du marché du travail
  • II. Perte d’autonomie et remise en cause de l’exception : vers une dissolution du « triangle de velours » ?
  • III. Les transformations du cadre cognitif de l’égalité entre les femmes et les hommes : d’une rationalité de but à une rationalité de moyen
  • 5. Lisbonne, et après : une politique en crise
  • I. Vers une politique des droits ?
  • II. Structures et acteurs de l’égalité : de la professionnalisation à la gestionnarisation
  • III. Vers un nouveau minimalisme politique. Le nouveau cadre cognitif de l’égalité entre les femmes et les hommes
  • 6. Conclusion : la fin d’une politique publique ?
  • I. Les transformations du régime de genre de l’Union européenne
  • II. Les effets des transformations de la politique d’égalité entre les femmes et les hommes
  • III. Le devenir symbolique de l’action publique européenne en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes
  • Annexe : liste des entretiens
  • Bibliographie
  • Index

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Liste des sigles

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Liste des tableaux et graphiques

Tableaux

1.1. Le principe d’égalité et ses traductions 19

2.1. Articles de référence relatifs au vote des directives sur l’égalité entre les femmes et les hommes (1957-1992) 53

2.2. Description des articles de référence complémentaires (hors articles concernant directement l’égalité) relatifs au vote des directives sur l’égalité entre les femmes et les hommes 54

2.3. Évolutions des règles de vote relatives à l’égalité entre les femmes et les hommes 56

2.4. Instruments juridiques non contraignants (1957-1992) 74

2.5. Réseaux d’expert-e-s sur l’égalité 95

3.1. Le gender mainstreaming comme nébuleuse de conceptions. Typologie récapitulative 192

4.1. Multiplication des textes et des domaines concernés par l’égalité entre les femmes et les hommes, 1992-2006 222

6.1. Les transformations de la politique européenne d’égalité entre les femmes et les hommes 334

Graphiques

2.1. Crédits destinés à l’égalité entre les femmes et les hommes (1975-1981) 78

2.2. Crédits destinés à l’égalité entre les femmes et les hommes. Fonds social européen (1978-1983) 79

2.3. Enveloppe budgétaire allouée au Premier programme d’action pour la promotion de l’égalité des chances pour les femmes 81

2.4. Enveloppe budgétaire allouée au Deuxième programme d’action pour la promotion de l’égalité des chances pour les femmes 81

2.5. Crédits consacrés à l’égalité entre les femmes et les hommes (1975-1990) 85

3.1. Enveloppe budgétaire allouée au Troisième programme d’action communautaire à moyen terme sur l’égalité des chances entre les femmes et les hommes 149

3.2. Enveloppe budgétaire allouée au Quatrième programme d’action communautaire à moyen terme pour l’égalité des chances entre les hommes et les femmes 173

4.1. Évolution de la ligne budgétaire consacrée à l’égalité entre les femmes et les hommes dans le domaine de l’emploi et des affaires sociales (programmes d’action, hors FSE), 1982-2006 226

4.2. Évolution de la ligne budgétaire consacrée au financement de l’Initiative Communautaire NOW, 1991-1999 229

4.3. Crédits consacrés à l’égalité entre les femmes et les hommes dans le domaine social, 1992-2006 232

4.4. Évolution de la ligne budgétaire consacrée à l’intégration des questions de genre dans la coopération au développement, 1991-2006 233

4.5. Crédits consacrés à l’égalité entre les femmes et les hommes dans le domaine de l’Espace de liberté, de sécurité et de justice, 1996-2006 234

4.6. Évolution de la part des différents domaines d’intervention dans l’ensemble des financements (hors FSE) consacrés à l’égalité entre les femmes et les hommes, 1992-2006 237

4.7. Subventions de l’Union européenne aux organisations de femmes, 1992-2006 261

5.1. Arrêts de la CJUE, égalité de traitement entre femmes et hommes et non-discrimination, 2003-2012 285

5.2. Évolution des fonds consacrés à l’égalité entre les femmes et les hommes au sein du programme PROGRESS (2007-2012) 297

5.3. Évolution de la ligne budgétaire consacrée au programme DAPHNE III (2007-2012) 298

5.4. Évolution de la ligne budgétaire consacrée à l’égalité entre les femmes et les hommes dans la coopération au développement (1991-2012) 299

5.5. Évolution de la part des différents domaines d’intervention dans l’ensemble des financements (hors FSE) consacrés à l’égalité entre les femmes et les hommes (1975-2012) 301

5.6. Évolution du montant des financements consacrés à l’égalité entre les femmes et les hommes (1975-2012) 302

5.7. Crédits (dépenses opérationnelles) consacrés à l’Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes (2007-2012) 312

5.8. Subventions accordées aux organisations de femmes (1992-2012) 322

5.9. Subventions aux réseaux européens (protection et insertion sociales, non discrimination et diversité, égalité hommes-femmes), programme PROGRESS (2007-2011) 323

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Remerciements

Les mêmes raisons qui éloignent les femmes d’un travail violent et soutenu leur interdisent aussi les travaux plus dangereux encore d’une étude suivie. Leurs organes délicats se ressentiraient davantage des inconvénients inévitables qu’elle entraîne. Aussi un instinct salutaire semble-t-il les en écarter comme d’un précipice qui, pour être couvert de fleurs, n’en est pas moins affreux, et diriger leurs goûts vers les objets frivoles.

Roussel, 1861

La rédaction de cet ouvrage a été rendue possible par l’obtention d’une bourse Marie Curie de la Commission européenne et le séjour de recherche de deux ans que j’ai effectué au sein de l’Institut de Sciences Politiques Louvain-Europe. L’UCL m’a offert un environnement de travail amical et inspirant et la présence réconfortante et exigeante de Claire Dupuy, Clémentine Gutron et Virginie Van Ingelgom à toutes les étapes de l’écriture m’a permis de garder espoir. Elles font partie des nombreuses femmes dont l’instinct défaillant ne les a pas retenu de plonger dans le précipice de la recherche et qui m’ont accompagnées tout au long de ce travail: Laurie Boussaguet, Sara Casella Colombeau, Hélène Caune, Charlotte Dolez, Sophie Duchesne, Florence Faucher, Alice Gradel, Louise Hervier-Lartigot, Clémence Ledoux, Pauline Prat, Pauline Ravinet.

Mes remerciements vont également à mon éditeur, Philippe Pochet, pour sa patience et ses conseils bienveillants. Le Centre d’études européennes de Sciences Po a constitué un autre environnement de travail et d’incubation stimulant.

Jacques Commaille, Renaud Dehousse, Agnès Hubert Pierre Muller, Bruno Palier m’ont offert leur confiance tout au long de mon parcours.

Ce livre doit tout à François, Aurèle et Joseph, transportés avec enthousiasme à Bruxelles pour qu’il voie le jour. Il leur est dédié.

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1. Introduction

Analyser le changement de la politique européenne d’égalité entre les femmes et les hommes

Le 16 février 1966, trois mille ouvrières de la Fabrique Nationale d’Armes de Guerre de Herstal en Belgique commencent une grève qui durera 12 semaines. Leur slogan : « À travail égal, salaire égal ! ». Leur principale revendication : l’application au niveau national de l’article 119 du traité de Rome qui institue le principe d’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes dans les six États membres fondateurs de la Communauté européenne (CE).

Le 15 septembre 2010, une coalition européenne d’organisations non gouvernementales (ONG) de promotion des droits des femmes lance une campagne de lobbying sur la question des femmes demandeuses d’asile. Son slogan : « La persécution n’est pas neutre ». Son but : la reconnaissance des « persécutions de genre » (mutilations génitales, viol comme arme de guerre, mariage forcé, crime d’honneur, etc.) comme motif légitime d’octroi du statut de réfugiée dans tous les États membres de l’Union européenne (UE) afin d’assurer une protection plus forte pour les victimes.

Distantes de plus de quarante ans, ces deux mobilisations mettent en lumière la persistance des liens entre les femmes et l’Europe, de l’appel des femmes aux institutions européennes. La Communauté puis l’Union européenne apparaissent comme un espace des possibles qui peut accueillir des demandes en faveur de la lutte contre les inégalités entre les femmes et les hommes. Ces mobilisations féminines et féministes sont aussi le reflet d’une évolution de la définition même du principe d’égalité. « L’égalité entre les femmes et les hommes » recouvre à chacune de ces deux époques des conceptions bien différentes de ce qui peut constituer une catégorie d’action publique légitime au niveau communautaire. Dans le premier cas, le slogan « À travail égal, salaire égal ! » est une demande directe pour une égalité des droits entre les femmes et les hommes, ceux-ci doivent être traités de la même façon, et pour cela il s’agit de corriger les inégalités existantes et de transposer une disposition européenne dans la législation nationale. Dans le second cas, la référence au « genre » appelle à rendre visibles les inégalités entre les femmes et les hommes, à prendre conscience qu’il existe une différenciation entre les classifications sociales et culturelles du féminin et du masculin et que ← 15 | 16 → cette hiérarchisation fonde des rapports de pouvoir et de domination dont les femmes sont victimes. Il s’agit donc d’intégrer la compréhension de cette différenciation dans la politique d’asile afin que celle-ci contribue à une exigence en termes d’égalité.

La grève de 1966 et la campagne de lobbying de 2010 témoignent des progrès à bien des égards imprévisibles du processus d’intégration européenne : la construction d’un système politique aux acteurs et aux niveaux multiples, l’extension de ses compétences qui touchent désormais à des domaines de souveraineté et ne sont plus cantonnées au fonctionnement d’un marché commun, l’élargissement de ses frontières. Mais, ces deux exemples témoignent surtout de l’évolution du cadre de relations entre les femmes et l’Europe, c’est-à-dire de l’apparition d’une politique publique consacrée à l’égalité entre les femmes et les hommes. Lorsque les ouvrières de Herstal réclament la concrétisation de l’article 119 du traité de Rome, qui fait de l’égalité de rémunération un objectif du Traité, cet article est le seul élément, matériel ou même symbolique, qui pourrait soutenir l’intervention du niveau communautaire dans le domaine de l’égalité entre les femmes et les hommes. La revendication de son application marque en creux l’absence de toute politique et en limite les compétences éventuelles à l’égalité de rémunération. Le lobbying des ONG en direction de la prise en compte de la dimension de genre dans le domaine de l’asile s’inscrit, lui, dans un environnement plus étoffé. En effet, le principe de l’égalité entre les femmes et les hommes est reconnu comme un droit fondamental et constitue une des missions de l’action de l’Union européenne, comme en témoigne la formalisation de la récente Stratégie pour l’égalité entre les femmes et les hommes (2010-2015). Cette action repose sur une panoplie d’instruments, sur le fonctionnement de structures dédiées au sein des différentes institutions de l’Union et sur la consultation et la participation de divers acteurs dont les ONG font partie. De plus, la volonté pour des organisations de promotion des droits des femmes d’influer sur les critères d’octroi de l’asile ne paraît pas hors de propos et est cohérente avec une politique d’égalité dont les domaines d’intervention sont très diversifiés et dont l’égalité de rémunération ne représente plus qu’un objectif parmi d’autres.

C’est la trajectoire de cette intervention des autorités publiques européennes dans le domaine de la lutte contre les inégalités et en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes, contenue en germe dans l’article 119 du traité de Rome dès 1957, encore inexistante et réclamée par les ouvrières belges en 1966, mais largement développée et multiforme aujourd’hui, qui constitue l’objet de cet ouvrage. La question qui est au cœur de ce travail est celle des transformations de la politique européenne d’égalité entre les femmes et les hommes. ← 16 | 17 → L’objectif est d’étudier son émergence, son institutionnalisation et les changements que cette politique publique a connus au fil du temps au sein d’une Communauté puis d’une Union européenne elle-même en mutation constante.

I. Qu’est-ce qu’une politique d’égalité entre les femmes et les hommes ?

Les politiques d’égalité sont des politiques qui ont pour objectif premier la lutte contre les inégalités et la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes. On parle également couramment de politiques publiques du genre1 ou de politiques féministes2. Les politiques d’égalité se distinguent des politiques des droits3, ou de promotion des droits, et des politiques antidiscriminatoires4. Outre l’étendue de leurs périmètres5, la différence essentielle entre ces types de politiques publiques est que les politiques d’égalité entre les femmes et les hommes ne se concentrent pas uniquement sur la promotion et l’application des droits et sur la lutte contre les différences de traitements entre des catégories d’inégalités. À l’opposé des politiques d’égalité, une des caractéristiques des politiques antidiscriminatoires est de mettre l’accent sur une approche individuelle ← 17 | 18 → de la discrimination et des modes d’action publique favorisant la juridicisation du traitement des inégalités6.

Les politiques d’égalité sont multiformes, elles se déploient dans de nombreux secteurs (égalité des droits, représentation politique, égalité professionnelle, articulation entre vie professionnelle et privée, sexualité, violence, etc.)7. La question du genre traversant par définition toutes les séquences du processus politique (de l’élaboration à la mise en œuvre) et tous les domaines de politiques publiques (budget, santé, maintien de la paix, asile, retraites, etc.), les politiques d’égalité remettent intrinsèquement en cause la sectorisation de l’action publique et interrogent les modes de traitement des problèmes publics traditionnels8. À ce titre, les politiques d’égalité possèdent une valeur heuristique particulière pour saisir les transformations contemporaines de l’action publique.

Résumé des informations

Pages
368
Année
2014
ISBN (PDF)
9783035264296
ISBN (ePUB)
9783035296037
ISBN (MOBI)
9783035296020
ISBN (Broché)
9782875741592
DOI
10.3726/978-3-0352-6429-6
Langue
français
Date de parution
2014 (Juillet)
Mots clés
Inégalité Politique européenne Gender mainstreaming Féminisme
Published
Bruxelles, Bern, Berlin, Frankfurt am Main, New York, Oxford, Wien, 2014. 368 p., 23 graph., 9 tabl.

Notes biographiques

Sophie Jacquot (Auteur)

Sophie Jacquot est chercheuse en science politique au Centre d’études européennes (Sciences Po) et Marie Curie Research Fellow à l’Institut de sciences politiques Louvain-Europe (UCL).

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Titre: L’égalité au nom du marché ?
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