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Enseigner la littérature au début du XXIe siècle

Enjeux, pratiques, formation

de Sonya Florey (Éditeur de volume) Noël Cordonier (Éditeur de volume) Christophe Ronveaux (Éditeur de volume) Soumya El Harmassi (Éditeur de volume)
©2015 Comptes-rendus de conférences 256 Pages
Série: ThéoCrit', Volume 9

Résumé

Qui considère aujourd’hui les structures de formation, les curricula de formation, les plans d’études, les attentes des enseignants, leurs pratiques effectives, constate les profondes mutations du statut, de la place et des usages de la littérature à l’école. Cet ouvrage cherche à nommer ces évolutions en s’appuyant sur plusieurs entrées. Certains auteurs considèrent le contexte surplombant les études littéraires : les conditions de formation ont pesé sur l’épistémologie de la didactique de la littérature et sur les fondements mêmes de l’acte de transmettre. D’autres chercheurs se penchent sur l’objet littéraire dans sa dimension praxéologique et analysent les orientations contemporaines dans l’interprétation littéraire, les œuvres lues en classe et leurs différents supports, les dispositifs didactiques qui peuvent le mieux épouser les formes des évolutions spécifiques au début du XXIe siècle. Enfin, des didacticiens étudient les curricula de formation des maitres, afin d’évaluer si les cursus proposés aux étudiants sont des accélérateurs ou des freins dans la mutation constatée.
Ce livre problématise ainsi ces diverses facettes de l’enseignement de la littérature, en variant les points de vue et en associant des orientations littéraires, didactiques, sociologiques et historiques. Il intéressera autant les lecteurs qui souhaitent cerner plus précisément les enjeux de l’enseignement de la littérature à l’école aujourd’hui que les praticiens qui désirent renouveler leurs gestes professionnels.

Table des matières

  • Couverture
  • Titre
  • Copyright
  • À propos de l’auteur
  • À propos du livre
  • Pour référencer cet eBook
  • Table des matières
  • Introduction
  • PREMIÈRE PARTIE: ÉPISTÉMOLOGIE ET CONDITIONS DE LA FORMATION EN DIDACTIQUE DE LA LITTéRATURE
  • Mutations épistémologiques et enseignement de la littérature. Considérations sur la recherche en didactique de la littérature et la formation des maitres
  • Les frondaisons sont belles ; mais où sont les racines ? Ou comment enseigner les œuvres que l’on a lues attentivement et intégralement ?
  • Épistémologie de la transmission littéraire. Détraditionnalisation, reterritorialisation et altermodernité
  • Former des enseignants en littérature à l’heure des « compétences ». Vers un curriculum actualisé
  • DEUXIÈME PARTIE: FORMATION À L’ENSEIGNEMENT DE LA LITTÉRATURE : OBJETS, DISPOSITIFS, SUPPORTS ET THÉORIES DE L’INTERPRÉTATION LITTÉRAIRE
  • Lecture littéraire et métadiscours. Proposition pour la formation des enseignants de français
  • Former à enseigner les littératures « par effraction » à l’école primaire
  • Place et rôle des métatextes dans les manuels de littérature pour le lycée
  • Littérarités scolaires, objets de savoirs, de formation et d’enseignement. Ou comment la Vénus Anadyomène émerge, transfigurée, d’un bain didactique
  • Littérature et apprentissage de la lecture : former sans opposer
  • Essai d’anatomo-pathologie du manuel de littérature en FLE
  • TROISIÈME PARTIE: CURRICULA DE FORMATION
  • La formation à l’enseignement de la littérature dans les masters « Métiers de l’enseignement et de la formation »
  • Enseigner le contemporain. Quelle formation continue pour les professeurs de lettres ? Quels enjeux ?
  • L’explication de texte au Capes de lettres. Miroir d’un enseignement qui se questionne
  • Programmes de français du lycée djiboutien au lycée professionnel en France. La littérature à l’épreuve
  • Postface

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INTRODUCTION

Sonya FLOREY

Haute École Pédagogique du canton de Vaud

Christophe RONVEAUX

Université de Genève

Noël CORDONIER

Haute École Pédagogique du canton de Vaud, Université de Lausanne

Les didacticiens du français font régulièrement état d’une crise de l’enseignement de la littérature (Kuentz, 1972 ; Reuter, 1985 ; Boutan & Savatovski, 2000 ; Fraisse & Houdart-Mérot, 2004 ; Daunay, 2007) : les élèves dédaigneraient les classiques, et s’ils lisent encore, ce serait uniquement des ouvrages que l’histoire littéraire canonique ne retient pas, des œuvres, des genres et des supports considérés parfois comme peu nobles, tels que la bande dessinée, les journaux et romans pour adolescents ou encore des blogs et des publications en ligne. Le désastre annoncé d’une génération d’illettrés est fort heureusement à nuancer : convoqué de manière récurrente à divers moments de l’histoire par des études spécialisées ou par le discours social1, la crise a des fonctions et statuts divers selon les cas et les moments. En histoire des sciences, dans la perspective kuhnienne, elle est « un prélude approprié à l’apparition de nouvelles théories »2. Dans cette description, qui vaut principalement pour les sciences dites exactes, la succession de crises et de stabilisations a été interprétée par des épistémologues (Prigogine & Stengers, 1986) ← 9 | 10 → comme une persistance du positivisme. Mais dans les sciences humaines, où les changements de paradigme sont au plus des renouvèlements et non des progrès estimés linéaires, la crise n’est pas un moment aigu mais un état aussi chronique que bénin. En littérature, discipline par excellence du débat et du rajustement, la fameuse et éternelle crise (sur la question de sa définition, de son champ, de son enseignement, de ses finalités, etc.) n’est pas pathogène, elle témoigne de la vigueur de la discussion. Si l’on ne s’étonnera donc plus de l’absence de consensus sur les causes ou les critères de mesure de ladite crise (Mongenot & Bishop, 2007), on profitera de l’exercice d’élucidation et de précision que ces débats engendrent et de la vigilance, de la veille attentive qu’elle requiert de tout acteur de la discipline, et parmi eux, des didacticiens.

Malgré des prescriptions scolaires qui font de la transmission d’une culture commune3 un idéal et un objectif assumés, l’enseignement de la littérature évolue donc dans un contexte d’interrogations, voire de résistances relatives aux valeurs portées par le texte littéraire, aux contenus à transmettre, aux dispositifs didactiques et à la formation des étudiant.e.s et des enseignant.e.s en littérature (Schaeffer, 2011 ; Todorov, 2007 ; Blais, Gauchet & Ottavi, 2008).

Selon cette modalité qui convertit la crise en recherches d’adéquations, d’ajustements, d’adaptations à la culture, aux cultures présentes, cet ouvrage renonce à proposer un nouveau choix d’œuvres, il ne présente pas d’outils didactiques inédits, mais il s’efforce de caractériser l’évolution du contexte social et scolaire où prend place le cours de littérature, d’identifier les enjeux propres à la formation des maitres de littérature, et de prolonger, de nourrir ce débat toujours ouvert relatif aux modalités d’enseignement de la littérature dans les degrés du secondaire I et secondaire II.

Quelques questions traversent l’entier du volume. La première est celle que tout enseignant, chercheur en didactique ou étudiant aura déjà rencontrée et qui concerne le soupçon d’instrumentalisation du texte littéraire : lorsqu’on fait converger des choix de corpus et des prescriptions, on entre dans le jeu subtil d’un équilibre entre l’espace accordé au texte littéraire en tant que tel, comme une œuvre qui contient en soi sa propre légitimation, et les objectifs d’apprentissage qui sont régulièrement suspectés de réduire le texte littéraire à un statut de prétexte. La question est d’ailleurs particulièrement saillante dans un système scolaire qui s’est construit sur une approche par compétences. Si tous les acteurs refusent d’utiliser la littérature comme support à des apprentissages uniquement dits techniques, qui « assèchent » le texte, l’évident de son sens, le défi est aujourd’hui d’associer intimement l’acte d’apprendre à ← 10 | 11 → lire et celui d’apprendre à lire de la littérature. Les étudiant.e.s et les enseignant.e.s sont invité.e.s depuis quelques années déjà à promouvoir ce principe. Parmi les pratiques réalistes qui vont dans ce sens, il y a la prise en compte, dans l’enseignement de la littérature, de ce que le pragmatisme, qui est devenu le paradigme central de l’enseignement et qui règle, de fait, toutes les approches par compétences, a de meilleur : aujourd’hui, l’enseignement de la littérature peut et doit largement se diversifier en considérant la part nécessaire et bienvenue de l’activité concrète des apprenants, de l’expérimentation, de l’incorporation même de la littérature. Les approches multimodales de la littérature, l’alliance féconde de la lettre, de l’image et du son, l’écriture de création, la mise en voix des textes, voilà des activités qui ont été favorablement encouragées par l’orientation pragmatiste de l’enseignement.

Une seconde série de questions nous fera affronter quelques résistances d’ordre conceptuel. Car, évidemment, habiter ce principe didactique – qu’on soit chercheur, enseignant ou enseignant en formation – suppose plusieurs conditions : passer d’une conception restreinte de la littérature, à une conception plus ouverte, refusant de hiérarchiser la Littérature et la (para)littérature, que cette dernière acception soit le fait de mauvais genres (BD, polar, science-fiction) ou de littérature de jeunesse ; connaitre précisément les enjeux de l’apprentissage continué de la lecture, qui trouvent dans le refus de dissocier lecture et littérature un terrain fécond pour fonder une culture de classe commune ; accepter de faire une entorse à des programmes qui se rigidifient, en termes de corpus ou d’histoire littéraire, afin d’instiller des apprentissages relatifs à l’appréciation subjective des œuvres littéraires, à l’appropriation d’une posture de sujet-lecteur.

Tentons une analogie, puisqu’elle est parfois pourvoyeuse d’idées. Selon Dominique Viart, la littérature romanesque vit une triple évolution au tournant des années 1980 : un triple retour (du sujet, du réel, du récit) caractérise ces œuvres et les distinguent de certains courants des avant-garde, du surréalisme ou encore du Nouveau Roman. Cette littérature, dite de l’extrême contemporain, a quitté la tour d’ivoire dans laquelle on lui reprochait de s’être réfugiée, pour retrouver le monde. C’est ce même mouvement que sa discipline-sœur, la didactique de la littérature, a opéré, notamment sous le coup de ce pragmatisme qui conditionne l’enseignement mondial. La conception autotélique qui prévalait dans certains courants didactiques a laissé la place à une conception transitive. Respectueuse du texte littéraire dans ses caractéristiques propres, cette nouvelle acception entrevoit les liens constitutifs qui fondent la littérature et la lecture, les dimensions esthétiques et les enjeux d’enseignement-apprentissage. Mais plus évidemment encore, elle requiert des chercheurs en didactique une connaissance fine de la littérature en tant que champ disciplinaire, des objets d’enseignement littéraires et de la réalité des pratiques enseignantes. ← 11 | 12 →

On lira, dès lors, explicitement ou en filigrane, un postulat fort dans cet ouvrage : misons sur la formation des maitres. Parmi les enjeux essentiels pour les futurs enseignants de littérature, on trouvera notamment :

 la capacité d’analyser les moyens d’enseignements. D’une part, comme des témoins : les manuels disent, dans leur organisation, dans leur présentation des textes, comment le texte littéraire est perçu dans le monde scolaire. A différentes époques mais aussi aujourd’hui : comment par exemple, les moyens d’enseignement classiques, sous forme papier (manuels, anthologies littéraires, etc.), dialoguent-ils, ou pas, avec les documents numériques, avec leurs spécificités (images, sons, infographies, etc.) et avec le régime différent et spécifique d’attention et d’apprentissage qu’ils requièrent (hypertextes, supports composites) ? Sont-ils des éléments facilitateurs ou non de l’accès au texte littéraire ? Lorsque la perception de l’objet littéraire est brouillée, lorsque manque une finalité didactique claire, la littérature est rendue inaccessible non seulement pour les étudiant-e-s en formation, mais également pour les élèves.

 la connaissance explicite des prescriptions et des curricula cachés : à cette condition seulement, le continuum espéré entre comprendre et interpréter pourra s’incarner. Aborder, par exemple, la littérature prioritairement, voire uniquement, par les catégories du CECRL peut avoir comme effet de réduire le fait littéraire à une liste d’auteurs ou de citations. Transformons l’enseignement littéraire en lieu de la transmission de savoirs et de la formation intellectuelle au sens large, au sens noble du terme.

 des savoirs solides et ancrés sur les contenus disciplinaires, sur la littérature classique mais aussi sur les textes de l’extrême-contemporain ; des savoirs-faire en analyse littéraire, sur l’identification des récurrences ou des ruptures formelles qui soutiennent des effets de sens ; une réflexion sur les valeurs dont on charge le fait littéraire, sur l’identification de sa propre posture de lecteur et de transmetteur.

 des savoirs solides et ancrés sur les contenus didactiques : on constate un manque de recherches sur les aspects didactiques de la formation des maitres. Or, ces informations sont à considérer comme pourvoyeuses d’outils pour les futur.e.s enseignant.e.s Motiver le choix d’une œuvre intégrale ou d’un extrait, se centrer sur la tâche en interrogeant systématiquement l’alignement curriculaire, intégrer les apports d’autres disciplines telles que les sciences de l’éducation et la psychologie cognitive, s’emparer des questions liées à l’évaluation : toutes ces facettes ont pour finalité ← 12 | 13 → d’adoucir la rupture entre le parcours académique des futur.e.s enseignant.e.s et leur parcours professionnalisant.

Ainsi, plutôt que de tenir l’évolution des objets, des pratiques, des cadres théoriques pour un facteur d’entropie, nous préférons nous inscrire dans la filiation de celles et ceux qui ont défini notre discipline comme un espace dynamique. Impliqués dans divers courants, au fait des changements qui ont concerné la discipline-mère, la réalité du terrain scolaire et les contraintes liées à la formation des maitres, certain.e.s reprocheront à la didactique de la littérature de s’être parfois égarée. Ou d’avoir dysfonctionné. Gageons cependant que même ce type d’égarement sera fécond.

Bibliographie

Boutan, P., Savatovsky, D., « Avant-propos », Études de linguistique appliquée, 118, n° 10, 2000.

Daunay, B., « État des recherches en didactique de la littérature », Revue française de pédagogie, 159, 2007, p. 139-189.

Fraisse, E., Houdart-Mérot, V., Les enseignants et la littérature : la transmission en question, Créteil, Scérén-CRDP de l’Académie de Créteil et CRTH de l’Université de Cergy-Pontoise, 2004.

Gauchet, M., Blais, M.-C., Ottavi, D., Conditions de l’éducation, Paris, Stock, 2008.

Kuentz, P., « L’envers du texte », Littérature, 7/3, n° 24, 1972.

Mongenot, C., Bishop, M.-F., « Chronique “didactique de la littérature”. Où en est l’enseignement de la littérature ? », Le français aujourd’hui, 159 (Les genres : corpus, usages, pratiques), 2007.

Prigogine, I., Stengers, I., La nouvelle alliance, Métamorphose de la science, Paris, Gallimard, coll. « Essais », 1986.

Reuter, Y., Pour une analyse institutionnelle de la littérature. Des théories aux pédagogies. Bilan et hypothèses, Doctorat thèse d’État, Paris 8, 1985.

Schaeffer, J.-M., Petite écologie des études littéraires, Vincennes, Thierry Marchaisse, 2001.

Todorov, T., La littérature en péril, Paris, Flammarion, 2007.

Viart, D., Vercier, B., La littérature au présent. Héritage, modernité, mutations, Paris, Bordas, 2005.

1 Au sens de « tout ce qui se dit et s’écrit dans un état de société ; tout ce qui s’imprime, tout ce qui se parle publiquement ou se représente aujourd’hui dans les médias électroniques. Tout ce qui se narre et argumente, si l’on pose que narrer et argumenter sont les deux grands modes de mise en discours ». Marc Angenot, Mille huit cent quatre-vingt-neuf : un état du discours social, Montréal/Longueuil, Le Préambule, coll. « L’Univers des discours », 1989, p. 83.

2 Kuhn, Th., La structure des révolutions scientifiques, Trad. L. Meyer, Paris, Flammarion, 1983, p. 125.

3 En termes de siècles, de genres, de notions abordés.

Résumé des informations

Pages
256
Année
2015
ISBN (PDF)
9783035265521
ISBN (ePUB)
9783035298178
ISBN (MOBI)
9783035298161
ISBN (Broché)
9782875742841
DOI
10.3726/978-3-0352-6552-1
Langue
français
Date de parution
2015 (Août)
Mots clés
didactique de la littérature contexte contemporain de l'enseignement pratiques en classe formation des maitres
Published
Bruxelles, Bern, Berlin, Frankfurt am Main, New York, Oxford, Wien, 2015. 256 p., 3 fig., 5 tabl.

Notes biographiques

Sonya Florey (Éditeur de volume) Noël Cordonier (Éditeur de volume) Christophe Ronveaux (Éditeur de volume) Soumya El Harmassi (Éditeur de volume)

Sonya Florey enseigne la didactique du français à la Haute école pédagogique du canton de Vaud. Noël Cordonier est professeur en didactique du français à la Haute école pédagogique du canton de Vaud. Christophe Ronveaux enseigne la didactique de la lecture à l’Université de Genève. Soumya El Harmassi a enseigné à l’École normale supérieure de Meknes et à la faculté des sciences de l’éducation de Rabat.

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