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Carmen revisitée / revisiter Carmen

Nouveaux visages d’un mythe transversal

de Claire Lozier (Éditeur de volume) Isabelle Marc (Éditeur de volume)
©2020 Collections 180 Pages

Résumé

Ce volume collectif examine la récente multiplication sur la scène internationale de créations artistiques multiformes revisitant la figure de Carmen. En moins de deux siècles, Carmen a non seulement dépassé les frontières géoculturelles de l’Espagne fantasmée qui l’a inspirée et de la France postromantique qui l’a créée, mais elle a aussi débordé le cadre littéraire et opératique de ses débuts. À travers les époques, les cultures et les arts, l’histoire de la cigarillière n’a cessé d’être réinventée, devenant un mythe à part entière. Carmen est aujourd’hui une figure protéiforme, à la fois transnationale, transdisciplinaire et intersectionnelle, qui appartient à l’imaginaire collectif mondial. Ce livre, interdisciplinaire et cosmopolite à l’image de son sujet, propose une compréhension actualisée du mythe de Carmen par l’analyse d’une sélection de ses réécritures les plus récentes. Des spécialistes internationaux y étudient les invariants et la pertinence actuelle de cette figure mythique dans le contexte géopolitique global contemporain. Par ailleurs, en croisant les approches postcoloniale et féministe, ce livre contribue également à la réflexion sur la place de l’étranger et du féminin dans les structures sociales et les manifestations artistiques actuelles.

Table des matières

  • Couverture
  • Titre
  • Copyright
  • À propos de l’auteur
  • À propos du livre
  • Pour référencer cet eBook
  • Remerciements
  • Table des matières
  • Chapitre I Carmen aujourd’hui : état des lieux et des enjeux (Isabelle Marc et Claire Lozier)
  • Chapitre II La séduction dans l’œil du loup. À propos de Carmen et ses images (Luis F. Martínez-Montiel)
  • Chapitre III Deux actrices pour une héroïne : présence de Carmen dans La Femme et le Pantin de Pierre Louÿs (1898) et Cet obscur objet du désir de Luis Buñuel (1977) (François Géal)
  • Chapitre IV Carmen revient : ré-imaginer l’espagnolade dans le cinéma espagnol post-franquiste (José Colmeiro)
  • Chapitre V Carmen dans le Gay Paree : du bon usage de la reprise dans Victor, Victoria de Blake Edwards (1982) (Caroline Julliot)
  • Chapitre VI Après Carmen : le mythe érotique de la femme espagnole dans le cinéma français (1970–2010) (Claude Murcia)
  • Chapitre VII Carmen voyageuse : représentations de Carmen en dehors de l’Espagne (Ann Davies)
  • Chapitre VIII Carmen de Bizet à Stromae : l’Éros narcisse (Christine Rodriguez)
  • Chapitre IX Final féministe : les défis de la mise en scène au XXIe siècle. #JeSuisCarmen (Clair Rowden et Lola San Martín Arbide)
  • Titres de la collection

Chapitre I Carmen aujourd’hui : état des lieux et des enjeux

Isabelle Marc, Université Complutense de Madrid

Claire Lozier, Université de Leeds

Ce livre est le fruit de la rencontre entre deux projets consacrés à Carmen qui se déroulèrent à Madrid en 2016. Du 21 avril au 16 octobre 2016 eut lieu au Matadero, le Centre de Création Contemporaine installé dans les anciens abattoirs de la ville, l’exposition Carmen. Lecturas de un mito (http://www.mataderomadrid.org/ficha/5402/carmen.html), créée par Luis F. Martínez-Montiel (professeur d’histoire de l’art à l’Université de Séville, et collaborateur à ce volume) et feu José Manuel Rodríguez Gordillo (professeur d’histoire de l’Espagne moderne à l’Université de Séville), malheureusement décédé avant l’inauguration. Les 23 et 24 juin 2016 se tint à l’Université Complutense de Madrid le colloque international « Après Carmen : évolution et continuité du mythe érotique espagnol dans la création francophone contemporaine (1975–2016) », organisé par Claire Lozier (maîtresse de conférences en littérature française et cinéma à l’Université de Leeds) et Isabelle Marc (maîtresse de conférences en littérature et musique françaises à l’Université Complutense). Ces deux projets, qui n’étaient pas liés au départ et qui furent pensés indépendamment l’un de l’autre sans que leurs auteurs se soient concertés, étaient voués à s’associer du fait de leur objet commun et de leur intérêt partagé. Le charme de la gitane venait une nouvelle fois ←13 | 14→d’opérer. Sérendipité, diront certains ; nous répondrons : manifestation de la puissance d’un mythe iconique plus que jamais d’actualité.

Si, on le sait, Carmen est depuis longtemps déjà l’opéra le plus joué au monde, les adaptations déclinant à l’envi l’histoire de la gitane (structure mythique) ou utilisant son image (construction iconique) à des fins les plus variées se sont multipliées ces dernières années dans un climat global de revendications féministes et de lutte contre les violences faites aux femmes. Carmen a plus que jamais le vent en poupe.

En moins de deux siècles, le personnage littéraire créé par Prosper Mérimée (1845) et repris, la même année, par Théophile Gautier (1845), puis rapidement popularisé par l’opéra de Georges Bizet (1875), est en effet devenu un mythe iconique à part entière. Franco-espagnole à ses débuts pas, Carmen a aujourd’hui non seulement dépassé les frontières géoculturelles de l’Espagne fantasmée qui l’a inspirée et la France postromantique qui l’a créée, mais elle a également débordé le double cadre littéraire et opératique de ses origines. Depuis ses premiers pas, Carmen n’a cessé d’être réinventée à travers les genres, les cultures, les langues et les arts (Maingueneau 1985 ; Ravoux Rallo 1997 ; Lacouture 2011). Elle est de nos jours une figure protéiforme, transnationale, transdisciplinaire et transgenre qui appartient pleinement à l’imaginaire mondial. L’opéra continue bien sûr d’être monté (témoin le dernier Carmen créé à l’Opéra National de Paris en 2019 sur une mise en scène de Calixto Bieito), mais la gitane est aussi à l’affiche de spectacles vivants (Carmen la Cubana, comédie musicale au Théâtre du Châtelet, 2016 ; Carmen, ballet de Sara Baras 2016 ; Carmen, ballet de Víctor Ullate 2017), elle s’invite dans les musiques populaires actuelles (Carmen, Stromae 2015 ; Bella, Kendji Girac 2016), elle est icône publicitaire (Pure XS for Her, Paco Rabanne 2018), tout en continuant d’apparaître dans la littérature de manière plus ou moins transfigurée (René Depestre 1981 ; Cécilia Norick 2011 ; Frédéric Beigbeder 2015) et de figurer de façon plus évidente au cinéma (Carmen : A Hip Hopera, Robert Townsend 2001 ; Karmen Geï, Joseph Gaï Ramaka 2001 ; Carmen, Vicente Aranda 2003 ; U-Carmen eKhayelitsha, Mark Dornford-May 2005 ; Carmen’s Kiss, David Fairman 2011), sans compter les innombrables versions qui fleurissent en permanence sur des scènes, dans des salles, sous des formes et à travers des supports impossibles à répertorier.

La constance et l’insistance particulières avec lesquelles Carmen s’est manifestée ces dernières années n’ont également pas manqué de ←14 | 15→donner lieu à des études cherchant à comprendre et à expliquer le sens à donner à ce phénomène. Ce volume s’inscrit dans leur lignée tout en conservant sa double particularité d’être issu de la collaboration entre une exposition (versant artistique) et un colloque universitaire (versant scientifique), et de faire dialoguer ces nouvelles Carmen avec celles qui les ont précédées.

Face à la profusion artistique et académique des manifestations récentes de Carmen, l’objectif de ce livre est double : il entend d’une part interroger ce qui reste aujourd’hui des invariants de ce mythe iconique devenu global et, d’autre part, en analyser les manifestations les plus récentes dans une perspective transhistorique, transnationale et transdisciplinaire comparée. En proposant une archéologie de la « matière Carmen », le but de Carmen revisitée/revisiter Carmen est par conséquent de mettre au jour les raisons récentes et passées ayant mené à la multiplication actuelle sur la scène internationale de créations artistiques multiformes qui ont pour objet cette figure originellement emblématique d’une problématique essentiellement européenne, à savoir les rapports franco-hispaniques. Pour ce faire, le volume étudie les spécificités des nouveaux visages de cette Carmen internationale dans le contexte géopolitique global contemporain à travers une variété de formes artistiques (arts visuels, littérature, cinéma, danse et musique), afin de faire émerger les facteurs qui confèrent à cette icone mythique sa place et sa pertinence pour notre époque. Plus que jamais marquée du sceau de la transgression et du métissage – qu’elle soit transnationale, transdisciplinaire ou transgenre –, mais toujours fidèle à son irrécupérable altérité, que vient aujourd’hui nous dire Carmen par son chant renouvelé ? C’est la question à laquelle se proposent de répondre les textes ici réunis – écrits en français ou traduits de l’espagnol et de l’anglais par les éditrices – qui sont les fruits de la réflexion de spécialistes internationaux et qui furent soit initialement pensés pour l’exposition Carmen. Lecturas de un mito (Luis F. Martínez-Montiel, José Colmeiro, Ann Davies), soit élaborés pour le colloque « Après Carmen » (François Géal, Claude Murcia, Caroline Julliot, Christine Rodriguez), soit produit spécialement pour ce volume (Clair Rowden et Lola San Martín Arbide).

Chacun à leur manière, ces textes contribuent à rendre compte du fait que Carmen est aujourd’hui la grande survivante de la période postromantique : non contente de survivre à sa mort dans la nouvelle et le livret, elle survit depuis aux modes et aux idéologies, et elle continue de renaître à chaque génération littéraire et artistique. Les huit chapitres de ←15 | 16→ce livre viennent ainsi prolonger et compléter les recherches effectuées ces dernières années sur la survivance d’un mythe dont la particularité réside en partie dans sa capacité à sans cesse se renouveler.

Les dernières décennies ont en effet vu paraître de nombreux travaux sur la « matière Carmen », ou « carmenologie », considérée dans ses multiples réincarnations artistiques. Depuis la parution de l’ouvrage désormais classique de Dominique Maingueneau, Carmen, les racines d’un mythe (1985), Carmen n’est plus perçue comme une simple figure littéraire ou opératique, mais bien comme un véritable personnage-image ou personnage-stéréotype (Renaud 2013). Devenue mythe iconique à part entière, Carmen possède aujourd’hui le statut de « signifiant vide » qui lui permet de donner corps à autant d’interprétations que d’interprètes. Par ailleurs, les productions culturelles de la période romantique ayant Carmen pour objet, tout comme celles, nombreuses, ayant vu le jour durant la guerre civile d’Espagne, continuent d’être abondamment étudiées par la critique (Pageaux 1996, 1998, 2003 ; Ravoux Rallo 1997 ; Sentaurens 2002 ; Murcia 2004 ; Lacouture 2011 ; Ortega 2012 ; Renaud 2013). Il faut également souligner l’importance des récentes études (Perriam et Davies 2005 ; Davies et Powrie 2006 ; Powrie, Babington et Davies 2007 ; Utrera Macías et Guarinos 2010) consacrées aux très nombreuses adaptations cinématographiques du mythe de Carmen depuis l’invention du cinéma : on en comptait pas moins de 82 en 2006. Cette véritable explosion cinématographique, dont Ann Davies étudie dans ce volume certaines des manifestations les plus récentes et les plus cosmopolites, ne montre à ce jour aucun signe d’essoufflement. Dans son chapitre, José Colmeiro analyse, quant à lui, les efforts des cinéastes espagnols pour retrouver la nature « hispanique » de la fameuse gitane en réaction aux appropriations étrangères.

Dans le domaine de la musicologie, la monographie de Susan McClary, Georges Bizet : Carmen (1992), portant sur les enjeux féministes, ethniques et musicaux de l’opéra, marque un jalon incontournable qui a fait date. De son côté, l’ouvrage d’Hervé Lacombe et Christine Rodriguez, La Habanera de Carmen : naissance d’un tube (2014) analyse brillamment les enjeux présentés par la diffusion de la Habanera conçue comme véritable « tube » mondial. Le chapitre que Rodriguez consacre dans le présent volume à la reprise de ce thème par le chanteur belge Stromae, avec sa chanson « Carmen » (2015), poursuit cette réflexion. Pour ce ←16 | 17→qui est de la dramaturgie lyrique classique, Michael Christoforidis et Elizabeth Kertesz proposent dans leur tout récent ouvrage, ‘Carmen’ and the Staging of Spain. Recasting Bizet’s Opera in the Belle Epoque (2019), une nouvelle perspective historique sur les mises en scène de Carmen à la Belle Époque, notamment en Espagne. Enfin, il faut souligner les recherches menées actuellement par l’ambitieux projet Carmen Abroad (www.carmenabroad.org), porté par Richard Langham Smith et Clair Rowden, qui étudie les mises en scène de l’opéra de Bizet de 1875 à 1945 à travers le monde et dont les travaux seront publiés sous forme de livre en 2020. Rowden et Lola San Martín Arbide proposent dans leur chapitre écrit pour le présent volume une analyse inédite de deux mises en scène féministes récentes de Carmen dans lesquelles la gitane ne meurt pas et refuse de succomber aux assauts des hommes ainsi qu’à leur prétendu amour.

Carmen revisitée/revisiter Carmen conjugue ces approches et les fait dialoguer. En se situant à la croisée des disciplines et en s’inscrivant dans la lignée des études récentes consacrées à Carmen, ce livre cherche à offrir une vision transhistorique et transdisciplinaire de l’image et du mythe de Carmen aujourd’hui. Il réunit pour cela huit chercheurs experts en la matière, venant d’horizons culturels différents (France, Espagne, Royaume-Uni) et de perspectives scientifiques variées (histoire, histoire de l’art, littérature comparée, cinéma, arts de la scène, musique). Leurs analyses problématisent cette « matière » foisonnante dans le but d’offrir un point de vue inédit sur les textes source ayant donné naissance au mythe de Carmen ainsi que sur ses expressions les plus contemporaines.

Résumé des informations

Pages
180
Année
2020
ISBN (PDF)
9782807609013
ISBN (ePUB)
9782807609020
ISBN (MOBI)
9782807609037
ISBN (Broché)
9782807609006
DOI
10.3726/b17155
Langue
français
Date de parution
2020 (Septembre)
Published
Bruxelles, Berlin, Bern, New York, Oxford, Warszawa, Wien, 2020. 180 p., 10 ill. n/b.

Notes biographiques

Claire Lozier (Éditeur de volume) Isabelle Marc (Éditeur de volume)

Claire Lozier est maîtresse de conférences en littérature française et cinéma à l’Université de Leeds et chercheuse associée à l’Université Saint-Louis Bruxelles. Ses recherches portent sur les rapports entre littérature, cinéma et art contemporain. Elle s’intéresse également aux études de genre. Isabelle Marc est maîtresse de conférences en études françaises à l’Université Complutense de Madrid. Du point de vue des études culturelles et de genre, elle s’intéresse à la littérature et aux musiques actuelles françaises contemporaines ainsi qu’aux questions de politique culturelle et de transculturalité.

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Titre: Carmen revisitée / revisiter Carmen
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