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L'école maternelle de la performance enfantine

Préface d’Éric Plaisance

de Ghislain Leroy (Auteur)
©2020 Monographies 162 Pages
Open Access

Résumé

Préface d’Éric Plaisance
Que cherche-t-on à faire des enfants dans l’école maternelle d’aujourd’hui ? Quelles sont les caractéristiques actuelles de cette instance de socialisation ? En posant ces questions, Ghislain Leroy fait le choix original de reprendre le questionnement des sociologues pionniers de l’école maternelle (Dannepond, Plaisance, Chamboredon et Prévot) pour l’appliquer à l’époque contemporaine.
Après avoir visé les connaissances, l’effort et l’application (années 1950), puis l’expressivité enfantine (années 1960-1970), l’école maternelle serait aujourd’hui régie par une recherche de performance. Les nouvelles politiques publiques (new public management) ont entraîné un profond remaniement des programmes et de la professionnalité des professeur(e)s des écoles. Ces nouvelles exigences de rentabilité scolaire ont modifié les pratiques et choix pédagogiques ordinaires. Elles ont donné naissance à de nouvelles exigences disciplinaires, cognitives, émotionnelles et de maîtrise corporelle. Elles sont autant de déclinaisons d’un nouvel idéal : l’enfant performant car hautement autonome et responsable de lui-même.
Articulant les sociologies de l’enfance et des enfants à la sociologie des inégalités socio-scolaires, l’auteur montre aussi combien ces nouvelles attentes s’avèrent défavorables aux enfants de milieu populaire. Elles présupposent des comportements qu’ils n’ont pas appris dans leur milieu d’origine. Ils sont les outsiders de cette temporalité de l’urgence. L’étude se clôt par une analyse du succès récent de la pédagogie Montessori en maternelle, qui ne paraît pas remettre en cause ces définitions de l’enfance actuellement dominantes, bien au contraire.

Table des matières

  • Couverture
  • Titre
  • Copyright
  • À propos de l’auteur
  • À propos du livre
  • Pour référencer cet eBook
  • Sommaire
  • Préface
  • Introduction générale
  • Chapitre 1: Affirmation d’une représentation scolaire de l’enfant, des instructions de 1977 aux programmes de 2008
  • Chapitre 2: Du caractère scolaire des pratiques contemporaines
  • Chapitre 3: Quelle empreinte pour les pédagogies de l’éducation nouvelle ?
  • Chapitre 4: Socialisations du corps et des émotions de l’enfant à l’école maternelle
  • Chapitre 5: Les plus faibles, en marge de la marche de la classe
  • Chapitre 6: Perspectives récentes : « bien-être » et pédagogies alternatives
  • Conclusion générale
  • Bibliographie

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Préface

L’histoire de l’école maternelle est riche d’allers et retours entre la volonté de définir et de mettre en pratiques pédagogiques sa spécificité et l’emprise persistante de l’école primaire sur ses activités et sur la formation de son personnel. Dès le XIXème siècle, cette tension se faisait déjà sentir, au moment même de la transformation officielle de la salle d’asile en école maternelle lors de la mise en place de l’école de la IIIème république et de la publication de nouveaux programmes. La figure emblématique de ce combat pour affirmer l’originalité de l’école maternelle et, en même temps, pour valoriser la nécessaire attention au jeune enfant, est l’inspectrice générale Pauline Kergomard, à la charnière des deux siècles. Son œuvre militante peut être sommairement résumée par des expressions particulièrement suggestives qu’elle a surtout écrites dans les revues pédagogiques de l’époque. Avec la notion de « l’éducation maternelle dans l’école », elle défendait une approche éducative inspirée par un modèle familial, car le jeune enfant, disait-elle, n’est pas « matière scolaire » et son activité principale devrait être le jeu libre. D’où cette heureuse et célèbre formule, souvent reprise en omettant le nom de son auteur : « Le jeu c’est le travail de l’enfant ; c’est son métier, c’est sa vie ». L’autre versant était donc de démarquer la nouvelle école maternelle de l’école primaire, de ses activités et de la « pédagogie du livre » en ne laissant pas l’école primaire envahir l’école maternelle mais en instaurant le mouvement contraire : « c’est l’école maternelle bien comprise qui doit forcer les portes de l’école primaire. »

Bien évidemment, depuis ces périodes essentielles pour la construction de l’école maternelle en France, de grandes évolutions ont eu lieu, principalement après la Seconde Guerre Mondiale. Les évolutions de la fréquentation sont les plus frappantes, car elle est devenue de plus en plus diversifiée, appréciée par des catégories sociales moyennes et supérieures qui, de manière générale, n’étaient pas utilisatrices de cette école au public anciennement plus populaire. A tel point que la situation française actuelle est exceptionnelle au niveau mondial avec des pourcentages de fréquentation qui atteignent quasiment les 100 % pour les classes d’âge ←9 | 10→de 3, 4 et 5 ans. La loi de 2019 sur l’éducation consacre même ces réalités en déclarant obligatoire la scolarisation à ces âges précoces, dès l’âge de 3 ans. Un autre élément d’évolution concerne les personnels enseignants et, là aussi, on peut encore noter la particularité de la situation française. Dès le début de l’école maternelle, les institutrices ont vu leur statut professionnel, leur salaire et leurs conditions de travail très tôt assimilés à celui des institutrices et instituteurs de l’école primaire (en 1889 puis en 1921). Désormais, sous l’appellation de professeur(e)s des écoles, hommes et femmes peuvent exercer en école maternelle et leur formation jusqu’au niveau d’un master professionnel est effectuée dans des instances situées en universités (Instituts universitaires puis Écoles supérieures de formation, avant d’éventuelles autres dénominations).

Ces transformations, certes largement positives, n’éliminent pas pour autant des débats très actuels, voire de vives polémiques, par exemple celles qui touchent à la scolarisation des plus jeunes, les enfants de 2 ans (car leur place est aussi possible en crèches ou en jardins d’enfants) ou à la question des diagnostics précoces des troubles du comportement (annonçant, selon certains propos hasardeux, des risques sociaux ultérieurs). Pour l’heure, retenons la reprise des interrogations anciennes sur les rapports entre maternelle et primaire, bien manifestées lors de la rédaction des nouveaux programmes de 2015. Il faut même préciser que, par un retournement de vocabulaire, l’école maternelle est devenue englobée officiellement dans l’école primaire et en constitue seulement une étape, comme « primaire pré-élémentaire », alors que l’ancienne dénomination succincte d’école primaire a été remplacée par « primaire élémentaire ». Simple question rhétorique d’expressions renouvelées ou signe plus fondamental d’ambiguïtés non résolues ? Rappelons qu’en 1989 la loi d’orientation sur l’éducation instaurait des cycles d’apprentissage : au début de l’école maternelle, les apprentissages dits « premiers » et, à la charnière de l’école maternelle et du primaire élémentaire, les « apprentissages fondamentaux ». Or ce dernier chevauchement qui répondait au souhait légitime de continuité des apprentissages a mené à une polarisation vers les activités ultérieures du primaire élémentaire et, de fait, l’école maternelle a été aspirée par ce qui venait après elle, l’aval dévorant l’amont. Or, un tel tropisme a été critiqué par l’Inspection Générale de l’Éducation Nationale dans son rapport de 2011, si bien que la maternelle a ensuite récupéré officiellement son autonomie en constituant un cycle unique.

Le livre ici présenté par Ghislain Leroy est tributaire de ce contexte à la fois historique et contemporain et il se situe clairement au cœur des débats ←10 | 11→les plus actuels. L’auteur est particulièrement sensible à l’aspect scolaire de la maternelle, à sa « forme scolaire », voire à sa « primarisation », ce qui tend à la différencier des institutions pour jeunes enfants dans d’autres pays qui reposent sur d’autres modèles pédagogiques. Mais l’aspect central du livre et son originalité est la recherche des représentations dominantes de l’enfant dans l’école maternelle contemporaine en les rattachant aux évolutions sociales. En ce sens, il prend en compte les travaux sociologiques antérieurement publiés sur la maternelle par d’autres auteurs mais il veut réactiver leur questionnement en se demandant si la maternelle n’a pas connu de nouveaux développements, précisément sous l’angle des représentations de l’enfant, et en procédant à des analyses systématiques des pratiques en cours. Pour ce faire, il se situe à la fois dans les orientations de la sociologie de l’éducation, qui était le champ de recherche privilégié des auteurs précédents au cours des années 1970–80, et dans les renouvellements proposés plus récemment par la sociologie de l’enfance. Il s’exprime ainsi la croisée de ces deux pistes théoriques, attentif aussi bien aux processus de socialisation du jeune enfant et aux représentations qui structurent les pratiques. Dans ces conditions, les méthodologies sont à leur tour diverses et croisées : des analyses du curriculum formel, c’est-à-dire des prescriptions officielles sur ce qui est attendu de l’école maternelle depuis les années 70 ; des utilisations de rapports d’inspection pour y repérer, de manière indirecte, c’est à dire à partir d’un discours d’autorité, des témoignages sur des pratiques pédagogiques, soit anciennes soit actuelles ; des entretiens avec des professionnels, hommes et femmes, des écoles enquêtées ; enfin et surtout, des observations des pratiques ordinaires en classe. C’est sur ce dernier aspect que l’auteur insiste à juste titre : dans la recherche présentée, ce sont ces observations qui sont centrales et qui sont soutenues dans le texte par des photographies d’activités à des moments de regroupement des enfants ou d’ateliers, ou encore à des moments plus libres (accueil ou coins jeux, par exemple). Ces dispositifs pédagogiques ordinaires d’une journée en maternelle focalisent l’attention du chercheur et donnent lieu à de fines élaborations pour déceler ce qui a pu évoluer dans les pratiques concrètes de l’école maternelle contemporaine.

Fondée sur la confrontation de rapports d’inspection utilisés pour les périodes antérieures et d’observations sur la situation actuelle, l’évolution constatée semble marquée par la volonté de faire accéder l’enfant au statut d’élève, en donnant une place plus importante à ce que l’auteur appelle les « fondamentaux », c’est-à-dire des apprentissages guidés par la forme ←11 | 12→scolaire : graphisme-écriture, phonologie-lecture, voire calcul. Forçant sans doute un peu le trait, l’auteur évoque même une « colonisation » des autres types d’activités par cette orientation. On ne constate donc plus ici la confirmation d’un modèle pédagogique « expressif » que nous avions constaté comme progressivement dominant dans des rapports d’inspection de la fin des années 70. Comme si les attentes sociales pour une certaine rentabilité des apprentissages en vue de la scolarité ultérieure avaient pris une nouvelle place. C’est aussi ce qui justifie l’expression d’école « de la performance » qui fournit le titre du livre : le souci contemporain de la performance et le poids des logiques sociales concurrentielles arrivent à pénétrer la maternelle, même sans la volonté explicite et professionnels concernés.

Résumé des informations

Pages
162
Année
2020
ISBN (PDF)
9782807613522
ISBN (ePUB)
9782807613539
ISBN (MOBI)
9782807613546
ISBN (Broché)
9782807613515
DOI
10.3726/b16366
Open Access
CC-BY-NC-ND
Langue
français
Date de parution
2020 (Février)
Published
Bruxelles, Bern, Berlin, New York, Oxford, 2020. 162 p., 9 ill. en couleurs, 6 ill. n/b, 10 tabl.

Notes biographiques

Ghislain Leroy (Auteur)

Ghislain Leroy est maître de conférences en sciences de l’éducation (université Rennes 2, laboratoire CREAD). Il restitue ici 14 années d’étude de l’école maternelle, menée par le biais de plusieurs recherches. Ses travaux ont donné lieu à deux prix et de nombreuses publications dans des revues scientifiques françaises et internationales.

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