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Enseigner une matière scolaire dans une langue étrangère

Des théories aux pratiques

de Rita Carol (Auteur)
©2022 Monographies 376 Pages

Résumé

Enseigner en langue étrangère une matière scolaire non linguistique telle que l’histoire, les sciences ou la musique ne va pas de soi. L’enseignant a besoin de connaissances lui permettant de transposer des savoirs disciplinaires dans une langue non maîtrisée par les élèves, qu’elle soit étrangère, seconde ou régionale. Ces connaissances font l’objet de cet ouvrage. Il cherche à répondre aux questions suivantes quelles sont les pratiques permettant d’enseigner des savoirs en dépit des carences verbales des élèves ? Comment promouvoir et étayer l’apprentissage disciplinaire et linguistique des élèves ? Ces questions sont abordées sous différentes perspectives. A titre d’exemple, la planifi cation d’une unité de cours est interrogée. L’intégration dans une séquence des quatre piliers de la démarche (la discipline, la langue étrangère, la culture et le savoir apprendre) est analysée. Le traitement de la langue étrangère dans l’enseignement disciplinaire y reçoit une attention toute particulière. Au travail quotidien, l’enseignant est confronté à de nombreux problèmes pratiques tels que : comment se faire comprendre ? Comment introduire des mots et des expressions nouveaux ? Comment aborder un texte écrit ? Afi n de répondre à ces interrogations, des outils et des activités sont proposés. Ainsi plus de 200 activités visent à étayer et à stimuler les pratiques enseignantes et la créativité.
Découvrez la présentation de l'ouvrage par l'auteur sur le site de la revue "Matices en Lenguas Extranjeras": https://www.youtube.com/watch?v=cnB8LR7ToEE&list=PLktj7abiVwJohkkWimsHEajIG_J6PQjEQ&index=6

Table des matières

  • Couverture
  • Titre
  • Copyright
  • À propos de l’auteur
  • À propos du livre
  • Pour référencer cet eBook
  • Table des matières
  • Avant-Propos
  • Partie I Aspects théoriques
  • Chapitre 1 La démarche EMILE
  • 1.1. Un bref historique
  • 1.2. L’enseignement traditionnel des langues vivantes – l’enseignement immersif
  • 1.3. La démarche EMILE
  • Les avantages de l’EMILE
  • Les freins à la réussite d’EMILE
  • Chapitre 2 Apprentissage en classe EMILE
  • 2.1. S’approprier les savoirs et savoir-faire
  • 2.2. Interagir pour apprendre
  • 2.3. Apprendre c’est agir
  • 2.4. Les langages de la communication
  • 2.5. La langue première en classe EMILE
  • 2.6. Le rôle de l’enseignant
  • Chapitre 3 La langue dans les disciplines non linguistiques
  • 3.1. La fonction communicative et cognitive du langage
  • 3.2. Les spécificités de la langue académique
  • Les fonctions discursives
  • Le genre discursif
  • Enseigner les fonctions discursives et le genre discursif
  • 3.3. La langue académique et les difficultés des élèves
  • Chapitre 4 L’acquisition d’une langue seconde en classe EMILE
  • 4.1. L’interaction et la mémoire dans l’acquisition de la langue seconde
  • 4.2. Les processus psycholinguistiques de la compréhension orale
  • 4.3. Les difficultés des élèves pour comprendre
  • 4.4. Apprendre la langue seconde
  • L’apprentissage implicite de la langue seconde
  • L’apprentissage explicite de la langue seconde
  • 4.5. La langue de l’apprenant
  • Partie II Planifier son enseignement
  • Chapitre 5 La planification de l’enseignement disciplinaire
  • 5.1 Les objectifs disciplinaires d’une séquence d’enseignement
  • Définir des objectifs disciplinaires
  • L’analyse du savoir et de ses constituants
  • Analyse des prérequis
  • Analyse des savoirs et savoir-faire acquis par les élèves
  • Les conditions externes de l’apprentissage
  • Les indicateurs de réussite de l’apprentissage
  • 5.2. La construction d’un plan d’actions
  • Les caractéristiques d’une tâche d’apprentissage de qualité
  • Séquencer les activités d’apprentissage
  • 5.3. Sélectionner les ressources
  • 5.4. Les formes sociales de travail
  • Le cours magistral
  • Le travail individuel
  • Le travail en binôme et en groupe
  • 5.5. Faire le bilan
  • Chapitre 6 L’enseignement de la langue seconde
  • 6.1. La définition d’objectifs linguistiques
  • Les domaines d’analyse
  • L’objectif disciplinaire de la séquence
  • Les activités d’apprentissage
  • La gestion de la vie en classe
  • Le développement de la conscience de la langue
  • Les objectifs linguistiques et les modes de communication
  • Le contenu des objectifs linguistiques
  • La compétence stratégique
  • La compétence discursive
  • La compétence formelle
  • Les indicateurs de réussite
  • 6.2. L’analyse des besoins linguistiques d’une séquence
  • La schématisation de l’analyse
  • 6.3. L’analyse des acquis linguistiques des élèves
  • 6.4. L’étayage et les objectifs linguistiques secondaires
  • 6.5. La vérification finale de l’enseignement formel
  • Chapitre 7 Le savoir apprendre
  • 7.1. Les stratégies d’apprentissage disciplinaire
  • Les stratégies de planification
  • Les stratégies d’exécution
  • Les stratégies de mémorisation
  • Les stratégies d’évaluation
  • Les stratégies sociales et affectives
  • 7.2. Les stratégies d’apprentissage linguistique
  • Les stratégies de compréhension
  • Les stratégies de compréhension orale
  • Les stratégies de compréhension écrite
  • Les stratégies de production orale
  • Les stratégies de compensation
  • Les stratégies d’auto-observation et d’auto-correction
  • Les stratégies de production écrite
  • 7.3. Enseigner le savoir-faire stratégique
  • Chapitre 8 Les aspects culturels dans l’enseignement d’une discipline
  • 8.1. La culture et interculturalité
  • 8.2. La culture dans les matières scolaires
  • 8.3. La démarche interculturelle en classe EMILE
  • Partie III Pratiques
  • Chapitre 9 Se faire comprendre à l’oral
  • 9.1. Les supports de la communication
  • Le langage verbal
  • La communication multimodale
  • Le langage du corps humain
  • Les représentations visuelles
  • Représentations visuelles et opérations cognitives
  • Représentations visuelles et texte écrit
  • Mémento des questions de planification
  • 9.2. Les outils didactiques
  • Les consignes
  • Le discours de l’enseignant
  • Pratiques d’étayage
  • La phase préliminaire
  • 9.3. La vérification de la compréhension
  • Activites
  • Chapitre 10 Enseigner le vocabulaire
  • 10.1. Le vocabulaire dans les disciplines non linguistiques
  • 10.2. Enseigner le vocabulaire
  • 10.3. Du langage courant à la langue de la discipline
  • Activites
  • Chapitre 11 Promouvoir l’expression orale des eleves
  • 11.1. L’intérêt de la production orale pour les apprentissages
  • 11.2. Les difficultés des élèves
  • 11.3. La gestion de la communication en classe
  • La séquence d’élicitation
  • L’environnement cognitif et psychologique
  • Le discours de l’enseignant
  • Le travail coopératif en classe
  • 11.4. Proposer des modèles linguistiques de référence
  • 11.5. La correction des erreurs
  • Activites
  • Chapitre 12 Ecrire dans les disciplines non linguistiques
  • 12.1. Production écrite et apprentissage
  • La fonction communicative de l’écrit
  • La fonction épistémique de l’écrit
  • 12.2. Le processus de rédaction
  • Les connaissances sollicitées
  • Les opérations scripturales et textuelles
  • 12.3. Les difficultés des élèves
  • 12.4. L’étayage de l’enseignant
  • Conclusions
  • Activites
  • Chapitre 13 Travailler avec un texte ecrit
  • 13.1. Les fondements psychologiques de la lecture
  • 13.2. La sélection de textes écrits
  • 13.3. L’adaptation de ressources
  • 13.4. Le style de lecture
  • 13.5. Le travail de texte
  • La phase de pré-lecture
  • La phase des relectures
  • La phase d’après-lecture
  • 13.6. Les difficultés des élèves
  • 3.7. Mémento des questions de planification
  • Activites
  • Chapitre 14 Evaluer en classe emile
  • 14.1. Les formes d’évaluation
  • 14.2. Les principes d’une évaluation rationnelle
  • 14.3. L’évaluation de la langue seconde « et » de la discipline
  • L’évaluation exclusive
  • L’évaluation additive
  • L’évaluation intégrative
  • 14.4. L’auto-évaluation – l’évaluation des pairs
  • Activites
  • Bibliographie
  • Titres de la collection

Avant-Propos

Pour favoriser l’apprentissage des langues vivantes, les enseignants du primaire et du secondaire enseignent une discipline comme les mathématiques ou la géographie dans une langue différente de la langue maternelle des élèves. Cette langue peut être étrangère (allemand, anglais, etc.), régionale (alsacien, breton, etc.) voire seconde, c’est-à-dire, la langue enseignée est également pratiquée en dehors de l’école tel le français au Canada1. L’enseignement d’une discipline dans une langue seconde est appelé « enseignement bilingue » ou EMILE (Enseignement d’une Matière scolaire par l’Intégration d’une Langue Etrangère). Il ne va pas de soi. Il nécessite la connaissance de règles théoriques et méthodologiques spécifiques qui ont principalement été développées dans la littérature anglophone et allemande. Ces règles sont peu connues en France et les enseignants bricolent toutes sortes de solutions pour répondre aux problèmes qu’ils rencontrent. Cet ouvrage se propose d’apporter des réponses et de nombreux outils pour les accompagner dans leur travail quotidien. Il répond plus précisément aux questions suivantes : comment enseigner à la fois une langue seconde et une matière scolaire ? Comment l’enseignement EMILE modifie les pratiques d’enseignement ? Quels sont les savoirs théoriques et pratiques nécessaires pour réussir cet enseignement ? Les propositions qu’il présente s’appuient sur des travaux internationaux les plus récents et sur près de 20 ans d’expérience dans la formation des enseignants du primaire et du secondaire.

L’ouvrage se décompose en trois parties. Chaque partie ainsi que les chapitres qui la composent forment des unités autonomes qui peuvent être lues indépendamment les unes des autres. La première partie intitulée « Aspects théoriques » expose les bases théoriques sur lesquels s’appuie l’enseignement EMILE. Elle ne vise pas à l’exhaustivité mais cherche plutôt à présenter les principaux fondements conceptuels à partir desquels les pratiques évoquées dans les parties II et III se ←11 | 12→sont construites. Le chapitre 1 « La démarche EMILE » propose une définition de la notion d’EMILE et décrit ses principaux avantages et ses limites. Le chapitre 2 « Apprentissage en classe EMILE » présente le cadre théorique de référence de cet ouvrage : l’approche socio-cognitive de l’apprentissage. Cette théorie considère que l’apprentissage résulte de l’interaction entre des facteurs internes à l’élève (parcours, milieu socioculturel, intérêts, etc.) et des facteurs externes (climat de la classe, organisation des apprentissages etc.). Nous aborderons uniquement les facteurs déterminants de l’apprentissage en classe EMILE à savoir l’interaction, l’activité, les divers langages et l’enseignant.

Le chapitre 3 « La langue dans les disciplines non linguistiques » se penche sur les particularités du langage en mathématiques, en histoire, etc., et de sa relation avec le savoir. Il revient sur les difficultés que rencontrent les élèves à acquérir ce type de langage ainsi que sur leurs principales causes.

Le chapitre 4 « Acquisition d’une langue seconde » montre qu’il ne suffit pas d’enseigner une discipline dans une langue seconde pour assurer son acquisition. L’enseignant doit connaître les facteurs qui favorisent et contraignent son apprentissage.

Dans la deuxième partie « Planifier son enseignement », nous expliquons que lenseignement EMILE ne consiste pas seulement à acquérir des connaissances dans une langue seconde et dans une discipline. Il implique également lapprentissage dune culture et dun savoir-apprendre. Chaque domaine nécessite une approche spécifique que l’enseignant doit considérer lors de la préparation du cours.

Le chapitre 5 « La planification de l’enseignement disciplinaire » traite de la conception d’une séquence en classe EMILE. Elle se construit à partir de la discipline. Les questions auxquelles nous répondons sont alors les suivantes : comment définir des objectifs disciplinaires ? Quelles sont les caractéristiques d’une tâche de qualité ? Comment organiser les activités dans une séquence ? Cette planification est centrale puisqu’elle sert de base à la planification linguistique.

Le chapitre 6 « L’enseignement de la langue seconde » s’articule autour de deux volets principaux. Le premier s’attache à montrer comment les objectifs linguistiques se définissent à partir d’objectifs et d’activités disciplinaires. Le second volet s’intéresse à la coordination entre les moyens linguistiques nécessaires à la séquence et le niveau de langue des élèves.←12 | 13→

Le chapitre 7 « Le savoir apprendre » s’intéresse à un objectif important de l’enseignement EMILE, celui de l’autonomie des élèves, c’est-à-dire qu’ils parviennent à assumer seuls la responsabilité de leur apprentissage. Pour ce faire, ils doivent acquérir des stratégies de résolution de problèmes. Ces stratégies sont orientées vers le traitement d’une discipline et tiennent compte des différentes phases d’apprentissage (planification, exécution, mémorisation, évaluation). Elles se distinguent de celles tournées vers la langue qui se focalisent sur les pratiques communicatives telles que comprendre et produire à l’oral et à l’écrit.

Le chapitre 8 « Les aspects culturels dans l’enseignement d’une discipline en langue seconde » aborde la question de la culture étrangère associée à l’apprentissage d’une langue seconde. Il distingue le concept de culture et d’interculturalité et considère que la prise en compte de perspectives culturelles divergentes susceptibles de se manifester dans l’une et l’autre langue, constitue un enrichissement du savoir et de la personnalité.

La troisième partie intitulée « Pratiques » se consacre aux problèmes méthodologiques qu’un enseignant doit résoudre au quotidien : comment se faire comprendre ? Comment introduire des mots nouveaux ? Comment éviter l’absence de communication ? Comment traiter les ressources d’enseignement en langue seconde ? Comment les adapter au niveau des élèves ? Chaque chapitre se termine en proposant des outils et des activités concrètes qui sont réalisées dans les pays pratiquant EMILE avec succès. Ces propositions n’ont pas vocation à être prescriptives. Elles visent avant tout à favoriser la réflexion personnelle et la créativité de l’enseignant.

Le chapitre 9 « Se faire comprendre à l’oral » aborde une question centrale pour l’enseignant, celle de communiquer un savoir disciplinaire dans une langue seconde sans que celle-ci soit maîtrisée par les élèves. Il expose les nombreux moyens de communication dont l’enseignant dispose pour se faire comprendre.

La compréhension dépend dans une large mesure de la compréhension des mots. Le chapitre 10 « Enseigner le vocabulaire » expose les techniques qui permettent d’introduire des mots nouveaux et inconnus. Il montre également comment passer du langage commun à la langue de la discipline.

Le chapitre 11 « Promouvoir l’expression orale des élèves » part du constat (mis en évidence par les études de classe) selon lequel les élèves ←13 | 14→ne s’expriment pas assez en classe. La communication orale est pourtant déterminante pour l’apprentissage. Nous proposons ici différentes techniques pour favoriser la production orale des élèves et précisons les erreurs à ne pas commettre.

La production écrite est quant à elle peu pratiquée dans les matières scolaires et ce pour diverses raisons. Pourtant, elle représente un outil précieux pour l’appropriation des savoirs. Le chapitre 12 « Ecrire dans les disciplines non linguistiques » explique l’importance d’encourager la production écrite des élèves et propose des solutions pour remédier à leurs éventuelles difficultés.

Les textes écrits occupent une place centrale dans l’enseignement de savoirs nouveaux. Leur compréhension dans une langue seconde ne va cependant pas de soi, ce qui implique de la planifier. Le chapitre 13 « Travailler avec un texte écrit » montre comment sélectionner un texte en langue seconde, comment le traiter en classe et comment traiter les difficultés des élèves.

Le dernier chapitre « Evaluer en classe EMILE » traite de l’évaluation de l’apprentissage disciplinaire et linguistique. Il faut dire cependant que la recherche n’a pas encore étudié de façon exhaustive les problèmes qu’elle pose dans le travail quotidien. Cet ouvrage présente les évaluations actuellement d’usage dans les classes. Elles pourront inspirer les enseignants pour leurs démarches personnelles.

Cet ouvrage a bénéficié d’une relecture attentive de Nathalie Carol et de Claude Marmounier. Ils ont été des lecteurs assidus et des correcteurs hors pair. Leur engagement m’a permis de grandement améliorer cet ouvrage. De plus, leurs suggestions m’ont fait prendre conscience de l’immense beauté et des finesses de la langue française qu’un auteur non natif ne perçoit pas toujours. Je ne les remercierai jamais assez.

Ajaccio, novembre 2021

R. Carol

←14 | 15→

Partie I

Aspects théoriques

Enseigner une matière scolaire en langue seconde est une méthode d’enseignement qui, ces dernières années, s’est implantée durablement dans les systèmes éducatifs en Europe et en Amérique du Nord. A l’origine de son introduction dans les établissements scolaires était la volonté politique de promouvoir le plurilinguisme et la sauvegarde de langues minoritaires. Actuellement la démarche intéresse tout particulièrement les théoriciens de l’apprentissage du fait qu’elle représente une problématique complexe, multi dimensionnelle et transdisciplinaire. Elle doit montrer par exemple comment l’apprentissage de savoirs et savoir-faire disciplinaires et l’apprentissage d’une langue peuvent être reliés ? Des éléments de réponse seront donnés dans cet ouvrage.

La théorie et la pratique de cet enseignement ont donné lieu à de nombreuses publications dispersées. Cet ouvrage vise à les réunir et à les présenter de façon claire et compréhensible pour les enseignants. En effet, peu d’ouvrages sont consacrés à ceux qui assurent cet enseignement au quotidien. Ils ont pourtant besoin de repères qui leur permettent de traiter les problèmes qu’ils rencontrent en classe. Les repères doivent être fondés sur une théorie constituée d’un ensemble cohérent d’explications sur le sujet. Elle guide l’enseignant à prendre telle ou telle décision dans des contextes concrets.

Quelques éléments théoriques sont évoqués dans la première partie de cet ouvrage qui dans un cadre simple et rigoureux doit servir de référence pour la conception de pratiques réfléchies et efficaces. Sa lecture ne conditionne pas cependant la compréhension des autres parties de l’ouvrage. La conception de cette première partie est la suivante : d’abord sont précisées les propriétés de la démarche EMILE sur lesquelles se basent les recommandations didactiques proposées dans la partie II et III de cet ouvrage. Ensuite pour prendre conscience des aspects centraux de la démarche, nous exposons et discutons la théorie d’apprentissage ←15 | 16→sous-jacente à tous les chapitres. Les spécificités de la langue pratiquées dans les disciplines non linguistiques et son acquisition sont abordées dans les chapitres suivants. Enfin les aspects théoriques exposés dans les quatre chapitres permettent d’induire les principes méthodologiques fondamentaux (partie II et III) qui sont la base d’un enseignement réussi.←16 | 17→

Chapitre 1

La démarche EMILE

La maîtrise de plusieurs langues est aujourd’hui, à l’ère de la mondialisation économique et culturelle, une nécessité. Elle favorise les échanges et la communication nécessaires à la coopération et la compréhension réciproque. L’Union européenne, consciente de ces enjeux promeut, depuis quelques années, l’apprentissage des langues étrangères dans les systèmes scolaires. Des mesures multiples et variées ont été mises en œuvre dans les institutions des Etats membres telles que l’augmentation des heures d’enseignement d’une langue vivante, l’introduction d’une langue vivante à l’école maternelle ou encore l’enseignement d’une matière scolaire dans une langue étrangère, seconde ou régionale. Ce dernier, aujourd’hui en plein essor en Europe, est désigné sous le terme de enseignement bilingue ou content and language integrated learning (CLIL) traduit en français par « Enseignement d’une Matière par l’Intégration d’une Langue Etrangère (EMILE) ».

Ce terme véhicule des représentations multiples et contradictoires. Ce chapitre propose de préciser ses contours. Au préalable, nous ferons un bref détour historique pour mieux saisir son évolution. Nous montrerons ensuite la diversité des pratiques d’enseignement des langues vivantes et leurs principaux objectifs. Ces pratiques soulèvent un certain nombre de questions et d’incertitudes qui permettent de clarifier ce qu’est EMILE. Cette clarification suppose d’établir ses particularités. Celles-ci sont appréhendées à travers les objectifs, les contenus et les méthodes d’enseignement mobilisés en classe de langue vivante, en classe d’immersion et dans les matières scolaires non linguistiques.←17 | 18→

1.1. Un bref historique

L’enseignement bilingue était, jusqu’à la fin des années 1960, principalement dispensé dans les régions présentant des profils sociaux et linguistiques particuliers : régions frontalières, régions dotées d’une langue régionale, régions accueillant des communautés multilingues, etc. Il avait pour objectif de former des enfants bilingues, c’est-à-dire, des enfants qui ont acquis des compétences linguistiques dans une autre langue proche de celles d’un locuteur natif. Au cours des années 1970 et 1980, le succès des programmes canadiens d’enseignement en immersion encourage la diffusion de l’enseignement bilingue dans les institutions scolaires des Etats membres de l’Union européenne. En France la démarche s’implante progressivement. Quelques régions à l’instar de la Bretagne proposaient déjà depuis plusieurs décennies, un enseignement bilingue français-langue régionale. Il faut toutefois attendre la circulaire « Savary » de 1982 portant sur l’enseignement des cultures et langues régionales, pour que la possibilité d’expérimenter cet enseignement « en tenant compte des expériences déjà engagées » soit officiellement établie dans le service public de l’Education Nationale. Dix ans après, l’ouverture de classes bilingues se multiplie. A l’école primaire, le cursus bilingue propose un enseignement à parité horaire en langue régionale et en langue française. Au collège, une ou deux disciplines peuvent être enseignées dans la langue régionale. La circulaire dite « Lang » de 2001 prolonge officiellement le parcours bilingue jusqu’à la terminale au lycée. A l’époque actuelle, l’enseignement bilingue ne se limite plus aux langues régionales, mais est dispensé également en diverses langues étrangères.

Toutefois dans les écoles publiques, il ne faut pas confondre l’enseignement bilingue et l’enseignement d’une discipline non linguistique (DNL) dans le cadre des sections européennes ou orientales. Les deux démarches se distinguent autant par leur organisation et leurs objectifs que par leurs méthodes d’enseignement. Les sections européennes ou de langues orientales débutent généralement à partir de la classe de quatrième et se poursuivent jusqu’à la terminale. Les deux premières années se caractérisent par un horaire d’enseignement linguistique renforcé. L’enseignement d’une DNL en langue seconde n’intervient, dans la plupart des cas, qu’en classe de seconde au lycée. Il consiste à enseigner en langue seconde tout ou une partie du programme de la discipline. Selon les textes officiels, son objectif est linguistique et culturel. Ils considèrent que les compétences linguistiques sont acquises ←18 | 19→dans un cadre thématique spécifique ; outre une pratique naturelle de la langue dans les disciplines, le développement de l’interdisciplinarité génère une connaissance approfondie de la civilisation du ou des pays concernés.

1.2. L’enseignement traditionnel des langues vivantes – l’enseignement immersif

L’objectif de l’enseignement traditionnel des langues vivantes est l’apprentissage du système de la langue. Il détermine l’organisation des cours qui se focalisent sur le vocabulaire, les actes de langage et les règles grammaticales. Ceux-ci sont utilisés dans des situations de communication quotidiennes reconstruites en classe en fonction d’objectifs linguistiques prédéfinis. Plus précisément, l’enseignant crée un monde artificiel que l’apprenant maîtrise avec les moyens formels qui lui sont proposés. Ce monde s’élargit peu à peu grâce à une progression linguistique linéaire. L’évaluation des apprentissages porte sur le niveau de compétences acquises en langue seconde.

Résumé des informations

Pages
376
Année
2022
ISBN (PDF)
9782875745606
ISBN (ePUB)
9782875745613
ISBN (Broché)
9782875745590
DOI
10.3726/b19518
Langue
français
Date de parution
2022 (Avril)
Published
Bruxelles, Berlin, Bern, New York, Oxford, Warszawa, Wien, 2022. 376 p., 33 ill. en couleurs, 56 ill. n/b, 46 tabl.

Notes biographiques

Rita Carol (Auteur)

Rita Carol est maître de conférences (HDR) émérite de l’Université de Strasbourg. Spécialiste de la didactique des langues vivantes, son enseignement et sa recherche se sont focalisés sur la formation initiale et continue des enseignants bilingues du premier et du second degré ainsi que sur l’acquisition des langues vivantes en milieu institutionnel.

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