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La corrélation en russe : structures et interprétations

structures et interprétations

de Olga Inkova (Auteur)
©2014 Monographies 432 Pages
Série: Slavica Helvetica, Volume 84

Résumé

Cette étude est consacrée à un phénomène aussi bien syntaxique que sémantique qui, à ce jour, n’a fait l’objet d’aucune analyse spécifique en linguistique russe. En effet, bien que régulièrement évoquée – mais souvent de manière sporadique – dans les grammaires et diverses études sur la syntaxe de la subordination en russe, la corrélation n’a jamais donné lieu à une analyse systématique.
L’originalité de l’ouvrage réside également dans l’approche adoptée : au lieu de mettre l’accent, comme c’est souvent le cas dans la littérature linguistique sur la question, sur le mode de liaison des prédications dans les structures corrélatives, la définition de la corrélation se fonde sur le fonctionnement spécifique des marqueurs de liaison, les corrélateurs. L’approche sémasiologique proposée a surtout l’avantage d’unifier le traitement des corrélateurs russes et d’éviter certaines contradictions manifestes de leurs descriptions actuelles, majoritairement onomasiologiques. Une part importante de l’ouvrage est consacrée à la sémantique des structures corrélatives.

Table des matières

  • Couverture
  • Titre
  • Copyright
  • Sur l’auteur
  • À propos du livre
  • Pour référencer cet eBook
  • Table des matières
  • Préliminaires
  • 1. Quelques définitions courantes de la corrélation
  • 2. Organisation de l’ouvrage
  • Liste des abréviations
  • Chapitre I: Le modèle corrélatif : du vieux russe au russe contemporain
  • 1. Remarques introductives
  • 2. Le système des corrélateurs du russe contemporain
  • 3. Évolution du système de la subordination corrélative en russe
  • 3.1 Les corrélateurs de la catégorie ontologique de personne, d’objet et de déterminant
  • 3.1.1 Les relatifs kto (qui) et čto (que, quoi)
  • 3.1.2 Le relatif kotoryj (quel)
  • 3.2 La catégorie de qualité et de manière
  • 3.3 La catégorie de quantité
  • 3.3.1 Skol’ko /stol’ko, skol’/ stol’ et skol’kie/stol’kie
  • 3.3.2 Postol’ku/poskol’ku et nastol’ko/naskol’ko
  • 3.3.2.1 Postol’ku/poskol’ku
  • 3.3.2.2 Nastol’ko/naskol’ko
  • 3.4 Les catégories de lieu et de temps
  • 4. Remarques conclusives
  • Chapitre II: L’étude de la corrélation dans la tradition linguistique russe
  • 1. Remarques introductives
  • 2. La place de la corrélation dans la typologie des relations syntaxiques
  • 2.1 De Barsov à Karcevski
  • I. Les Structures Ouvertes (T/K)
  • II. Les Structures Fermees (K/T)
  • III. Les Structures Neutres
  • 2.2 De Pospelov à Belošapkova
  • A. Le type pronominal corrélatif
  • B. Le type pronominal-conjonctif corrélatif
  • 2.3 De la Grammaire russe-80 à nos jours
  • 3. Bilan
  • Chapitre III: Propriétés formelles des structures corrélatives
  • 1. Remarques introductives
  • 2. La permutabilité des propositions
  • 3. La portée de la k-proposition
  • 3.1 L’ordre linéaire t/k
  • 3.2 L’ordre linéaire k/t
  • 4. La position des corrélateurs dans la phrase et la réduction des éléments communs
  • 4.1 L’ordre linéaire k/t
  • 4.2 L’ordre linéaire t/k
  • 4.2.1 Les démonstratifs tot ‘celui’ et to ‘cela’ et les démonstratifs de lieu et de temps
  • 4.2.2 Les démonstratifs du groupe qualitatif
  • 4.2.3 Les démonstratifs du groupe quantitatif
  • 5. Le caractère obligatoire vs facultatif du démonstratif
  • 5.1 Raisons structurelles de la présence vs absence du démonstratif
  • 5.1.1 Le démonstratif est un constituant syntaxique obligatoire
  • 5.1.2 Portée du démonstratif
  • 5.2 Raisons sémantiques et pragmatiques
  • 5.2.1 Coréférence vs identité
  • 5.2.2 Mise en évidence
  • 5.2.2 ‘Lisibilité’ de l’énoncé
  • 6. La possibilité de la t-proposition et de la k-proposition de fonctionner comme une phrase autonome
  • 6.1 Les propositions introduites par les relatifs
  • 6.2 Les propositions introduites par les démonstratifs
  • 6.2.1 To ‘cela’ et tot ‘celui’
  • 6.2.2 Les démonstratifs qui ne connaissent pas d’opposition distance vs proximité
  • 7. Conclusion
  • Chapitre IV: Sémantique et pragmatique des structures corrélatives
  • 1. Remarques introductives
  • 2. Identification
  • 3. Analogie
  • 3.1 Quelques précisions terminologiques
  • 3.2 Les corrélatives et la relation d’analogie
  • 3.2.1 Les comparaisons caractérisantes et l’analogie
  • 3.2.2 La particule i d’analogie et les corrélatives
  • 3.3 L’analogie vs l’addition
  • 3.4 Une construction ‘particulière’ en kak… tak i
  • 3.5 Conclusion intermédiaire
  • 4. Identité
  • 5. Implication
  • 6. Quelques prolongements
  • Chapitre V: Les structures corrélatives au sein des phrases complexes du russe
  • 1. Remarques introductives
  • 2. Les corrélatives et les relatives
  • 3. Les interrogatives indirectes et les complétives
  • 4. Les conjonctions de subordination et la corrélation. La nature ambiguë de certaines conjonctions de subordination russes
  • 5. Les conjonctions à deux places
  • 6. Les conjonctions de coordination sérielles et certains connecteurs textuels doubles
  • 7. Conclusion
  • Remarques conclusives
  • Références bibliographiques
  • Études
  • Grammaires
  • Dictionnaires et encyclopédies

Préliminaires

1.Quelques définitions courantes de la corrélation

La notion de corrélation témoigne au cours de la dernière quinzaine d’années d’un regain d’intérêt dans les recherches sur la phrase complexe, aussi bien pour la description de sa syntaxe que de sa sémantique. À la fréquence du terme, il faut ajouter la fluidité de ses emplois. Les termes corrélation et corrélatif sont employés souvent de manière intuitive, et rares sont les dictionnaires spécialisés qui leur consacrent une entrée. « Deux termes sont corrélatifs d’une manière générale, quand ils sont entre eux dans un rapport de dépendance », lisons nous dans le Lexique de la terminologie linguistique de J. Marouzeau (1961 : s.v. Corrélatif). Or, cette relation de dépendance peut être comprise de façons très différentes.

Dans une appréhension étroite issue des études des langues anciennes indo-européennes, la corrélation est une notion syntaxique qui sert à caractériser un type particulier de subordination, un diptyque fondé sur le couplage de marqueurs, de termes ‘corrélatifs’, qui étaient à l’origine des pronoms démonstratifs et relatifs, liés donc d’une relation anaphorique. La définition de relative corrélative que donne R. L. Trask dans son Dictionary of Grammatical Terms in Linguistics (« A relative clause construction in which the relative clause precedes the main clause and both are overtly marked, the relative clause by a WH-item and the main clause by a demonstrative, the whole thus being characterized by a structure along the lines of ‘which one… that one’ ») correspond à ce que la grammaire comparée, à la suite de Minard (1936), appelle le diptyque normal, celui où la proposition introduite par le relatif précède la proposition introduite par le phorique. Ainsi, la corrélation en tant que fonction des termes corrélatifs est assimilée à un cas particulier d’anaphore. C’est aussi l’approche que l’on trouve dans des études typologiques et générativistes. Pour des langues telles que le latin ou le russe, le choix du terme corrélatif est doublement motivé, puisqu’il se définit par rapport au relatif qu’il complète et avec lequel il ← 11 | 12 → entre dans une relation paradigmatique, avec un changement de phonème (lat. cum… tum, quam… tam ; rus. kak… tak, kogda… togda).

Or, la relative ne doit pas nécessairement précéder la principale (comme elle le ferait dans le diptyque dit inverse), et le corrélatif peut être absent dans la principale. De plus, le rapport anaphorique ne se manifeste pas de manière systématique dans toutes les langues : que l’on pense au français si, marqueur de degré, qui n’est en principe ni anaphorique, ni cataphorique, mais fonctionne, selon certains (Maurel 2002, Choi-Jonin 2013), comme corrélateur. Des trois critères qui caractérisent la corrélation de la grammaire comparée – la subordination, le couplage des marqueurs et la valeur anaphorique de la relation entre ces derniers – il ne subsiste que les deux premiers : « on peut … caractériser la corrélation comme la combinaison d’une subordination et d’un couplage morphologique » (Milner 1978 : 353). Le terme ainsi défini englobe les relatives, les comparatives et celles des consécutives qui dépendent d’un adverbe ou d’un adjectif. N. Pospelov (1950), pour le russe, et Cl. Muller, pour le français, ajoutent à cette classe de subordonnées les complétives « avec un relais pronominal » (Muller 1996 : 30). La relation de dépendance mutuelle devient une sorte d’implication d’un terme par un autre : l’apparition de l’un implique / présuppose / appelle l’apparition de l’autre.

À partir de l’étude de S. Allaire, le terme de corrélation élargit davantage son domaine d’application pour y inclure toutes les manifestations d’une « relation entre marques co-occurrentes qui lie les deux séquences verbales dans un rapport d’interdépendance » (1982 : 4). La concomitance des marques grammaticales et un « lien cohésif » (Allaire 1982 : 23) entre elles restent les seuls critères de classement pour le modèle corrélatif. L’ensemble de ces marques s’élargit en conséquence. Loin de se réduire à des structures en­gageant des mots subordonnants, la corrélation commence à inclure également des formes de parataxe : celles qui reposent sur le principe de la non-assertion du verbe initial (Le menacerait-on, on ne tirerait rien de lui ; Tu m’écris un mot et je viens tout de suite), de même que la coordination sérielle du type ni… ni, soit… soit, etc. La corrélation est investie alors comme un moyen de dépasser les insuffisances de la dichotomie coordination vs subordination, « comme moyen terme dans un continuum entre parataxe et hypotaxe » (Mignon 2009 : 21). ← 12 | 13 →

Parallèlement, le constat d’une non-coïncidence entre la forme syn­taxique et la valeur sémantique des séquences reconnues comme corrélatives oriente les linguistes vers l’étude de leur organisation énonciative. La corrélation se définit « en termes de complémentarité contextuelle » (Allaire 1982 : 6) et se caractérise par le manque d’autonomie de chacun des membres qui la composent. Seule la mise en rapport aboutit à un sens complet ou fini (cf. par exemple l’approche de Cortès 2006 pour l’allemand). Or, il est facile de remarquer que la dépendance sémantique entre deux états de choses n’est pas toujours exprimée par une corrélation syntaxique et que la corrélation syntaxique n’exprime pas toujours une corrélation sémantique.

Faute de préciser les propriétés qui définissent une construction corrélative, les études contemporaines utilisent ce terme de manière très imprécise, de sorte qu’on inclut souvent dans la corrélation des constructions qui n’ont qu’une partie des propriétés de la corrélation prototypique ou même aucune de ses propriétés1.

Cette situation complexe m’a conduite à m’interroger si pour les données du russe il faut « opter pour une définition étroite qui limitera la corrélation au modèle soi-disant originel » ou bien on optera « pour une définition plus large qui, de substitution en substitution, verra s’effriter l’unité du modèle pour aboutir à la fin à un procédé polymorphe de cohésion textuelle ou de cohérence discursive, qui dépassera aisément le cadre de l’énoncé » (Bodelot 2005 : 24). Pour répondre à cette question, il faut vérifier si les structures candidates à être considérées comme corrélatives, répondent aux critères qui définissent le modèle corrélatif « originel » et qui sont les suivants :

les deux parties de la phrase contiennent chacune un marqueur – relatif et démonstratif – morphologiquement apparentés ;

les marqueurs sont liés par une relation phorique au sens étroit du terme, telle qu’elle a été définie par Lyons (1977 : 660) : un anaphorique « refers to the referent of the antecedent expression with which it is correlated » ;

du point de vue syntaxique, le démonstratif et le relatif sont des constituants intégrés dans chacune des deux propositions. ← 13 | 14 →

Cette approche prend comme point de départ pour la définition de la relation de corrélation le fonctionnement de ses marqueurs. La démarche adoptée dans cet ouvrage est donc sémasiologique : en prenant appui sur les marqueurs morphologiques des structures corrélatives typiques du russe, je chercherai à isoler les propriétés définitoires susceptibles de délimiter le domaine de la corrélation dans cette langue.

2.Organisation de l’ouvrage

Le premier chapitre de l’ouvrage est consacré à la description du système des corrélateurs démonstratifs et relatifs russes, aux étapes de la formation du système corrélatif et de son évolution.

Le deuxième chapitre donne un aperçu historique des études de la corrélation dans la tradition grammaticale et linguistique russe, à partir des premières mentions du rapport corrélatif dans les grammaires jusqu’à nos jours. L’analyse critique de ces études nous permettra de comprendre quelle est la place que les linguistes et les grammairiens accordent à la corrélation dans le système des phrases complexes de la langue russe, quels sont les critères retenus comme définitoires et quelles sont les limites des approches existantes.

Le troisième chapitre est consacré à l’analyse des propriétés formelles des structures corrélatives. Mais au lieu de mettre l’accent sur le mode de liaison des prédications au sein des structures candidates à être qualifiées de corrélatives et de chercher à les classer dans différentes catégories de phrase complexe, comme c’est souvent le cas dans la littérature sur la question, j’ai examiné le fonctionnement des marqueurs de liaison, les démonstratifs et les relatifs, qui forment en russe un système transparent et contraint. Cela m’a permis de dégager les propriétés qui permettent de distinguer les structures corrélatives d’autres structures formées par des marqueurs concomitants du rapport d’interdépendance.

Le quatrième chapitre a pour objectif d’examiner les propriétés sémantiques et communicatives des corrélatives, deux aspects qui restent encore très peu étudiés. On verra que les structures corrélatives, telles qu’elles sont ← 14 | 15 → définies sur la base de leurs propriétés formelles, manifestent une homogénéité sémantique remarquable.

Dans le cinquième et dernier chapitre de l’ouvrage j’essaie de situer les structures corrélatives au sein de l’ensemble des phrases complexes russes. La comparaison des corrélatives avec d’autres types de phrases que la tradition grammaticale russe qualifie de corrélatives, notamment du fait de la présence dans l’une des propositions d’un démonstratif, ou auxquelles les corrélatives sont souvent assimilées, comme par exemple les coordinations sérielles, permettra de faire ressortit leurs similitudes et leurs différences.

Le corpus pour cette étude est constitué, dans la majeure partie, des exemples tirés du Corpus National de la langue russe (NKRJa par la suite). Les occurrences couvrent la période de la fin du XVIIIe siècle à nos jours. Dans le cas contraire les sources des exemples sont indiquées. Dans les exemples tirés des grammaires publiées avant la réforme d’orthographe de 1917, ainsi que dans ceux en vieux et moyen russes qui servent à illustrer les données diachroniques j’ai gardé la graphie originale. Le lettre « ѣ » correspond au son dénoté par la lettre « e » en russe moderne, la lettre « ъ » à la fin des mots (le « jer dur ») ne se prononce pas.

Pour faciliter l’interprétation des données à ceux qui ne maîtrisent pas le russe, tous les exemples sont accompagnés d’une translittération et d’une traduction. Dans les translittérations la lettre « č » est utilisé pour le son noté en français par la combinaison des lettres « tch », « š » pour « ch » et « c » pour « ts ». La prononciation des autres lettres correspond à celle qu’ils ont dans l’alphabet latin. Les noms et les pronoms dans les cas autres que le nominatif et les verbes sont glosés. La liste des abréviations utilisées suit cette introduction. Dans les gloses les adjectifs et les déterminants sont accordés en fonction du genre du substantif français, de même que les pronoms démonstratifs et les pronoms personnels de 3e personne singulier dans les reprises anaphoriques. La traduction en français des exemples ne se veut pas élégante mais la plus proche du texte russe pour que le lecteur puisse apprécier la structure sémantique et syntaxique de ces énoncés.

Les citations des grammaires et des ouvrages linguistiques en russe sont données dans ma traduction. La version originale n’est donnée (en note) que dans les cas où les termes employés sont difficiles à rendre en français de manière précise. ← 15 | 16 →

Cet ouvrage, même s’il a l’ambition de regarder diversement sur des phénomènes liés à la construction de la phrase complexe en russe, reste un essai. Certaines hypothèses sont classiques, certaines autres peuvent surprendre. J’espère qu’on pourra aussi y voir une méthode d’investigation qui cherche à faire une part égale aux analyses formelles, sémantiques et discursives.

Je tiens ici à remercier tous ceux qui m’ont aidé à concevoir et à rédiger cet ouvrage, et tout particulièrement, Christine Bracquenier, lectrice attentive de la version finale. ← 16 | 17 →

1Cf. pour l’analyse raisonnée des approches existantes Fortineau-Brémond (2012 : 39–67).

Liste des abréviations

1–   1ère personne
2–   2e personne
3–   3e personne
ACC–   accusatif
ADJ–   adjectif
AOR–   aoriste
AUX–   verbe auxiliaire
COND–   conditionnel
DAT–   datif
DIR–   direction
F–   féminin
FUT–   futur
GÉN–   génitif
IMPÉR–   impératif
IMPF–   imparfait
INST–   instrumental
LOC–   locatif
M–   masculin
MOD–   modal
N–   neutre
NÉG–   négation
NÉG.EXP–   négation explétive
P.PAS–   participe passé
PART.ANAL–   particule d’analogie
PART.ID–   particule d’identité
PART.INS–   particule d’insistance
PART.INTER–   particule interrogative
PART.MOD–   particule modale
PART.NÉG–   particule négative
PART.OPP–   particule d’opposition
PAS–   passé
PL–   pluriel
PRÉS–   présent
SG–   singulier
VOC–   vocatif

← 17 | 18 → ← 18 | 19 →

Chapitre I

Le modèle corrélatif : du vieux russe au russe contemporain

1.Remarques introductives

L’étude de la corrélation en russe est fondamentalement liée à la reconnaissance, au sein de la subordination, d’un rapport syntaxique particulier : sootnositel’naja svjaz’ ‘rapport co-relatif’ ou encore mestoimenno-sootnositel’naja svjaz’ ‘rapport pronominal-co-relatif’. Ce rapport se caractérise par la présence, dans la principale, d’un corrélat du marqueur de subordination qui prend le plus souvent la forme d’un démonstratif1. Le marqueur de subordination, quant à lui, peut être aussi bien un pronom relatif qu’une conjonction de subordination.

Voici quelques exemples de phrases avec le rapport ‘pronominal-co-relatif’ :

(1)Тот, кто читaл гaзeты, тaк и будeт жaловaтьcя нa то, что получaeт мaло полeзной информaции, a кто нe читaл – тому тeм болee вce рaвно
Celui, qui lire-M.SG.PAS journaux-ACC, ainsi PART.ANAL être-3SG.FUT se.plaindre sur cela-ACC, que recevoir-3SG.PRÉS peu utile information-GÉN, et qui NÉG lire-M.SG.PAScelui-DAT d’autant plus tout égal
Celui qui lisait les journaux continuera à se plaindre qu’il reçoit peu d’information utile, et celui qui ne lisait pas ne sentira même pas la différence
(2)Знaчит, дeло нe в иcтории, a в людях – кaкиe люди, тaкaя иcтория Donc, cause NÉG dans histoire-LOC, mais dans gens-LOCquels gens, telle histoire
Donc, ce n’est pas l’histoire qui est en cause, mais les gens : tels gens, telle histoire ← 19 | 20 →
(3)Позвонил тогдa, когдa я мeньшe вceго этого ждaлa
Téléphoner-M.SG.PAS alors, quand je moins tout cela-GÉN attendre-F.SG.PAS Il téléphona quand je m’y attendais le moins
(4)Дecпотия и в нaукe тaк жe cильнa, кaк нa войнe
Despotisme PART.ANAL dans science-LOC ainsi PART.ID fort, comme sur guerre-LOC
Le despotisme dans la science est tout aussi fort qu’à la guerre
(5)Кaк тeaтр нaчинaeтcя c вeшaлки, тaк поликлиникa нaчинaeтcя c рeгиcтрaтуры
Comme théâtre commencer-3SG.PRÉS avec vestiaire-GÉN, ainsi polyclinique commencer-3SG.PRÉS avec réception-GÉN
Comme le théâtre commence par le vestiaire, la polyclinique commence par la réception
(6)Сколько cущecтвуeт в мирe гоcудaрcтв, cтолько, думaю, и опрeдeлeний тeрроризмa
Combien existe-3SG.PRÉS dans monde-LOC états-GÉN, autant, penser-1SG.PRÉS, PART.ANAL définitions-GÉN terrorisme-GÉN
Autant il existe d’états dans le monde, autant, je pense, il existe de définitions du terrorisme
(7)Лeрмонтовcкaя природa ? Онa, кaк прaвило, ночнaя и хорошa поcтольку, поcкольку в нeй нeт чeловeкa
Lermontovienne nature ? Elle, comme règle, nocturne et belle pour.autant, pour.combien dans elle-LOC NÉG.être-3SG.PRÉS homme-GÉN
La nature chez Lermontov ? Elle est, en général, nocturne et belle dans la mesure où l’homme en est absent
(8)Былa у нeго оcобeнноcть : чeм большe он пил, тeм cловоохотливee cтaновилcя
Etre-F.SG.PAS chez lui-DAT particularité, quoi-INST plus il boire-M.SG.PAS, cela-INST plus.volubile devenir-M.SG.PAS
Il avait cette particularité : plus il buvait, plus il devenait volubile.

Toutes ces structures, aussi différentes qu’elles soient, se caractérisent par la présence de deux marqueurs du rapport syntaxique2 : dans la principale, ← 20 | 21 → l’élément d’origine démonstrative en t- (< i. e. *to-) avec une valeur phorique et, dans la subordonnée, l’élément d’origine relative/interrogative/indéfinie en k- (< i. e. *kw-)3. Vu la nature de ce dernier élément, nous sommes bien, au moins d’un point de vue formel, en présence de la subordination, raison pour laquelle je continue à appeler la proposition introduite par le démonstratif « principale », et celle introduite par le relatif « subordonnée ». Cela dit, la délimitation du domaine de la corrélation ne va pas de soi : le russe, comme beaucoup d’autres langues, notamment les langues classiques, et à la différence par exemple de l’ossète qui utilise un matériel spécifique pour marquer les structures corrélatives (Christol [1992] 2008), recourt à des moyens linguistiques – le relatif et l’endophorique – qui connaissent des emplois variés également en dehors de la corrélation.

L’exemple (1) est particulièrement riche en structures corrélatives : nous avons deux structures symétriques réversibles avec tot ‘celui’ et kto ‘qui’, qui sont soit des sujets, soit des compléments d’objet (tomu ‘à celui’) ; une complétive introduite par un démonstratif žalovat’sja na to, čto ‘se plaindre (du fait) que’, qui, elle, ne permet pas la permutation des propositions. Dans tous ces cas, le démonstratif est d’origine nominale, de même que l’adjectif takoj ‘tel’ en (2). Mais il peut être aussi d’origine adverbiale, au moins étymologiquement, comme en (3)-(7) avec togda ‘alors’, tak ‘ainsi’ et stol’ko ‘autant’. Le subordonnant peut être un relatif, tels le pronom kto ‘qui’ en (1), l’adjectif kakoj ‘quel’ en (2) ou l’adverbe de quantité skol’ko ‘combien’ en (6), ou une conjonction, tel čto en (1). C’est cette dernière opposition – relatif vs conjonction – qui est prise comme critère distinctif pour la classification des subordonnées russes. Or, il n’est pas toujours aisé de dire – c’est en premier lieu le cas des corrélateurs d’origine adverbiale – si le subor ← 21 | 22 → donnant est un relatif ou une conjonction, notamment du fait que la grande majorité des conjonctions de subordination russes soit sont d’anciens relatifs, soit sont issues de la corrélation4. En effet, kak ‘comme’ ou kogda ‘quand’ fonctionnent également en dehors des structures corrélatives comme des conjonctions de subordination incontestables : kak de comparaison (9) et kogda de temps (10).

(9)Онa пeрeбирaлa cвою жизнь, кaк пeрeбирaют cтaрыe пиcьмa
Elle feuilleter-F.SG.PAS sa vie-ACC, comme feuilleter-3PL.PRÉS vieilles lettres-ACC
Elle feuilletait sa vie comme on feuillette de vieilles lettres
(10)Когдa окончилacь рeпeтиция, я пошeл зa кулиcы
Quand se.terminer-F.SG.PAS répétition, je aller-M.SG.PAS derrière coulisses-ACC
Quand la répétition se termina, j’allai derrière les coulisses

Mais comment qualifier les marqueurs en (3) et en (5) ? Kak en (5) reste en dehors de la structure syntaxique de la phrase, à la différence de (11) où il est circonstanciel de manière. De plus, le corrélat démonstratif en (5) peut être omis sans rendre l’énoncé agrammatical, ce qui est impossible en (11) :

(11)По eго рeшимоcти было видно, что кaк он cкaзaл, тaк и cдeлaeт
Sur sa résolution-DAT être-N.SG.PAS vu, que comme il dire-M.SG.PAS, ainsi PART.ANAL faire-3SG.PRÉS
On voyait d’après son air résolu qu’il ferait comme il l’avait dit.

S’agirait-il de deux kak ‘comme’ et de deux tak ‘ainsi’ et, par conséquent, de deux structures syntaxiques différentes ? C’est la solution proposée par la Grammaire russe de l’Académie (par la suite, RG-80) pour stol’ko ‘autant’ et skol’ko ‘combien’, qui peuvent, selon cette grammaire de référence, être pronoms (12), composantes d’une conjonction de subordination (6) ou d’une conjonction de coordination (13). ← 22 | 23 →

Résumé des informations

Pages
432
Année
2014
ISBN (PDF)
9783035107272
ISBN (ePUB)
9783035195552
ISBN (MOBI)
9783035195545
ISBN (Broché)
9783034315401
DOI
10.3726/978-3-0351-0727-2
Langue
français
Date de parution
2014 (Juillet)
Mots clés
linguistique subordination marqueurs de liaison approche sémasiologique sémantique
Published
Bern, Berlin, Bruxelles, Frankfurt am Main, New York, Oxford, Wien, 2014. 432 p., 21 graph.

Notes biographiques

Olga Inkova (Auteur)

Olga Inkova est auteure de deux livres, éditrice ou coéditrice de plusieurs ouvrages collectifs traitant de questions de linguistique générale (scalarité, saillance, corrélation) et de linguistique contrastive, elle a publié une cinquantaine d’articles portant sur des sujets de linguistique russe (sémantique des pronoms, anaphore, marqueurs discursifs, problèmes de traduction). Olga Inkova enseigne à l’Université de Genève et coordonne le groupe d’études de linguistique contrastive (langues slaves – langues romanes) GELiTeC.

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Titre: La corrélation en russe : structures et interprétations
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