Construire les Carpates
L’Institutionnalisation d’une Éco-Region
Résumé
Cet ouvrage réinvente l’exercice de la monographie régionale en appréhendant cette région des Carpates au prisme des institutions et des organisations qui l’ont objectivée et qui interagissent dans sa gouvernance depuis une dizaine d’années. Dans cette perspective, les Carpates ne figurent jamais dans cette étude comme un objet en soi, mais comme une région objectivée par des discours, des inscriptions et des pratiques d’acteurs. Grâce à une enquête ethnographique menée au secrétariat de la Convention des Carpates administré ad intérim par le Programme des Nations-Unies pour l’Environnement, cette étude ouvre la boîte noire d’institutions environnementales qui restent largement méconnues du grand public et des chercheurs eux-mêmes. Elle retrace les étapes par lesquelles la région des Carpates prend forme, souvent de manière contestée, et se trouve progressivement institutionnalisée.
Extrait
Table des matières
- Couverture
- Titre
- Copyright
- Sur l’auteur
- À propos du livre
- Pour référencer cet eBook
- Table des matières
- Remerciements
- Liste des figures et tableaux
- Liste des abréviations
- Note de l’auteur
- Géographies d’une construction régionale
- Chapitre 1: Des régions de projet ?
- 1.1 La nouvelle géographie régionale
- 1.2 Les approches relationnelles de la région
- 1.3 Vers des réseaux hétérogènes d’acteurs
- 1.4 Des assemblages régionaux ?
- 1.5 La région de projet comme agencement
- 1.6 Synthèse du chapitre
- Chapitre 2: Appréhender les processus d’éco-régionalisation
- 2.1 L’institutionnalisation des régions
- 2.2 La construction régionale sous le prisme de l’ANT
- 2.3 L’institutionnalisation des Carpates
- Chapitre 3: Une démarche ethnographique
- 3.1 Observation participante et entretiens compréhensifs
- 3.2 Enquêter au coeur d’institutions internationales
- 3.3 Sources d’information et méthodes d’enquête
- Chapitre 4: L’objectivation des Carpates
- 4.1 Cadrage et politiques scalaires
- 4.2 Les premières mobilisations environnementales transnationales
- 4.3 Le WWF et l’approche écorégionale
- 4.4 Le PNUE : un intérêt stratégique pour la montagne
- 4.5 Construire la région de projet des Carpates
- 4.6 Synthèse de ce chapitre
- Chapitre 5: La Convention des Carpates
- 5.1 Les secrétariats acteurs des processus d’éco-régionalisation
- 5.2 Le secrétariat par intérim de la Convention des Carpates
- 5.3 Réseauter pour exister
- 5.4 Synthèse du chapitre
- Chapitre 6: Gouverner par les projets
- 6.1 Le projet comme mode de fonctionnement
- 6.2 Petite ethnographie du montage de projet
- 6.3 Le projet, instrument de stabilisation du PNUE ?
- 6.4 Synthèse du chapitre
- Chapitre 7: Les Carpates comme macro-région ?
- 7.1 Instituer une stratégie macro-régionale pour les Carpates
- 7.2 Exercices d’écriture et de cadrage
- 7.3 Poursuivre la réflexion
- 7.4 Synthèse du chapitre
- Chapitre 8: Montrer et Démontrer
- 8.1 Production scientifique et gouvernance environnementale
- 8.2 Cartographie, base de données et construction régionale
- 8.3 Le rôle de l’expertise scientifique
- 8.4 Développer un réseau de scientifiques au service de la Convention
- 8.5 La base de données, un objet frontière ?
- 8.6 La cartographie, outil d’institutionnalisation des Carpates
- 8.7 Synthèse du chapitre
- Chapitre 9: Vers un modèle des Carpates ?
- 9.1 « Éco-régionaliser » d’autres massifs de montagne
- 9.2 Résistances et contestations
- 9.3 Synthèse du chapitre
- L’éco-régionalisation en perspectives
- Bibliographie
- Annexe
Remerciements Cet ouvrage est la version remaniée d’une thèse de doctorat soutenue en novembre 2014 au département de géographie et environnement de l’Université de Genève dans le cadre du projet de recherche Glo-Rete (« Globalization and re-territorialization of environmental initiatives in Central Europe : stakeholders, narratives, images ») financé par le Fonds National Suisse pour la recherche scientifique (FNS).
C’est pourquoi, j’aimerais remercier ici en particulier mes directeurs de thèse Bernard Debarbieux (Université de Genève) et Isabelle Arpin (IRSTEA, Grenoble), pour leur appui et leur soutien tout au long de ce processus. Je remercie également l’ensemble mes jurés de thèse, Luiza Bialasiewicz (Université d’Amsterdam), Estienne Rodary (IRD, Montpellier) et mon président de jury Frédéric Giraut (Université de Genève) pour leurs suggestions qui ont permis d’améliorer mon manuscrit, ainsi que pour leurs encouragements à publier ma thèse sous la forme d’un ouvrage.
J’aimerais également remercier toutes les personnes que j’ai interrogées dans le cadre de cette recherche. En particulier, les employés du secrétariat par intérim de la Convention des Carpates à Vienne que j’ai côtoyé pendant 4 mois, et spécifiquement leur directeur, Harald Egerer, qui a bien voulu m’accueillir au sein de son institution et sans qui cet ouvrage n’aurait pas vu voir le jour sous cette forme.
Merci également à mes anciens collègues du département de géographie pour tous les bons moments passés ensemble, leur soutien et leurs conseils avisés: Jörg Balsiger, Sandrine Billeau, Cristina Del Biaggio, Marion Ernwein, Lionel Gauthier, Maria-Luisa Giordano, Louca Lerch, Muriel Monnard, Patrick Naef, Marie Oiry, Mathieu Petite, Gilles Rudaz et Estelle Sohier. Un remerciement tout particulier à Raphaël Pieroni et Dusan Djordjevic, mes compagnons de bureau et de recherche, avec qui j’ai eu la chance de tisser de solides liens d’amitié.
Enfin j’aimerais adresser une pensée spéciale à ma compagne Mayla, ainsi qu’à ma famille pour leur amour et leur soutien jamais démenti, particulièrement lors des longs derniers mois d’écriture. ← IX | X → ← X | XI →
Figures
Tableaux
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Toutes les citations en langue étrangère, extraites de textes publiés ou faisant l’objet d’autres types de diffusion, ont été traduites par mes propres soins et relèvent de ma responsabilité. Partant du principe que ces textes sont facilement accessibles au lecteur dans leur langue et formulation originale, j’ai fait le choix de ne pas reproduire cette dernière en note de bas de page, pour ne pas alourdir le document. Dans la même logique les extraits tirés des entretiens que j’ai retranscrits n’ont pas été traduits pour permettre au lecteur d’accéder à la formulation originale.
Géographies d’une construction régionale
So what is Eastern Europe ? Can you clearly define that ? No, not any more. It’s… it’s… fluid. And that is the whole – really the whole regionalization process also. It is a very fluid process, trying to service at that time the best – the best interest of the organization in the best way you want.
Frits Schlingemann,
ancien directeur régional pour l’Europe du PNUE
Le 22 mai 2003 à Kiev, sept pays d’Europe Centrale, la Hongrie, la Pologne, la République Tchèque, la Roumanie, la Serbie, la Slovaquie et l’Ukraine signent ensemble la Convention cadre pour la protection et le développement durable des Carpates1 (ci-après la Convention des Carpates), un traité international visant la mise en application de politiques environnementales intégrées et coordonnées à l’échelle de la chaîne de montagne. L’objectif de la Convention des Carpates est de « poursuivre des politiques globales et de coopérer pour la protection et le développement durable des Carpates avec pour objectifs entre autres d’améliorer la qualité de vie, de renforcer les économies et communautés locales et la conservation des valeurs naturelles et du patrimoine culturel2 ». Les Parties signataires à la Convention s’engagent ainsi à faire face aux « défis communs de la région », en appliquant les principes de précaution, du pollueur-payeur et de l’approche écosystémique, et en intensifiant la coopération régionale et la collaboration transfrontalière dans les domaines de l’aménagement du territoire, de l’eau, de l’agriculture, de la foresterie, des transports et infrastructures, du tourisme, de l’industrie et de l’énergie, du patrimoine culturel et des savoirs traditionnels et enfin de l’évaluation environnementale et des mesures de contrôle3. ← 1 | 2 →
L’article premier du traité établit ainsi formellement l’existence d’une « région des Carpates », décrite dans le préambule comme
[…] un unique trésor naturel de grande beauté et de grande valeur écologique, un important réservoir de biodiversité, le cours supérieur de rivières majeures, un habitat essentiel et un refuge pour de nombreuses espèces de plantes et d’animaux en danger et la plus grande surface de forêt vierge en Europe ; [ainsi qu’un] environnement vivant, écologique, culturel et de détente majeur au cœur de l’Europe, partagé par de nombreux peuples et pays4.
Onze ans plus tard, la région des Carpates ainsi formellement créée est dotée d’institutions ad hoc, tel que le secrétariat par intérim de la Convention des Carpates administré par le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) qui pilote le fonctionnement institutionnel du traité ; d’un réseau de scientifiques spécifiquement dédié à la production de connaissances et de bases de données à l’échelle de la région ; d’un réseau d’espaces protégés transnationaux ; de trois protocoles de mise en œuvre et peut-être deux de plus en septembre 2014. Cette « nouvelle » région des Carpates a également servi de cadre au lancement de plusieurs projets transnationaux financés notamment par les programmes européens de cohésion territoriale et à de nombreux accords de coopération avec des institutions scientifiques et politiques, ainsi qu’à des traités internationaux. Pour autant, l’existence de la région des Carpates n’est pas totalement stabilisée. La région n’a toujours pas de délimitation territoriale officielle, les États Parties n’ayant pas réussi à se mettre d’accord sur une proposition commune, ni d’ailleurs sur l’emplacement et l’administration d’un secrétariat permanent ; le développement de stratégies macro-régionales au niveau européen amène enfin à repenser et reformuler le projet des Carpates pour s’adapter à ce nouvel outil de la politique régionale de l’Union Européenne.
Cette liste n’a pas vocation à être exhaustive. Elle illustre le processus dynamique d’institutionnalisation5 d’une région des Carpates sur la base du projet environnemental défini par la Convention du même nom, un ← 2 | 3 → processus entrevu de manière similaire dans la région alpine, à la suite de la signature de la Convention Alpine en 1991 et qui a été défini par certains comme un processus d’institutionnalisation écorégionale (Balsiger, 2007) ou d’éco-régionalisation (Del Biaggio, 2013). Je propose de reprendre cette dernière formulation dans la suite de cet ouvrage.
A la suite de ces auteurs, je ne conçois en effet pas la Convention des Carpates comme un simple document légal régulant et coordonnant les politiques environnementales à l’échelle de la région, mais plutôt comme l’acte fondateur de la constitution d’un nouvel espace politique transnational, basé sur un projet de gestion spécifique : la conservation et le développement durable de la région de montagnes des Carpates. Je considère ainsi le processus d’éco-régionalisation comme un processus d’institutionnalisation d’une entité spatiale naturelle préalablement identifiée, définie et délimitée par des acteurs, en vue de répondre à un projet environnemental spécifique. C’est ce processus d’objectivation – faire des massifs de montagnes des objets politiques (Debarbieux et Rudaz, 2010) – et d’institutionnalisation des Carpates que je souhaite analyser dans cet ouvrage. Avant d’aller plus loin dans l’explicitation de ce travail, un retour en arrière est nécessaire pour mieux comprendre le contexte historique d’émergence de ces processus d’éco-régionalisation.
Régionalisation environnementale
Depuis les années 19706, et notamment la première conférence des Nations Unies sur l’Environnement humain à Stockholm en 1972, les politiques ← 3 | 4 → environnementales s’inscrivent dans une double tendance : le dépassement des approches naturalistes de conservation de la nature centrées sur la préservation des espèces et des habitats de l’influence humaine (au moyen de la création de réserves naturelles ou de parcs nationaux notamment), vers des approches intégrées de développement durable ; la montée de l’environnement comme un objet politique mondial : les défis (changement climatique, biodiversité notamment), mais également les acteurs et les réponses proposées se sont mondialisés. Face à cette « intégration horizontale et extension verticale » (Rodary, 2003, p. 102) de la question environnementale, le rôle et la domination du modèle de gouvernance étatique national sont questionnés. De nouveaux acteurs opérant à des niveaux multiples, et de nouvelles formes de partenariat, émergent et influencent la façon dont les enjeux environnementaux sont posés.
Loin de rendre obsolètes les niveaux d’action locaux et régionaux, la mondialisation des enjeux et des actions environnementaux s’accompagne, au contraire, d’une redécouverte, d’une redéfinition et d’une reconstruction de ces niveaux d’action. Cette reconfiguration territoriale des initiatives environnementales répond à une double exigence d’universalité – liée à la montée de l’environnement comme un objet politique mondial et au développement d’institutions de portées mondiales pour y répondre – et de différenciation – répondre à des défis et enjeux localisés et/ou régionalisés spécifiques et ajuster les problématiques et concepts mondiaux à ces contextes particuliers (Mauz et al., 2013 ; Rodary, 2008). Ce processus passe par l’identification, la définition et la construction d’entités spatiales jugées pertinentes pour résoudre ces enjeux environnementaux de manière coordonnée et intégrée.
Cette mondialisation de la question environnementale ne s’opère pas seulement par une redéfinition des espaces et des niveaux d’action ; elle s’opère aussi par une reconfiguration des échanges et des relations entre institutions. Ainsi, de nouvelles entités et de nouveaux acteurs, gouvernementaux ou non, de nouvelles formes de gouvernance7 et de ← 4 | 5 → partenariat se construisent progressivement. Cela signifie qu’un grand nombre d’enjeux environnementaux, qui étaient jusque-là principalement abordés au niveau des États-Nations, dans le cadre de politiques publiques nationales sectorielles et de relations intergouvernementales, c’est-à-dire dans le cadre de modèles de gouvernance principalement régulés par les instances étatiques, méritent désormais d’être appréhendés à l’échelle mondiale et au travers de nouvelles entités de niveau régional, souvent de nature transnationale, visant à coordonner la mise en œuvre de politiques intégrées de développement durable.
Résumé des informations
- Pages
- XVII, 336
- Année de publication
- 2016
- ISBN (MOBI)
- 9783035197297
- ISBN (ePUB)
- 9783035197303
- ISBN (PDF)
- 9783035203295
- ISBN (Broché)
- 9783034320368
- DOI
- 10.3726/978-3-0352-0329-5
- Open Access
- CC-BY-NC-ND
- Langue
- français
- Date de parution
- 2016 (Janvier)
- Mots clés
- gouvernance Carpates Nations-Unies
- Publié
- Bern, Berlin, Bruxelles, Frankfurt am Main, New York, Oxford, Wien, 2015. XVII, 336 p., 2 ill. n/b, 10 ill. en couleurs, 4 tabl.
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