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Le Fanon des artistes

Perspectives transaméricaines

de Sophie Large (Éditeur de volume) Flora Valadié (Éditeur de volume)
©2022 Collections XIV, 274 Pages
Série: Modern French Identities, Volume 144

Résumé

Ce livre propose une réflexion autour de l’influence de la pensée de Frantz Fanon dans les arts et la littérature des Amériques. Il réunit des contributions portant sur des expressions artistiques variées (roman, musique, cinéma, théâtre) et évoque l’oeuvre d’artistes de différents horizons culturels et linguistiques (Antigua-et-Barbuda, Argentine, Bolivie, Brésil, Canada, Chili, Cuba, États-Unis, Guadeloupe, Haïti, Porto Rico, République Dominicaine). Les textes montrent non seulement l’actualité de la pensée de Fanon et sa capacité de résonance dans des territoires extrêmement divers, mais aussi les déplacements, les décalages, les prolongements par lesquels elle se renouvelle sans cesse sur ce continent traversé, encore aujourd’hui, par les questions (néo)coloniales. Le volume met ainsi en évidence la façon dont Fanon est (re)présenté dans les productions artistiques et littéraires, en même temps qu’il rend compte de la manière dont des artistes peuvent être influencés par sa pensée sans le citer, parfois même sans l’avoir lu, faisant émerger la notion d’un inconscient fanonien à l’oeuvre sous des formes esthétiques.

Table des matières

  • Couverture
  • Titre
  • Copyright
  • À propos des directeurs de la publication
  • À propos du livre
  • Pour référencer cet eBook
  • Table des matières
  • Remerciements
  • Préface (Jean khalfa)
  • Introduction (sophie large et flora valadié)
  • Partie I Résonances fanoniennes
  • Fanon : mise en mots et en espace d’une sensibilité existentielle révolutionnaire (jean-paul rocchi)
  • Les écrits de Frantz Fanon et la pensée autochtone contemporaine au Canada (françois paré)
  • Fanon dans les arts et la littérature des Amériques Latines. Circulation, appropriation et adaptation d’une pensée (1960–années 2000) (lissell quiroz)
  • Partie II Fanon (re)présenté
  • Fanon: A Novel, or writing the self to save a life (claudine raynaud)
  • Influences, formations et transformations de Maryse Condé et son écriture, par le prisme de Frantz Fanon dans Peau noire, masques blancs (adriana rosas consuegra)
  • Fanon sous l’angle queer de Rita Indiana : l’esprit d’une nouvelle conscience dans La mucama de Omicunlé (kedon willis)
  • Partie III Un inconscient fanonien ?
  • Créoliser la littérature : un geste politique ? (sonia dayan-herzbrun)
  • La violence du lumpenprolétariat ? Retour sur la posture initiale du gangsta rap à travers Frantz Fanon (axel mudahemuka gossiaux)
  • Récits des femmes noires : les résonances de Fanon dans les littératures brésiliennes contemporaines (mariana oliveira de campos)
  • Partie IV Paroles d’artistes
  • AfroFanónica : méditations poétiques (yolanda arroyo pizarro)
  • Entretien avec Sandra Sainte Rose Fanchine, danseuse et chorégraphe (Sophie Large)
  • Épilogue (maboula soumahoro)
  • Liste des contributeurs
  • Titres de la collection

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Remerciements

Cet ouvrage est l’aboutissement d’un projet au long cours, qui n’aurait pas vu le jour sans le soutien indéfectible de Jean Khalfa, incontournable spécialiste et éditeur de Frantz Fanon. Nous le remercions de sa confiance et de sa générosité, qui nous ont accompagnées à toutes les étapes de cette aventure, ainsi que de nous avoir fait l’honneur de préfacer et d’accueillir ce volume dans sa collection Modern French Identities. Nous avons d’autre part eu la chance de pouvoir compter sur l’efficacité et la réactivité de Peter Lang en la personne de Laurel Plapp, que nous tenons ici à saluer.

Nous sommes également reconnaissantes à tous les contributeurs, contributrices et expert·e·s de leur patience, leur rigueur et leur détermination, ainsi qu’à Claire Laguian, véritable force motrice et source intarissable d’idées tout au long de ce projet. Nous n’oublions pas non plus nos laboratoires respectifs, Identités Culturelles, Textes et Théâtralités (Avignon Université) et Interactions Culturelles et Discursives (université de Tours), qui ont co-financé l’édition de ce volume.

Nous avons enfin une pensée pour Benoît Valadié, qui a accepté l’exigeant défi de (re)présenter Fanon pour la couverture de ce livre. Ce Fanon des artistes est donc aussi un peu le sien.

– Sophie Large et Flora Valadié

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Jean khalfa

Préface

Dans un beau texte sur ce qu’est véritablement voir, c’est-à-dire se libérer des images forgées dans la culture par des siècles d’exploitation et de racisme, Fanon nomme les arts comme instruments de cet œil qu’est une conscience vivante :

Simplement, depuis de longs jours et de longues nuits, l’image du nègre-biologique-sexuel-sensuel-et-génital s’est imposée à vous, et vous n’avez pas su vous en dégager. L’œil n’est pas seulement miroir, mais miroir redresseur. L’œil doit nous permettre de corriger les erreurs culturelles. Je ne dis pas les yeux, je dis l’œil, et l’on sait à quoi cet œil renvoie ; pas à la scissure calcarine, mais à cette très égale lueur qui sourd du rouge de Van Gogh, qui glisse d’un concerto de Tchaikowski, qui s’agrippe désespérément à l’Ode à la Joie de Schiller, qui se laisse porter par la gueulée vermiculaire de Césaire1.

On a longuement commenté l’étonnante lucidité des nombreuses analyses de consciences aliénées chez Fanon, qu’il s’agisse de celle du colonisé dans Peau noire, masques blancs ou du nationaliste qui s’apprête à reproduire des schémas de pouvoir coloniaux dans Les Damnés de la terre. « J’ai l’impression d’avoir été très, trop véhément dans mes descriptions. C’est que l’enjeu me paraissait terriblement compromis » écrit-il en mai 1961 à son éditeur, François Maspero, lui annonçant le manuscrit des Damnés2. La suite montra qu’il avait vu juste. Cette acuité caractérise aussi tous ses textes psychiatriques sur la fausse conscience des médecins ou des infirmiers souvent aveugles à la singularité de l’individu qui leur ←xi | xii→fait face, qu’ils réduisent à l’illustration de ces syndromes dont Fanon fait partout la même généalogie sceptique ou ironique3. Mais on a peu prêté attention à cette très égale lueur fanonienne, ce regard authentique que le travail des artistes nous apprendrait à porter sur les singularités d’un réel que des couches d’historicité ont masqué, en créant un nouvel imaginaire. Fanon a lui-même rapporté certains passages de son œuvre politique à une écriture poétique et l’on sait par le témoignage de ses amis combien il estimait sa première œuvre de dramaturge. La première de ses pièces de théâtre, L’Œil se noie, à peine antérieure à l’écriture de Peau noire, met en scène le trouble d’une conscience radicalement vigilante dans un monde d’aliénation verbeuse. Parmi les rares éléments du décor se trouve l’un de ces tableaux que Wifredo Lam exposait lors du séjour de Fanon à Paris, au début de ses études, et où des dieux interloqués scrutent les spectateurs qui les observent et tentent de rétablir le lien perdu avec le monde des esprits. L’autre pièce, Les Mains parallèles, met en scène un prince prométhéen décidant de dissiper radicalement la pénombre qui règne en permanence sur son île. Cette révolution se termine mal, mais il s’agit ici aussi de tenter de voir et de changer ainsi l’expérience vécue.

Depuis quelques années plusieurs artistes en Europe et en Afrique se sont emparés des textes de Fanon non pas pour les illustrer, mais pour s’inspirer de son regard, ou de ce qu’ils imaginent de ce regard. Ce sont les photographies spectrales de Bruno Boudjelal à Blida, les vidéos de David Blandy et Larry Anchiampong en quête d’un Fanon perdu à travers un monde où l’oppression passe par une réalité désormais virtuelle, ou bien l’installation reproduisant l’architecture du jardin et de la mémoire d’un ancien infirmier de l’hôpital de Blida par Mohamed Bourouissa4. Ces ←xii | xiii→relectures ont en commun de renouer ce qui avait été séparé au fil des lectures historiques de Fanon, la théorie de la désaliénation et celle de la libération politique. Le présent volume montre que le même phénomène s’est produit récemment dans ces Amériques où, après sa grande résonance avec les combats de libération des années soixante son œuvre n’était plus beaucoup lue ou n’avait été reprise que dans le cadre d’une théorie de l’aliénation raciale. Ces nouveaux regards jettent des éclairages inattendus sur bien des thèmes de Fanon que l’on connaissait tant qu’on ne les voyait plus. Dans la Caraïbe Fanon réapparait en hologramme éclairant l’histoire au cœur du présent dans le beau texte de Yolanda Arroyo Pizarro. Maryse Condé lie le parcours de son œuvre au fil de ses relectures de Fanon. René Depestre lui relit Fanon à partir des masques du Carnaval et du sens à donner aux zombies. Au Brésil les thèmes de la masculinité, du rêve et de la transe sont repris dans une littérature qui ne croit plus aux mythes. On retrouve Fanon dans le rap qui réinvente les Black Panthers aux États-Unis, et même au Canada où une réflexion subtile sur l’ambivalence de Fanon sur la négritude permet de repenser l’histoire de la colonisation au présent. On est étonné de constater ici la richesse des échos thématiques et formels de cette œuvre dans ces Amériques que Fanon avait pourtant quittées très tôt, non pas tant pour retrouver une Afrique perdue que pour imaginer en Afrique un futur que ne grèverait pas l’histoire de l’Europe et des décolonisations manquées. Ou du moins pour tenter de prévenir tous les obstacles qu’il prévoyait à cette lueur.

Fanon n’avait pas la religion de ses propres textes comme le montre sa correspondance avec Giorgio Pirelli, son éditeur italien, qui prépara avec son accord une anthologie de chapitres choisis dans ses livres, dont le dernier n’était pas encore fini. Mais c’est qu’il lui importait qu’ils aient rapidement des effets dans le réel et pour cela qu’ils soient traduits et publiés partout dans le monde. Il s’intéressait donc de très près à leur diffusion dans les pays francophones et anglophones d’Afrique, en Chine, en ←xiii | xiv→Europe de l’Est et en Amérique Latine5. Nul doute qu’il aurait été heureux de voir son œuvre se poursuivre ici comme il l’entendait, c’est-à-dire non comme dogme mais comme école de vigilance, matrice de questions, de pensée et de création.

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sophie large et flora valadié

Introduction

« Encore un livre sur Fanon ? », s’interrogeait il y a quelques années Lylian Kesteloot dans sa préface au livre Frantz Fanon, l’homme de rupture, d’Abdelkader Benarab1. On pourrait en dire autant du présent ouvrage autour de la figure emblématique de Frantz Fanon, à la « pensée métamorphique »2 et dont l’œuvre « a permis la constitution d’un champ d’études foisonnant, rhizomatique et, aujourd’hui, de portée planétaire. »3 L’universalité et l’actualité de Fanon ne font en effet aucun doute, comme en témoigne l’abondance, en ce début de millénaire, de littérature critique et d’événements qui lui sont consacrés, tant en France qu’en Europe, en Afrique ou dans les Amériques4. Cependant, le champ des études fanoniennes ne semble couvrir qu’à la marge l’impact de la pensée de Fanon : d’une part, il ne s’est que minoritairement intéressé à l’impact de la pensée de Fanon dans les arts et la littérature – les lectures sociologiques, historiques, philosophiques ou psychologiques étant largement dominantes. D’autre part, si de nombreux travaux ont été menés sur les résonances de la pensée de Fanon aux États-Unis, il n’existe pas à ce jour d’étude large qui prenne en compte l’ensemble des Amériques, Caraïbes comprises, dans une ←1 | 2→perspective de dialogue entre ces aires géographiques. C’est donc à cette double ambition que tente de répondre ce volume, en se centrant essentiellement sur l’impact de Fanon dans le monde artistique et littéraire, et en ouvrant la voie à un échange entre des sous-continents – Amérique du Nord, Amérique Latine, Caraïbes francophones, anglophones et hispanophones – traditionnellement séparés par la critique.

En effet, l’intérêt de Fanon pour ces expressions culturelles était réel, comme l’indiquent ses développements sur la culture nationale, qu’il concevait comme une condition nécessaire à la constitution d’une nation et à l’émancipation des peuples5. Il fut lui-même l’auteur de poèmes inédits6 et de deux pièces de théâtre, L’Œil se noie et Les mains parallèles, publiées récemment7. Par ailleurs, il participa en 1959 au Deuxième Congrès des Écrivains Noirs à Rome et c’est en écrivain qu’il manie la langue dans ses essais :

Résumé des informations

Pages
XIV, 274
Année
2022
ISBN (PDF)
9781800796317
ISBN (ePUB)
9781800796324
ISBN (MOBI)
9781800796331
ISBN (Broché)
9781800796300
DOI
10.3726/b18845
Langue
français
Date de parution
2022 (Mars)
Mots clés
Frantz Fanon Postcolonial studies Cultural transfer Le Fanon des artistes Sophie Large Flora Valadié
Published
Oxford, Bern, Berlin, Bruxelles, New York, Wien, 2022. XIV, 274 p.

Notes biographiques

Sophie Large (Éditeur de volume) Flora Valadié (Éditeur de volume)

Sophie Large est maîtresse de conférences à l’université de Tours, où elle enseigne la littérature hispano-américaine et la traduction. Ses recherches portent sur la littérature féministe, queer et décoloniale d’Amérique Centrale et des Caraïbes hispanophones. Elle est l’autrice de travaux sur Yolanda Arroyo Pizarro, Rita Indiana Hernández, Anacristina Rossi, Claudia Hernández ou encore Gioconda Belli. Flora Valadié est maîtresse de conférences à l’université d’Avignon où elle enseigne la littérature états-unienne et la traduction. Sa recherche porte sur la littérature états-unienne des XXe et XXIe siècles et elle est l’autrice de plusieurs articles sur l’écriture de l’image et de l’histoire dans les romans de John Edgar Wideman, Richard Powers, Colson Whitehead et Paul Auster, dont certains avec un prisme fanonien.

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