(S’)Écrire dans l’entre-deux
Récits de femmes d’ici et d’ailleurs
Résumé
Chacun des cinq chapitres porte principalement sur un type particulier d’entre-deux–générique, spatio-temporel, mémoriel, gastronomique et scriptural–sans pour autant se limiter à la représentation d’un seul d’entre eux. La traversée (réelle ou imaginaire) de cet espace insaisissable engendre toujours de nouvelles significations qui émergent à travers des formes narratives hybrides, révélant le potentiel des interstices à créer du sens grâce aux rencontres et aux échanges qui s’y produisent.
Tout au long de ce livre surgissent trois questions récurrentes : (1) quelle manière d’habiter le monde illustrent les récits où l’entre-deux est source de souffrances, mais aussi de richesse et de renouveau identitaire ? (2) quelle place accorder aux histoires individuelles dans l’éclairage de la grande Histoire ? (3) quel rapport entretiennent les femmes avec leur écriture qui se situe entre le questionnement de l’être et du monde?
Ce livre est destiné principalement à un public universitaire qui s’intéresse à la littérature contemporaine d’expression française, aux études des femmes et de genre et aux études culturelles.
Extrait
Table des matières
- Couverture
- Titre
- Copyright
- À propos de l’auteur
- À propos du livre
- Pour référencer cet eBook
- TABLE DES MATIÈRES
- Introduction
- Chapitre 1. ENTRE-DEUX GÉNÉRIQUE
- Entre biographique et fictionnel : le cas de Maryse Condé
- Histoire de la femme cannibale : «C’est moi, mais […] ce n’est pas moi»
- Victoire, les saveurs et les mots : biographie fictionnelle
- De l’autobiographie «sans fards» à l’autobiographie culinaire
- Entre récit de soi et fait divers chez Annie Ernaux
- L’écriture du quotidien
- «L’effet de fait divers»
- Entre réel et fantastique : Terre des affranchis de Liliana Lazar
- Les docu-romans de Felicia Mihali
- L’écriture palimpseste dans Sweet, Sweet China
- Le tarot de Cheffersville : entre récit autobiographique et conte merveilleux
- Chapitre 2. ENTRE-DEUX SPATIO-TEMPOREL
- Du «pays» de l’entre-deux au «pays» de l’entre lieux : le cas de Felicia Mihali
- La malédiction de l’origine dans Le pays du fromage
- Dina : «femme-pays» victime de l’Histoire
- Espaces métissés dans La reine et le soldat
- Le pays de nulle part : Histoire de la femme cannibale et Les belles ténébreuses de Maryse Condé
- L’impossible retour au pays natal
- Errance et désir d’enracinement
- Le pays de Marie Darrieussecq : un «pays» qui n’en est pas un
- Le «pays» de Gisèle Pineau : entre «ici-là» et «là-bas»
- Chpitre 3. ENTRE-DEUX MÉMORIEL
- Conter l’Histoire comme une histoire : le cas d’Antonine Maillet
- Entre «menteurs» et «menteux»
- Il était une fois … Le Huitième Jour
- Le pays de l’entre-dire dans Madame Perfecta
- Paroles et mémoires croisées dans Mes quatre femmes de Gisèle Pineau
- Paroles partagées et fragilité de la mémoire
- La dialectique de la mémoire et de l’Histoire
- À la source de la mémoire berceuse : Ru de Kim Thúy
- Polyphonie textuelle
- Mémoire et écriture sensorielles
- Combler les trous de l’Histoire : La femme sans sépulture d’Assia Djebar
- Inscrire une histoire dans l’Histoire
- Entre témoignage et imaginaire
- Chapitre 4. ENTRE-DEUX CULINAIRE
- «[E]ntre le dire et le manger» : Une gourmandise de Muriel Barbery
- Plaisirs authentiques de l’enfance
- Entre cuisine familiale et cuisine savante
- L’entre-deux culinaire dans deux romans de Calixthe Beyala
- Nourriture et séduction dans Comment cuisiner son mari à l’africaine
- Du repas partagé à l’écriture de l’exil dans Amours sauvages
- Métissage culinaire dans Mãn de Kim Thúy
- Du culinaire au littéraire chez Maryse Condé
- Des mets aux mots : Victoire, les saveurs et les mots
- Des saveurs au savoir : Mets et merveilles
- Chapitre 5. ENTRE-DEUX SCRIPTURAL
- Des maux du vécu aux mots du récit de vie
- Écrire les blessures identitaires : Garçon manqué de Nina Bouraoui
- De l’internat à l’internet : Confessions pour un ordinateur de Felicia Mihali
- Écriture de la folie/folie de l’écriture
- Folie, aller simple. Journée ordinaire d’une infirmière de Gisèle Pineau
- Juletane de Myriam Warner-Vieyra
- Sauvées par l’écriture
- L’écriture libératrice dans Une si longue lettre de Mariama Bâ
- L’écriture thérapeutique dans Garçon manqué de Nina Bouraoui
- Gisèle Pineau et ses fantômes
- Entre l’écriture du corps et le corps de l’écriture : Passion simple et Se perdre d’Annie Ernaux
- L’écriture de l’entre-deux/l’entre-deux de l’écriture dans Thelma, Louise et moi de Martine Delvaux
- Conclusion
- Bibliographie
Introduction
Pris au pied de la lettre,1 l’entre-deux figure parmi les concepts privilégiés par la critique littéraire des vingt dernières années.2 De façon générale, on s’accorde sur le fait que ce concept a le potentiel de mieux traduire la diversité du monde contemporain et la complexité des nouvelles pratiques culturelles. Associé à l’instabilité et à l’insaisissable, aux liens et contacts multiples, il engendre un nouveau mode de pensée, plus ouvert à l’hybridité et au métissage. Il n’est donc pas étonnant que l’entre-deux fasse l’objet de nombreuses réflexions philosophiques sur l’origine et la relation que l’être humain entretient avec le monde au cours de son devenir. Dans La Phénoménologie de la perception,3 ouvrage datant de 1945, Merleau-Ponty concevait déjà l’existence du monde à l’intérieur d’un entre-deux relationnel en raison de la naissance du sens à la croisée des expériences du sujet avec celles d’autrui.
Dans les années 1990, deux autres philosophes ont placé l’entre-deux au centre de leurs systèmes d’idées. Michel Cornu le considère comme un élément constitutif du développement ontologique, essentiellement tragique à cause du tiraillement entre le Bien et le Mal. Dans son livre Une pensée de l’entre-deux,4 il décrit l’interstice créé entre l’origine et la fin, la parole inaugurale et le silence final comme étant l’espace de notre devenir, du choix d’écouter l’Autre ou de l’ignorer, de partager ou non nos expériences, d’accepter de nous situer dans l’incertain ou d’attendre la fin en solitude. Quant à Daniel Sibony, auteur de l’essai Entre-Deux. L’origine en partage (1991), il lie ce concept à un espace de mémoire et de sensations extrêmement riches, espace capable d’englober la différence tout en la dépassant. Mis en relation avec l’origine, ce concept aide à mieux cerner l’identité hybride, le plurilinguisme, ainsi que le sens de nos déplacements. Une dizaine d’années plus tard, Sibony voit l’entre-deux plutôt comme un opérateur de pensée,5 une forme de coupure-lien, que ce soit entre deux personnes, deux espaces, deux langues ou deux cultures, autrement dit entre deux termes qui, au lieu de s’opposer catégoriquement, s’ouvrent l’un à l’autre afin de mieux accueillir leurs différences.
J’ai également fait appel à des concepts fournis par la pensée sur l’histoire et la mémoire culturelle de Paul Ricœur, l’ontologie de Gilles Deleuze, la pensée sur la folie et son rapport au langage de Michel Foucault, la philosophie du quotidien de Bruce Bégout et la sémiologie de Roland Barthes.
Ce livre propose d’explorer la problématique de l’entre-deux dans plusieurs romans d’écrivaines françaises et francophones, avec une insistance sur les textes (auto)biographiques. Bien que je me sois servie de concepts empruntés à plusieurs philosophes et critiques littéraires, l’entre-deux tel que défini par Daniel Sibony y occupe une place de choix dans l’analyse de ces textes. Tout d’abord, parce que ce concept se lie intimement à la philosophie de l’être, plus particulièrement à son origine, que Sibony envisage dans un perpétuel dynamisme :
… l’entre-deux est la pulsion identitaire à l’état vivant. C’est justement cette pulsion qui empêche de s’identifier complètement à l’un ou l’autre des deux termes; elle renouvelle l’épreuve du passage et du déplacement sans toujours en faire une errance. De ce point de vue, le problème de l’entre-deux est un problème ontologique … (1991, 341–2)
En deuxième lieu, cet opérateur est privilégié parce qu’il fait mieux ressortir l’association de la mémoire et du corporel avec l’origine, ce qui permet aux tensions de toutes sortes de circuler librement dans tous les sens. Dans «l’immense étendue d’un entre-deux», précise Sibony, «ce qui opère n’est pas le trait de la différence […], mais la mise en espace des mémoires et des corps, la traversée par certains gestes […] de lieux physiques de la mémoire et de l’origine.» (Ibid. 10–11)
En ce qui concerne le choix exclusif d’auteurs féminins contemporains, il répond à deux objectifs spécifiques : (1) montrer que les écrits des femmes puisent davantage dans une pluralité d’entre-deux constituant une source inépuisable de créativité, en même temps qu’un catalyseur de leur écriture; (2) faire valoir le lien établi entre la narration assumée par un sujet d’énonciation féminin et sa venue (parfois tardive) à l’écriture, le plus souvent une écriture transgressive et hétérogène.
Le cadre limité de ce livre ne m’a permis de retenir qu’un nombre assez restreint d’auteures et de récits qui feront l’objet d’une analyse plus approfondie. Il s’agit d’écrivaines d’origines diverses : acadienne (Antonine Maillet), africaine (Mariama Bâ, Calixthe Beyala), antillaise (Maryse Condé, Gisèle Pineau, Myriam Warner-Vieyra), algérienne (Assia Djebar) ou franco-algérienne (Nina Bouraoui), françaises (Muriel Barbery, Marie Darrieussecq, Annie Ernaux), québécoise (Martine Delvaux), roumaine (Felicia Mihali, Liliana Lazar) et vietnamienne (Kim Thúy). Cependant, étant donné la richesse des représentations de l’entre-deux dans la littérature contemporaine, références seront faites à d’autres auteures dont les écrits témoignent de l’importance de cette problématique dans leur écriture.
Ces femmes «d’ici et d’ailleurs» ont toutes le français en partage, mais plusieurs d’entre elles ont migré de leur espace d’origine vers un autre, qui leur a facilité la venue à l’écriture. C’est le cas de Kim Thúy et de Felicia Mihali,6 établies au Québec, de Calixthe Beyala et Liliana Lazar, immigrées en France, où elles ont commencé leur carrière d’écrivaines. Il n’est donc pas sans intérêt de s’interroger sur la question de la façon dont leurs expériences sont représentées dans leurs écrits qui s’alimentent aux sources d’une pluralité d’entre-deux. Force est de constater «une surconscience linguistique» (Gauvin, 2020, 8) chez les écrivains francophones :
L’écrivain francophone doit […] composer avec la proximité d’autres langues […] ou encore une première déterritorialisation constituée par le passage de l’oral à l’écrit, et une autre, plus insidieuse, créée par des publics immédiats ou éloignés : autant de faits qui l’obligent à mettre au point ce que Glissant nomme des «stratégies de détour». (Ibid.)
Au cours de cette étude, plusieurs questions s’imposent : (1) à quoi s’identifie ces entre-deux dont la traversée est souvent douloureuse, mais toujours enrichissante grâce aux échanges et aux rencontres réelles ou imaginaires qui s’y produisent ? (2) où se place l’énonciation culturelle7 dans les récits des auteurs francophones qui vivent dans l’entre-deux? (3) quelle manière d’habiter le monde illustrent les nombreux clivages qui se retrouvent dans leurs récits témoignant du transitoire, source de renouveau identitaire? (4) par quels moyens se réalise la reconstruction de la grande Histoire dans des romans contenant plusieurs histoires qui demandent à sortir de l’oubli?
Chacun des cinq chapitres de ce livre porte sur un type particulier d’entre-deux illustré par des récits écrits par les romancières susmentionnées. (1) L’entre-deux générique figure en premier, car, à peu d’exception près, tous les romans choisis sont difficiles à classer dans un genre particulier. L’hésitation entre le biographique, l’historique et le fictionnel, entre le fantastique et le réalisme donne naissance à une écriture hybride, qui se laisse parcourir dans tous les sens, sans jamais les épuiser. Plusieurs de ces écrits se présentent souvent sous forme de collages de textes fragmentés qui brouillent les frontières entre fiction et réalité. La question du «pays»8 réel ou imaginaire sera abordée dans le chapitre consacré à (2) l’entre-deux spatio-temporel. Qu’il s’agisse d’un pays de l’entre-deux, de l’entre lieux ou de nulle part, ce topos se construit au croisement du souvenir et de l’imaginaire, marquant très souvent la coupure-lien entre le lieu d’exil et la terre d’origine. L’émergence textuelle du «pays»dans un entre-deux spatio-temporel est indissociable du travail mémoriel. Aussi «le pays de l’entre-dire» s’esquisse-t-il au croisement de l’Histoire et des histoires grâce aux échanges de paroles qui tissent un riche (3) entre-deux mémoriel où mémoire individuelle et mémoire collective s’enchevêtrent. En comblant les trous de l’Histoire, on accomplit un «devoir de mémoire »9 envers ceux qui risquent de sombrer dans l’oubli. Les entre-deux spatio-temporel et mémoriel s’enrichissent souvent au contact avec un (4) entre-deux gastronomique, révélateur des saveurs d’un pays, mais aussi des savoirs acquis au cours de l’acte de cuisiner. Ainsi cet entre-deux devient-il un espace d’émancipation et de créativité, car, dans les romans choisis pour cette étude, l’art culinaire s’associe souvent à l’acte d’écrire. Ce dernier se trouve au cœur du chapitre final, qui porte justement sur (5) l’entre-deux scriptural où s’inscrivent les mots porteurs des maux subis par des personnages ayant eu une difficile construction identitaire. L’urgence du témoignage entraîne l’émergence d’un «je» d’énonciation féminin qui décide de sortir du silence imposé encore par les sociétés patriarcales. L’articulation écriture/lecture ainsi que les rapports texte/métatexte, corps féminin/corps textuel apportent des éclaircissements supplémentaires au sujet de la question de l’écriture des femmes ayant traversé des entre-deux problématiques.
D’entrée de jeu, il importe de préciser qu’aucun des textes étudiés dans cet ouvrage ne se limite à la représentation d’un seul type d’entre-deux, car cet espace transitoire est par excellence hétérogène. Parmi les tensions qui le traversent constamment, celles de l’identité et de l’altérité y sont toujours présentes.10 En effet, dans la plupart des romans retenus pour ce livre on constate que la tentative d’amorcer un repositionnement identitaire, qu’elle soit réussite ou non, se manifeste à travers la mise en récit de l’expérience de la perception du monde, doublée de celle de la réflexion sur cette expérience. C’est la raison pour laquelle je n’ai pas consacré de chapitre spécial à l’entre-deux identitaire, auquel je toucherai tout au long de cette étude.
C’est le cas également de l’entre-deux culturel créé par l’écart entre des réalités sociales et culturelles apparemment irréconciliables, qui attirent l’attention sur un espace hybride, inachevé, riche en nouvelles possibilités d’expression. Personnages réels ou fictifs s’y confrontent à de nouveaux signes identitaires à la suite de rencontres de valeurs culturelles multiples, ayant le potentiel de produire de nouveaux symboles, plus appropriés aux nouveaux changements du monde contemporain. Prenons l’exemple de Sultana, le personnage féminin du roman autobiographique L’interdite11 de Malika Mokeddem. Accusée d’être revenue en Algérie après avoir vécu trop longtemps en France, elle exprime le tiraillement entre la culture de son pays d’origine et celle du pays d’accueil. L’entre-deux culturel auquel elle se confronte se lie intimement aux entre-deux spatio-temporel et identitaire :
— Une femme d’excès? Le sentiment du néant serait-il un excès? Je suis plutôt dans l’entre-deux, sur une ligne de fracture, dans toutes les ruptures. Entre la modestie et le dédain qui lamine mes rébellions. Entre la tension du refus et la dispersion que procurent les libertés. Entre l’aliénation de l’angoisse et l’évasion par le rêve et l’imagination. Dans un entre-deux qui cherche ses jonctions entre le Sud et le Nord, ses repères dans deux cultures. (47)
Une deuxième précision s’impose. Bien que le concept d’entre-deux s’avère très opérant dans l’analyse d’un nombre considérable de récits écrits par des écrivains issus du monde francophone, il se révèle tout aussi opérant dans le cas de certains auteurs français. Leurs œuvres dévoilent des types particuliers d’espaces transitoires qui ont façonné leur construction identitaire. Dans les récits sélectionnés pour cette étude, on constatera que ce concept renvoie à une hybridité constitutive au sujet qui cesse de prendre comme repères deux points fixes dans l’espace ou le temps.12 Le processus d’hybridité spatiale, culturelle, identitaire ou autre engendre toujours quelque chose de nouveau qui perturbe la pensée binaire et les idées figées. Aussi l’écriture utilisée pour la représentation de l’hybridation des histoires s’ouvre-t-elle à des sens ambivalents, dédoublés ou ambigus, qui subvertissent les canons génériques.
La plupart des analyses consacrées aux récits des écrivains que certains critiques ont nommés migrants13 montrent que leur positionnement dans un entre-deux pluriel leur donne l’occasion de mieux exprimer leur vécu en situation d’exil géographique et/ou linguistique. De plus, on constate assez souvent qu’il n’est pas exclu d’y devenir «étranger à soi-même»14 à cause de l’incapacité de sortir de l’ex-centrisme social, culturel ou langagier. Et pourtant, la quête identitaire, compliquée dans certains cas par le déracinement et la difficulté ou le refus d’un nouvel enracinement, se poursuit dans un espace métissé qui favorise l’émergence d’un «je» écrivant ou tout simplement témoin d’expériences douloureuses.
La traversée du monde et du soi illustrée par le potentiel des interstices de devenir des intervalles de sens grâce aux échanges qui s’y produisent renforce la conscience d’une appartenance multiple, exigeant d’être mise en récit. Cette écriture qui interroge et s’interroge est à la recherche de nouvelles significations émergeant de formes narratives hybrides, porteuses de thèmes récurrents. Chez la plupart des romancières d’ici et d’ailleurs retenues pour ce livre, le dialogisme intra ou intertextuel met davantage en évidence la capacité de l’entre-deux de stimuler leur désir de convertir le regard sur la complexité du monde en paroles chargées de nouveaux sens. Ces paroles s’éloignent souvent des pistes balisées, empruntant des chemins de traverse. Chez plusieurs de ces écrivaines, la conscience du féminin se manifeste dans un entre-deux scriptural d’où émerge une écriture portant les traces des désirs interdits du sujet écrivant. Ce sujet s’inscrit entre le corps et l’écriture de ce corps, créant une tension entre le poétique et le politique, inaccessibles aux femmes jusqu’assez récemment.
1 «Caractère de ce qui ne peut être défini dans l’opposition des contraires ou des différences». (Dictionnaire International des Termes Littéraires)
2 Plusieurs articles ont été publiés à ce sujet, mais, à ma connaissance, seulement quatre volumes portent uniquement sur la problématique de l’entre-deux. Le premier, Annie Ernaux : une œuvre de l’entre-deux (Artois Presses Université, 2004), est un recueil d’articles paru sous la direction de Fabrice Thumerel deux ans après le congrès tenu à l’Université d’Artois en présence de l’auteure. Ce volume organise ses sections en fonction des approches adoptées afin de cerner différentes représentations de l’entre-deux dans les romans et les récits d’Ernaux. Qu’il s’agisse d’approches textuelle, philosophique, psychologique ou sociologique, les textes ernausiens basculent entre l’écrit et la vie, culture populaire et culture savante, littérature et ethnologie, intime et social, subjectif et objectif etc. Le deuxième volume, L’Entre-deux imaginaire. Corps et créations interculturels (Mercedes Montoro Araque et Carmen Alberdi Urquizu [éd.], Peter Lang, 2015), réunit des articles portant sur le lien entre créativité et imaginaire à la lumière des deux concepts proposés par François Jullien, à savoir «l’écart» et «l’entre». Les articles du troisième ouvrage, L’écriture «entre deux mondes» de Marie Darrieussecq (Karine Germoni, Sophie Milcent-Lawson et Cécile Narjoux [éd.], Éditions Universitaires de Dijon, 2019), traitent de plusieurs aspects liés à l’entre-deux représenté dans sept romans de Darrieussecq. Enfin, La problématique de «l’entre-deux» dans les littératures des «intrangèr-es» (Paris, L’Harmattan, 2019) de Ioana Marcu est «une réflexion sous l’angle de l’extratextuel», mettant en lumière «les questionnements soulevés par la littérature issue de l’immigration maghrébine» (la 4e de couverture).
3 Merleau-Ponty, Maurice. La Phénoménologie de la perception. Paris : Gallimard, 1945.
4 Michel Cornu, Une pensée de l’entre-deux, Lausanne, Éditions L’ÂGE D’HOMME, 1994.
5 Voir la préface qu’il a écrite à l’ouvrage Entre-deux-morts, Juliette Vion-Dury (dir.), Limoges, Pulim, 2000, p. 3–5.
Résumé des informations
- Pages
- XVI, 298
- Année de publication
- 2023
- ISBN (PDF)
- 9781433198526
- ISBN (ePUB)
- 9781433198533
- ISBN (Relié)
- 9781433198519
- DOI
- 10.3726/b19964
- Langue
- français
- Date de parution
- 2023 (Août)
- Mots clés
- Entre-deux générique spatio-temporel mémoriel culinaire scripturaire entre-dire écriture (auto)biographique écrivaines françaises et francophones hybridité textuelle métissage H/histoire Récits de femmes d’ici et d’ailleurs (S)Écrire dans l’entre-deux. Mariana Ionescu
- Publié
- NNew York, Berlin, Bruxelles, Chennai, Lausanne, Oxford, 2023. XVI, 298 p.
- Sécurité des produits
- Peter Lang Group AG