Documents diplomatiques français
Armistices et Paix – 1918-1920 – Tome I (27 septembre 1918 – 17 janvier 1919)
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Edited By Ministère des Affaires étrangères
Il y a d’abord le temps des armistices, le premier étant signé à Salonique avec les Bulgares le 29 septembre, le dernier à Rethondes avec l’Allemagne, le 11 novembre, à la suite de la demande présentée par les Allemands au président Wilson, dès le 4 octobre. Les Français y voient une « manœuvre » de « l’ennemi » pour obtenir une paix douce de la part des États-Unis. La tension franco-américaine est donc immédiate. La France, victorieuse mais exsangue, espère obtenir des garanties de sécurité face à une Allemagne qu’elle juge éternellement dangereuse.
Dans ce contexte de désagrégation des empires (Autriche-Hongrie, Empire ottoman, Russie), la paix est difficile à préparer. La France est favorable à l’application du principe des nationalités (restauration de la Pologne et création de la Tchécoslovaquie). Mais, elle doit tenir compte dans le cas yougoslave des revendications contradictoires de ses alliés italiens et serbes. Au Moyen-Orient, elle redoute que la Grande-Bretagne, maîtresse du terrain, fasse tout pour l’évincer et ne pas appliquer les accords Sykes-Picot de 1916 prévoyant un véritable partage des territoires arabes entre les deux pays. À l’Est de l’Europe, les diplomates français craignent la contagion bolchevique et beaucoup souhaitent que leur gouvernement contribue à l’endiguer par les armes.
Partout, l’écho de la victoire des Alliés et Associés est immense. Tous les États, belligérants ou non, entendent être représentés à la Conférence de la Paix. La France obtient que celle-ci ait lieu sur son territoire et fait tout pour réussir ce moment au cours duquel Paris sera la capitale du monde.
132 M. Dutasta, Ambassadeur de France à Berne, À M. Pichon, Ministre des Affaires étrangères.
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M. DUTASTA, AMBASSADEUR DE FRANCE À BERNE,
À M. PICHON, MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES.
T. n° 1836.
Berne, 6 novembre 1918, 7 h. 30.
Extrême urgence.
(Reçu : 22 h. 30.)
Le comte Mensdorf-Pouilly arrivé hier soir 5 novembre à Berne et muni de pleins pouvoirs de l’Empereur d’Autriche a demandé à me voir. Je serais reconnaissant à Votre Excellence de me faire savoir si elle m’autorise à recevoir cette personnalité.
Voici, d’après un de mes agents qui s’est entretenu avec ce diplomate, les raisons pour lesquelles le comte Mensdorf-Pouilly désirerait obtenir d’urgence un entretien officieux.
L’article des conditions d’armistice concernant le blocus serait mal interprété en Autriche-Hongrie. On croit y voir une mesure destinée à affamer l’Autriche. Les Allemands d’Autriche notamment travaillés par une propagande allemande des plus actives, se sont vivement émus de cette clause de l’armistice. Il serait indispensable que les Alliés fassent à ce sujet une déclaration supplémentaire, donnant des éclaircissements et spécifiant l’envoi de vivres et de denrées de ravitaillement. La question des vivres est en effet primordiale.
Il paraît nécessaire que l’Entente prenne sans tarder la décision d’envoyer des troupes d’occupation dans les grands centres. Le gouvernement et l’Empereur ne peuvent en faire la demande officielle, mais ils le désirent ardemment. L’envoi de vivres à la suite des troupes d’occupation assurerait le maintien de l’ordre.
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