Viser la justice éducative

Table Of Contents

• Couverture
• Page de titre
• Page de droits d’auteur
• Table des matières
• Introduction – Penser la justice éducative (Eric Mutabazi)
• 1. Naît-on libres et égaux en dignité et en droit ?
• 2. L’école et la continuité du processus de création des inégalités
• 3. Difficultés à établir la justice éducative à l’école
• 4. Rendre justice en éducation : un moyen nécessaire pour corriger les inégalités liées à la naissance ?
• Références bibliographiques
• PARTIE 1 Quelles approches pédagogiques, didactiques et formatives au service de la justice éducative ?
• CHAPITRE 1 S’écrire à l’école : un enjeu éthique et démocratique pour une justice éducative (Bruno Hubert)
• Introduction
• 1. Pourquoi lier droit à l’écriture, contexte anthropocène et justice éducative ?
• 2. Des dispositifs éducatifs pour un droit à l’écriture partagé
• 3. Une recherche qui ouvre à une éthique de l’écriture dans la perspective anthropocène
• Conclusion
• Références bibliographiques
• CHAPITRE 2 L’émancipation, l’encapacitation et la responsabilisation des enfants (Renaud Hétier)
• Introduction
• 1. Une pédagogie émancipatrice
• 2. Une pédagogie encapacitante
• 2.1 La dévolution du travail à l’enfant
• 2.2 Le dialogue enfant/adulte
• 2.3 Une première expérience de la responsabilité
• 2.4 Une première expérience du care
• Conclusion
• Références bibliographiques
• CHAPITRE 3 Accompagner des adultes en situation d’illettrisme dans l’appropriation du savoir lire-écrire : vers une restauration de la justice éducative ? (Christelle Chevallier-Gaté & Jean-Pierre Gaté)
• Introduction
• 1. La situation d’illettrisme : une vulnérabilité sociale et culturelle
• 2. Restaurer la « justice éducative » : une démarche articulant la double exigence de la qualité et de l’équité en éducation
• 3. Une analyse de dispositifs actuels de lutte contre l’illettrisme
• 3.1 La méthodologie utilisée
• 3.2 Les dispositifs de lutte contre l’illettrisme répondent-ils aux critères d’une démarche qualité ?
• 3.2.1 Une approche personnalisée des besoins des clients/usagers
• 3.2.2 Une approche systémique
• 3.2.3 L’engagement d’un ensemble d’acteurs responsables à différents niveaux
• 3.3 La mise en œuvre du principe d’équité ou la qualité au service de l’équité
• 3.3.1 De la singularité à l’universalité
• 3.3.2 Que chacun réalise sa nature selon ses voies propres
• 3.3.3 L’équité est bien du côté de la pédagogie et requiert une méthode particulière
• 3.4 L’équité visée à travers les dispositifs de lutte contre l’illettrisme est-elle au service de la qualité ?
• 3.4.1 Du point de vue des personnes en situation d’illettrisme formées
• 3.4.2 Du point de vue des formateurs
• Conclusion
• Références bibliographiques
• PARTIE II Quel rôle les structures éducatives extrascolaires jouent-elles dans la justice éducative des jeunes en situation de décrochage ?
• CHAPITRE 4 Face au décrochage avéré, quelle(s) deuxième(s) chance(s) ? (Bertrand Bergier)
• Introduction
• 1. Des dispositifs hétérotopiques de « seconde chance »
• 2. Le prisme des conventions
• 3. Analyse des projets déclarés
• 3.1 L’EPIDE : Entre convention universaliste et convention professionnelle
• 3.2 L’E2C : une convention professionnelle sous pression
• 3.3 Le MLS : une convention académique désacralisée
• 3.4 Le CLEPT : Une convention universaliste
• Conclusion
• Références bibliographiques
• CHAPITRE 5 Deuxième chance et promesse de justice éducative (Maël Loquais, Nathalie Lavielle-Gutnik et Isabelle Houot)
• Introduction
• 1. Les Écoles de la deuxième chance à la croisée de la révélation d’inégalités sociales et de la quête de justice
• 1.1 Rendre justice : la question spécifique de la justice éducative
• 1.2 Les modèles de justice éducative
• 2. La deuxième chance : une promesse qui nous tient
• 3. Une justice en acte au cœur des injonctions paradoxales
• 3.1 L’injonction à se former
• 3.2 La prégnance de l’injonction éthique
• En guise de conclusion : ce que sous-tend l’idée de justice éducative dans un dispositif de deuxième chance
• Références bibliographiques
• CHAPITRE 6 Penser l’« entre-deux » comme source de réussite : le dispositif des Services d’Accrochage Scolaire belge (Patricia Mothes)
• Introduction
• 1. Cadre théorique et méthodologique
• 1.1 Cadre théorique
• 1.2 Cadre méthodologique
• 1.2.1 Données invoquées
• 1.2.2 Données suscitées
• 2. La construction du décrochage scolaire
• 2.1 Un concept peu défini par la recherche
• 2.2 Une historicité qui questionne
• 2.3 Une question scolairement vive
• 2.4 Une causalité en question
• 3. Résultats : Les SAS, un dispositif compensatoire ?
• 3.1 La structure
• 3.1.1 Genèse du dispositif
• 3.1.2 Modalités d’accueil et fonctionnement de la structure
• Admission
• Organisation du temps
• Un projet porté par une équipe pluridisciplinaire
• 3.3 Le public
• 3.3.1 Des jeunes qui s’accrochent
• 3.3.2 Le groupe de pairs : ressource ou danger ?
• 3.3.3 De la relation aux adultes
• 3.3.4 « Réparer » : SAS et justice éducative
• 3.4 Ancrer les apprentissages dans le réel
• 3.5 Penser l’évaluation comme constructive et positive pour déjouer les pièges de l’étiquetage
• Discussion
• Conclusion
• Références bibliographiques
• PARTIE III Que pensent les personnes accompagnées et leurs accompagnateurs de la justice éducative ?
• CHAPITRE 7 Quelle justice éducative pour les enfants confiés à l’Ase ? (Jennifer Kerzil)
• Introduction
• 1. La place de la scolarité dans le parcours des enfants confiés à l’Ase
• 1.1 La scolarité des enfants confiés à l’Ase en quelques chiffres
• 1.2 Facteurs de protection et facteurs de risque dans le parcours scolaire des enfants confiés à l’Ase
• 2. Les dispositifs mis en place et leurs limites
• 2.1 Le contrat jeune majeur comme outil de justice éducative
• 2.2 Le partenariat entre professionnels, un appui nécessaire à la justice éducative
• 3. Vers une justice éducative pour les enfants confiés à l’Ase : des ajustements nécessaires
• 3.1 Faciliter la justice éducative en reconnaissant la place de l’assistant.e familial.e auprès de l’enfant accueilli
• 3.2 Prendre en compte les troubles de l’attachement des enfants placés pour une véritable justice éducative
• 3.3 Apprendre à repérer les difficultés attentionnelles engendrées par un attachement de type insecure
• Conclusion
• Références bibliographiques
• CHAPITRE 8 Impact de la justice éducative sur les trajectoires des transfuges de classe : Analyse et réflexions sociologiques (Catherine Nafti Malherbe)
• Introduction
• 1. La justice éducative au prisme de la sociologie
• 2. Comprendre les effets de la justice éducative
• 3. Les politiques éducatives en vue de la réussite scolaire : approche critique
• 4. Des injonctions paradoxales, paradoxantes
• 5. Transfuges de Classe et Justice Éducative : analyse sociologique des parcours de Bourdieu, Eribon, Lagrave, Louis, et la Famille Belhoumi
• 5.1 Trajectoires des transfuges de classe
• 5.1.1 Pierre Bourdieu (Sociologue)
• 5.1.2 Marie-Rose Lagrave (Sociologue)
• 5.1.3 Didier Éribon (Sociologue)
• 5.1.4 Édouard Louis (Écrivain)
• 5.1.5 La famille Bélhoumi : une autre approche des trajectoires des transfuges de classe
• 6. Discussion
• Conclusion
• Références bibliographiques
• CHAPITRE 9 Comment se positionner face à l’injustice quand on travaille auprès d’élèves étrangers ? Le cas de Jeanne, enseignante et militante (Sandra Cadiou)
• Introduction
• 1. Cadre théorique
• 1.1 Orientation clinique psychanalytique
• 1.2 Figure du militant
• 2. Méthodologie
• 2.1 Le cas Jeanne
• 2.1.1 Une carrière d’enseignante sous le signe du collectif et du multiculturel
• 2.1.2 Une dynamique psychique organisant son lien à l’autre
• 2.1.3 Le militantisme de Jeanne
• 3. Discussion sur la justice éducative
• 3.1 Principe d’universalité du cas
• 3.2 Militer face à l’impossible à supporter
• Conclusion
• Références bibliographiques
• Conclusion – Comment rendre justice en éducation ? (Eric Mutabazi)
• Références bibliographiques
• Présentation des auteurs

Eric Mutabazi (dir.)

Viser la justice éducative

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Ouvrage publié avec le soutien de l’Université Catholique de l’Ouest et d’Alliance3 cofinancé par Erasmus+ de l’Union Européenne.

ISSN 2795-9597

ISBN 978-2-87574-682-5 (Print)

ISBN 978-2-87574-683-2 (E-PDF)

ISBN 978-2-87574-684-9 (E-PUB)

DOI 10.3726/b22857

Dépôt légal D/2025/5678/14

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Table des Matières

Introduction – Penser la justice éducative

Eric Mutabazi

PARTIE 1
Quelles approches pédagogiques, didactiques et formatives au service de la justice éducative ?

CHAPITRE 1
S’écrire à l’école : un enjeu éthique et démocratique pour une justice éducative

Bruno Hubert

CHAPITRE 2
L’émancipation, l’encapacitation et la responsabilisation des enfants

Renaud Hétier

CHAPITRE 3
Accompagner des adultes en situation d’illettrisme dans l’appropriation du savoir lire-écrire : vers une restauration de la justice éducative ?

Christelle Chevallier-Gaté & Jean-Pierre Gaté

PARTIE II
Quel rôle les structures éducatives extrascolaires jouent-elles dans la justice éducative des jeunes en situation de décrochage ?

CHAPITRE 4
Face au décrochage avéré, quelle(s) deuxième(s) chance(s) ?

Bertrand Bergier

CHAPITRE 5
Deuxième chance et promesse de justice éducative

Maël Loquais, Nathalie Lavielle-Gutnik et Isabelle Houot

CHAPITRE 6
Penser l’« entre-deux » comme source de réussite : le dispositif des Services d’Accrochage Scolaire belge

Patricia Mothes

PARTIE III
Que pensent les personnes accompagnées et leurs accompagnateurs de la justice éducative ?

CHAPITRE 7
Quelle justice éducative pour les enfants confiés à l’Ase ?

Jennifer Kerzil

CHAPITRE 8
Impact de la justice éducative sur les trajectoires des transfuges de classe : Analyse et réflexions sociologiques

Catherine Nafti Malherbe

CHAPITRE 9
Comment se positionner face à l’injustice quand on travaille auprès d’élèves étrangers ? Le cas de Jeanne, enseignante et militante

Sandra Cadiou

Conclusion – Comment rendre justice en éducation ?

Eric Mutabazi

Présentation des auteurs

Introduction – Penser la justice éducative

Eric Mutabazi

1. Naît-on libres et égaux en dignité et en droit ?

Le temps présent est caractérisé par un ensemble de difficultés qui ne font que creuser les inégalités entre les riches et les pauvres (FMI, 2015). Ces inégalités sont liées non seulement aux appartenances culturelles, religieuses et ethniques (Wallenhorst et Mutabazi, 2021), mais aussi aux caractéristiques sociales. Pourtant, comme l’affirme la première phrase de l’article premier de la Déclaration universelle des droits de l’homme : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits » et l’un des principes de la citoyenneté est l’égalité entre les citoyens. Mais que faut-il déduire d’une telle affirmation ? De quelle liberté et de quelle égalité s’agit-il en définitive ? Est-elle seulement possible ? Sans nous lancer dans une analyse théologique, psychologique ou juridique approfondie, indiquons simplement qu’au niveau étymologique, le terme « dignité », de « dignitas » ou « decere » désigne ce qui convient ou ce qui est convenable. Peut-on dire que nous naissons libres et égaux, conformément à ce que tout être humain est en droit d’espérer et plus encore avec des « droits identiques » ?

Tandis que certains bébés naissent dans une clinique ou un hôpital universitaire parfaitement équipés pour assurer leur sécurité, avec l’assistance de médecins experts et de sage-femmes, d’autres voient le jour dans des Centres de santé ou des dispensaires dépourvus du matériel médical de base, dans des villages ruraux isolés, gérés par des infirmières aidées par des volontaires peu formés. Les premiers sont revêtus dès la naissance de vêtements propres neufs et dorment dans une chambre bien équipée permettant de pourvoir à tous les besoins d’un bébé nouveau-né. Souvent désirés, voire programmés par le couple parental, bien préparé à leur arrivée avec l’aide de personnes qualifiées et compétentes, ils bénéficient pendant leur période préscolaire de bonnes conditions développementales. Leur prime enfance se déroule dans des crèches exigeantes aussi bien au niveau de la propreté, de l’alimentation, de l’habillement, de la sécurité, que de l’éducation. Si la moindre chose dans leur développement se déroule de manière non-conforme à la norme, ils sont rapidement pris en charge par des professionnels compétents. En définitive, leur développement harmonieux est garanti, leur dignité et leur sécurité sont assurées et ils disposent des droits auxquels tout être humain devrait avoir accès.

Qu’ils soient programmés ou non, la naissance de certains naissant dans des conditions financières moins favorables ne pose pas non plus de problème particulier, car elle est souvent envisagée comme la suite logique de l’union de deux personnes. Ils grandissent en étant assurés de l’amour de leurs parents, de leur entourage et de toute la communauté, ils sont bien accueillis au sein de leur famille et leur naissance n’est un fardeau pour personne. Sans même disposer de moyens financiers exorbitants pour se procurer du matériel particulier afin d’aider à leur développement physique et cognitif ou sans l’aide de professionnels, ils bénéficient d’un soutien correspondant à la classe sociale de leurs parents. Ils naissent et vivent dans des conditions « dignes » durant toute leur enfance.

D’autres en revanche sont la conséquence de grossesses non désirées, ils sont conçus par accident ou dans la violence. Les conditions dans lesquelles leurs mères vivent leur grossesse et l’accouchement sont bien différentes des deux premiers cas évoqués et leur accompagnement ainsi que l’accueil du nouveau-né tournent souvent au cauchemar et certaines femmes préfèrent se séparer¹ de l’enfant plutôt que de subir les conséquences de ces grossesses. Les noms comme « bâtard », « mulâtre », « anormal », « imbécile », « débile », « idiot », « arriéré », « perverti », « coupable », « insoumis », etc., étaient utilisés autrefois pour désigner ces enfants vulnérables, indésirables, superflus, inclassables (Dubasque, 2019). Ils grandissent souvent sans disposer des mêmes droits que les autres enfants, le droit d’être aimé et entouré, d’avoir un nom de famille qui les inscrit dans une lignée, d’être protégé de la violence, de la maltraitance et de toutes formes d’abus, d’exploitation ou discrimination, sans oublier le droit d’avoir un refuge, d’être secouru, de disposer de conditions de vie décentes, de jouer et d’avoir des loisirs ainsi que d’autres droits listés dans la Convention des droits de l’enfant². L’existence que leur promet l’Humanité malmène, si elle ne le détruit pas, le premier principe de la déclaration universelle.