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Education, Mondialisation et Citoyenneté

Enjeux démocratiques et pratiques culturelles

de Régis Malet (Éditeur de volume) Bruno Garnier (Éditeur de volume)
©2020 Collections 270 Pages

Résumé

Cet ouvrage traite, dans une perspective comparatiste internationale, de la construction de la notion de citoyenneté et de sa circulation dans des espaces scolaires et sociaux à l’ère de la mondialisation. Cela se réalise par la complémentarité des expertises mobilisées et par la variété des contributions et des ancrages géoculturels de leurs auteurs.
Il offre ainsi une diversité de regards analytiques sur le processus de mondialisation de l’éducation, vu sous l’angle de la gestion des identités, de la diversité et de la promotion de la citoyenneté.
Il invite à une lecture croisée des dynamiques culturelles, historiques et sociales dans des sociétés à la fois fragmentées et reliées entre elles.

Table des matières

  • Couverture
  • Titre
  • Copyright
  • À propos de l’auteur
  • À propos du livre
  • Pour référencer cet eBook
  • SOMMAIRE
  • Introduction (Régis Malet et Bruno Garnier)
  • Première Partie Approches politiques et sociohistoriques
  • L’éducation à la citoyenneté dans des établissements secondaires belges francophones : traductions locales et tensions culturelles autour de la construction de la communauté politique (Evelyne Jadot et Marie Verhoeven)
  • Les enjeux de la territorialisation des politiques nationales d’éducation, entre replis locaux et appartenance au village-monde. (Bruno Garnier)
  • Le lest national des débats publics sur l’enseignement de l’histoire : un regard de sociologie politique comparée (France-Angleterre). (Maylis Ferry)
  • La représentation de l’autre dans les manuels scolaires : ancrage identitaire et récit historique entre Italie et Tunisie (Maria Lucenti)
  • Deuxième Partie Conceptions et pratiques de la citoyenneté en milieu scolaire
  • Les cultures physiques traditionnelles basques et martiniquaises. Entre usage liminal dans l’enseignement français et dynamique de reculturation en société depuis 1970 (Loïc De La Croix, Maguy Moravie et Fabien Sabatier)
  • Conceptions et perceptions de la citoyenneté à l’école. Une approche comparée franco-anglaise. (Sylvie Condette)
  • Les conceptions de la science (sécularisées / non sécularisées) d’élèves de terminale dans douze pays : questions et enjeux en matière de formation citoyenne (Wolfs José-Luis Wolfs et Coralie Delhaye)
  • Médiation et promotion de la citoyenneté en milieu scolaire au Burkina Faso (Kadissa Sawadogo)
  • Troisième Partie Jeunesses mobiles / mobilisées et citoyenneté globale
  • La formation citoyenne par la contestation. Les assemblées dans les mobilisations d’étudiants et de lycéens au Chili et au Québec (Angelo Montoni)
  • Produire du capital international grâce à l’éducation internationale : le cas d’un établissement franco-israélien en Israël (Julia Resnik)
  • Mobilité d’Apprentissage Internationale : Fabrique à citoyen-ne ? Parcours croisés de jeunes mobiles. (Estelle Crochu)
  • Conclusion (Bruno Garnier et Régis Malet)
  • Titres de la collection

Régis Malet1 et Bruno Garnier2

Introduction

Nos sociétés vivent à l’heure de l’hypermondialisation, tendues entre une volonté de démocratisation cosmopolite dans un monde multipolaire, et une forme de régression propice à un renouveau nationaliste ou localiste. Ce double mouvement centrifuge et centripète divise nos sociétés, sur fond d’accroissement constant des inégalités et de fragmentation des territoires, au risque de fragiliser durablement des modèles démocratiques qui paraissent en perte de récits collectifs propres à maintenir la cohésion sociale. Ce phénomène global est un défi démocratique majeur pour nos systèmes d’éducation et un important enjeu de connaissance pour les sciences humaines et sociales.

La citoyenneté et l’éducation scolaire se sont bâties sur un terreau national qui a longtemps conduit à séparer dans l’étude de leurs formes d’expression les contextes nationaux, les Etats-Nations, plutôt qu’à penser la solidarité historique de leur développement et les défis démocratiques récurrents auxquelles ces sociétés sont communément confrontées. Il est un fait que l’institution scolaire a été un outil puissant d’édification progressive dans les espaces nationaux de sentiments d’appartenance et de loyauté prioritaire à une nation identifiée comme l’horizon de la citoyenneté politique.

Cependant, sous l’effet d’une évolution conjointe de nos sociétés et des pratiques culturelles qu’elles abritent, d’une part, du renouvellement des grilles de lectures élaborées par les sciences sociales pour approcher ces pratiques et ces discours (en histoire, en sciences de l’éducation, en sociologie ou en science politique), d’autre part, les évolutions des pratiques de la démocratie et de la citoyenneté dans le champ de l’éducation suscitent des lectures plus relationnelles des dynamiques culturelles, historiques et sociales en cours dans nos sociétés à la fois fragmentées et reliées entre elle dans cette condition.

Si le mouvement de mondialisation de l’éducation n’est pas nouveau, la période est marquée par l’accélération d’un processus entamé dans un premier mouvement d’organisation des États modernes par le contrôle de l’éducation. L’expansion mondiale de l’éducation scolaire, liée de façon organique à l’édification des États-nations, a en effet constitué l’étape indispensable à ←7 | 8→l’épanouissement d’une économie mondialisée (Meyer et Ramirez 2000 ; Teodoro 2007). La deuxième moitié du XXe siècle aura ainsi vu s’imposer l’État national territorial comme modèle de régulation et de gouvernement des sociétés, de leur économie, de leur éducation, et, dans le même temps et selon une logique qui ne fut pas étrangère à l’édification des Etats-nations eux-mêmes, d’intégration de ces territoires dans de plus vastes qu’eux : les organisations internationales. La mondialisation exprime ainsi une sorte d’accélération de l’histoire, mais ne revêt pas un caractère original ou émergent.

Le lien entre mondialisation, éducation et citoyenneté est lié au lent processus d’imposition de l’Etat-nation souverain, et à son dépassement contemporain, voire sa décomposition. La mondialisation procède ainsi de l’amplification d’un lent processus de maîtrise de l’espace et du temps construit par la modernité, notamment par l’intégration de territoires dans une entité territoriale plus grande souveraine, amplification doublée d’un accroissement de l’interdépendance et de « théâtres sociaux » (Giddens 1994 : 27), qui tendent à se rapprocher en termes de configurations sociales.

Ce dépassement est, en matière d’éducation, à relier aux difficultés des écoles nationales à réaliser le programme institutionnel qui leur avait été assigné, à savoir la démocratisation des systèmes d’enseignement et un accès équitable aux diplômes et aux positions sociales auxquelles ceux-ci préparent. L’effritement de cet idéal égalitaire et l’échec mesuré de l’éducation scolaire à promouvoir ce projet ont entraîné un double mouvement de dévolution des politiques éducatives vers le niveau local, couplé avec une centralisation forte de politiques éducatives articulant impulsion, responsabilisation et contrôle, soutenues par un renforcement des évaluations à tous les niveaux des systèmes, et notamment au niveau international (Rizvi et Lingard 2010).

Si la mondialisation désigne un puissant mouvement de diffusion internationale d’informations, d’idées et de modèles dont les vertus opératoires et la circulation sont assurées par la combinaison de réseaux communicationnels, institutionnels, politiques, scientifiques, sa compréhension contraint toutefois à ne pas naturaliser le phénomène mais à considérer qu’il abrite invariablement des instances de production, et impliquent donc une approche politique (Bourdieu 2002). L’idée selon laquelle la mondialisation se signalerait notamment par un flux inédit de population conduisant à une hybridation sans précédent de nos sociétés sur le plan ethnique, culturel ou religieux, doit être considérée avec une égale prudence. Bien des auteurs ont bien montré comment les échanges culturels producteurs du fameux « métissage culturel », qui serait l’un des effets majeurs de la mondialisation, précède non seulement ce phénomène mais aussi ←8 | 9→l’avènement de l’État-nation : l’État moderne a canalisé et orienté ces échanges et cette diffusion, mais ne l’a pas interrompu (Wieviorka 2001).

Dans un nouvel « âge des extrêmes » (Christodoulou & Szakács 2018), l’hypermondialisation semble provoquer des tensions aigües dans nos sociétés, entre la poussée vers des démocraties cosmopolites et un repli national ou régional, tensions qui mettent nos écosystèmes démocratiques à l’épreuve (Mounk 2018). Si les ressorts de ce qui fragmente nos sociétés sont identifiés, en lien avec l’accroissement des inégalités sociales, économiques, territoriales, il est de plus en plus malaisé d’énoncer ce qui unit, ce qui fonde un nous par rapport auxquels situer son identité et, au final, faire société.

Cet ouvrage offre une panoplie de regards analytiques sur le processus de mondialisation de l’éducation sous l’angle de la gestion des identités, de la diversité et de promotion de la citoyenneté : sous quelles formes héritées ou construites ? Pour quels espaces, quelles échelles et pour quelles communautés imaginées ? Par quelles instances de production et de régulation ? Telles sont les questions qui sont au cœur de cet ouvrage, qui concentre son propos sur les dimensions sociale, culturelle et politique de l’éducation et de la promotion d’un bien commun.

Les œuvres d’intellectuels comme Hanna Arendt (1958), Paulo Freire (1985), Paul Ricœur (1990), plus récemment Hartmut Rosa (2015, 2019), embrassent cette question du bien commun et de la vie bonne (en tant que forme de vie définie collectivement et exprimée dans des institutions démocratiques), poursuivant ainsi un idéal d’unité dans la diversité de l’être humain en tant qu’humanité (e pluribus unum). Sur ce plan, la sociologie de Ferdinand Tönnies (1887 [2002]) a établi une distinction fondamentale. Avec les notions de Gemeinschaft (communauté) et de Gesellschaft (société), Tönnies a avancé des embrayeurs conceptuels permettant de saisir le processus de modernisation et la façon dont les formes de vie sociale modernes diffèrent des formes prémodernes. Les premières formes de vie sociale seraient plus « collectives », c’est-à-dire fondées sur des liens traditionnels de solidarité et se caractérisant par une emprise plus forte sur les personnes, quand les secondes seraient plus « sociétales », se signalant par des engagements contractuels librement convenus, plutôt qu’hérités. Herbert Spencer (1898 [1876]), et plus tard Max Weber (1921), ont avancé sur ce terrain en opposant la « communalisation » [Vergemeinschaftung] à la « sociation » [Vergesellschaftung].

D’autres fondateurs de l’intelligence du social et de la société comme Émile Durkheim (1893) ont proposé une dichotomie entre solidarité « mécanique » et « organique », tandis qu’un autre pionnier, Georg Simmel, dans son essai sur La métropole et la vie mentale (Simmel, 1950), oppose « sentiments et relations ←9 | 10→émotionnelles » [das Gemüt und gefühlsmäßige Beziehungen] et « caractère intellectuel » [der intellektualistische Charakter]. Si les penseurs allemands (Tönnies, Weber, Simmel) sont pessimistes quant aux effets d’un processus qu’ils jugent cependant inévitable, Durkheim, dans sa Division du travail (1893), est plus optimiste, soulignant la manière dont la société moderne donne naissance à une nouvelle forme de solidarité, qui n’est pas « mécanique » mais « organique », non seulement « froide » et contractuelle, mais qui ne peut émerger que par des processus ascendants – c’est-à-dire des processus de solidarisation qui se produisent dans les relations sociales et qui peuvent alors prendre la forme de contrats. Pour Durkheim, le contrat en lui-même ne peut pas construire une solidarité sociale, mais vient plutôt après et en tant qu’expression d’une solidarité sociale qui lui préexiste.

Partant de cette distinction sociologique, nous nous demandons dans quelle mesure nous assistons à une rupture de cette tension – que l’on pourrait interpréter métaphoriquement comme un dialogue – entre la communauté et la société. La ou les communautés deviendraient en somme plus isolées ou balkanisées, et la société plus fragmentée, conduisant à la fin du « dialogue », à la dissolution de la cohésion sociétale, et la recomposition de la citoyenneté, de la solidarité, tout en suscitant la tendance croissante au tribalisme et au sectarisme.

De nouveaux enjeux de connaissance se font jour à la faveur de ce mouvement. D’où l’exigence de prendre en compte, d’une part, l’intensification de la circulation de la culture et l’influence réciproque entre des contextes éducatifs éloignés, aboutissant moins à une improbable uniformisation transnationale des modèles sociaux qu’à des formes singulières d’appropriation par des « communautés interprétatives » de phénomènes convergents (Novoa 1998), et, d’autre part, le besoin corollaire de voir reconnus des espaces identitaires plus restreints que l’espace national (Arnove et Torres 1999). Cet ouvrage veut interroger, dans une perspective comparatiste, comment la notion de citoyenneté circule dans des espaces scolaires et sociaux à l’ère de la mondialisation, et explorer les variations observables et les relations circulaires entre les politiques qui promeuvent ces notions et leur expression en contexte dans les pratiques éducatives.

A l’âge des extrêmes, le dialogue délibératif fructueux entre la Gemeinschaft et la Gesellschaft paraît menacé, potentiellement remplacé par sa polarisation, avec un découplage entre des institutions sociétales formelles (apparemment plus éloignées et incapables de répondre aux besoins d’individus fragmentés) et des processus communautaires, qui prennent de plus en plus la forme de communautés isolées et non d’un monde ouvert à la délibération et la rationalité de ←10 | 11→la communication, si l’on suit Habermas. Le couple n’apparaît en somme plus marqué par des relations de résonance, comme le défend Hartmut Rosa (2019), mais par des relations de défiance et d’opposition.

Considérer le dialogue comme un processus de signification et de valorisation négocié dans des espaces démocratiques est à relier à une métathéorie des valeurs morales et de leur capacité à être justifiées, partagées, généralisées (Burbules, 1993), ce qui interroge frontalement tout projet de formation citoyenne. Les tensions ou les crises de sens provoquées par la mondialisation font en effet craindre une ingouvernabilité des sociétés démocratiques, affectant la légitimité des élites, fragmentant les sociétés et les peuples et conduisant au triomphe de la rationalité instrumentale et de sa figure politique contemporaine, le néolibéralisme, lui-même défié par le néo-populisme et les récits concurrents des extrêmes (Sedgwick, 2019).

L’étude des phénomènes de mondialisation et de leurs effets appelle une interrogation prioritaire des ressorts de ces politiques autant que des sources et des acteurs producteurs de ces normes transnationales, leurs interactions et les modes d’appropriation de ces transformations. Sur ce plan, l’effritement de l’idéal démocratique de l’éducation scolaire, qui est un ressort décisif pour comprendre les politiques contemporaines de mondialisation en direction de l’éducation, se double d’une contrainte forte pour les nations, ancienne mais en voie d’exacerbation : celle de rendre compétitifs les systèmes éducatifs au niveau international.

La mondialisation appelle les systèmes nationaux à une transformation de leur mode d’administration, dans le sens d’une rationalité technique dans un souci d’optimisation de leurs performances, au risque d’un assèchement de la « rationalité en valeurs » [Wertrationalität], que Weber (1922) a opposé à la « rationalité instrumentale » [Zweckrationalität]. Dans le contexte de la mondialisation de l’éducation, l’ouvrage interroge les transformations, ruptures et continuités des discours et pratiques référées à la notion de citoyenneté et aux formes qu’elle prend selon les contextes éducatifs, sociaux et culturels. La convergence des préoccupations de rendement des systèmes éducatifs nationaux a été analysée par Boli et al. (1997), qui développent la thèse selon laquelle les systèmes éducatifs nationaux anticipent la convergence des contextes économiques dans lesquels ils s’insèrent bien plus qu’ils ne la subissent. La promotion de la théorie du capital humain dans les années soixante a été décisive dans l’orientation des politiques éducatives nationales vers la préoccupation commune de faire évoluer les systèmes éducatifs nationaux dans le sens d’une formation de futurs salariés économiquement compétitifs. Ce nouveau consensus éducatif, soutenu par un discours planétaire et un lexique structurant les ←11 | 12→contenus et des réseaux institutionnels en assurant la diffusion (Fejes 2006, Rivzi & Lingard 2006 ; Resnik et al. 2008), est caractérisé par le renouvellement du lien entre l’éducation et l’économie.

L’ensemble de ces transformations se réalise donc en partie sous l’effet de l’intégration dans des ensembles politiques supranationaux et de la diffusion de principes organisationnels et de référentiels transnationaux communs en matière scolaire, générant une certaine convergence formelle des cadres de régulation de l’école. Mais il se réalise aussi sous l’effet de transformations internes des systèmes et de l’action éducative. Au cours des dernières décennies en effet, les systèmes éducatifs ont été travaillés par de profondes transformations qui produisent des effets sur les évolutions contemporaines des objets de savoir, des contenus et des formes d’enseignement : passage d’un enseignement élitiste à un enseignement de masse, diversification des publics et des contextes d’enseignement, émergence d’une demande de participation sociale. Simultanément, elles ont des effets sur les inégalités en éducation, l’apparition ou la redéfinition de problèmes sociaux tels que la déscolarisation ou encore la violence à l’école.

La mondialisation et la fragmentation qui l’accompagne, exprimant la dualité propre à cette compression de l’espace et du temps qui a produit le néologisme de glocalisation (Robertson 1995), participent d’un même processus d’étirement des cadres spatio-temporels construits par la modernité, dont l’État-nation constituait un des piliers. Les pressions qui pèsent sur les systèmes éducatifs convergent, mais ne donnent pas lieu pour autant à une homogénéisation des solutions mises en œuvre, et ce malgré la congruence des réformes adoptés. Les sociétés nationales, dans ce contexte de circulation, d’échanges, de contraintes et d’emprunts accrus, contexte qui ouvre la voie à diverses formes et différents rythmes d’hybridation des sociétés, sont appelées à reformuler leur projet d’éducation démocratique et citoyenne, du fait de ces phénomènes de circulation, mais aussi parce qu’elles ne constituent plus l’horizon exclusif ou ultime de référence pour les individus qui les composent, eux-mêmes tendus entre différents espaces et horizons d’accomplissement et de reconnaissance.

Cette recomposition affecte les identités, les espaces de reconnaissance et d’appartenance, et au final interroge les enjeux de citoyenneté. Les univers éducatifs et scolaires se trouvent aujourd’hui placés au cœur d’une série de tensions, entendues comme ensemble de forces parfois contradictoires entre les niveaux local, national et global, entre les permanences héritées du passé et les exigences de la modernité, entre les injonctions de modernisation et de changement et les pratiques éducatives ordinaires. Dans la plupart des contextes nationaux, ces transformations produisent des effets sur les mondes scolaires à de multiples ←12 | 13→niveaux : les curricula, les objets de savoirs et les contenus d’enseignement, l’organisation du travail et du temps de l’éducation, de ses objectifs de préparation à la vie professionnelle et/ou de promotion d’une citoyenneté active.

En suivant une approche comparatiste et transnationale, ce volume entend éclairer les processus de médiation et d’hybridation à l’œuvre dans différents contextes nationaux d’éducation, à travers l’analyse des jeux d’acteurs qui introduisent de la diversité au-delà d’une apparente homogénéisation internationale dans une éducation mondialisée. Dans une perspective d’histoire croisée, il interroge les configurations sociétales en étant attentif aux phénomènes de circulation et transfert entre des contextes sociaux et culturels parfois éloignés (Werner et Zimmermann 2004). Il rassemble des études qui mettent au jour les diversités nationales, régionales et locales qui s’expriment en creux d’un mouvement global de convergence formelle des systèmes éducatifs.

L’ouvrage est organisé en trois parties. Différentes disciplines sont mobilisées : les sciences de l’éducation, la science politique, la sociologie, l’histoire, l’anthropologie. La première partie rassemble des contributions dessinant une perspective historique et politique, en interrogeant les formes culturelles, les variations et les adaptations de l’idée de citoyenneté dans le temps, dans l’espace et sur les territoires de l’éducation.

Evelyne Jadot et Marie Verhoeven s’intéressent aux traductions locales et aux tensions culturelles dans la construction d’une communauté politique, dans le cadre l’éducation à la citoyenneté dans des établissements secondaires belges francophones. Sur la base d’une enquête collaborative et ethnographique d’une année menée dans trois établissements secondaires, sont mises en lumière les continuités et les variations observables dans les traductions locales en matière d’éducation à la citoyenneté, notamment à travers des formes distinctives de développement de capacités citoyennes. Sont éclairés en outre les défis propres aux dimensions culturelles de la construction d’une communauté politique, dans les contextes d’établissements scolaires contrastés sur le plan social, mettant en évidence la tension récurrente à l’œuvre dans les institutions éducatives entre une conception verticale, universaliste et impositive des valeurs et le relativisme propre à la reconnaissance de toutes les formes d’expression culturelle.

Bruno Garnier explore ensuite les enjeux de territorialisation des politiques nationales d’éducation dans le projet de construction de la citoyenneté par l’école. Partant du postulat selon lequel l’éducation de l’enfant et du citoyen en devenir ne saurait en principe être ignoré ou nié dans son ancrage premier à des territoires réels ou symboliques qui concourent à la construction de son identité, ce chapitre questionne la place à donner non seulement en principes mais en actes aux territoires vécus par les élèves, si l’on veut bien concevoir que ←13 | 14→toute visée d’universel en éducation ne saurait se bâtir dans une pleine indifférence aux différences qui composent les lieux où se déploie l’œuvre d’éducation.

Dans une perspective sociohistorique, politique et comparatiste, Maylis Ferry explore le lest national des débats publics sur l’enseignement de l’histoire en France et en Angleterre, en s’intéressant au débat public portant sur l’enseignement de l’histoire, éclairant de façon contrastive les conceptions de la citoyenneté promues par les sociétés au travers de l’enseignement scolaire. Sur la base d’un corpus documentaire pluriel, Maylis Ferry montre comment, loin de concourir à la promotion d’une citoyenneté universelle ou mondiale, les débats publics nationaux sur l’enseignement de l’histoire promeuvent en réalité une conception nationalocentrée de l’histoire enseignée, et sont « lestés d’un nationalisme banal ».

La contribution de Maria Lucenti analyse enfin de façon comparative la représentation de l’autre dans les manuels scolaires en Italie et Tunisie. Elle examine les formes contrastées d’ancrage identitaire, d’édification d’un « nous » en même temps que des altérités, et éclaire sur la base d’un corpus de manuels, les modalités singulières de construction d’un récit historique, en interrogeant les conceptions de la citoyenneté véhiculée par les manuels scolaires dans les deux pays.

La deuxième partie de l’ouvrage explore sur différentes scènes culturelles les conditions et les formes de construction, d’expression et d’affirmation de la citoyenneté dans l’espace scolaire, selon des points de vue anthropologique, sociologique et historique.

Dans leur contribution, Loïc de la Croix, Maguy Moravie et Fabien Sabatier explorent, dans une perspective d’anthropologie comparée, les cultures physiques traditionnelles basques et martiniquaises, mettant en tension, à travers ces deux analyseurs, les formes de transmission d’un bien commun, la place accordée aux cultures minoritaires – leur reconnaissance, leur affirmation ou au contraire leur ignorance et leur déni – dans le cadre d’objectifs d’intégration citoyenne et universelle, interrogeant au final les enjeux d’une indexation culturelle des pratiques éducatives et d’enseignement dans une visée de construction d’une citoyenneté active.

Sylvie Condette explore ensuite les conceptions et les perceptions de la citoyenneté à l’école, dans une perspective d’éducation comparée franco-anglaise et en mettant en perspective sur le plan programmatique et curriculaire d’une part, sur le plan du vécu des élèves d’autre part, les variations observables mais aussi les difficultés communes observables dans les formes construites et éprouvées de l’éducation à la citoyenneté dans les écoles anglaises et françaises. L’étude qualitative menée sur deux années dans les écoles permet d’éclairer, ←14 | 15→au-delà de conceptions qui séparent en principe les deux pays dans leur approche de la citoyenneté, des vécus sensibles de son exercice, par les élèves, qui révèlent des similitudes et des variations dans la nature, le contenu et l’expérience vive de l’éducation à la citoyenneté en milieu scolaire.

Résumé des informations

Pages
270
Année de publication
2020
ISBN (PDF)
9783631823989
ISBN (ePUB)
9783631823996
ISBN (MOBI)
9783631824009
ISBN (Relié)
9783631823842
DOI
10.3726/b17206
Langue
français
Date de parution
2020 (Novembre)
Mots clés
mondialisation cultures éducation école citoyenneté
Page::Commons::BibliographicRemarkPublished
Berlin, Bern, Bruxelles, New York, Oxford, Warszawa, Wien, 2020. 270 p., 5 tabl.

Notes biographiques

Régis Malet (Éditeur de volume) Bruno Garnier (Éditeur de volume)

Régis Malet est membre senior de l’Institut Universitaire de France, professeur à l’université de Bordeaux et chercheur titulaire au Laboratoire Cultures, Education, Sociétés - LACES EA7437. Ses domaines de recherche sont l’éducation comparée, l’analyse des politiques éducatives, la formation des enseignants, l’inclusion sociale et l’éducation à la citoyenneté. Bruno Garnier est professeur à l’université de Corse et chercheur titulaire à l’UMR CNRS LISA 6240 (France) et au CRIFPE de Montréal (Canada). Il étudie les enjeux des politiques de l’éducation à l’heure de la mondialisation après avoir travaillé sur l’histoire de la démocratisation de l’enseignement.

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