Une mythologie onusienne ?
Généalogie textuelle des droits humains relatifs aux femmes et aux religions
Summary
Partant du Discours sur les quatre libertés de Roosevelt en 1941 jusqu’aux Objectifs de développement durable en 2015, l’étude s’articule autour des principaux jalons du système onusien : émergence de l’Organisation des Nations unies, construction des droits humains, façonnement des droits relatifs aux femmes, façonnement des droits relatifs aux religions, et renouvellement des droits humains.
Excerpt
Table Of Contents
- Couverture
- Page de titre
- Droit d'auteur
- Sommaire
- Avant-propos
- Résumé
- Liste des abréviations
- Liste des extraits
- Liste des figures
- Liste des tableaux
- Introduction
- Concepts, méthode, approche
- Organisation de l’ouvrage
- I. L’émergence du système onusien
- A. Le Discours des quatre libertés (1941)
- B. La Charte de l’Atlantique (1941) et la Déclaration des Nations unies (1942)
- C. Les Accords de Bretton Woods (1944)
- D. La Charte des Nations unies (1945)
- II. La construction des droits humains
- A. La Déclaration universelle des droits de l’homme (1948)
- 1) Le premier débat : la dimension universelle des valeurs fondamentales (préambule et article premier)
- 2) Le deuxième débat : le droit à la vie (art. 3)
- 3) Le troisième débat : le droit de la famille (art. 16)
- 4) Le dernier débat : le droit à la liberté de religion (art. 18)
- B. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (1966) ainsi que le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (1966)
- 1) La question de l’égalité, des femmes et de la famille
- 2) La question de la religion et de l’expression
- 3) La question des peuples et des minorités
- III. Le façonnement des droits humains des femmes
- A. La Déclaration sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (1967)
- B. La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (1979)
- C. La Déclaration sur l’élimination de la violence envers les femmes (1993)
- D. Les résolutions sur les pratiques culturelles ou religieuses nuisibles aux femmes : le cas du crime d’honneur (2000 et 2002)
- IV. Le façonnement des droits humains relatifs aux religions
- A. La Déclaration sur l’élimination de toutes les formes d’intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction (1981)
- B. Les résolutions sur la diffamation des religions (1999–2010)
- C. Les résolutions sur l’incitation à la haine religieuse (2011–2023)
- V. Le renouvellement des droits humains
- A. La Déclaration sur les objectifs de développement durable (2015)
- 1) L’Objectif 16
- Conclusion
- L’estrange mythologie onusienne
- La reproduction bioculturelle : les femmes
- La reproduction bioculturelle : les religions
- Les trois systèmes métanormatifs
- Postface de Nicolas Levrat
- Bibliographie
Une mythologie onusienne ?
Généalogie textuelle des droits humains relatifs aux femmes et aux religions

Lausanne · Berlin · Bruxelles · Chennai · New York · Oxford
Information bibliographique publiée par « Die Deutsche Nationalbibliothek »
« Die Deutsche Nationalbibliothek » répertorie cette publication dans la « Deutsche Nationalbibliografie » ; les données bibliographiques détaill-ées sont disponibles sur Internet sous ‹http://dnb.d-nb.de›.
Correction: Céline Richardet
L’étape préparatoire de cette publication en ligne a été soutenue par la Branco Weiss Fellowship, la Société suisse de sciences des religions, le Global Studies Institute et le Fonds général de l’Université de Genève. Publié avec le soutien du Fonds national suisse de la recherche scientifique.

ISBN 978-3-0343-5581-0 br
E-ISBN 978-3-0343-5786-9 eBook
E-ISBN 978-3-0343-5787-6 ePub
DOI 10.3726/b22815

Open Access: Cette œuvre est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution 4.0 (CC-BY).
Pour consulter une copie de cette licence, visitez le site internet https://creativecommons.org/licenses/by/4.0/
© Aurore Schwab 2025
Publié par Peter Lang Group AG, Lausanne, Suisse
info@peterlang.com www.peterlang.com
Cette publication a fait l’objet d’une évaluation par les pairs.
Sommaire
I. L’émergence du système onusien
A. Le Discours des quatre libertés (1941)
B. La Charte de l’Atlantique (1941) et la Déclaration des Nations unies (1942)
C. Les Accords de Bretton Woods (1944)
D. La Charte des Nations unies (1945)
II. La construction des droits humains
A. La Déclaration universelle des droits de l’homme (1948)
2) Le deuxième débat : le droit à la vie (art. 3)
3) Le troisième débat : le droit de la famille (art. 16)
4) Le dernier débat : le droit à la liberté de religion (art. 18)
1) La question de l’égalité, des femmes et de la famille
2) La question de la religion et de l’expression
3) La question des peuples et des minorités
III. Le façonnement des droits humains des femmes
A. La Déclaration sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (1967)
C. La Déclaration sur l’élimination de la violence envers les femmes (1993)
IV. Le façonnement des droits humains relatifs aux religions
B. Les résolutions sur la diffamation des religions (1999–2010)
C. Les résolutions sur l’incitation à la haine religieuse (2011–2023)
V. Le renouvellement des droits humains
A. La Déclaration sur les objectifs de développement durable (2015)
L’estrange mythologie onusienne
La reproduction bioculturelle : les femmes
La reproduction bioculturelle : les religions
Avant-propos
Le champ des connaissances légitimes – la science – se structure au sein des universités modernes depuis le XVIIIe siècle autour de disciplines académiques. Si les échanges de connaissances entre les disciplines ont toujours existé grâce à l’engagement de certain-e-s savant-e-s, les questions posées et les réponses cherchées pour faire face aux problèmes urgents de la planète, de l’environnement et des sociétés humaines sont limitées, depuis le dernier quart du XXe siècle, par un manque de structures interdisciplinaires. Alors que l’interdisciplinarité est devenue une priorité des politiques scientifiques issues des organismes de financement de la recherche aux niveaux national, régional et international, les collaborations interdisciplinaires restent confinées dans des espaces et des temps universitaires en marge des disciplines académiques. Cet ouvrage vise à restituer, par une invitation au voyage interdisciplinaire, l’existence de ces territoires aux limites de deux disciplines : le droit et l’anthropologie.
Les confins, dans un sens figuré et non littéral, renvoient aux limites de la pensée, c’est-à-dire à des territoires qui ne sont, en fait, pas très éloignés mais qui, pourtant, se pensent distants car ils n’optent pas pour le même centre disciplinaire. Loin d’une forme « d’ethnocentrisme disciplinaire », les territoires limitrophes de la pensée scientifique concernent les discours sur l’altérité et sont rendus visibles par la comparaison, c’est-à-dire par la reconnaissance de similitudes et de différences. Si une image déformée de l’Autre n’est pas toujours évitable dans l’exercice comparatiste, la comparaison implicite ou explicite permet un regard critique de toute tradition disciplinaire qui consiste, trop souvent, à rapporter les conceptions des prédécesseurs en restant indifférent à leurs méprises ou inexactitudes. La tradition interdisciplinaire émergente dans laquelle nous nous situons1 cherche non seulement à adapter des motifs passés à des critères présents, mais également à produire une combinaison nouvelle d’éléments anciens issus de diverses disciplines.
Si l’anthropologie se fonde, dès ses origines, sur l’étude des différentes communautés humaines à travers le monde, les sciences juridiques déploient le rapport à l’Autre principalement à travers le droit comparé. Ainsi, le droit international public s’empare du droit comparé pour dégager les « principes généraux communs aux nations [dites] civilisées »2 alors que le droit international privé s’y réfère pour résoudre des conflits de lois. A l’ère de la gouvernance globale, c’est-à-dire dans les espaces de décisions qui traversent les échelles de gouvernance locale, nationale et internationale, s’intéresser aux territoires peu explorés au croisement du droit et de l’anthropologie engage à porter un regard curieux et critique sur les dynamiques contemporaines. Dans cet interchamp, parler de « mythologie onusienne » enjoint immédiatement le lectorat francophone à un décentrement. Emprunter la voie de l’estrangement3, c’est-à-dire défamiliariser un objet pour mieux l’étudier, permet de franchir sans les nier, dans les deux sens, les frontières disciplinaires. Cet exercice audacieux (ou périlleux) nécessite des capacités de coopération en vue d’un but commun, soit la trouvaille de nouvelles et précieuses connaissances qui peuvent éclairer les problèmes urgents auxquels les sociétés et communautés humaines sont confrontées aujourd’hui. Il s’agit ainsi de favoriser une science de l’espoir qui subordonne l’esprit de compétition aux actions de coopération et d’émulation. Cela permet de contribuer, modestement, à la métamorphose des groupes humains en précisant les besoins et les volontés de différents acteurs.
Extrait 1 : l’estrangement pour Carlo Ginzburg
Je m’arrêterai sur quelques exemples, en commençant par un célèbre texte de Montaigne. Ce dernier connaissait sûrement le Marc Aurèle de Guevara, l’un des ouvrages favoris de son père. Dans l’essai ‘Des cannibales’, Montaigne parle avec une stupeur incrédule des récits sur les indigènes brésiliens, dont la vie pacifique et innocente semble ressusciter le mythe antique de l’âge d’or. Mais la fin de l’essai ramène brusquement le lecteur en Europe. Montaigne raconte en effet l’histoire de trois indigènes brésiliens transportés en France. Quand on leur demanda ce qui les avait le plus frappés, ils mentionnèrent deux faits : d’abord et surtout, que des individus adultes et armés (les gardes suisses) obéissent à un enfant (le roi de France) au lieu de prendre l’un des leurs pour chef ; ensuite (dans leur manière de parler, explique Montaigne), ils disent de certains hommes qu’ils sont la ‘moitié’ des autres :
‘Ils avaient aperçu qu’il y avait parmi nous des hommes pleins et gorgés de toutes sortes de commodités, et que leurs moitiés étaient mendiant à leurs portes, décharnées de faim et de pauvreté ; et trouvaient étrange comme ces moitiés ici nécessiteuses pouvaient souffrir une telle injustice, qu’ils ne prissent les autres à la gorge, ou missent le feu à leurs maisons [Michel de Montaigne, Essais, Edition J. Thibaudet, 1950 [1580–1588], p. 253, II, II, ‘De l’yvrongnerie’].’
[…]
L’éclaircissement de ce dernier point me porterait loin. Je préfère ici en souligner un autre, qui touche de plus près mon métier d’historien. L’estrangement me semble susceptible de constituer un antidote efficace à un risque qui nous guette tous : celui de tenir la réalité (nous compris) pour sûre. Les implications antipositivistes d’une telle observation sont évidentes. Mais en soulignant les enjeux cognitifs de l’estrangement, je voudrais m’opposer aussi avec la plus grande clarté à certaines théories en vogue, qui tendent à brouiller jusqu’à les rendre indistinctes les frontières entre l’histoire et la fiction. Une telle confusion aurait été rejetée par Proust lui-même. Lorsqu’il écrivait que la guerre pouvait être racontée comme un roman, Proust n’entendait nullement exalter le roman historique ; il voulait suggérer au contraire que les historiens comme les romanciers (ou les peintres) étaient animés par une même faim de connaissance. Je partage pleinement ce point de vue. Pour décrire le projet historiographique dans lequel je me reconnais personnellement, je reprendrai en la modifiant légèrement une phrase de Proust […] ‘A supposer que l’histoire soit scientifique, encore faudrait-il la peindre comme Elstir peignait la mer, par l’autre sens.’
Dans son essai intitulé « L’estrangement », in : A distance : neuf essais sur le point de vue en histoire, Gallimard, Paris, 2001 [1998], p. 15–36, l’historien Carlo Ginzburg s’intéresse à la faculté de défamiliariser un objet pour mieux l’étudier. D’abord, il s’intéresse à l’estrangement comme procédé littéraire visant à créer une distance par rapport à la réalité, à dépasser les apparences et, ainsi, à saisir une vérité plus profonde. Ce procédé littéraire, notamment employé par l’empereur philosophe stoïcien Marc Aurèle, par Montaigne et par Tolstoï, peut être utilisé comme un instrument de questionnement ou même de délégitimation politique, sociale et religieuse. Enfin, Carlo Ginzburg s’intéresse à l’estrangement comme procédé artistique et esthétique en observant les œuvres de Marcel Proust. Dans ce sens, la réalité est regardée comme une devinette, soit une chose dépourvue de signification, une chose qu’il s’agit de comprendre. En rejoignant le critique russe Victor Chklovski qui considère que l’estrangement est un moyen pour lutter contre l’automatisme de nos perceptions et de nos attitudes, Carlo Ginzburg poursuit en concevant l’estrangement comme un procédé historiographique qui permet d’éviter de tenir la réalité pour sûre.
Source : C. Ginzburg, « L’estrangement », in : A distance : neuf essais sur le point de vue en histoire, Gallimard, 2001 [1998], p. 26 et p. 36.
Details
- Pages
- 296
- Publication Year
- 2025
- ISBN (PDF)
- 9783034357869
- ISBN (ePUB)
- 9783034357876
- ISBN (Softcover)
- 9783034355810
- DOI
- 10.3726/b22815
- Open Access
- CC-BY
- Language
- French
- Publication date
- 2025 (April)
- Keywords
- Interdisciplinarité Multilatéralisme Globalisation Justice Performativité Bioculture Estrangement Développement durable Normes Droits des femmes Droits humains Discours Organisation des Nations Unies Religion Mythologie
- Published
- Lausanne, Berlin, Bruxelles, Chennai, New York, Oxford, 2025. 296 p., 3 ill. en couleurs, 6 ill. n/b
- Product Safety
- Peter Lang Group AG