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Analyse sémantique des prédicats de communication

Production et interprétation des signes- Emplois de communication non verbale

de Izabela Pozierak-Trybisz (Auteur)
©2015 Monographies 256 Pages

Résumé

Le livre présente une analyse sémantique des prédicats dits ‘de communication’ dans leurs emplois de communication non verbale : la communication avec soi-même (penser, se dire), le langage du corps (dire, annoncer, avertir, etc.) et la communication par geste, du sens montrer (indiquer, exposer, marquer, etc.). La méthode de recherche employée est la grammaire à base sémantique (l’Ecole polonaise de la sémantique). L’introduction d’éléments du cognitivisme et l’application des classes d’objets – un outil du Taln permettent une description des mécanismes de la création des signes, de leur interprétation par l’homme et de leur incompréhension fréquente dans la traduction automatique.

Table des matières

  • Cover
  • Titre
  • Copyright
  • À propos de l‘auteur
  • À propos du livre
  • Pour référencer cet eBook
  • Table des matières
  • Introduction
  • 1. Objet du livre
  • 2. Communication dans tous ses états
  • 2.1. Exigence d’interdisciplinarité15
  • 2.2. Sciences cognitives
  • 2.3. Linguistique - traîtement automatique des langues naturelles
  • 2.4. Du côté sociologique
  • 3. Questions de sémantique
  • 3.1. Sémantique et syntaxe
  • 3.2. Sémantique et Taln
  • 3.3. Sémantique et Fle
  • 4. Choix du corpus
  • Chapitre I: Méthodologie d’analyse sémantique des prédicats de communication
  • 1. Linguistique cognitiviste
  • 2. Grammaire à base sémantique
  • 3. Exemple d’analyse sémantique
  • 4. Taln – classes d’objets
  • Chapitre II: Définition sémantique du prédicat de communication
  • 1. Communication – définition de dictionnaire
  • 2. Communication – définition sémantique du prédicat
  • 3. Application de la définition: critères d’analyse sémantique des prédicats de communication
  • Chapitre III: Analyses antérieures des prédicats de communication (de parole et de dire) en France et en Pologne
  • 1. Analyse syntaxico-sémantiques des prédicats de communication en France
  • 1.1. Les compléments nominaux du verbe dire (1981) et Les compléments nominaux des verbes de parole (1994) de Giry-Schneider
  • 1.2. Les mots pour le dire: vers la constitution d’une classe de prédicats de Vivès (1998)
  • 1.3. Typologie sémantique des prédicats de parole d’Eshkol (2002)
  • 1.4. Dictionnaire des verbes français de Dubois et Dubois-Charlier (1997/2013)
  • 1.5. Grammaire du sens et de l’expression de Patrick Charaudeau (1992)
  • 2. Analyse sémantico-syntaxique des prédicats de communications en Pologne
  • 2.1. Verbes polonais des processsus d’information de Bojar (1978)
  • 2.2. La syntaxe et la sémantique des verbes de paroles français de Jamrozik (1992)
  • 2.3. Le syntagme nominal abstrait et la cohérence discursive de Muryn (1999)
  • Chapitre IV: Prédicats de communication avec soi-même - interprétation des données du monde extérieur (signaux) - penser (se dire)
  • 1. De la perception au signe et à l’information
  • 2. Des signes naturels aux signes linguistiques
  • 3. Interprétation des données – penser
  • 4. Prédicats d’interprétation des données-signes – dire – verbe de communication136
  • 5. Prédicats d’interprétation des données-signes – d’autres verbes de communication
  • 5.1. Prédicats d’interprétation des données perçues du monde extérieur – ‘assertifs’ au sens figuré151
  • 5.1.1. les emplois de perception et d’interprétation des données comme signe-savoir (imperfectifs) - (faire) savoir
  • 5.1.2. les emplois de perception et d’interprétation des données comme signe-information (imperfectifs et perfectifs) - (faire) comprendre
  • 5.2. Interprétation des données perçues du monde extérieur – ‘directifs’ au sens figuré
  • 5.2.1. les emplois de perception et d’interprétation des données comme signe-savoir (imperfectifs) - (faire) savoir
  • 5.2.2. les emplois de perception et d’interprétation des données comme signe-information (imperfectifs et perfectifs) - (faire) comprendre
  • Chapitre V: Langage du corps
  • 1. Prédicats d’interprétation des données venant de l’intérieur d’un homme à lui-même – ‘assertifs’ au sens figuré
  • 1.1. les emplois de perception et d’interprétation des données comme signe-savoir (imperfectifs) - (faire) savoir
  • 1.2. les emplois de perception et d’interprétation des données comme signe-information (imperfectifs et perfectifs) - (faire) comprendre
  • 2. Prédicats d’interprétation des données venant de l’intérieur d’un homme à lui-même – ‘directifs’ au sens figuré
  • 2.1. les emplois de perception et d’interprétation des données comme signe-savoir (imperfectifs) - (faire) savoir
  • 2.2. les emplois de perception et d’interprétation des données comme signe-information (imperfectifs et perfectifs) - (faire) comprendre
  • 3. Prédicats d’interprétation des données venant du corps d’un homme (interprétées par quelqu’un d’autre)– ‘assertifs’ au sens figurés
  • 3.1. les emplois d’interprétation des données venant du corps d’un homme (interprétées par quelqu’un d’autre) comme signe–savoir (imperfectifs)– (faire) savoir
  • 3.2. les emplois d’interprétation des données venant du corps d’un homme (interprétées par quelqu’un d’autre) comme signe–information (imperfectifs et perfectifs)– (faire) comprendre
  • 4. Prédicats d’interprétation de données venant inconsciement d’un homme (interprétées par quelqu’un d’autre)– ‘directifs’ au sens figuré
  • Chapitre VI: Prédicats de communication par geste – faire voir (montrer)
  • Conclusions
  • Bibliographie

← 12 | 13 → Introduction

1. Objet du livre

Ce livre est le fruit de nos réflexions sur la communication humaine en général et le résultat de nos recherches sémantiques sur la communication verbale en particulier.

Dans cet ouvrage nous présentons nos analyses sémantiques, selon les principes de la syntaxe sémantique (Karolak: 1977; Bogacki, Karolak: 1991; Muryn: 1999; Karolak: 2003; Karolak: 2007) des prédicats que nous appelons de communication et non pas uniquement de parole, car nous étudions les prédicats qui servent à exprimer toutes les formes de la communication humaine, communication non verbale et verbale:

I/ la communication non-verbale(dans ce volume) du type penser/se dire:

a/ la communication avec soi-même – interprétation des données (signaux),

b/ le langage du corps (non intentionel et intentionel),

c/ les gestes intentionnels – du type montrer

II/ la communication verbale du type dire que….., parler de….

Les prédicats de communication verbale strico sensu, du type dire que et parler de, qui sont postérieurs dans la chronologie anthropologique du développement de la communication humaine (et comme ayant été déjà plus souvent traités linguistiquement auparavant) feront l’objet peut-être de notre prochain livre.

Nous ajoutons à chaque phrase de la communication française analysée sa version polonaise pour deux buts pratiques: la didactique du Fle et la traduction (nous y ajoutons également une traduction automatique pour faire voir ses insuffisances et faire ressortir le fait que ce qui manque le plus au Taln, selon nous, c’est une description sémantique détaillée).

Ce livre se veut également une voix dans la discussion concernant deux visions opposées de la langue. Selon la première le langage humain est un outil pour agir dans le monde - décrire la réalité, exprimer nos pensées, transmettre les informations, rester en relation avec autrui (cognitivisme, sémantique, cf. Brożek: 2014:98). La deuxième traite le langage comme une structure arbitraire et centrée sur elle-même où la forme générerait le sens, appelée aussi clôture sémiotique (structuralisme; cf. Bougnoux: 2001: 38-39; Brożek: 2014: 18). Pourtant les recherches ayant comme but des applications pratiques dans Taln, sont séparées, elles aussi, en deux courants: 1/ lister, classer et produire des tableaux (par exemple: LADL, LDI en France) et 2/ insérer aux logiciels les informations encyclopédiques sur la ← 13 | 14 → réalité (Cyc Knowledge Server à partir de 1984, cf. www.cyc.com; Open Mind, WordNet, Human Brain Project, ce dernier financé par l’UE pour créer une simulation numérique du cerveau humain et le grand projet BRAIN – Brain Research through Advancing Innovative Neurotechnologies Initiative aux Etats-Unis, avec un budget de 100 milions de dollars pour seul l’an 2014, pour développer des techniques d’enregistrement des signaux du cerveau, d’après Scientific Americain éd. pol: nr 4 2014) montrent qu’il serait juste de trouver une voie d’unification pour atteindre les résultats visés, car, c’est bien évident, le langage verbal humain ce sont avant tout des sens exprimés dans des formes gramaticalisées.

Notre travail est donc en grande partie une polémique d’un chercheur sémanticien, issue de la tradition de l’Ecole polonaise de la sémantique (Kuryłowicz: 1960, 1987; Bogusławski: 1978; Wierzbicka: 1967, 1985, 1993, 1999; 2006; Bogacki, Karolak: 1991;Banyś:1989; Muryn: 1999; Karolak: 1977, 1989, 2001, 2002, 2007 et d’autres) avec les résultats des travaux basés sur la syntaxe harissienne en France. Nous sommes convaincus que la formulation d’une définition sémantique, comme point de départ d’une analyse d’une unité linguistique, permet d’élaborer ensuite les critères précis selon lesquels les analyses doivent être effectuées. Vue nos expériences de linguiste, de sémanticienne, d’enseignante en Fle, nous ne pouvons pas nous mettre d’accord avec la conviction de Harris qu’il faut faire une distinction entre le sens tel qu’il fonctionne dans la réalité interpersonnelle, sociale, culturelle, historiquement construite (impossible à saisir) et l’information que nous livre la grammaire, en tant qu’elle rend compte des combinaisons des unités (Leeman: 2010: 15). Ce linguiste américain postule donc de ranger le sens («meaning») du côté des discours (….) en tant qu’ils réfèrent et l’«information» du côté de la langue, des possibilités et impossibilités combinatoires décrites par la grammaire (Leeman: ibidem). Cette vision nous paraît une création artificielle d’un hiatus entre la réalité et la langue qui en est sortie et qui est une création majeure et inimitable de l’homme. La langue n’est pas un code simpliste (Popin: 1993), au contraire elle est un code symbolique extrêmement sophistiqué, en 7000 variantes actuelles sur la Terre, dont l’accès aux sens complexes, parfois bien difficile, se fait par des signes très souvent simples. Un vrai hiatus, dû au principe de l’économie communicationnelle des signes linguistiques, est celui qui existe entre le niveau de sens et le niveau de formes. Il n’ y a pas de communication verbale sans inférences, ellipses, sens implicites, métaphores, et d’autres élements de sens de communication langagière qui ne sont pas exprimés d’une façon explicite et les échecs du Taln en sont une preuve scientifique (de science «objective» tant voulue par Harris et ces élèves). D’ailleur le problème de ‘l’imperfection’ du langage humain, vouée pendant des siècles à des essais de correction de la part des philosophes (idée de langage idéal chez Lullus, Leibniz, Frege, Russell, cf. ← 14 | 15 → Brożek: 2014, Eco: 2002) trouve peut-être son explication du côté des sciences exactes: Michał Heller (théologien, philosophe et physicien-cosmologue polonais), trouve, à la base des lois ‘des ensembles dynamiques’ d’ Andronow et de Potriagin, que le langage humain est un ‘ensemble de structures stables’, c’est-à-dire, qu’il résiste bien à de petites perturbations (d’après Brożek: 2014: 42). Ainsi la communication verbale est possible malgré des fautes de grammaire et des imprécisions sémantiques, car, selon Heller, chaque expression est dotée d’un faisceau de significations qui s’actualisent dans un contexte donné (d’après Brożek, ibidem: 44). Ce constat nous parait bien intéressant, car il expliquerait effectivement la nécessité de la souplesse du langage dans la réalité dynamique. Comprenant ceci, nous pouvons donc affirmer pleinement le génie linguistique de l’homme (en accord avec les lois générales de la nature) au lieu de nous acharner à décrire le langage d’une façon quasi mathématique et numérique (les logiciels du Taln), mais en même temps, rien ne nous empêche de scruter les sens pour apprendre à les interpréter précisément dans chaque situation de communication. Tout comme dans les sciences exactes, la physique par exemple, où on étudie les particules élémentaires pour découvrir et comprendre les mécanismes qui règnent dans nos dimensions ‘macro’. Ainsi l’analyse des configurations d‘atomes’ ou de ‘molécules’ de sens (terme très à la mode actuellement) nous permettrait de comprendre les contraintes sémantiques qui structurent nos discours.

Nous ne cachons pas non plus notre amour pour la didactique et pour la popularisation de la linguistique: nous avons essayé d’exprimer nos points de vues sémantiques de la façon la plus claire possible pour faciliter la lecture de cet ouvrage également à des personnes peu initiées à cette problématique.

2. Communication dans tous ses états

2.1. Exigence d’interdisciplinarité

Comme l’a dit Durand en 1981 déjà: Tout le monde parle aujour d’hui de «communication». Les linguistes et les sémiologues, les psychologues et les psychothérapeutes, les publicitaires et les informaticiens. Mais il n est pas certain qu’elle ait pour tous le même sens (Durand: 1981: XV).

Nos analyses linguistiques, sémantiques et syntaxiques, des prédicats de communication se veulent ancrées dans de récentes recherches des sciences de communication en général, dans leurs aspects anthropologiques, biologiques, sociologiques et technologiques. Selon nous, un tel fond historique et ‘génétique’ de la communication humaine permet de mieux comprendre les analyses linguistiques d’emplois des prédicats de communication, des prédicats dont nous nous servons pour transmettre nos informations et notre savoir.

← 15 | 16 → Le savoir qui nous vient justement de l’interdisciplinarité des sciences des communications fournit des preuves que l’homme était un être pensant avant d’élaborer des moyens, des codes (gestuel - 70% de nos communications sont constituées par la communication non-verbale; picturales – les dessins rupestres et la création des écritures pictographiques ont ouvert la voie à l’écriture alphabétique) pour pouvoir partager ses pensées avec l’autre (cf. Jonsher: 1999; Bougnoux: 2001; Aitchison: 2002; Frutiger: 2005; Kuckenburg: 2006; Gleick: 2012; Eco: 2012 et d’autres).

Selon nous, l’interdiciplinarité méthodologique dans la recherche linguistique sur la communication n’est pas une entrave. Au contraire, ouvrir nos horizons aux apports des méthodologies apparentées assurerait une image plus complète, plus vraie du domaine exploré.

2.2. Sciences cognitives

Le développément des sciences cognitives dans les dernières décennies a comme source un besoin urgent de comprendre (pour le développément et le progrès des sciences sur l’homme en général et pour les besoins du numérique en particulier– p.ex. AI – Shannon: 1948, Turing: 1950 et d’autres) comment fonctionne le cerveau humain, ce que c’est qu’une pensée, comment fonctionne notre perception du monde, nos catégorisations de l’Univers, quels sont les mécanismes d’interprétation des données naturelles et linguistiques et, finalement, comment se constitue notre savoir (Jonsher: 1999; Bougnoux: 2001; Aitchison: 2002; Frutiger: 2005; Kuckenburg: 2006; Gleick: 2012; Eco: 2012, Gut: 2009; Hohol: 2013; Brożek: 2014) et, finalement, quels sont les mécanismes qui nous assureraient la communication efficace des données, des informations. Pour quelqu’un qui s’intéresse à la problématique du sens et qui mène des analyses sémantiques, ces questions se posent comme essentielles pour pouvoir comprendre les origines et les mécanismes du langage humain. Or, le cognitivisme en général et la linguistique cognitiviste en particulier étudient les rapports entre la cognition et le langage, pour pouvoir répondre aux questions suivantes:

1. Quelles est la relation entre ce que l’homme perçoit et ce qu’il dit à ce propos?

2. Qu’est-ce qui se passe dans le cerveau de l’homme avant qu’il ne dise quelque chose?

3. Sous quelle forme sont stockées les connaissances sur le monde et par conséquent, le savoir linguistique aussi?

4. Comment décrire la structure de la langue et le fonctionnement des catégories la constituant? (Kwapisz: 2009: 15-16)

← 16 | 17 → Dans un sens, dans les recherches cognitivistes se rencontrent les idées des philosophes, des linguistes et des ingénieurs sur le langage et la communication, sur la forme et le sens, pour les supports analogues et numériques.

Personnelement, nous considérons les trouvailles cognitivistes comme une sorte d’introduction aux analyses linguistiques, et en particulier à la sémantique linguistique (pour les notions de base consulter: Kwapisz: 2009: 15-48), car les questions sur le sens sont intimement liées aux questions sur la pensée humaine et sur les relations entre les deux: la pensée et la parole (cf. Lancelot et Arnauld:1676éd. de 1997 et 1683 éd. de 1970; Chomsky: 1967; Sapir: 1921; Langacker: 2011; Gut: 2009; Duch: 2011, 2014; Hohol: 2013; Brożek: 2014). Or, nous acceptons volontiers, comme cadre des analyses décrites dans ce volume, des explications du cognitivisme sur les mécanismes de la perception, sur la nature de la pensée et les origines du langage humain qui s’accordent bien avec l’image linguistique fournie par des phrases citées ci-dessous de la communication non-verbale et avec les analyses du sens des prédicats de communication (du concret à l’abstrait, par exemple: On lui indique sa chambre vs On lui indique son rôle dans ce projet ; clarté de la vision vs difficulté à faire quelque chose, par exemple: Cette explication n’est pas assez claire; volume vs importance, par exemple: C’est homme est grand vs C’est un grand homme, C’est une grande découverte, etc., cf. Brożek: 2014: 111). Une telle idée n’est pas nouvelle: Aristote ou St. Thomas affirmaient il y des siècles qu’il n’y avait rien dans l’esprit humain qui n’y avait pas été introduit par sa perception sensorielle (cf. Dąbrowski: 2013: 40).

Nous retenons donc, que la perception consiste à enregistrer à l’aide des sens les données qui nous viennent de la réalité. La vue semble être le sens privilégié: «idein» du grec signifie «voir» et le mot latin «intueor» signifie «je vois, j’observe» ce qui fait bien sûr associer la vue avec la pensée, d’autant plus que le mot grec «noien » que se traduit actuellement «penser » à l’origine signifait «voir »(d’après Brożek, ibidem: 63 et 126). Le mot ‘enregistrer’ n’est pas idéal pour parler de la perception humaine, car, comme le soulignent les cognitivistes, l’acquisition des connaissances est une activité qui se fait par les interactions du corps humain avec son entourage naturel et cela se passe en mouvement. Les chercheurs cognitivistes soulignent et affirment donc l’existence de la pensée non symbolique (cf. Duch: 2011: 16), commune à plusieurs espèces vivantes, qui est une ‘pensée en mouvement’, activité rationnelle du cerveau lors d’une activité vitale d’un organisme. Le constat que la pensée n’est pas uniquement de nature langagière, confirmé actuelement par la neurologie, satisfait sûrement à des intutions de ces linguistes, y compris nous, qui n’avons pas cru aux déclarations de Sapir-Whorf ou de Chomsky (d’après Brożek, ibidem: 125-137). Et la découverte que les neurones miroirs, responsables des activités manuelles, se trouvent ← 17 | 18 → à proximité de l’aire de Broca (un médecin français), zone du langage, serait une preuve que notre langage est intimement lié à notre corps (embodied mind, d’après Brożek, ibidem: 108-110), que la communication verbale s’est constituée à la base de celle par gestes et dans les interactions sociales – la grammaire serait un fruit d’un comportement normatif dans un groupe (cf. Brożek, ibidem:118).

Le langage symbolique humain serait donc un fruit de l’évolution, dans l’ordre: de la perception par les sens vers la catégorisation par les pensées verbales, du motorique et du gestuel schématisés (origines du sens aspectuel?, cf. Brożek, ibidem: 110) pour garantir une coopération au sein d’un groupe. Donc les notions d’expérientalisme, de schémas conceptuels, de catégorisation, d’image, de scène, de prototype et de métaphore (cf. Kwapisz: 2009: 38 – 45) sont censées d’expliquer les lois de la perception et de la communication humaines.

Le cognitivisme considère le langage comme un outil pour agir dans le monde et interprète le sens comme un amalgame du sens d’une phrase donnée et d’une situation de cet énoncé et souligne l’intégralité du langage avec la totalité des connaissances humaines (cf. Mazurkiewicz-Sokołowska: 2010; Tabakowska: 2001). La logique y est comprise comme une entrave formelle, rejetée et remplacée par un ‘jeu du langage’. L’unité minimale d’analyse reste une phrase, car ce ne sont pas des mots séparés qui servent d’outil de l’action dans le monde. C’est l’emploi qui est roi et non pas les analyses lexicales. Cependant une telle vision de la langue a également ses limites. L’apprentissage d’une langue étrangère ou la traduction en sont des preuves selon nous, car personne n’est capable d’apprendre toutes les phrases d’une langue (même pas un ordinateur!) et en plus il nous semble être beaucoup plus sage et simple de comprendre les mécanismes d’emplois d’une langue donnée (cf. Chapitre III). Donc, pour nous, le développement des sciences cognitives est une source de grande satisfaction grâce à des possibilités qu’elles ouvrent à qui voudrait mieux comprendre le monde qui l’entoure, mais du point de vue opérationnel, de la linguistique appliquée, ces outils d’analyse ne sont pas satisfaisants.

Pour une sémanticienne et adepte de la syntaxe sémantique il est naturel de considérer la pensée comme primaire dans le processus de communication: nous communiquons pour transmettre un sens et non pas une forme. Nous apprécions beaucoup l’ambition interdisciplinaire, humaniste, au sens large du terme, des sciences cognitives, mais, hélas, la linguistique cognitive ne fournit pas, selon nous, d’outils d’analyse précis qui permettent de résoudre des problèmes d’emploi des items d’une langue naturelle donnée: choix d’un prédicat de communication donné, les implications de ces arguments, les restrictions sémantiques et syntactiques, etc. Mais en appréciant la problématique cognitiviste, nous nous inspirons cependant des motifs du cognitivisme tout au long de nos analyses dans la suite de ce volume.

← 18 | 19 → 2.3. Linguistique - traîtement automatique des langues naturelles

En ce qui concerne le Taln, c’est pour nous un domaine qui souffre d’un déficit aigu d’analyses sémantiques. La linguistique dite «de corpus» ne devrait pas se contenter de convertir des dictionnaires papier en dictionnaires électroniques. Une base de données des emplois d’un lexème, un inventaire informatisé, qui garantisse une rapidité d’accès à des données linguistiques, sans des explications sémantiques rigoureuses, bâties sur une méthodologie qui soit en mesure d’éclaircir des emplois ‘irréguliers et capricieux’ ne sera ni complète ni opérationnelle, surtout pas pour un adepte du Fle. Le côté positif dans les essais de construction des logiciels pour les machines-ordinateurs, sachant interpréter et générer des textes de langues naturelles, est l’exigence des analyses linguistiques les plus exhaustives possibles, d’une précision maximale, effectuées pour faire comprendre à un cerveau électronique les strucutres syntaxiques, les ambiquités sémantiques, les constructions elliptiques et même les phraséologismes du langage humain. Il y a, parmi d’autres, un outil élaboré pour le Taln bien efficace, selon nous, qui aide à analyser le sémantisme des phrases – les classes d’objets (Gross: 1994) déjà appliqué dans la recherche sur les prédicats de parole (Eshkol: 2002) (cf. Chapitre I et III). Il est à noter également que cette méthodologie a été une inspiration pour la méthode dite approche orientée objets de Banyś (Banyś: 2002a et b)

2.4. Du côté sociologique

Les recherches linguistiques d’aujourd’hui sont toujours très fortement influencées par les besoins du Taln, né, ne l’oublions pas, sous l’influence des besoins militaires et industriels des Etats-Unis après la deuxième Guerre mondiale. Les sciences sociales, dans le domaine de la communication, avertissent que le progrès technologique peut être une menace pour la liberté et la clarté de raisonnement de l’individu. Remarquons que les sciences de communication sont la plus jeune science sociale. Elles sont nées dans les années 40 et 50 aux Etats-Unis (c’est un Américain, Wilbur Schramm qui à soutenu la première thèse en sciences des communications au monde dans les années 40). En Europe, c’est à Paris où sont crées respectivement en 1937 et 1938 L’Institut de sciences de la presse et L’Institut français d’opinion publique. Ainsi deux voies différentes de recherches sont ouvertes: une américaine et une européenne (Palo Alto, MIT Massachusetts, Frankfurt sur Maine). (d’après Dobek-Ostrowska: 2001: 14; 28). Nous tenons à en présenter ci-dessous quelques points essentiels pour nos analyses sémantiques qui vont suivre.

La définition des quatre principaux paradigmes (cybernétique, béhavioral, fonctionnel et interprétatif) ainsi que le discernement de plusieurs écoles aux sein des sciences des communications ont confirmé le fait que ce sont des ← 19 | 20 → recherches interdisciplinaires divisées en plusieurs champs selon le choix du domaine à analyser dont chacun est cependant un élément du schéma général de la communication humaine, aussi bien du schéma technique (élaboré par Shannon et Weaver en 1946) que du schéma linguistique (de Jacobson: 1960):

(in: Dobek-Ostrowska: 2001: 22-27, uniquement en version polonaise)

L’école de Francfort, appelée également ‘critique’ au sein des sciences des communications, dont les représentant les plus connus sont Adorno, Horheimer, Marcuse et Habermas, avertissait il y a des années déjà que le développement des technologies ne rend pas l’homme plus libre, au contraire: l’individu devient de plus en plus esclave de l’état et de la société et le procéssus de la déshumanisation progresse (d’après Joanna Gałuszka in: Dobek-Ostrowska: 2001: 131). Rendre un individu l’objet et non plus le sujet de l’activité sociale se poursuit par la destruction de la pensée et des émotions à l’époque où la science et la culture doivent se soumettre aux lois économiques du marché (ibidem: 135). Nous vivons à l’époque d’une unification globale technologique (ibidem: 137). L’uniformité devient le prix du confort matériel dans la vie d’aujourd’hui, affirmait Horkheimer (ibidem: 138). Adorno constatait encore plus cruellement que notre monde devient un monde ← 20 | 21 → unidimensionnel où la conscience de l’ individu est une conscience de consommateur (ibidem: 140). Selon l’auteur, la raison d’un homme, qui vit dans la civilisation sophistiquée des pays développés, est devenue une ‘raison technologique’ pour laquelle les valeurs sont: le conformisme, la production, la consommation des produits dont le besoin est créé d’une façon artificielle (ibidem: 145). Herbert Marcus, un représentant éminent de l’école de Francfort, désespère que la rationalisation technique et l’instrumentalisation de la pensée, résultats, de la communication de masse, fait perdre à l’individu son esprit critique! (d’après Juan José Bas Portero in Dobek-Ostrowska: 2001: 161). L’homme de notre époque est souvent comme enfermé dans la répétition quotidienne: des gestes, des paroles, des significations (la publicité!) (ibidem: 160). Un autre chercheur, Américain, du domaine de l’économie politique de la communication, Herbert I. Schiller, en analysant les relations de l’industrie militaire avec l’industrie de la communication, a constaté que l’espace public de communication est de plus en plus absorbé par cette première et manipulé en même temps par les médias déterminés à réaliser les buts économiques (ibidem: 165-167). De telles relations font débattre aujourd’hui moins sur la culture de masse que sur les nouvelles technologies de communication dans l’écomomie globalisée (ibidem: 170).

Les chercheurs, Innis, McLuhan, de Kerchove, qui croient que la communication d’aujourd’hui est pratiquement déterminée par la technologie, c’est-à-dire que les médias de masse structurent notre façon de penser et de catégoriser la réalité, ont constaté que les moyens matériels de communication (le canal) ont influencé, à travers l’histoire, le développement social et culturel de l’humanité. McLuhan a déclaré que les médias électroniques sont un prolongement technique des sens naturels de l’homme. Selon lui, comme les textes imprimés ont produit chez l’homme une vision linéaire de la réalité, l’électricité – prolongement de notre système nerveux - a produit par elle-même une information pure, un medium qui transporte une information verbale ou visuelle, de la même façon que l’écriture est un support de la parole et que, selon l’auteur, le langage est support de la pensée qui, de sa nature, n’est pas de caractère verbal (d’après Katarzyna Wiejak in: Dobek-Ostrowska: 2001: 216-220). De Kerkhove, lui, constate qu’une réalité virtuelle, présente dans notre vie à travers les médias électroniques, crée également une cyberculture – effet de la multiplication de la culture de masse et de la rapidité de la communication (ibidem: 224). Selon nous l’exigence et le besoin de la rapidité informationnelle ne doivent pas exempter l’homme de raisonner de façon autonome et critique!

Ce qui est intéressant aussi pour nous, vu le classement des prédicats de communication analysés c’est la téorie d’interactions communicationnelles d’Ervin Goffman. Il s’occupe d’une analyse des structures sociales informelles où des personnes communiquent face à face et créent des interactions par un échange de ← 21 | 22 → signaux verbaux et non-verbaux. Ainsi les gens essaient de comprendre les autres et en même temps d’effectuer une autoprésentation (perception-présentation) (d’après Marta Kiełdanowicz in: Dobek-Ostrowska: 2001: 82). Chacun s’exprime, volontairement ou involontairement, et il produit une impression sur les autres. Le comportement communicationnel d’une personne se compose de deux activités symboliques: les impressions qu’elle transmet (gives) et celles qu’elle inspire (gives off). La première activité est basée sut les symboles verbaux (ou ses substituts) qu’un locuteur emploie pour transmettre une information. C’est une communication strico sensu. La deuxième est constituée par un ensemble des rôles sociaux que les autres interprétent comme caractéristiques pour quelqu’un (ibidem: 87-88). Chaque personne, selon cette théorie, devient un acteur qui joue un rôle, donc sont commucationnels: son apparence physique, son âge, ses gestes, le débit de sa parole, l’expression de son visage, son comportement, lesquels sont authentiques ou feints, pour atteindre un but communicationnel (ibidem: 89). L’interprétation univoque de telles actions est parfois problématique, car souvent nous jouons des rôles et portons des masques sans nous en rendre compte.

Nous sommes convaincue qu’apprendre c’est comprendre donc il faut faire un effort interdisciplinaire, philosophique, anthropologique, linguistique bien sûr, dans notre cas, et même celui de comprendre des notions de physique, pour se rendre compte pleinement de fonctionnements des prédicats de communication.

Donc, d’un côté, le domaine de la communication semble être un domaine interdisciplinaire par excellence: La communication est comme un gros nuage que les vents poussent et déchirent, et qui plane sur à peu près tous les savoirs (Bougnoux: 2001: 11). D’un autre, nous vivons à l’époque où le progrès technologique et les exigences du marché forment un défit pour les sciences humaines qui ne fournissent pas des gains matériels immédiats. Cependant nous sommes convaincus que restera toujours d’actualité une réflexion d’Anselm Grün qui dit qu’: Il est indéniable que la raison de vie de l’homme est constituée par une soif de la vérité, par un amour pour les connaissances, par une nostalgie de découvrir le mystère de l’existence. Elle est comme une passion qui le rend heureux. (pol. Nie sposób jednak zaprzeczyć, że człowieka utrzymuje przy życiu umiłowanie prawdy, miłość poznania, tęsknota za zgłębieniem tajemnicy wszelkiego bytu. Jest ona niczym uszczęśliwiająca go namiętność (Grün: 2013).

3. Questions de sémantique

Vu le nombre de recherches et travaux linguistiques consacrés à la communication verbale, à première vue, on peut avoir l’impression que tout est déjà analysé, expliqué et décrit (cf. Giry-Schneider: 1981, 1994; Vivès: 1998; Eshkol: ← 22 | 23 → 2002; Dubois et Dubois-Charlier: 1997/2013). Cependant, selon nous, les analyses et descriptions existantes, dans la perspective avant tout syntaxique ou syntaxico-sémantique, même celles qui se veulent exhaustives (cf. Eshkol: 2002 - classes d’objets de G.Gross etalli ou Dubois et Dubois-Charlier: 1997/2013), des prédicats de communication en français manquent toujours d’un regard ‘en profondeur’, d’une analyse sémantique. Car, selon nous, et les résultats de nos recherches dans le domaine présenté dans ce livre semblent le prouver, seule une analyse de sens, par exemple, selon la méthodologie que nous appelons grammaire à base sémantique (Bogacki, Karolak: 1991; Karolak:2003, 2007) qui commence par une définition du sens d’un prédicat donné et qui ensuite se développe, selon des critères sémantiques très précis (cf. Chapitre I Méthodologie), à travers les phrases et textes construits autour de ces prédicats (un prédicat est considéré ici comme pivot de chaque pensée-proposition logique) sait élucider enfin les questions de leur fonctionnement syntaxique «irrégulier, capricieux ou incompréhensible» (Schneider: 1994) (cf. Chapitre III Analyses antérieures des prédicats de communication). Nous sommes donc convaincue que seule une analyse de sens de chaque structure prédicat-argument(s), reconstruite à partir d’une occurence donnée, fournit des outils pour comprendre ce qui paraît incompréhensible dans les emplois des constructions syntaxiques.

3.1. Sémantique et syntaxe

Nous insistons tant sur le primat de l’analyse sémantique sur celle – syntactique, car tout un chacun peut constater, après un temps même minime de réflexion, que les phrases de langue sont, dans la plupart de cas, des ‘abréviations’ de nos pensées, une ‘condensation’ dans des formes d’une langue naturelle donnée, de sens de nos communiqués, du fait de l’économie langagière tout simplement: elles sont pleines d’ellipses, de sens implicites, d’inférences et construite à partir de lexèmes polysémiques dans la plupart des cas. Bref, on pourrait dire que nos énoncés sont des abréviations de nos pensées – une formule qui semble être bien efficace dans la didactique. Par exemple: pour expliquer le choix entre l’emploi du subjonctif et de l’indicatif dans la phrase suivante il est nécessaire de comprendre deux sens différents d’un lexème polysémique:

Je comprends que l’homme veuille consacrer plus de temps aux loisirs et à la créativité comme je comprends q u’il a de plus en plus le souci de son équilibre. (Ruquet: 1994: 62)

Résumé des informations

Pages
256
Année
2015
ISBN (PDF)
9783653043303
ISBN (ePUB)
9783653981384
ISBN (MOBI)
9783653981377
ISBN (Broché)
9783631652527
DOI
10.3726/978-3-653-04330-3
Langue
français
Date de parution
2015 (Avril)
Mots clés
linguistique sémantique prédicats de communication
Published
Frankfurt am Main, Berlin, Bern, Bruxelles, New York, Oxford, Wien, 2015. 256 p., 2 tabl., 12 graph.

Notes biographiques

Izabela Pozierak-Trybisz (Auteur)

Izabela Pozierak-Trybisz est docteur des lettres en co-tutelle de l’Université Pédagogique de Cracovie (Pologne) et de l’Université Paris XIII et travaille comme maître de conférences à l’Université de Gdansk (Pologne). Elle poursuit sa recherche surtout dans les domaines de la sémantique linguistique et de la communication verbale et non verbale.

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Titre: Analyse sémantique des prédicats de communication
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