Histoires de dire
Petit glossaire des marqueurs formés sur le verbe « dire »
Résumé
Les étudiants de langue de niveau supérieur (écoles d’interprétariat et/ou de langues) trouveront d’utiles renseignements dans la partie descriptive, et les linguistes confirmés pourront consulter la partie proprement théorique. Une introduction et la liste alphabétique des marqueurs formés sur le verbe dire complètent l’ensemble.
Extrait
Table des matières
- Couverture
- Titre
- Copyright
- Sur l’auteur/l’éditeur
- À propos du livre
- Pour référencer cet eBook
- Table des matières
- Histoires de dire. Petit glossaire des marqueurs formés sur le verbe dire
- Comme on dit, on dirait, on dit, à ce qu’on dit : communauté(s) linguistique(s) et prise en charge dans des marqueurs génériques en on et en dire
- Ne va pas me dire, ne me dis pas, cela va sans dire. Explication de quelques expressions paradoxales en « dire »
- Quand le locuteur renonce à tergiverser : les marqueurs autant dire, pour tout dire et disons-le
- Je dirais, je ne saurais dire, comment dirais-je : s’agit-il vraiment d’un dire au conditionnel ?
- Je veux dire et t’sais (je) veux dire en français parlé : deux marqueurs en dire ou un marqueur en dire précédé de t’sais ?
- Formes impératives de dire : disons, dis, dites et leurs variantes
- À qui le dis-tu, c’est toi qui le dis, comme qui dirait : marqueurs d’un même groupe ?
- Soit dit en passant et soit dit entre nous : deux marqueurs d’attitude énonciative ?
- Entre syntaxe et interprétation de dire : les exclamatives et dire que ! ; que n’a-t-on pas dit ! ; qu’est-ce que tu veux que je te dise ! ; qu’est-ce que je te disais ! ; quand je te le disais !
- Dis/dites-moi, dis/dites donc : la naissance de deux marqueurs discursifs en français (XVe–XVIIIe siècles)
- Des effets d’intensification attachés aux formules : Je vous dis pas, C’est dire (si), Y’a pas à dire, Que dis-je, Tu peux le dire
- Modalisation et expression de la réserve : si on peut dire, si je puis dire, si j’ose dire
- À la recherche du consensus : on va dire, on va dire ça, on va dire ça comme ça
- Polyphonie et/ou médiativité : au sujet de je te/vous l’avais bien dit, je te/vous dirais bien, je te/vous dirais que
- Mouvements de réflexion sur le dire et le dit : c’est-à-dire, autrement dit, ça veut dire
- Les marqueurs en dire : liste
- Series Index
Histoires de dire. Petit glossaire des marqueurs formés sur le verbe dire
Introduction
1. Le but du projet
Ce projet s’inscrit dans un courant linguistique important aujourd’hui, et qui concerne l’étude des marqueurs discursifs, dénomination sur laquelle nous reviendrons en détail un peu plus loin. Ces objets linguistiques sont habituellement classés dans les mots non lexicaux, et opposés à des mots comme par exemple table, écrire ou superbe. Il est habituel d’y distinguer – de façon plus intuitive qu’opératoire – de nombreuses sous-classes, dont les plus célèbres sont les connecteurs, les particules (pragmatiques), les adverbes d’énonciation, certaines interjections, etc. Nous n’entrerons pas dans le débat qu’ouvre un foisonnement terminologique dont le bien-fondé n’apparaît pas à première vue. Même si nous sommes encore loin de pouvoir associer à chacun de ces termes des catégories linguistiques stables, ils n’en possèdent pas moins le mérite d’avoir ouvert de nouveaux chapitres dans les études linguistiques, face à une tradition grammaticale qui les avait relégués au rang d’épiphénomènes. Il ne leur est donc généralement consacré que quelques lignes, quelques pages, quand ils ne sont pas carrément ignorés1. ← 1 | 2 →
L’idée de départ est de fournir une étude linguistique de la sous-classe des marqueurs discursifs (du français) formés sur le verbe dire. Citons à titre d’exemples : à ce qu’on dit, cela va sans dire, disons, je me suis laissé dire, tout ça pour dire, vous m’en direz tant, y’a pas à dire, etc. Nous en avons recensé plus de cent trente, et le présent ouvrage se propose d’en étudier une quarantaine, étude qui a été confiée à quinze auteurs, chacun se chargeant de l’analyse de deux à cinq marqueurs (on trouvera à la fin du présent ouvrage la liste de tels marqueurs établie par nos soins, chaque marqueur étant éventuellement accompagné du nom de l’auteur lui ayant consacré une étude dans ce volume).
Cet ouvrage a en fait été conçu pour un double usage.
a) Un dictionnaire d’une part : il comporte une présentation des différentes valeurs identifiées pour chaque marqueur, au travers d’exemples attestés relevés dans divers corpus oraux et écrits, ainsi qu’un exposé de ses principales propriétés distributionnelles.
b) Un ouvrage théorique d’autre part : pour chaque marqueur figurera également une analyse théorique en faisant ressortir le fonctionnement ainsi que les principales caractéristiques sémantiques et pragmatiques.
Un tel volume peut donc à la fois être utilisé par des étudiants de langue de niveau supérieur (écoles d’interprétariat et/ou de langues) – qui trouveront d’utiles renseignements dans la partie descriptive – et par des linguistes confirmés qui pourront se pencher sur la partie proprement théorique. L’ensemble est complété par la présente introduction d’une part, et d’autre part, par la liste alphabétique des marqueurs formés sur le verbe dire,
2. Quelques aperçus théoriques
Si l’idée de marqueur ne semble pas a priori dénuée de sens ou d’intérêt, mettre en place un concept opératoire ne va pas de soi, et mobilise bien d’autres choses que la structure de surface et/ou l’intuition que nous ← 2 | 3 → pouvons avoir de son fonctionnement. Les deux sont en effet fortement suspectes d’être redevables à une grammaire dont l’enseignement précoce fait passer certaines notions pour le reflet de la nature des choses. Or une des caractéristiques et de la grammaire traditionnelle, et de certaines approches linguistiques, est l’opposition mot plein (ou mot lexical)/mot vide (ou mot grammatical)2, laquelle repose à son tour sur l’opposition paradigmatique/syntagmatique. En effet, les mots lexicaux ont une fonction notionnelle, outre une possible fonction référentielle, et sont habituellement vus comme situés sur un axe paradigmatique : dans Aujourd’hui, j’ai aperçu (une mésange + une hirondelle), mésange s’oppose à hirondelle en ce que les deux sont susceptibles de permuter dans la chaîne envisagée. Notons que cette opposition est virtuelle : non seulement seul l’un des deux figure effectivement, mais le sens d’un terme ne fait pas intervenir le sens des autres termes. La définition de chaise ne fait pas intervenir celle de fauteuil, même si ces définitions s’opposent paradigmatiquement parlant. Les mots grammaticaux en revanche fonctionnent sur l’axe syntagmatique, et servent à combiner des termes en principe réellement présents (et non virtuellement présents, comme dans le cas précédent), ou, en tout cas dont l’existence ne peut être mise en doute. Répondre parce que, sans plus, ne signifie pas que le membre de droite n’existe pas, mais simplement qu’il n’est pas explicité. La grammaire traditionnelle (et scolaire) nous ayant familiarisé avec la notion de conjonction, c’est cette notion qui a servi de modèle en linguistique à la notion de connecteur, l’influence de la logique formelle n’étant sans doute pas étrangère à ce choix terminologique. C’est fondamentalement donc l’idée de relateur, qui devait, dès les années soixante-dix, et dans le cadre de l’argumentation dans la langue, voir certaines unités comme instruisant des opérations sémantiques et/ou pragmatiques en vue de construire le sens de l’énoncé ou du texte, ainsi que son insertion dans le discours. L’étude de mais de Anscombre & Ducrot (1977) est la parfaite illustration de cette optique. Cette idée de relateur a rapidement été étendue aux cas où le lien est fait non entre deux énoncés mais entre par exemple un énoncé et son contexte, comme le font alors et donc en français parlé, selon ← 3 | 4 → Hansen (1997). Le développement des études consacrées à ce type de phénomènes a vite obscurci l’idée de départ, et on en est venu à y inclure toutes sortes d’unités disparates, à commencer par toutes celles ayant un rôle de commentaire (au sens large) à propos d’un énoncé particulier, ainsi les incises modales comme je pense ou encore des ‘mots d’ouverture’ comme dis donc. L’idée de base d’un lien entre deux ou plus de deux énoncés n’est alors plus centrale, les connecteurs devenant de ce fait une simple sous-classe d’une classe plus générale, classe dont la définition est loin d’être claire au vu de l’hétérogénéité des divers éléments qu’on y met3. Ce que reflète d’ailleurs une terminologie foisonnante : particules pragmatiques/discursives/conversationnelles, marqueurs, marqueurs linguistiques/ discursifs/ pragmatiques, connecteurs, opérateurs discursifs, etc., pour ne citer que les plus courants4. Voici quelques exemples d’utilisation de cette terminologie : marqueurs (Anscombre 1977 ; hélas, heureusement, malheureusement), connecteur (Anscombre & Ducrot 1977 ; mais), connecteurs pragmatiques (Gülich & Kotschi 1983, c’est-à-dire, autrement dit, je veux dire), discourse particles (Schourup 1985), discourse markers (Schiffrin 1987, Fraser 1988), opérateurs syntaxiques (Nølke 1988), marcadores del discurso (Portolés 1993), etc., pour ne citer qu’une toute petite partie de la liste complète. L’ensemble des unités concernées comprend en particulier les modalités, au sens de « …expression de l’attitude du locuteur par rapport au contenu propositionnel de son énoncé… » (Le Querler 2004 : 646), dont les adverbes d’énonciation5. L’examen des recherches récentes sur ces sujets montre une nette tendance à réserver le terme de marqueur discursif aux modalités au sens spécifié ci-dessus. Il convient cependant d’ajouter un bémol à cette affirmation : en effet, le rôle de modalité joué par une unité peut n’être qu’une des fonctions qu’elle assume. Ainsi bien sûr que, tout en marquant une attitude du locuteur, possède également une fonction dialogale (Anscombre 2013), qui relie un co-texte gauche et un ← 4 | 5 → co-texte droit, et l’apparente donc à un type de relateur. Parmi les adverbes d’énonciation comme sincèrement, certains, tout en assumant une fonction de modalité, agissent aussi comme des sortes de connecteurs/relateurs : ainsi décidément (Nølke 1993), franchement (Donaire 2006) ou encore carrément (Rouanne 2013). Il serait sans doute plus juste d’établir le classement des opérateurs selon les agencements particuliers – les stratégies discursives – que chaque unité instaure dans le discours où elle apparaît. On pourrait ainsi d’établir des similitudes et des différences, fournissant la base de regroupements possibles, bien éloignés de ceux que propose la tradition, qui ne se fonde que sur une seule fonction, dans l’ignorance donc du caractère polyfonctionnel de nombreux opérateurs.
Quoi qu’il en soit, c’est à partir de la notion de modalité telle que définie ci-dessus que se dégage progressivement celle de marqueur discursif. On s’entend en effet à considérer qu’un marqueur discursif : a) est une entité non notionnelle dans son fonctionnement comme tel ; b) que sa valeur sémantico-pragmatique inclut l’attitude du locuteur au moment où il utilise le marqueur. Cette attitude est présente sur le mode de la monstration : utiliser le marqueur revient à ‘prendre’ cette attitude ; c) bénéficie d’une autonomie syntaxique par rapport au texte dans lequel il apparaît. Il est donc souvent déplaçable, même si les possibilités de déplacement peuvent varier selon la nature et la fonction des marqueurs. Alors que tu sais est relativement libre, et peut entre autres figurer en position frontale (Tu sais, p), le tu penses interrogatif ne le peut et figure essentiellement en position finale (Il viendra, tu penses ?/*Tu penses, il viendra ?). C’est le problème de la parenthétisation et/ou de la mise en incise d’un marqueur ; d) possède une large autonomie prosodique par rapport au texte à son environnement textuel, ce qui est un phénomène général dans le cas des incises et des parenthétiques ; e) se caractérise par la perte du caractère référentiel de certains de ses composants, très généralement les pronoms personnels, les marques de personne et les anaphoriques – voire même la perte de ces composants lors de la parenthétisation ou la mise en incise. Cette perte du pronom fait de je sais une modalité épistémique dans Il viendra, je sais, face à une simple lecture anaphorique et médiative dans Il viendra, je le sais. Et dans Vas-y, tire, le pronom y a perdu la quasi-totalité de son caractère déictique ; f) acquiert une autonomie sémantique plus ou ← 5 | 6 → moins complète par rapport aux emplois non parenthétiques, très souvent une complétive en que. Il y a par exemple une nette différence de sens entre tu sais que c’est difficile et c’est difficile, tu sais. ; g) est très généralement non-compositionnel, au moins partiellement. Ainsi, même une excellente connaissance du lexique français de base ne suffit pas à comprendre le sens d’une expression comme tu m’en diras tant ou comme va-t’en savoir. Il convient cependant d’être prudent à l’heure de conclure ipso facto à un figement sous une forme ou une autre, l’hypothèse inverse d’un emploi parfaitement régulier n’étant la plupart du temps guère plus soutenable, au vu en particulier des données diachroniques.
3. Les contributions : organisation et contenu
C’est dans la perspective de ces quelques précisions théoriques qu’il fait envisager la lecture des quinze contributions qui forment ce volume. Nous l’avons dit plus haut, le lecteur intéressé n’y trouvera pas que des considérations théoriques. Nous avons en effet demandé aux auteurs que la première partie de chaque contribution concerne les données recueillies dans divers corpus et la mise en évidence des principales propriétés distributionnelles des marqueurs qui y figurent. Cet ouvrage pourra donc être utilisé par les professeurs et étudiants en langue. Chaque auteur a eu le libre choix de l’angle théorique d’attaque pour les unités qu’il a choisi d’étudier, et le lecteur aura ainsi un panorama de diverses approches.
Les différentes contributions, classées selon l’ordre alphabétique des auteurs, sont les suivantes :
ANSCOMBRE, Jean-Claude (Directeur de recherche émérite, CNRS-LDI, Paris XIII) : “Comme on dit, on dirait, on dit, à ce qu’on dit. Communauté(s) linguistique(s) et prise en charge dans les marqueurs génériques en on et en dire”. L’étude se propose essentiellement de caractériser pour chaque marqueur la position du locuteur par rapport à la communauté linguistique évoquée par le on qui y figure, ainsi que la structuration discursive qui en résulte. ← 6 | 7 →
DELAHAIE, Juliette (Maître de conférences, Université de Lille III) : “Ne va pas me dire, ne me dis pas, cela va sans dire. Explication de quelques expressions paradoxales en « dire »”. Les expressions examinées ici peuvent être qualifiées de paradoxales, dans la mesure où l’énonciation de ne pas dire implique cependant de dire, procédé rhétorique connu sous le nom de prétérition. Outre caractériser leur fonctionnement, l’étude s’attachera à déterminer s’il s’agit ou non de variantes.
DELOOR, Sandrine (Maître de conférences, Université de Cergy-Pontoise) : “Quand le locuteur renonce à tergiverser : les marqueurs autant dire, pour tout dire et disons-le”. Les trois marqueurs sont étudiés dans le cadre d’une conception « syntagmatique » de la description sémantique. L’interprétation d’un mot dépend de « l’environnement discursif » dans lequel il se présente, ce qui inclut le contexte linguistique, la situation d’emploi et les savoirs communs éventuellement convoqués. La description sémantique d’un mot est ainsi conçue comme un ensemble d’ « instructions » indiquant avec quels éléments de l’environnement discursif le mot interagit et de quelle façon.
DONAIRE, María Luisa (Professeur, Université d’Oviedo) : “Je dirais, je ne saurais dire, comment dirais-je : s’agit-il vraiment d’un dire au conditionnel ?”. La présence d’un conditionnel et d’une première personne dans ces trois locutions pose le problème de leur degré de non-compositionnalité. Il est remarqué que, d’une façon générale, les faits de surface – ici la morphologie verbale – ne suffisent pas à rendre compte du fonctionnement d’un marqueur. Il faut pour ce faire interpréter la structure de surface comme l’indice d’un arrangement sémantique profond.
DOSTIE, Gaétane (Professeur, Université de Sherbrooke) : “Je veux dire et t’sais (je) veux dire en français parlé : deux marqueurs en dire ou un marqueur en dire précédé de t’sais ?”. Le problème de ce type de variantes est celui de l’existence ou non d’une « désémantisation », et en particulier, de ce qui reste des autres emplois des éléments qui figurent dans sa morphologie. La réponse à cette question s’avère décisive pour déterminer si on a affaire à deux marqueurs juxtaposés ou bien à deux marqueurs distincts.
FRANCKEL, Jean-Jacques (Professeur émérite, Université de Paris Ouest-La Défense) : “Les formes impératives du dire : disons, dis, dites et leurs variantes”. Ce travail se propose l’étude des formes en disons et en dis/dites ← 7 | 8 → dans la diversité de leurs constructions (disons, disons-le, disons que ; dis, dis-moi), de leurs environnements pris en compte d’un point de vue distributionnel et de leurs valeurs sémantiques. L’analyse proposée consiste à rapporter les emplois des formes impératives de dire dans toute leur diversité à un fonctionnement général du verbe dire d’un côté, et des formes de l’impératif de l’autre.
GÓMEZ-JORDANA FERARY, Sonia (Maître de conférences, Université Complutense de Madrid) : “A qui le dis-tu, c’est toi qui le dis, comme qui dirait : marqueurs d’un même groupe ?”. L’auteur se fixe comme objectif non pas une description sémantique ou syntaxique en profondeur de chacun des marqueurs, mais de caractériser leurs principales propriétés morphosyntaxiques, distributionnelles et sémantiques. Ce travail a pour but de déterminer, sur ce cas particulier, si la similitude des formes va de pair avec une ressemblance de fonctionnement qui pourrait les faire rattacher à un même groupe de marqueurs.
HERMOSO MELLADO-DELMAS, Adelaida (Maître de conférences, Université de Séville) : “Soit dit en passant et soit dit entre nous : deux marqueurs d’attitude énonciative”. Le but de cet article est de montrer, en se fondant sur des critères objectifs, que, malgré les similitudes formelles que présentent soit dit en passant et soit dit entre nous, ces deux constructions ne possèdent pas les mêmes propriétés sémantico-pragmatiques, et ne manifestent pas non plus le même comportement dans un contexte/cotexte donné. On se proposera entre autres de répondre aux deux questions fondamentales suivantes, à savoir : a) les deux locutions soit dit en passant et soit dit entre nous peuvent-elles être considérées comme des marqueurs discursifs d’attitude ? ; et si tel est le cas, b) en quoi consiste exactement l’attitude énonciative exprimée par chacune de ces deux unités ?
MARQUE-PUCHEU, Christiane (Maître de conférences HDR, Université de Paris IV-La Sorbonne) : “Entre syntaxe et interprétation de dire : les exclamatives et dire que ! ; que n’a-t-on pas dit ! ; qu’est-ce que tu veux que je te dise ! ; qu’est-ce que je te disais ! ; quand je te le disais ! ”. Cette étude part du constat que les exclamatives comme Il a un culot ! possèdent une prosodie spécifique qui rend acceptable une séquence qui sinon serait syntaxiquement anomale. De façon générale, le caractère exclamatif semble aller de pair avec une anomalie syntaxique, une incomplétude morphologique, sémantique ou ← 8 | 9 → interactionnelle. Cette hypothèse associée au non-dit sera testée au travers des caractéristiques distributionnelles, morphologiques et syntaxiques des marqueurs. Une seconde partie examinera leurs caractéristiques énonciatives et argumentatives.
OPPERMANN-MARSAUX, Evelyne (Maître de conférences, Université de Paris III) : “Dis/dites-moi, dis/dites donc : la naissance de deux marqueurs discursifs en français (XVe–XVIIIe siècles)”. Cette étude est consacrée à deux marqueurs discursifs qui comportent une forme impérative du verbe dire – dis/dites-moi et dis/dites donc – et qui semblent de ce fait avoir eu à l’origine une fonction d’appel (au sens de Bühler) centrée sur l’allocutaire. Seront étudiées plus précisément les origines de ces deux marqueurs discursifs, ainsi que leur développement en diachronie. On tentera par conséquent d’identifier et d’analyser les occurrences de dis/dites-moi et dis/dites donc dans lesquelles l’impératif de dire ne correspond plus à une injonction « classique » traduisant (seulement) l’ordre de « dire », de prononcer des paroles. L’étude est menée sur une période étendue allant de 1400 à 1800.
PERRIN, Laurent (Professeur, Université de Paris XII-Créteil) : “Des effets d’intensification attachés aux formules : Je vous dis pas, C’est dire (si), Y’a pas à dire, Que dis-je, Tu peux le dire”. Les formules réunies dans cette étude ont en commun un effet d’intensification. Elles servant toutes à déterminer le haut degré d’intensité de ce que représente le contenu d’un énoncé dont elles modalisent l’énonciation. Elles seront étudiées ici en tant que formules intensives externes à l’expression propositionnelle, manifestant une attitude du locuteur à l’égard de son énonciation. Il s’agira de caractériser les effets d’intensification externe à l’expression propositionnelle associés à ces formules.
ROUANNE, Laurence (Maître de conférences, Université Complutense de Madrid) : “Modalisation et expression de la réserve : si on peut dire, si je puis dire, si j’ose dire”. Dans cet article est menée une étude détaillée des possibilités distributionnelles et des valeurs sémantico-pragmatiques de ces trois marqueurs, afin de mettre à jour le mécanisme polyphonique qui préside à leur emploi. L’analyse du rôle de on dans si on peut dire sera également déterminante. A la lumière de cette description, on sera en mesure de savoir s’il s’agit de variantes d’un même marqueur ou de marqueurs ← 9 | 10 → différents. On verra comment le locuteur peut, soit exprimer un doute sur la légitimité d’une formulation ou de l’adéquation entre une formulation et la représentation d’un événement, soit excuse ou feindre d’excuser le caractère trop osé d’une formulation, ou encore simuler une sorte de tâtonnement vers la meilleure formulation possible.
STEUCKARDT, Agnès (Professeur, Paul-Valéry Montpellier) : “À la recherche du consensus : on va dire, on va dire ça comme ça, on va dire ça”. L’étude se fonde sur le concept de modalisation autonymique, élaboré par Jacqueline Authier-Revuz, en vue de rendre compte du statut particulier que confère à un énoncé la présence d’un marqueur métalinguistique. L’interprétation sémantico-pragmatique de la modalisation opérée par on va dire ou ses variantes sera déduite à la fois de la décomposition sémantique des marqueurs eux-mêmes et des emplois repérés sur plusieurs corpus d’origines variées.
TEJEDOR de FELIPE, Didier (Maître de conférences, Université Autónoma de Madrid) : “Polyphonie et/ou médiativité : au sujet de je te/vous l’avais bien dit, je te/vous dirais bien, je te/vous dirais que”. Le travail qui suit se propose d’ébaucher l’analyse de trois unités : je te/vous l’avais bien dit, je te/vous dirais bien, je te/vous dirais que qui ne semblent avoir en commun que le recours au verbe dire et les pronoms personnels « je » et « te » ou « vous ». Se situant dans un cadre polyphonique, l’étude tente de déterminer si ces formes fonctionnent comme des marqueurs de médiativité. L’analyse de leur fonctionnement s’appuie sur un corpus tiré pour l’essentiel de la base de données Frantext.
VASSILIADOU, Hélène (Maître de conférences, Université de Strasbourg) : “Mouvements de réflexion sur le dire et le dit : c’est-à-dire, autrement dit, ça veut dire”. Ces trois locutions s’inscrivent dans l’ensemble plus large des formes que l’on nomme métalinguistiques dans la mesure où elles décrivent le contenu d’un segment antérieur X en posant une équivalence en Y. Cette parenté métalinguistique soulève la question de l’interprétation de ces formes et de leur différenciation. Trois paramètres interviennent : le type de caractérisation sémantique apportée au segment sous la portée des marqueurs, la nature des termes qu’ils mettent en relation et le type de relation ainsi établie, selon qu’ils font ou non nécessairement référence à une situation d’énonciation ou au jugement d’un énonciateur. ← 10 | 11 →
Indications bibliographiques
Anscombre, J.C. & Ducrot, O. (1977), “Deux mais en français”, Lingua, 43, p. 23–40.
Anscombre, J.C. & Ducrot, O. (1983), L’argumentation dans la langue, Ed. Mardaga, Bruxelles.
Anscombre, J.C. (1977), “La problématique de l’illocutoire dérivé”, Langage et société, 2, p. l7–41.
Anscombre, J.C. (2013), “A coup sûr et bien sûr et les fondements de la certitude”, Revue de sémantique et pragmatique, n° 33–34, pp. 67–98.
Résumé des informations
- Pages
- VI, 378
- Année de publication
- 2016
- ISBN (ePUB)
- 9783034323093
- ISBN (MOBI)
- 9783034323109
- ISBN (PDF)
- 9783035109474
- ISBN (Broché)
- 9783034320986
- DOI
- 10.3726/978-3-0351-0947-4
- Langue
- français
- Date de parution
- 2016 (Août)
- Page::Commons::BibliographicRemarkPublished
- Bern, Berlin, Bruxelles, Frankfurt am Main, New York, Oxford, Wien, 2016. VI, 378 p.