La littérature obstinée
Le roman chez Juan José Saer, Ricardo Piglia et Roberto Bolaño
Résumé
Cet ouvrage présente une étude comparative des poétiques de Juan José Saer, Ricardo Piglia et Roberto Bolaño afin de questionner, d’un point de vue théorique, la vitalité de cette idée de roman moderne et, par voie de conséquence, de la notion même de littérature qu’elle suppose.
Puisant dans le contenu des essais et des entretiens de ces auteurs hispanoaméricains majeurs, l’analyse des formes narratives, réflexives et hybrides de trois de leurs romans (La grande, La ciudad ausente et 2666) révèle chez eux la présence des traits principaux du roman moderne que le présent ouvrage examine en profondeur : l’indétermination, la réflexivité et l’expérience.
Extrait
Table des matières
- Couverture
- Titre
- Copyright
- Sur l’auteur
- À propos du livre
- Pour référencer cet eBook
- Table de matières
- Introduction
- I. L’indétermination
- 1. Le roman en tant que genre indéterminé
- 2. Saer : du roman à la narration-objet
- 2.1. L’unicité du projet : le registre lyrique et le registre narratif
- 2.2. La narration-objet et l’indétermination du monde
- 2.3. L’exploration des formes
- 3. Piglia : entre le roman et la fiction
- 3.1. Le registre argumentatif et le registre narratif
- 3.2. Vers la fiction
- 3.3. La recherche de la narration
- 4. Bolaño : le roman et l’abîme
- 4.1. Le lyrique, le narratif et le parodique
- 4.2. Des profondeurs, abîmes et sauts dans le vide
- 4.3. Le roman et le périple vers l’indéterminé
- II. L’expérience
- 1. Le rapport entre l’expérience et le roman
- 2. La littérature comme anthropologie
- 2.1. Les conventions représentationnelles du roman
- 2.2. L’anthropologie spéculative
- 3. Lecture, roman et vie
- 3.1. Le constat d’une tension
- 3.2. Autour de la lecture
- 4. L’expérience esthétique et l’hétéronomie
- 4.1. Phénomène esthétique, histoire et autobiographie
- 4.2. L’expérience de la forme : l’effet de l’horreur, l’humour et le plaisir
- III. La réflexivité
- 1. Le roman et la réflexivité
- 1.1. Réflexivité et autonomie
- 1.2. Le moment esthétique
- 1.3. Le moment théorique
- 2. Réflexivité et métafiction
- 2.1. Autour du terme « métafiction »
- 2.2. Quatre raisons
- 3. Saer et la forme
- 4. Piglia et la critique
- 5. Bolaño et la structure
- IV. Les formes du roman
- 1. La grande, La ciudad ausente et 2666
- 2. Les formes narratives
- 2.1. Les axes narratifs et la multiplicité d’histoires
- 2.2. Le retour d’une narrativité traditionnelle
- 3. Les formes réflexives
- 3.1. Le plan explicite
- 3.2. Les narrateurs : leurs incertitudes, imprécisions et lieux d’énonciation
- 3.3. Les éléments associés aux énoncés réflexifs
- 4. Les formes hybrides
- 4.1. Le plan architectural
- 4.2. La rencontre
- 4.3. La machine
- 4.4. Les crimes et la figure d’Archimboldi
- Conclusion
- Bibliographie
- Index des auteurs
- Titres de la collection
Alors que notre époque semble être dominée par l’image et les médias audiovisuels, il est pertinent de se demander : pourquoi lisons-nous encore des romans ? Pourquoi le roman semble-t-il conserver, de nos jours, le rôle d’une condensation de ce que nous appelons littérature ? Comment se fait-il que ce genre de texte puisse être le plus populaire dans nos sociétés contemporaines, c’est-à-dire celui qui a probablement le plus de succès en termes de marché éditorial et, à la fois, conserver un lien très étroit avec une idée de littérature qui se trouve, apparemment, en danger de mort, car éloignée d’un public de masse ? S’agit-il d’une même idée de roman dans ces deux cas ? Est-ce que le roman s’est complètement transformé en un autre type de texte par rapport aux classiques des trois derniers siècles ?
Le constat dont proviennent ces questions est élémentaire et il convient de l’expliciter : ce que nous appelons, de nos jours et en qualité de lecteurs contemporains, littérature n’a pas toujours été le même phénomène pendant toute son histoire. Plus particulièrement, la pratique de l’écriture fut profondément modifiée au cours des XVIIIe et XIXe siècles, période qui coïncide avec la naissance du genre romanesque moderne, comme nous le verrons en détail dans les pages qui suivent. Or, l’idée de littérature née à partir de ces transformations et à ce moment-là, est-elle réellement obsolète, oubliée ou en danger actuellement ? Ne fait-elle plus partie des préoccupations des écrivains aujourd’hui ? S’est-elle vraiment métamorphosée en une autre pratique, entièrement différente de l’idée de littérature moderne ?
Ce que nous constatons à l’égard de l’idée de littérature est indéniable aussi quant à la théorie littéraire : elle n’est pas uniforme depuis la tradition poétique ou rhétorique classique jusqu’à nos jours. Tout comme l’idée moderne de littérature, la pratique d’écriture qui traite des textes littéraires n’a pas toujours été la même, de sorte que ce que nous appelons aujourd’hui « théorie » ne s’identifie pas intégralement aux disciplines classiques. Or, de même que nous nous interrogeons sur la vitalité de l’idée de littérature, nous pouvons poser la question suivante : le phénomène particulier de la théorie littéraire du XXe siècle est-il actuellement anachronique ? Convient-il, pour les études littéraires, de tourner la page de la théorie littéraire du siècle dernier, en l’accusant non seulement d’être obsolète, mais d’être coupable de la diminution de l’intérêt que suscite l’écriture littéraire auprès des nouvelles générations ?
Dans cet ordre d’idées, à un moment où les études littéraires semblent s’orienter de plus en plus vers une attitude post-critique ou post-théorique, ← 13 | 14 → il nous a semblé nécessaire de repenser, en parallèle à cette idée du roman moderne et de sa possible vigueur actuelle, ce que fut la théorie littéraire et ses relations avec le genre romanesque. Il était important donc, dans cette étude, de s’interroger également sur la pensée théorique à propos de la littérature, notamment à la lumière de la théorie du roman, afin d’observer si elle est – aussi – véritablement anachronique ou superflue de nos jours. Autrement dit, il est fondamental, à nos yeux, de repenser la question suivante : est-il pertinent, pour les études littéraires, de s’immerger dans l’abandon de toute possibilité théorique, au profit d’une critique culturelle globale et sans autre spécificité que l’analyse de « documents » culturels, à partir de critères uniformisés ? Ainsi, toutes ces problématiques autour du roman, mais aussi autour de la théorie du roman ont motivé la recherche que nous présentons ici.
En ce sens, cet ensemble de questions traverse et oriente l’intégralité de ce livre, raison pour laquelle sa structure a été organisée à partir de concepts théoriques que nous détaillerons par la suite. Il est indispensable de préciser donc que cette recherche porte sur l’idée de roman, et dans cette mesure, autant sur sa théorie que sur ses formes concrètes. Il ne s’agit pas alors d’un ensemble d’analyses philologiques ou d’explications de texte à partir d’un corpus donné de romans hispano-américains. Il sera question plutôt d’examiner les traits dominants du genre au sein de la théorie du roman, d’observer jusqu’à quel point ils demeurent d’actualité dans la poétique de trois écrivains en particulier, et d’analyser les effets de ces traits dans la construction concrète des formes romanesques de ces mêmes auteurs. Ainsi, avant d’exposer la réflexion issue de toutes ces questions, il convient de rappeler ce que nous entendons par « idée de roman moderne », pour ensuite expliquer le choix des auteurs hispano-américains ainsi que leur relation avec cette idée problématique de littérature, afin d’expliquer, en dernier lieu, la structure de cette recherche.
L’idée de roman moderne
Central to the theorization of the novel as a historical entity is the premise that the novel, the quintessentially modern genre, is deeply intertwined with the historicity of the modern period, of modernity itself.
Michael McKeon, « Introduction »
Theory of the Novel, A Historical Approach
Le roman moderne a généré une série complexe de questions théoriques et formelles. Cet ensemble de formes et de questionnements implique, à son tour, une idée de littérature particulière. Ainsi, la question du roman – de son identification, de sa définition, de son ← 14 | 15 → origine et de sa tradition – nous mène à une tâche fort exigeante, étant donné que réfléchir à la notion de roman moderne veut dire aussi penser à une conception donnée de la littérature. Il suffit de s’interroger sur l’utilisation courante que l’on fait du terme « roman » pour se rendre compte que cette notion – et la conception de la littérature qu’elle entraîne – demeurent problématiques.
Ce caractère problématique du terme « roman » est visible notamment du point de vue de l’histoire littéraire : l’origine de ce genre reste difficile à identifier et il dépend dans une mesure considérable de la façon dont le roman est lu de nos jours.
Le débat sur l’origine et la définition du roman moderne qui a eu lieu au XXe siècle reste ouvert et comporte encore de multiples versants. Marina Mackay résume cette situation de la façon suivante, en particulier dans le contexte anglophone :
L’histoire de l’émergence du roman peut être racontée différemment selon ce que vous pensez qu’un roman est en réalité. […] Ainsi, la divergence est énorme, tant géographiquement que temporellement : d’une part, le roman est le produit d’une antiquité classique culturellement hybride, et d’autre part, le résultat de la transition de la Grande Bretagne vers la modernité capitaliste (MacKay 2011 : 21, notre traduction1).
Selon MacKay, l’établissement d’un moment d’émergence du roman repose sur la notion qu’on a en tant que lecteurs de romans, ce qui ramène la question à une sorte d’aporie : « votre datation de l’origine du roman dépend de votre définition du roman, mais votre définition dépend de la datation que vous donnez » (2011 : 23, n. t.). Néanmoins, la perspective de MacKay explique pourquoi certains auteurs peuvent lire le roman comme s’il s’agissait d’un genre qui existait depuis les Grecs, comme Margaret Anne Doody dans The True Story of the Novel (1996), et d’autres traitent la question comme si l’émergence de cette forme narrative était indissociable des sociétés modernes capitalistes, comme c’est le cas d’auteurs influents tels que Ian Watt, avec The Rise of the Novel (1957) ou, plus récemment, de l’orientation de la compilation Theory of the Novel, A Historical Approach (2000), de Michael McKeon. Au sein de la tendance selon laquelle l’origine du roman est quelque chose de strictement moderne, il y a principalement deux textes considérés comme fondateurs, selon que l’on travaille la tradition anglo-saxonne ou la tradition hispanique : Robinson Crusoé (1719) de Daniel Defoe et Don Quichotte (1605 et 1615) de Miguel de Cervantès (Robert 1972 : 11). ← 15 | 16 →
La vision de MacKay du débat autour des origines du roman devient intéressante pour introduire notre recherche précisément grâce au constat suivant : si l’on privilégie certains traits du roman plutôt que d’autres, on tracera l’origine du genre dans des textes de la tradition classique, ou on la recréera à partir de certains textes européens du XVIIIe siècle et, particulièrement dans le contexte hispanique, au XVIIe siècle à partir de Don Quichotte. De ce point de vue, et en ayant conscience du fait que « dans l’histoire littéraire, tout comme dans la littérature elle-même, les commencements explicatifs et les fins révélatoires sont aussi artificiels que séduisants » (MacKay 2011 : 33, n. t.), cette étude prétend montrer comment certains traits du roman contemporain hispano-américain établissent un dialogue incontournable avec ce qu’on appellera l’idée de « roman moderne ». En ce sens, peut-être faudrait-il situer nos recherches plutôt dans la deuxième perspective signalée par MacKay, c’est-à-dire celle qui privilégie des caractéristiques développées à un moment historique donné qui commencerait au XVIIIe siècle2, de manière parallèle à la formation des sociétés capitalistes et industrialisées en Europe, et plus tard en Amérique, et qui continuerait à se développer pendant les XIXe et XXe siècles.
Dans cet ordre d’idées, ce qu’on appelle l’idée de roman moderne constitue donc un concept assez difficile à saisir, étant donné que ses enjeux sont également ceux d’une conception de la littérature caractéristique de nos sociétés occidentales modernes. D’où l’espace privilégié du roman à l’intérieur des études littéraires récentes et aussi – probablement – sa prédominance parmi les genres narratifs pendant les deux derniers siècles.
Poursuivons en nous déplaçant vers le contexte de la littérature hispano-américaine contemporaine, c’est-à-dire concrètement celui postérieur au succès, dans les années 1960 et 1970, d’auteurs maintenant considérés comme classiques tels que Gabriel García Márquez (1927), Mario Vargas Llosa (1936), Julio Cortázar (1914-1984) ou Carlos Fuentes (1928-2012) parmi d’autres. Ce contexte littéraire récent commencerait donc à partir des années 1980 et il est sans doute caractérisé par une prolifération de figures individuelles, à laquelle il serait probablement inutile d’imposer des mouvements unifiés. Or, dans ce contexte que nous tenons pour contemporain, trois figures particulières surgissent, dont l’œuvre expose un rapport extrêmement proche de certains traits du genre romanesque moderne. Il s’agit des ← 16 | 17 → Argentins Juan José Saer (1937-2005) et Ricardo Piglia (1940)3, et du Chilien Roberto Bolaño (1953-2003), figures d’ailleurs assez reconnues dans le domaine académique. L’hypothèse que nous explorerons consiste donc à établir un lien entre le projet esthétique de ces écrivains et trois caractéristiques précises de l’idée de roman moderne, caractéristiques qui seront expliquées dans les pages qui suivent.
Avant d’établir ce lien, il faudrait revenir sur le fait que le genre romanesque pose un problème fondamental à l’analyse, problème qui s’apparente à la discussion énoncée par MacKay sur ses origines : une tradition homogène et unique de ce genre littéraire est inexistante. Alors, d’un côté, les origines du roman restent problématiques, car elles dépendent de notre conception actuelle du genre, et d’un autre côté, le terme de roman est employé pour identifier une multiplicité de textes hétérogènes provenant de traditions différentes. Certes, entre le XVIIIe et le XXe siècle, l’histoire littéraire a regroupé des textes divers sous la catégorie de « roman ». Cette difficulté a été exposée par Jean-Marie Schaeffer de la façon suivante :
Cette dérive sémantique du terme explique l’existence de rétroprojections abusives dont notre notion commune actuelle de ‘roman’ est le cas le plus exemplaire : l’attrait quelque peu fatal que le concept de ‘théorie du roman’ exerce sur les études littéraires est sans doute dû entre autres au fait que nous confondons l’identité du terme avec une supposée identité sémantique transhistorique qui guiderait son évolution. Or, de facto, selon le champ référentiel qu’on privilégie (ce qui, dans beaucoup de cas, signifie concrètement : selon le siècle dont on est spécialiste), le terme possède des compréhensions diverses et, sur certains points, inconciliables (Schaeffer 2004 : 292).
La pluralité de formes et de conceptions du roman est bien réelle et elle met en scène des difficultés au moment de le penser en tant que genre littéraire. Pourtant, cette « supposée identité sémantique transhistorique » du roman ne nous semble pas être si illusoire, même en sachant, avec MacKay, qu’elle est toujours construite a posteriori et, surtout, en fonction de la notion contemporaine du genre littéraire. Certes, les romans des XVIIIe et XIXe siècles constituent un corpus assez varié, et cela sans évoquer les différences linguistiques et nationales, voire régionales des textes. Néanmoins, il est possible d’identifier certains éléments qui permettent d’établir une distinction entre le roman moderne et les formes romanesques prémodernes (comme le « roman » grec, « la picaresca » ou les romans de chevalerie, par exemple). Le fait de reconnaître des différences historiques et contextuelles précises n’implique pas pour ← 17 | 18 → autant qu’il soit impossible de postuler une idée de roman moderne, idée qui contiendrait des problématiques communes à une partie importante des textes fictionnels en prose parmi les plus importants des trois derniers siècles. De ce point de vue, on considère qu’il est productif de formuler certains traits identifiables et communs à une série de textes romanesques, tout en conservant l’adjectif moderne, afin d’éviter des ambiguïtés, et partant du fait que l’on construit cette idée a posteriori et toujours à partir d’un corpus hétérogène.
En outre, pour revenir à la citation de Schaeffer, cette « supposée identité sémantique transhistorique » du terme roman reste active du côté des romanciers eux-mêmes, dans la mesure où ils doivent travailler sur une idée de roman et, à la fois, sur la matérialité des textes qui ont été identifiés comme des romans. Il convient de clarifier que nous employons le terme actif ou active dans le sens d’un élément qui agit et, par voie de conséquence, qui produit des effets, comme nous le verrons tout au long de cette étude. Certainement, le romancier a affaire à un ensemble de possibilités virtuelles à partir duquel il projette son travail, conçu, lui aussi, comme un roman. Cette position vis-à-vis de l’idée de roman moderne trouve des échos dans la façon dont Gérard Genette pensait au genre littéraire dans sa célèbre « Introduction à l’architexte » :
Il nous suffira donc, pour l’instant, de poser qu’un certain nombre de déterminations thématiques, modales et formelles relativement constantes et transhistoriques […] dessinent en quelque sorte le paysage où s’inscrit l’évolution du champ littéraire, et, dans une large mesure, déterminent quelque chose comme la réserve de virtualités génériques dans laquelle cette évolution fait son choix – non parfois sans surprises, bien sûr, répétitions, caprices, mutations brusques ou créations imprévisibles (Genette 1986 : 154).
Cette « réserve de virtualités génériques » – qui caractériserait le genre littéraire selon Genette – fait partie des matériels au moment de la production d’un texte donné. Schaeffer lui-même s’accordait sur ce point dans un autre texte, intitulé « Du texte au genre » : « […] pour tout texte en gestation le modèle générique est un ‘matériel’ parmi d’autres sur lequel il ‘travaille’ » (Schaeffer 1986 : 197). L’idée de roman moderne, telle qu’on la postule ici, fonctionne donc de la même façon, c’est-à-dire comme ce champ virtuel sur lequel ces trois écrivains contemporains hispano-américains travaillent. L’objectif est donc de montrer des caractéristiques communes entre cette idée de roman moderne et le roman contemporain hispano-américain, en particulier à travers les trois figures de Saer, Piglia et Bolaño. Il s’agit de montrer comment leurs poétiques reprennent sans cesse les éléments de ce champ virtuel du roman moderne et comment ces éléments-là produisent des formes concrètes. ← 18 | 19 →
L’idée de roman moderne à laquelle appartiennent les œuvres romanesques de Saer, de Piglia et de Bolaño implique, au moins, trois éléments : d’abord, une notion héritée de littérature moderne assez complexe, ensuite des éléments formels associés à ce genre littéraire et, finalement, des idées apportées par la théorie du roman – depuis ses origines romantiques allemandes, en passant par le développement du genre lui-même aux XVIIIe et XIXe siècles, jusqu’à la théorie littéraire proprement dite du XXe siècle. Il est important de remarquer que ces trois éléments entraînent donc un caractère double : ils concernent les pratiques et les formes d’écriture et, à la fois, ils relèvent d’une pensée théorique. L’idée de roman moderne qu’on essayera d’ébaucher et qui, de ce point de vue, est active chez ces trois auteurs hispano-américains, se nourrit donc de caractéristiques formelles des romans depuis le XVIIIe siècle européen et, en même temps, des postulats de la théorie du roman.
La recherche portera donc d’abord sur certaines caractéristiques des projets esthétiques de Saer, Piglia et Bolaño que l’on considère comme indissociables de trois traits particuliers de l’idée de roman moderne. Ces traits perçus comme fondamentaux et inhérents au genre romanesque moderne sont : l’indétermination, la relation à l’expérience et la réflexivité. Notre étude présentera ainsi la façon dont la poétique de ces auteurs hispano-américains tourne autour d’un travail sur ces trois piliers du roman moderne, pour ensuite analyser quels sont les effets spécifiques de ces traits au sein de quelques-uns de leurs textes romanesques. En ce qui concerne la méthodologie, il convient de préciser que la lecture comparée initiale des auteurs nous a permis de postuler l’existence d’une idée de littérature compatible entre les trois, ce qui nous a mené à chercher, par la suite, des caractéristiques marquantes du texte romanesque au sein de la théorie du roman. Les trois traits fondamentaux que nous proposons sont donc le résultat de la convergence des lectures croisées de Saer, Piglia et Bolaño, d’une part, et de la lecture de la théorie du roman, de l’autre. De même, l’approche théorique générale part d’une relecture critique de plusieurs aspects : elle s’inspire principalement de certains éléments du formalisme russe, du structuralisme français, des travaux narratologiques classiques et de ceux plus récents et, à la fois, elle reprend certains concepts de la théorie critique, en particulier de la pensée de Theodor Adorno, Walter Benjamin et Georg Lukács.
Sur Juan José Saer, Ricardo Piglia et Roberto Bolaño
Résumé des informations
- Pages
- 358
- Année de publication
- 2015
- ISBN (PDF)
- 9783035265392
- ISBN (MOBI)
- 9783035298604
- ISBN (ePUB)
- 9783035298611
- ISBN (Broché)
- 9782875742612
- DOI
- 10.3726/978-3-0352-6539-2
- Langue
- français
- Date de parution
- 2015 (Juin)
- Mots clés
- La ciudad ausente 2666 Roman moderne et contemporain
- Page::Commons::BibliographicRemarkPublished
- Bruxelles, Bern, Berlin, Frankfurt am Main, New York, Oxford, Wien, 2015. 358 p.