Primo Levi e la chimica delle parole / Primo Levi et la chimie des mots

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Préface

S.E. RAFFAELE DE LUTIO

Ambassadeur d’Italie à Luxembourg

L’histoire est pleine de crimes et d’horreurs, mais aucun n’a atteint le niveau du nazisme, véritable renversement de toute valeur humaine, fol essai de créer une nouvelle société fondée sur la négation de tous les principes sur lesquels est bâtie la coexistence humaine.

L’initiative d’organiser ce symposium dédié à Primo Levi – écrivain, mais aussi homme de science, victime et témoin de l’horreur absolue qu’a été le génocide nazi – est née d’une conversation privée entre le Recteur Tarrach et moi-même chez des amis, conversation sur Primo Levi, sur Se questo è un uomo, La tregua et les contes. Nous étions d’accord sur la valeur absolue de l’œuvre de Primo Levi et sur la nécessité de continuer à la présenter aux jeunes générations comme témoignage de l’extraordinaire dignité de l’être humain même face aux pires cauchemars, mais aussi parce que ses écrits sont avant tout, à mon avis, un témoignage de dignité, de la capacité de certains hommes de rester dignes encore face à l’horreur.

Dans tous ses livres, dans toutes ses interviews, Primo Levi nous a donné une leçon de dignité, grâce à laquelle il a vaincu ses assassins. Ils ont pu briser l’individu – son suicide en est malheureusement la preuve –, mais ils n’ont pas pu briser sa dignité, son humanité. Face aux folies et aux crimes que nous vivons encore aujourd’hui, le témoignage de Primo Levi garde toute sa valeur et s’adresse aussi aux nouvelles générations.

En tant qu’Ambassadeur d’Italie, je crois que cette initiative a une valeur particulière. Les persécutions raciales sont une page horrible de notre passé. En 2011 nous avons célébré le cent cinquantième anniversaire de l’Unité Italienne: c’est aussi l’occasion de réfléchir sur les persécutions raciales en Italie pendant la Seconde guerre mondiale et sur leur signification dans notre histoire nationale. Trop souvent les persécutions ont été considérées comme un élément étranger à la mentalité italienne. Ce n’est pas complètement faux, mais nous acceptâmes la discrimination raciale avec une médiocre attitude «machiavéliste»: les lois existent, mais elles ne seront pas appliquées. Nous savons aujourd’hui que les lois ont ← 9 | 10 → été malheureusement appliquées et qu’une partie de la société italienne, qui fut particulièrement active dans le Risorgimento, en a été la victime.

Il est vrai que l’Armée italienne a protégé les Juifs en France occupée, en Yougoslavie et en Grèce, que certains diplomates italiens ont délivré des faux documents à des Juifs pour les protéger; mais la persécution a bel et bien existé en Italie et il ne faut pas l’oublier. Quand on commence à faire des compromis avec sa conscience, on ne peut jamais savoir quand on s’arrêtera.

Voilà en quelques mots le sens de cette initiative qui, à mon avis, va bien au delà de la valeur de Primo Levi en tant qu’écrivain et homme de science.