La biographie individuelle et collective dans le champ des relations internationales
Résumé
Vitrine de la recherche actuelle dans sa diversité, ce volume, fruit d’un colloque organisé à l’Université de Liège, réunit les contributions de doctorants, post-doctorants et enseignants-chercheurs belges (francophones, néerlandophones et germanophones) ainsi que d’historiens français et luxembourgeois. Illustrant un fécond dialogue intergénérationnel, ces contributions offrent, quel que soit le cadre chronologique et géographique investigué, un éventail des pratiques aussi bien au point de vue de la manière d’aborder les biographies de diplomates qu’à ceux de la méthodologie et des sources mises en œuvre.
Extrait
Table des matières
- Couverture
- Titre
- Copyright
- Sur l’auteur
- À propos du livre
- Pour référencer cet eBook
- Table des matières
- Introduction
- Les biographies de diplomates : questions méthodologiques et enjeux scientifiques
- Mémoires, souvenirs et autres écrits de diplomates belges du XIXe au XXIe siècle. Essai de typologie d’une psycho-géographie du monde
- Un diplomate allemand en Belgique. Werner von Bargen (1898-1975) dans le débat autour de l’Auswärtiges Amt durant le « Troisième Reich » et dans la jeune République fédérale d’Allemagne
- To Become A Diplomat. Elements of a Collective Biography of the Belgian Diplomatic Corps before the First World War
- Recrutement et réseaux des représentants diplomatiques belges auprès du royaume d’Italie (1861-1911)
- Paul Hymans, de la guerre au crépuscule de l’Europe de Versailles
- Le corps diplomatique du Grand-Duché de Luxembourg
- Le secrétaire général du ministère belge des Affaires étrangères : fonction, profil et nomination (1944-2002)
- Ambassade ou nid d’espions ? Les diplomates polonais en Belgique pendant la guerre froide
- Contributeurs
- Titres de la collection
Université de Liège
Université catholique de Louvain - Académie royale de Belgique
Fondé en 2009, le groupe de contact du F.R.S.-FNRS « Belgique et mondes contemporains » s’emploie depuis lors à constituer un réseau de chercheurs, débutants ou confirmés, soucieux de faire progresser la recherche sur l’insertion de la Belgique dans un environnement international de plus en plus européanisé et mondialisé1. Forum d’échange entre ses membres, issus de toutes les communautés linguistiques belges et de l’étranger, il est aussi un efficace vecteur de rencontres scientifiques réelles par le truchement de ses journées d’études. Six colloques ont eu lieu entre 2010 et 2015 dans diverses universités et institutions muséales. Trois d’entre eux se sont concentrés sur les nouvelles recherches en histoire africaine et coloniale, donnant lieu à la publication d’un ouvrage chez PIE Peter Lang en 20142. Les trois autres se sont focalisés sur l’évolution de l’historiographie des relations internationales de la Belgique (Université de Liège, 2010), sur la question des transferts culturels dans l’Europe du Nord-Ouest (UCL-Mons, 2012) et sur les biographies individuelles et collectives dans le champ des relations internationales. Ce sont les actes de cette dernière rencontre, organisée à l’Université de Liège le 15 février 2014, qui font l’objet du présent volume.
Longtemps méprisée ou déclassée dans l’historiographie universitaire francophone, sous l’influence notamment de l’école des Annales ← 9 | 10 → promouvant l’histoire des masses, du temps long et des phénomènes socio-économiques, la biographie a progressivement retrouvé ses lettres de noblesse à partir des années 1970-1980 qui marquent le retour de l’individu. Elle a pu alors s’appuyer sur l’expérience acquise dans d’autres champs historiographiques, particulièrement dans les pays anglo-saxons, et sur les avancées de l’histoire culturelle et des représentations3. En matière de relations internationales, les biographies de diplomates vont bientôt constituer une nouvelle veine, non pour elles-mêmes mais dans la mesure où elles permettent de mieux comprendre les processus décisionnels, le fonctionnement d’un milieu et l’évolution d’une profession et de ses pratiques. Pour autant, le sujet n’a de sens que s’il permet, comme l’écrit Pierre Milza, de « relier l’individuel au collectif »4 et d’inscrire le parcours des hommes dans le schéma des forces profondes définies par Pierre Renouvin et Jean-Baptiste Duroselle.
Ce recueil d’articles se veut une vitrine de la recherche actuelle mais, plus encore, de sa diversité. Une grande liberté a été laissée aux auteurs – doctorants, post-doctorants et enseignants-chercheurs – dans la manière d’aborder les biographies de diplomates, dans la méthodologie adoptée et dans le cadre chronologique et géographique investigué, pour autant que ce dernier réponde à l’objet du groupe de contact. À une époque où la liberté et l’autonomie du chercheur semblent avoir tendance à se restreindre sous l’effet d’une culture de l’évaluation envahissante et de l’uniformité qu’elle génère, il nous a paru salutaire de ménager un tel espace de respiration. Nous souhaitions en outre que le volume permette de lire les travaux d’historiens belges francophones, néerlandophones et germanophones mais aussi d’historiens issus de pays voisins, en l’occurrence la France et le Luxembourg. Tous ont mis l’accent sur la question cruciale des sources, notamment archivistiques, et de leur accessibilité. La problématique de l’ouverture et de la conservation des archives – publiques ou privées – est en effet fondamentale et nécessiterait à la fois une meilleure prise en considération et un financement adéquat par les pouvoirs publics5. ← 10 | 11 →
L’ouvrage se compose de neuf contributions. Il s’ouvre sur une étude méthodologique et historiographique qui, à partir du cas français, entreprend d’exposer l’importance du genre biographique dans le cadre d’une histoire renouvelée des relations internationales. Sans négliger la question des sources, Stanislas Jeannesson (Université de Nantes – Centre de recherches en histoire internationale et atlantique) y souligne les particularités des biographies de diplomates, qu’elles soient collectives ou individuelles, en insistant sur le rôle de ceux-ci comme acteurs du processus décisionnel et sur la possibilité pour l’historien d’interroger l’existence d’une « société diplomatique » européenne voire mondiale.
Les sources autobiographiques sont au cœur du premier article que Michel Dumoulin (UCL) publie dans ce volume. Il y entreprend une typologie des mémoires et souvenirs de diplomates belges visant à éclairer une « psycho-géographie du monde », c’est-à-dire la construction des rapports de méfiance et de confiance entre les peuples. Catégorisant les témoignages mais également leurs auteurs – globe-trotters, poètes, techniciens, plaideurs ou mémorialistes – il présente un séquençage de leurs écrits, du XIXe siècle à nos jours, en soulignant l’importance des deux guerres mondiales.
Christoph Brüll (FNRS – Université de Liège) clôture la dimension historiographique de l’ouvrage en éclairant la controverse publique autour du ministère allemand des Affaires étrangères entre 1933 et les années 1950 à la lumière du parcours du diplomate Werner von Bargen. Celui-ci fut en poste en Belgique de 1937 et 1943, confronté à la réalité de l’occupation et, notamment, de la déportation des Juifs, une dimension très présente dans les débats mémoriels. S’interrogeant sur les ruptures et les continuités, Chr. Brüll se penche sur le reclassement des élites nazies dans les sphères dirigeantes de la RFA et sur leur capacité à faire de celle-ci une démocratie libérale.
Les six autres contributions sont autant d’études de cas, individuels et collectifs, abordés dans un enchaînement chronologique. Cherchant à isoler les éléments d’une prosopographie des diplomates belges à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, Michael Auwers (Universiteit Antwerpen) s’appuie sur le témoignage du jeune André de Kerchove de Denterghem qui, à l’aube d’une entrée dans la Carrière, soupèse avec son épouse les avantages et les inconvénients d’un tel choix, examinant ses aspects matériels, sociaux et intellectuels. M. Auwers dégage le nécessaire habitus aristocratique qui constitue alors la clé d’un parcours diplomatique dans une Belgique pourtant en voie de démocratisation.
Vincent Genin (Université de Liège) consacre quant à lui sa contribution aux cinq premiers diplomates belges accrédités auprès du jeune Royaume d’Italie entre 1861 et 1911. S’interrogeant sur leur mode de désignation, ← 11 | 12 → leur parcours antérieur et leur réseau de sociabilité, il dégage certaines constantes en termes d’origine sociale ou géographique, de lien à une Italie réelle ou rêvée mais aussi d’orientation politique. En outre, la dimension collective donnée à cette recherche biographique permet, en miroir, de mieux comprendre l’évolution des relations bilatérales belgo-italiennes.
Le second article signé par Michel Dumoulin (UCL) se penche sur le parcours du libéral Paul Hymans, principale incarnation de la politique étrangère belge de la fin de la Première Guerre mondiale au milieu des années 1930. Alors que fut commémoré, en 2015, le cent-cinquantième anniversaire de la naissance de l’homme d’État, M. Dumoulin s’emploie moins à dresser le portrait du personnage qu’à le situer dans son environnement personnel et social en insistant sur les moments clés de sa carrière internationale : l’expérience fondatrice et douloureuse de la Grande Guerre et de la Conférence de Paix mais aussi son rôle à la Société des Nations et dans la préparation des accords de Locarno.
Dans une contribution issue de sa thèse, Corinne Schroeder (Archives nationales de Luxembourg) décrit la naissance du corps diplomatique luxembourgeois. Quoique le Grand-Duché ait disposé d’envoyés, surtout dans les pays voisins, dès 1867, il faut néanmoins attendre le lendemain de la Seconde Guerre mondiale pour voir se professionnaliser le métier de diplomate et se créer les services extérieurs du ministère. Cette réalité nouvelle se déploie dans un contexte de développement des relations multilatérales, de la construction européenne et des relations économiques internationales. Examinant l’origine, la formation et le vécu des diplomates luxembourgeois, C. Schroeder modélise une élite profondément inscrite dans un cadre européen.
Sur le même mode prosopographique, Vincent Delcorps (UCL) s’attache à une catégorie particulière de grands commis de l’État : les huit secrétaires généraux du ministère belge des Affaires étrangères de 1945 à la réforme Copernic (2002). S’appuyant sur des sources archivistiques et une enquête orale, l’auteur propose d’abord une réflexion sur la fonction elle-même, au travers des textes et de leur application : il en ressort que l’importance du secrétaire général dans les rouages du ministère est cruciale mais néanmoins en recul au fil des décennies. V. Delcorps analyse ensuite le processus de démocratisation du secteur et l’emprise croissante des partis politiques sur le processus de désignation des secrétaires généraux.
Enfin, dans la dernière contribution de ce volume, Idesbald Goddeeris (KULeuven) fait revivre le temps de la guerre froide et de l’espionnage entre blocs à travers l’exemple des diplomates polonais en Belgique. Les parcours de ces envoyés officiels en double mission peuvent aujourd’hui ← 12 | 13 → être retracés grâce à l’ouverture des archives des services de sécurité. À partir du cas particulier d’Andrzej Krawczyk, dans la deuxième moitié des années 1980, l’auteur dégage certains éléments généralisables à d’autres diplomates-espions et prouve qu’à l’Ouest, divers postes ont constitué des plaques tournantes du renseignement pour les régimes communistes d’Europe orientale.
Entre l’analyse micro-historique et la prosopographie, entre l’étude de cas et le décryptage d’un milieu ou d’un réseau, ce recueil de contributions nous semble offrir un panorama stimulant de la recherche en cours en Belgique et dans les pays limitrophes. Sans prétendre à une exhaustivité qui ne serait d’ailleurs ni possible, ni souhaitable, il se veut avant tout une invitation à poursuivre et à croiser plus encore les recherches et les approches en matière de relations internationales aux XIXe et XXe siècles. ← 13 | 14 →
1 Dumoulin, Michel (président) et Lanneau, Catherine (secrétaire), « Demande de constitution d’un groupe de contact du FNRS “Belgique et mondes contemporains - Belgium and Contemporary Worlds” », 1er mai 2009.
2 Van Schuylenbergh, Patricia, Lanneau, Catherine et Plasman, Pierre-Luc (dir.), L’Afrique belge aux XIX e et XXe siècles. Nouvelles recherches et perspectives en histoire coloniale (Outre-Mers, 2), Bruxelles, PIE Peter Lang, 2014. Cet ouvrage rassemblait les actes des journées d’études « La Belgique et l’Afrique. Aggiornamento historiographique » (Université catholique de Louvain, 7 mai 2011) et « Nouvelles études congolaises. Recherches en cours » (Musée royal de l’Afrique centrale, Tervueren, 4 février 2012).
3 Sur ce sujet, voir Levillain, Philippe, « Les protagonistes : de la biographie », in Rémond, René (dir.), Pour une histoire politique, Paris, Seuil, 1988, p. 121-159 et Milza, Pierre, « Figures de grands décideurs : l’intérêt de la biographie », in Frank, Robert (dir.), Pour l’histoire des relations internationales, Paris, PUF, 2012, p. 545-559.
4 Milza, Pierre, « Figures de grands décideurs », op. cit., p. 552.
5 À la veille des élections fédérales et régionales belges du 25 mai 2014, le sujet a donné lieu à la rédaction d’un mémorandum par l’Association des archivistes francophones de Belgique (AAFB) sous le titre : « Les archives… un révélateur de l’état de notre société ? » (téléchargeable en ligne, à partir du site de l’AAFB, sur http://media.wix.com/ugd/0f8d31_d4501b1df9ec4684a3556305d2410fda.pdf, page consultée le 26 décembre 2015).
Les biographies de diplomates : questions méthodologiques et enjeux scientifiques
Résumé des informations
- Pages
- 234
- Année de publication
- 2016
- ISBN (PDF)
- 9783035266016
- ISBN (MOBI)
- 9783035297447
- ISBN (ePUB)
- 9783035297454
- ISBN (Broché)
- 9782875743251
- DOI
- 10.3726/978-3-0352-6601-6
- Langue
- français
- Date de parution
- 2016 (Avril)
- Mots clés
- relations internationales francophone Biographies de diplomates
- Page::Commons::BibliographicRemarkPublished
- Bruxelles, Bern, Berlin, Frankfurt am Main, New York, Oxford, Wien, 2016. 234 p.