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La vie artistique en Allemagne après 1945

Analyses et réflexions sur l’enseignement et ses répercussions dans l’art

de Axelle Fariat (Auteur)
©2018 Monographies 390 Pages

Résumé

Au lendemain de la défaite et de la capitulation sans condition, les artistes enseignants ont joué un rôle déterminant dans le renouveau de la vie culturelle en Allemagne après 1945. Expositions et émergence de nouveaux mouvements, comme les groupes SPUR et ZERO, en témoignent. Fondé sur un considérable travail en archive et la collecte de témoignages précieux, cet ouvrage analyse les institutions d’enseignement artistique des quatre zones d’occupation – devenues en 1949 la RFA et la RDA. L’enseignement artistique dans l’ensemble des territoires occupés n’avait jamais encore été considéré dans sa globalité. Or, il a fortement contribué à la rééducation voire à l’éducation à la démocratie de la jeune génération. Celle-ci a bénéficié de la transmission des savoirs par les aînés, hantés par l’expérience du national-socialisme. Cet aspect très particulier de l’évolution de l’Allemagne met en lumière les interactions entre les enjeux politiques, idéologiques, socio-économiques et intellectuels. Ainsi, l’interprétation de la notion de « démocratie » est différente selon les occupants, suscitant des débats idéologiques autour du formalisme notamment. En 1950 se produisit une nouvelle querelle des « Anciens » et des « Modernes » à Darmstadt, autour de l’historien de l’art Hans Sedlmayr d’une part et du peintre Willi Baumeister de l’autre. Des questions se posent : Que signifie la liberté artistique ? Quelle a été l’influence de ces controverses sur l’enseignement et sur l’art allemand d’après-guerre ?

Table des matières

  • Couverture
  • Titre
  • Copyright
  • Sur l’auteur
  • À propos du livre
  • Pour référencer cet eBook
  • Remerciements
  • Table des matières
  • Abréviations
  • Avant-propos
  • Introduction
  • Partie 1. Aperçu socio-politique et artistique
  • Chapitre 1. L’art allemand avant 1945 : de l’apogée au déclin
  • I. L’élan artistique sous la République de Weimar
  • II. 1933, la rupture
  • III. La régression de l’enseignement sous le Troisième Reich
  • Chapitre 2. La situation artistique et culturelle après 1945
  • I. La question de la dénazification
  • II. Repartir après 1945 ?
  • Chapitre 3. La reprise de l’enseignement artistique
  • I. Dénazifier le corps enseignant
  • II. Quel type d’enseignement proposer ?
  • III. Qui va venir étudier dans les institutions artistiques ?
  • IV. Une réforme de l’enseignement artistique est-elle possible ?
  • V. 1949-1950, état des lieux des institutions artistiques
  • Partie 2. Enseigner l’art en plein débat artistique après 1949
  • Chapitre 4. Art figuratif versus art non figuratif, au-delà de l’idéologie
  • I. Les débats sur le formalisme en RDA
  • II. L’enseignement de l’art non figuratif
  • Chapitre 5. Trois anciens élèves du Bauhaus à la tête d’institutions
  • I. Gustav Hassenpflug à Hambourg
  • II. Max Bill à Ulm
  • III. Walter Funkat à Halle
  • Chapitre 6. L’alphabétisation de l’œil
  • I. Genèse du cours fondamental
  • II. Boris Kleint à Sarrebruck
  • III. Hannes Neuner à Stuttgart
  • IV. Kurt Kranz à Hambourg
  • V. Josef Albers à Ulm : « apprendre à voir »
  • VI. Lothar Zitzmann à Halle
  • Partie 3. La jeune génération et la création artistique
  • Chapitre 7. Le champ artistique à la fin des années 1950 en RDA
  • I. L’École du graphisme et des arts du livre de Leipzig
  • II. L’École supérieure des beaux-arts de Dresde
  • Chapitre 8. Évolution du langage artistique à la fin des années 1950 en RFA
  • I. Vers une nouvelle forme de figuration : Konrad Klapheck
  • II. Remise en cause de la société de consommation
  • III. Oskar Holweck à Sarrebruck
  • Chapitre 9. Obtenir un diplôme ou étudier auprès d’un maître renommé ?
  • Conclusion
  • État des sources
  • Index
  • Titres de la collection

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Abréviations

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Avant-propos

Né le 10 février 1935 à Düsseldorf, artiste et professeur émérite de peinture à l’Académie d’art de Düsseldorf, j’ai assisté et activement participé comme membre de jury à la soutenance d’Axelle Fariat.

Ce travail est le résultat de recherches diligentes et profondes et sera pour les futures générations d’historiens de l’art une source inestimable de documentation, impossible d’ignorer. Elle a réalisé un important travail de synthèse.

Elle s’est concentrée sur des figures représentatives d’artistes enseignants que j’ai pu connaître. Pour compléter son travail en archives et étayer ses hypothèses, elle a ainsi interviewé plusieurs centaines d’artistes, ex-étudiants et professeurs encore actifs ou du passé.

Les entretiens apportent des éclaircissements sur des points que l’on ne trouve pas facilement dans les ouvrages d’art. Elle s’est intéressée aux relations existantes entre les artistes des deux Allemagnes. Ainsi je lui avais raconté mon étonnement quand j’ai rencontré des artistes de la RDA lors de l’exposition « documenta 6 » de 1977 : j’ai eu l’occasion de tenir une conversation cordiale avec Werner Tübke.

Axelle Fariat a su rendre compte de l’après-guerre quand tout était en ruines. L’évocation de cette période me touche particulièrement, car j’avais 11 ans en 1946. Mais c’était une période de grand espoir. J’ai vu la ville se reconstruire et devenir un lieu international d’échanges. ← 15 | 16 →

Elle a très bien su décrire et préciser les oppositions de cette période : entre une peinture figurative et celle consacrée à l’abstraction, entre le système du réalisme socialiste, prescrit par la dictature de l’Allemagne communiste et la liberté qui régnait dans les académies d’art de l’Allemagne de l’Ouest. Un tel travail est attendu, il présente l’évolution artistique dans les quatre zones d’occupation puis en Allemagne de l’Ouest et en Allemagne de l’Est.

Axelle Fariat a renoncé à une théorie prématurée de conclusion laissant ainsi les portes ouvertes aux futures générations d’historiens de l’art, à toute sorte d’interprétations.

Prof. Konrad Klapheck

Professeur d’art émérite

Académie des Beaux-Arts de Düsseldorf

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Introduction

Depuis les deux dernières décennies du XXe siècle, les artistes allemands occupent une place majeure dans le marché de l’art, succès qui ne se dément pas. Ainsi, en 2001, l’Allemagne tient le deuxième rang derrière les États-Unis. On compte seize artistes allemands parmi les vingt-trois artistes contemporains les plus réputés : Sigmar Polke, Gerhard Richter, Rosemarie Trockel, Georg Baselitz, Günther Förg, Thomas Schütte, Andreas Gursky, Carsten Höller, Thomas Ruff, Anselm Kiefer, Thomas Struth, Tobias Rehberger, Katharina Fritsch1.

Le premier rang des Allemands au sein des Européens amène à s’interroger sur les origines de ce succès. Or, ces artistes font partie de la génération formée durant l’après-guerre. De cette constatation découle notre thème d’étude : comment l’émergence de nouveaux talents a-t-elle été possible dans une époque aussi tourmentée ? La réussite de ces artistes devenus souvent à leur tour enseignants est-elle à mettre au crédit d’une formation prodiguée par les établissements artistiques ? Une grande part des réponses se trouve dans les archives et également auprès des témoins et des spécialistes de la période. La question paraît d’autant plus épineuse à l’aune du bilan dressé par Yves Michaud au sujet des académies d’art en France, qui ont réussi le prodige de ne créer aucun maître de grande renommée de 1863 à 19602. ← 17 | 18 →

En Allemagne, la formation artistique a eu une influence indéniable sur le devenir des élèves. C’est là que réside l’intérêt d’un travail sur le renouveau de l’enseignement artistique en Allemagne dans la période allant de 1945 à la construction du Mur de Berlin en 1961 : un pays divisé qui devient l’épicentre de la guerre froide. Cette période cruciale de l’histoire de l’art, de l’histoire de l’enseignement artistique explique les conditions de la réussite de l’art allemand à partir du début des années 1960.

Il convient de définir ici ce que nous entendons par « enseignement artistique » qui concerne plusieurs domaines : le théâtre, la danse, les beaux-arts et la musique. Ici le propos se limite à la formation artistique en école d’art, en rajoutant le cas très particulier de l’École d’Ulm. Nous emploierons le terme « enseignement artistique » tout au long de l’étude.

État de la recherche

La question de l’enseignement de l’art et de son apprentissage se pose : peut-on enseigner l’art et peut-on l’apprendre ? Quelle que soit la période, l’enseignement de l’art se fait autour de deux relations :

L’enseignement artistique en Allemagne a fait l’objet d’études diverses. Des chercheurs se sont attachés à une large période ou à une institution en particulier. Ainsi, l’historien de l’art allemand Ekkehard Mai s’interroge, depuis les années 1970, sur la formation artistique donnée dans les académies d’art allemandes au XIXe siècle, période de profonds changements avec l’adoption de nouveaux modèles d’enseignement dans les académies d’art et dans les écoles des arts décoratifs à la fin du XIXe siècle4. La période qui nous intéresse, concernant les écoles d’art ← 18 | 19 → après la Seconde Guerre mondiale dans les quatre zones d’occupation, n’a pas encore fait l’objet d’étude spécifique.

Pour notre sujet, Wolfgang Ruppert et Christian Fuhrmeister s’interrogent sur les différents types de formation artistique en Allemagne entre 1918 et 1968, lors d’un colloque organisé en 20085. Sabine Fastert y aborde l’intégration difficile de l’art abstrait à l’Académie des beaux-arts de Munich après 1945. Dawn Leach (responsable des archives) présente l’Académie d’art de Düsseldorf. Karl-Siegbert Rehberg apporte une vision globale de la zone soviétique à travers plusieurs exemples. Les autres articles de quelques pages ne concernent qu’une école et qu’une période, mais souvent plus longue que celle étudiée ici.

En 1987, Diethelm Jungkunz et Gerhard Baller publiaient une présentation générale de l’enseignement artistique en Allemagne de la fin du XIXe siècle à nos jours6. Rainer Beck a poursuivi des recherches ponctuelles sur la notion d’art et d’enseignement dans l’Académie7. Sa vision d’historien de l’art en académie et son aide nous ont été très précieuses.

L’historien de l’art Nikolaus Pevsner (1902-1983) est le seul à avoir retracé la genèse des académies d’art au niveau européen du XVIe au début du XXe siècle. Réfugié en Angleterre pendant le Troisième Reich, il a publié Academies of Art en 1940, traduit en allemand en 1986 puis en français en 1999. Il s’est intéressé au contenu de l’enseignement et à son rôle dans la vie artistique, c’est-à-dire l’environnement de l’artiste (expositions d’art, marché de l’art, évolution des collections et des théories esthétiques). Il a démontré le déclin des académies lié au conflit entre l’artiste et la société moderne au début du XXe siècle. Il va aux sources du problème en puisant dans le passé. L’auteur conclut que « de toutes les nations européennes, l’Allemagne, depuis 1918, est celle qui est allée le plus loin, en réformant ses académies d’art, et en ← 19 | 20 → les intégrant dans un même ensemble avec les écoles de métiers et de dessin industriel » – il arrête son étude au début des années 1930. Lors de la deuxième édition de 1969, il déplore qu’aucun jeune historien de l’art n’ait accepté de continuer les recherches8. Nous proposons d’apporter une suite à son travail, en nous attachant exclusivement à l’Allemagne. Notre étude veut apporter un regard inédit sur une période de gestation pour toute une génération d’artistes, de remise en question complète pour dépasser les normes imposées et retrouver la créativité d’antan. La vitalité artistique de la période est confirmée par Serge Lemoine : « Les années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale apparaissent aujourd’hui plus décisives que jamais […] parce qu’elles ont vécu la naissance et le développement de nouvelles formes d’expression, qui caractériseront pour plusieurs décennies le paysage artistique occidental : en somme un nouveau départ9. »

Objet et méthode

Un sujet aussi vaste contraint à faire des choix difficiles, une étude exhaustive s’avérant impossible. Par conséquent, le dessein de la présente thèse est de donner une image du renouveau10 – au sens de nouveau départ – de l’enseignement artistique pendant la période de l’histoire allemande allant de 1945 à l’année 1961, en tenant compte du contexte très particulier qui fait partie intégrante du sujet. Une telle limitation se justifie par le thème. Le 13 août 1961 marque une rupture se voulant définitive entre les deux Allemagnes avec l’édification du Mur de Berlin, la volonté de s’enfermer chacun dans une logique quasi manichéenne où l’art devient un outil de propagande. La problématique est inédite du fait de la séparation, dans un premier temps, en quatre zones d’occupation, puis en deux États créés en 1949 : la RFA et la RDA. Sur un territoire amputé, mais étant l’héritier d’un ensemble de terres de langue allemande, la gestion séparée est complexe. Au début de la période, les Allemands croient encore en la possibilité « d’une Allemagne toute entière », mais la séparation entre ← 20 | 21 → les deux blocs va peu à peu amener à un renoncement et compliquer la recherche d’une identité, comme nous avons pu le constater à la fois dans les archives et surtout au travers du témoignage de ceux qui ont vécu cette période.

L’enseignement artistique a été l’objet d’une attention particulière de la part des quatre occupants qui y ont vu un moyen de rééducation à la démocratie, même si cette notion a eu une signification différente selon les zones11. Après 1945, la première question – tant du côté des Occupants que du côté allemand – est de savoir quel enseignant a adhéré au nazisme. La dénazification est la première étape d’un long processus. Comment, pour un Allemand, créer après douze années de national-socialisme ? Cela apparaît un défi impossible à relever pour la majorité. Il va falloir apprendre à apprécier ce dont on ignore l’existence ; ce que la génération précédente a appris à rejeter. Les artistes interrogés, qui étaient adolescents ou jeunes adultes, ont surtout témoigné de leur méconnaissance totale de l’art européen du XXe siècle. Les jeunes Allemands doivent passer par l’apprentissage qui va les guider dans leur construction, voire reconstruction identitaire.

Sur quelles bases alors peut repartir une Allemagne coupée en quatre, mise au ban des nations ? À quelles valeurs faut-il se fier ? Il faut faire table rase d’un passé qui a occulté toute une partie de l’évolution artistique européenne et allemande et l’a qualifiée de « dégénérée ». Il ne faut pas oublier que pendant le Troisième Reich « composer ou exposer des œuvres marquées par d’autres tendances que l’art officiel, signifiait risquer sa vie12. »

Le cas de Berlin est trop spécifique par son statut d’occupation quadripartite, car l’aspect politique l’emporte sur tout le reste. Günther Grass écrit :

Berlin, ce lieu « fichu », que les idéologues réoccupent déjà, renaissant de crise en crise, plate étendue entre des montagnes de ruines. Des places déblayées, sur lesquelles le vent faisait constamment se tordre les sacs en papier qui trainaient. Sans cesse la poussière de brique entre les dents. Des querelles à tout propos […]. La guerre ← 21 | 22 → froide au moyen de haut-parleurs. Et pourtant, le Berlin de ces années-là était – malgré toutes ces criailleries – un lieu au silence de mort. Le temps y avait résisté à toute accélération13.

Pour avoir une « palette » représentative de la politique culturelle des quatre Grands, nous avons choisi d’étudier les exemples d’institutions suivants : en zone américaine, les académies d’art de Karlsruhe, de Munich, de Nuremberg, de Stuttgart et l’École d’Ulm (Hochschule für Gestaltung, HfG) : en zone britannique, l’Académie d’art de Düsseldorf et l’École d’art de Hambourg (Landeskunstschule). En zone française, on peut mentionner la Bernsteinschule bei Sulz am Neckar, École privée d’art créée par Paul Kälberer en 1946. En raison de la proximité des académies d’art de Karlsruhe et de Stuttgart en zone américaine, cette institution n’a pas eu le rayonnement souhaité ; de plus nous avons pu constater que les autorités françaises ont préféré porter toute leur attention au Centre des Métiers d’art (Schule für Kunst und Handwerk) de Sarrebruck14. Enfin, en zone soviétique, ce sont trois villes complémentaires qui font l’objet de l’étude : l’Académie des beaux-arts de Dresde, l’École d’art Burg Giebichenstein de Halle-sur-Saale et l’Académie du graphisme et des arts du livre (Akademie für Graphik und Buchkunst) de Leipzig. Le nombre de centres par zone reflète l’importance territoriale de chacune. Nous avons sélectionné divers types d’institutions réparties dans les quatre zones d’occupation : académie des beaux-arts, école supérieure des beaux-arts, école supérieure d’arts appliqués, Centre des Métiers d’art, « école supérieure de design » ou littéralement « université des arts et du design ». La distinction est d’autant plus complexe qu’il y a eu de nombreux changements de statuts pendant la période étudiée, comme nous le verrons à travers le conflit entre arts plastiques et arts appliqués.

Dans l’immédiat après-guerre, les institutions artistiques allemandes doivent être un lieu d’expression et un foyer de créateurs, mais il faut trouver les enseignants. À qui va-t-on confier cette mission ? Quels vont être les résultats obtenus ? ← 22 | 23 →

Résumé des informations

Pages
390
Année de publication
2018
ISBN (PDF)
9782807604421
ISBN (ePUB)
9782807604438
ISBN (MOBI)
9782807604445
ISBN (Broché)
9782807604414
DOI
10.3726/b14137
Langue
français
Date de parution
2018 (Juillet)
Page::Commons::BibliographicRemarkPublished
Bruxelles, Bern, Berlin, New York, Oxford, Wien, 2018. 390 p., 8 ill. n/b

Notes biographiques

Axelle Fariat (Auteur)

Docteur en Histoire de l’art, Axelle Fariat est spécialiste de l’art, de l’enseignement et de la vie culturelle en Allemagne ainsi que de l’histoire du design.

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Titre: La vie artistique en Allemagne après 1945